PETOSAURE: Le musc

France, Rock (Autoproduction, 2019)

Un groupe qui s’appelle Petosaure, moi, ça me fait directement penser à Lanfeust. Et un Ep qui s’intitule Le musc, pareil, mais aussi au roman de Patrick Suskind Le parfum. Et les ambiances développées tout au long de ce disque de 5 titres confirment rapidement que nous sommes entraînés dans un autre monde… Avec ses portes qui craquent, ses pas qui résonnent, le premier titre, Mort subite, m’évoque, dans son introduction, un mélange de Dr Stein (Helloween) et le côté sombre de Wormfood sur son dernier album. La suite est une exploration d’ambiances à la fois légères, aérienne, mélancoliques et oppressantes. Peu de guitares sont présentes, mais les ambiances et les textes sont particulièrement travaillés et, de ce fait, remarquables au sens propre du terme et cela tout au long du disque. Vampyre évoque plus qu’une certaine comtesse, Don Quixote navigue entre délire et psychédélisme et ses sonorités électro rappellent les début du style, période Bugles en moins rythmé. Et Bashung n’est pas loin. Kielbassäh, lent, nous entraîne aux portes de l’enfer de la guerre, vue de près. La musique n’a pas besoin d’être speed pour être lourde. Les catacombes, le titre est bien choisi pour clore ce premier essai est sombre et rappelle l’ambiance des fêtes foraines. Petosaure propose ici un Ep à mille lieues du metal et pourtant… Son univers est intriguant et attirant, on se laisse facilement entraîner dans les profondeurs sombre que le groupe nous propose. Un disque singulier, particulier et prometteur.

Publié dans CD.

SAXON: The eagle has landed – 40 live

Heavy metal, Angleterre (Silver lining, 2019)

Saxon est sans doute plus fidèle à ses fans que ses fans ne l’ont été au fil des décennies. Le groupe de Biff Byford (dont la santé semble retrouvée et qui proposera en février 2020 son premier album solo) tourne inlassablement, enregistrant de nombreux témoignages. Alors que le groupe de Barnsley célèbre cette année 40 ans de carrière, Silver lining a publié au milieu de l’été ce superbe triple album qui reprend la série des live d’origines: The eagle has landed 40 live. Trois CD  regroupant la bagatelle symbolique de 40 titres enregistrés lors de divers concerts et festivals entre 2007 et 2018 (chaque CD couvrant respectivement les périodes 2007-2011, 2013-2014 et 2015-2018). Si ce nouveau live renferme évidemment les indispensables classiques des années 80 (principalement sur le second CD avec un gros morceau du Wacken de 2014 doté d’orchestrations symphoniques),  l’album se concentre aussi sur les réalisations les plus récentes du groupe, depuis son retour en force depuis Lionheart en 2004, et plus encore depuis le retour à la stabilité du line-up en 2007, année de sortie de The inner sanctum. Mais on n’en veut pas à Saxon de zapper quelque peu les « années sans » tant sa carrière est riche et Saxon très en forme ces dernières années. Le groupe reste même une des plus sûres valeurs du circuit. Normal, me direz-vous, ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. Quiconque a vu Saxon live sait quelle claque on peut prendre, et cette compilation est là pour nous le rappeler. 40 titres donc pour 40 ans de bons et loyaux loyaux services avec une seule incartade (qui aurait presque pu être proposée en bonus): une reprise de Ace of spades de Moörhead interprétée en compagnie de Fast Eddie. Un morceau qui sonne comme un hommage. Saxon, un des derniers monstres sacrés de la planète Heavy metal? Cela ne fait aucun doute!

RAGARAJA: Egosphere

Metal progressif, France (Autoproduction, 2019)

Démarrant avec une instrumentation digne de films de SF ou d’heroic fantasy, au choix, Ragaraja entre dans le vif du sujet avec Premier souffle. Et là, ça déménage sévère! Heavy, double grosse caisse en avant, le titre est saccadé. Euryale hurle ses paroles et les vomissant à la face du monde. Sa colère (soit disant contenue – cf. l’interview du groupe) semble constante. Pourtant, le groupe distille nombre de jalons intrigants tout au long de ses titres. La puissance est toujours présente, mais doublée de références orientales, indiennes, de guitares saccadées, de breakdown et de touches plus légères. Ragaraja propose un mélange judicieux de metal progressif, extrême et léger à la fois, teinté de death et de djent. Un peu de chant clair donnerait peut-être une autre efficacité à la musique des Parisiens. Egosphere reste cependant un album surprenant qui sort des standards du genre. Pas étonnant que le groupe se retrouve en ouverture de Sidilarsen à Paris le 23 novembre.

MICHAEL MONROE live à Paris (la Maroquinerie, le 29 octobre 2019)

Michael Monroe à Paris, c’est un événement rare. La Maroquinerie qui l’accueille aujourd’hui est plus que correctement remplie bien que n’affichant pas sold out. Peu importe, car ce soir, l’adage disant que les absents ont toujours tort va de nouveau prendre tout son sens. Et ceux qui croient que ce public n’est composé que d’anciens se trompent. De nombreux jeunes sont ce soir présents, certaines ayant découvert le phénomène au travers du biopic The Dirt. Et ont craqué pour le dandy électrique au point de vouloir le découvrir en vrai.

D’abord, ce sont les Polonais de Chemia qui ont pour mission de chauffer la salle. Si les trois premiers titres ne me parlent guère, la suite, rock et groovy, se fait plus intéressante. Il s’avère difficile pour les 5 de se déplacer sur cette petite scène qui voit la batterie reléguée côté cour. Un espace restreint qui n’empêche pas le chanteur Luke Drapala d’afficher un grand sourire.

Naturellement orienté sur le second album, Chemia démarre toutefois avec Bondage of love, extrait de son premier album de 2013. Et tout au long des 10 morceaux interprétés, le groupe réserve une ou deux exclu au public parisien, dont ce Gotta love me (si ma mémoire est juste) que Chemia joue pour la première fois. Et Luke de rajouter que, de toutes façons, c’est la première fois pour toutes les chansons puisqu’ils ne sont jamais encore venus à Paris. Un peu d’humour qui indique sans doute que l’homme est détendu.

Détendu et à sa place lorsqu’il invite, à deux reprises, le public à participer, d’une part sur le susmentionné Gotta love me puis, à la fin du set sur I love you so much au rythme ultra groovy, entraînant et dansant, auquel le public répond d’ailleurs très positivement. Sans révolutionner le genre, Chemia se révèle une agréable mise en bouche.

La salle rétrécit petit à petit. Ou plutôt, le public se fait plus dense. Les attentes sont nombreuses ce soir et l’on peut comprendre pourquoi. Son dernier passage « parisien » remonte au mois d’octobre 2015, au Forum de Vauréal. Et je me souviens avoir vu l’ex-leader d’Hanoi Rock à Cannes avec Hanoi Revisited, au début du millénaire. Rare, vous dit-on.

Entouré de son fidèle bassiste Samy Yaffa, Steve Conte à la guitare et Karl Rockfist à la batterie, Michael est également accompagné par Rich Jones venu remplacé Dregen rentré chez ses Backyard Babies. L’entrée sur scène voit le chanteur – à la voix ce soir quelque peu éraillée – attaquer, une sorte de lampion à son effigie à la main (certains voient un godemichet lumineux, je ne suis pas spécialiste…), avec 3 extraits de son dernier album en date, One man gang: le titre éponyme, le superbe Last train to Tokyo et Junk planet qui a tout du hit potentiel. Le public bouge, se serre et met rapidement une ambiance de feu.

Michael, lui, fait le show sans avoir besoin de se faire prier. Entre accessoires lumineux, chapeaux et casquettes diverses, le gaillard affiche une forme quasi olympique. Il saute,danse, transpire et n’hésite pas à faire le grand écart devant un public ébahi par tant d’énergie. Et ce n’est là qu’un début. S’emparant dès que possible d’un harmonica, il souffle également dans les bronche d’un superbe sax rouge.

Passant en revue l’ensemble de sa carrière – qui n’attend pas de pouvoir enfin écouter du Hanoi Rocks en live? – Michael Monroe s’inquiète, après ’78, pour deux jeunes filles écrasées par un public un peu trop enthousiaste : « Soyez sympa, ne poussez pas trop, ces deux jeunes filles n’arrivent pas à respirer ».  Et ça repart pour un tour dès Black ties and red tape.

Hard, rock, punk, avec Michael Monroe, tout y passe. Entre sa désormais riche carrière solo, son brillant passé avec Hanoi Rocks, son passage moins remarqué avec Demolition 23, il y a l’embarras du choix. Ce qui ne l’empêche nullement de proposer quelques reprises de classiques, tels que Up around the bend (Credence Clearwater Revival) ou une conclusion simplement superbe avec I feel alright (The Stooges).

En un peu plus d’une heure trente, le dandy dégingandé a conquis le public qui repart ravi et avec une promesse qu’on espère voir se concrétiser, celle d’un retour prochain en nos terres. En cette période de paris, peut-on rêver d’un passage à Clisson?

Interview: HYPNO5E

Interview HYPNO5E. Rencontre avec Jonathan (basse). Propos recueillis au Black Dog à Paris le 3 octobre 2019

 

Metal-Eyes : Comment se passe cette journée promo, Jonathan ?

Jonathan : Plutôt pas mal. Débutée difficilement pour moi parce que je me suis fait piéger hier soir…

 

Metal-Eyes : Par quoi ?

Jonathan : La fête (il rit) ! Le retour sur Paris, la sortie de clip à fêter… Nuit très courte, ce qui n’est pas très bon pour la concentration. Sinon, on a rencontré plein de gens intéressants, il y a eu plein de question intéressantes… C’est une belle journée.

 

Metal-Eyes : Chez Hypno5e, vous avez une approche très cinématographique de la musique. Votre nouvel album, A distant (dark) distant source, commence avec un extrait de film que je ne parviens pas à identifier, mais je crois reconnaitre Trintignant. Je me trompe ?

Jonathan : Je n’ai pas le nom, mais c’est extrait d’une pièce de théâtre de Jean Cocteau. Ah… Je ne me souviens plus du nom…

 

Metal-Eyes : On ne vous a pas encore posé la question ?

Jonathan : Non, pas encore… La machine infernale ! Je n’ai plus le nom des acteurs, mais ce n’est pas Trintignant.

 

Metal-Eyes : Cette approche très cinématique dans votre musique qui regroupe beaucoup de choses. L’auditeur sera interpellé par le premier titre, On the dry lake, qui dure plus de 12’ et qui est un véritable melting pot de tout ce que vous savez faire. Comment abordez-vous votre travail pour parvenir à un tel résultat ?

Jonathan : En termes de composition ? C’est étonnant, moi-même j’ai été étonné de travailler comme ça, comparé à ce que je faisais avec mes autres groupes, avant d’entrer dans Hypno5e. Manu a une capacité de composition incroyable, il maîtrise parfaitement les harmonies qu’il cherche à la guitare, quelque chose que je suis incapable de faire. On se rejoint, on travaille chez lui, il y a plein de petits bouts, de morceaux d’idées. On se rejoint pour faire l’album et on enregistre directement en studio la construction qu’on va garder, riff après riff. Ensemble on avance sur les morceaux, et tant qu’on ne sent pas qu’il faut arriver à la fin, qu’il faut encore développer tel élément, on continue. C’est pour ça que parfois on dépasse largement la durée habituelle. Là, on est arrivé à 18’ sur le single, A distant (dark) source. Sur l’album, les morceaux sont dans l’ordre de composition. On ne pense pas à quel morceau sera en ouverture de l’album. C’est la première fois qu’on garde les morceaux dans l’ordre de composition. On ne s’est pas dit « tiens, ce sera celui-là en ouverture de l’album », on ne l’a pas composé dans ce but-là. On discute de ce que l’on va faire, après le batteur vient apporter ses parties, sa patte, sa technique sur ce qu’on a fait en studio. On n’a pas le matériel qu’il faut pour le faire directement, comme le mixage et le mastering qui sont faits par des professionnels.

 

Metal-Eyes : Il y a une belle évolution chez Hypno5e. Comment l’analyses-tu ?

Jonathan : Déjà, il y a eu le projet acoustique. C’est là que la voix a commencé à se faire plus clean, et on commence à la retrouver sur les derniers morceaux.

 

Metal-Eyes : Il y a une volonté d’aller vers quelque chose de moins rugueux, alors ?

Jonathan : Oui. Mais ce n’était même pas réfléchi. Quelque part, le projet acoustique a fait travailler cette idée. On peut sentir cette différence par rapport au tout premier album. Je pense qu’on doit cette évolution au projet acoustique.

 

Metal-Eyes : Justement, comment analyses-tu l’évolution d’Hypno5e entre vos deux derniers albums électriques, Shores of the abstarct line et A distant (dark) source, le projet acoustique Alba, les ombres errantes, s’étant immiscé entre les deux ?

Jonathan : Je pense que A distant (dark) source est plus abouti. On a eu plus de temps moins de problèmes en termes de production de l’album, de mixage, on a fait des tentatives à l’étranger pour enregistrer. Tout ne s’est pas passé comme on voulait et on a tiré beaucoup d’expérience de tout ça. C’est pour ça qu’on s’est dit qu’on allait faire un maximum de choses nous-mêmes. Shores, c’est le premier album où j’étais présent. Il a fallu qu’on apprenne tous à retravailler ensemble, avec le nouveau batteur aussi, qu’on trouve la bonne formule. Et je pense qu’on est arrivé à ça, ce qui nous permet d’aller plus vite en matière de composition. Pour moi, on a la bonne méthode et on va continuer sur cette voie là.

 

Metal-Eyes : Ce serait donc plus une évolution dans l’unité du groupe, où vous parlez le même langage et vous savez où vous voulez aller.

Jonathan : C’est ça, et il y a une confiance aussi, une même direction pour tout le monde. Et ça, ça met du temps.

 

Metal-Eyes : omment comptez-vous défendre cet album sur scène ?

Jonathan : Il y a une tournée de sortie d’album qui arrive en janvier février 2020. Tournée française et européenne limitrophe, dont une date au Petit Bain à Paris. Et on enchaîne avec une nouvelle tournée au Mexique. On y est allé deux fois l’an dernier, sans faire de tournée ici, ce qui n’est pas très cool pour nos fans français.

 

Metal-Eyes : Comment est perçu Hypno5e à l’étranger, justement ?

Jonathan : Au Mexique, la première fois on ne savait pas où on allait. On avait quelques contacts qui se sont occupés de booker quelques dates, et ça s’est très bien passé. On a fini par signer avec un booker là-bas, qui nous a fait revenir dans l’année avec une tournée plus aboutie, des festivals, dont un gros à Mexico, avec une tournée dernière.  Donc on y retourne, on revient en France ensuite. On va défendre l’album sur les deux années qui viennent.

 

Metal-Eyes : Il faut s’attendre à quoi scéniquement ?

Jonathan : Il y a une recherche de scénographie. On a fait le choix, en live, de ne laisser aucune place à l’improvisation, tout est millimétré. On appuie le côté cinématographique par la vidéo, de manière que les gens se fassent leur propre film tout en étant influencés par l’image. On profite aussi de la synchro de la lumière. C’est programmé, donc pas de place pour l’impro. On n’est pas des ordinateurs non plus, il peut y avoir des ratés, mais chacun suit sa partie. Si l’un se décale, c’est terminé, parce que les samples, la lumière programmée, tout continue. Faut pas se louper ! C’est déjà arrivé, et c’est hyper stressant…

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de A distant (Dark) source pour expliquer ce qu’est Hypno5e aujourd’hui, ce serait lequel ?

Jonathan : Je pense que le morceau titre, qui est sorti en single, montre tout ce qu’on sait faire. L’ovni, c’est Tauca, le dernier morceau, c’est celui que je ne prendrai pas, pas assez représentatif. Je prendrai A distant (dark) source.

 

Metal-Eyes : Musicallement, vous imposez-vous des limites, y a t-il des choses que vous refusez de faire ?

Jonathan : Non, d’abord, il faut que ça nous plaise à nous. Ensuite, parfois, en studio, on fait des trucs qui partent de rien, on voit comment ça se passe. On fait surtout ce qu’on aime maintenant, et c’est comme ça qu’on évolue. C’est assez naturel. On joue ce qu’on aime, et on évolue avec. Avant d’intégrer le groupe, Hypno5e était mon groupe préféré. Maintenant, je compose avec mon groupe préféré… Il n’y a pas de limites, tant que ça nous plait. Parfois, on se demande comment ça va être perçu, mais on ne s’interdit rien.

 

Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise d’Hypno5e ?

Jonathan : Être sur la route un maximum. C’est ce qui nous unis, où que ce soit. On a appris beaucoup à travers les voyages, à l’international. Ça nous a beaucoup apporté. Les débuts, c’était très difficile. On a eu des grosses galères aux USA, mais en même temps, c’est ce qui a construit Hypno5e. On a eu quelques grosses galères, oui…

 

Metal-Eyes : Une anecdote, pour terminer ?

Jonathan : Un camion qui brûle en arrivant à un festival… Je repense aussi à une tournée aux Etats-Unis où le bassiste et l’ingé lumières se font renvoyer à la frontière. On tentait de passer avec des visas touristes alors qu’on était en tournée… On avait le speech à la frontière disant qu’on allait jouer avec des amis… Eux se sont fait attraper, questionner encore et encore, le bassiste a donné le nom du manager pensant qu’il allait couvrir, mais le manager, américain, a tout balancé : « C’est Hypno5e, ils sont payés tant… » et ils se sont trouvé dans un avion retour en France. Nous on s’est retrouvé à 4, 3 musiciens et l’ingé son, à se demander ce qu’on faisait… On était un peu en cavale, ils savaient que la moitié du groupe était entrée dans le pays. On se fait choper en train de vendre du merch, c’est travail illégal plus commerce… On a hésité, on a annulé la première date, et on a demandé au promoteur si l’immigration était venue. Après avoir beaucoup hésité, on a décidé de faire le reste de la tournée. En imaginant qu’ils allaient nous attendre au retour… L’ambassade de France et notre manager français nous ont dit ce qu’on risquait : une grosse amende, une interdiction de territoire pendant 10 ans. Ouais, c’était une belle galère !

 

 

Interview: RAGARAJA

Interview RAGA RAJA. Rencontre avec Léo (batterie), Euryale (chant et dictature), Chris et Stanislas (guitares). Propos recueillis au Café Dunkerque à Paris le 10 octobre 2019

Metal-Eyes : Je découvre RagaRaja avec votre album. Question classique : pouvez-vous me raconter l’histoire du groupe ?

Euryale : Il était une fois, dans un pays lointain… Non, sérieusement, c’était la petite blague pour démarrer… Après un accident que j’ai eu sur le tournage d’un clip d’un précédent projet, j’ai décidé de monter mon propre groupe, en prenant la place de chanteur. Avant, j’étais simplement guitariste.

 

Metal-Eyes : « Simplement » ? (à Chris et Stanislas) Vous avez noté, les gars (rires) ? Mais il a aussi dit qu’il était dictateur…

Euryale : … Comme ça, ça me permettait d’être autonome, de ne pas dépendre des aléas de la vie d’un groupe, qui peut parfois être un frein. J’avais envie d’être le plus libre possible. 6 mois après cet accident, j’avais arrêté la musique, je me suis dit que j’allais reprendre, derrière le micro, ce dont j’avais envie depuis un bout de temps. Et je n’ai plus trop envie de quitter le poste, ça me va très bien !

 

Metal-Eyes : Vous avez commencé quand ?

Euryale : En 2014. On a sorti un premier titre pour prendre la température.

 

Metal-Eyes : C’est toi, Euryale, qui es à l’origine du groupe. Vous vous connaissiez avant ou pas ?

Stanislas : A la base, Maxime faisait partie d’un autre projet qui s’appelait Dacryma, que j’avais inclus en tant que guitariste. Certains membres ont voulu fonder leur propre groupe et à partir de ce moment-là, on s’est dit que conserver le nom ne servait à rien, et on a changé pour devenir Ragaraja. Fabien, notre bassiste, nous a rejoint, ensuite Chris est arrivé et maintenant, c’est Léo qui arrive.

Léo : Je suis assez récent, ça fait un an que je suis dans le groupe.

 

Metal-Eyes : Vous n’allez pas nous faire un coup à la Trust en changeant de batteur tous les 4 matins ?

Euryale : On l’a déjà fait, c’est notre quatrième batteur et je n’ai pas envie d’en changer aussi souvent.

 

Metal-Eyes : Quelles sont les grandes dates significatives dans a vie du groupe ?

Eryale : La sortie du premier titre, parce qu’on a vu un engouement qu’on n’avait pas vu avec le précédent projet, et on s’est dit, avec juste un titre et un clip qui faisait 3.000 vues en une semaine « waow, ça c’est top ! » Ensuite, le premier concert, en mai 2015. Voir cet engouement aussi dans la fosse, c’était top, et le retour de Stan, qui était au Québec. Pour sa première scène, on s’est retrouvés face à 300 personnes. Ça fout un peu les chocottes quand tu n’as pas l’habitude de la scène !

Stanislas : Et toutes les premières parties avec Hacktivist, Aqme, Bukovski, Smash Hit Combo, T.A.N.K…

 

Euryale : Cancer Bats, aussi. On a fait pas mal de premières parties intéressantes, mais quelques concerts « purs » aussi. Le premier concert avec Léo, aussi, notre batteur définitif, parce que je n’ai pas envie d’en changer. Clairement pas ! C’est un membre du groupe à part entière. On a commencé à jouer les titres de l’album, plus ceux du Ep, qu’on a trainé pendant 4 ans. Il fallait passer à autre chose.

 

Metal-Eyes : Quelle est la signification du nom du groupe ? Ça sonne très sanskrit…

Euryale : Oui ! Tu es le deuxième qui le remarque, bien ! Oui, c’est sanskrit. C’est le roi des passions dans sa forme irritée dans les croyances shintoïste et bouddhiste. Pour exprimer la colère froide qu’on avait envie d’exprimer, on s’est dit que cette divinité pouvait nous représenter.

 

Metal-Eyes : Comment définiriez-vous votre musique pour quelqu’un qui ne vous connait pas. En plus c’est vrai, j’ai à peine eu le temps d’écouter votre album…

Euryale : Oh, c’est… criminel…

 

Metal-Eyes : ah ! Ce chef d’œuvre en attente ! (rires général)

Euryale : On a tous le droit de se dire « ben aujourd’hui je n’aurais pas mon orgasme musical » (rires) ! Il y a plein de définitions possibles. De but en blanc, et c’est là-dessus que j’ai envie de communiquer, c’est de la colère au format MP3.

 

Metal-Eyes : Une petite colère, une colère compressée, donc ?

Euryale : De la colère contenue, oui. Le format MP3, c’est contenir les informations pour les communiquer le plus vite possible, les réduire pour les échanger rapidement.

 

Metal-Eyes : Quelles sont vos influences principales ?

Stanislas : Il y en a tellement… On va piocher un peu dans le metal progressif, dans le djent, le metalcore, le deathcore… On a condensé ça en « metal moderne », ce qui évite de nous coller une étiquette et nous permet d’aller un peu où on veut.

Euryale : Quand je compose, mon but, c’est d’avoir le gros riff de guitare pour celui qui a envie de bouger la tête, la petite mélodie pour celui qui a envie de s’accrocher à quelque chose, d’avoir un chemin qui le guide, mélodiquement avoir du plaisir. Ce n’est pas que de la colère, il y a de la réflexion derrière ça. C’est pareil avec les paroles. Je les gueule, mais si tu veux les lire, tu peux trouver quelque chose de plutôt raffiné. Je fais très attention aux mots que j’utilise. Il y en a que je n’utilise pas parce qu’ils n’ont pas une esthétique « haut de gamme » je dirais. C’est con, mais je n’ai jamais dit « un ordinateur ». Je dis plutôt « un écran » qui englobe plus choses. Si tu me demande, j’ai envie de dire qu’on fait du Rap, parce que « Rap », ça veut dire « Rythm And Poetry ». Et les gens ne le savent plus aujourd’hui… Au final, un choix musical, c’est juste un choix de sonorités. Moi, j’ai envie que les gens écoutent Ragaraja dans le métro le matin, et qu’ils aient une envie, une rage d’affronter la vie comme pas possible !

 

Metal-Eyes : Rien de tel pour bien démarrer une journée qu’un bon titre. Sheitan, votre Ep, est sorti en 2015. Comment analysez-vous, au-delà des changements de line-up, l’évolution de Ragaraja entre ces deux disques ?

Léo : Pour moi, clairement, c’est de l’efficacité en plus. J’ai beaucoup écouté, bien écouté et j’ai une oreille extérieure. Pour moi, c’est plus efficace, plus complet, stylistiquement, c’est-à-dire qu’on a tous des influences dans le metal, et le style est plus compacté.

Chris : Comparé au 1er Ep, c’est vrai que l’album est bien plus complet, plus riche. Ce qu’on peut voir sur le titre Egosphere, où on a tout un panel de rythmes, de breaks, et tout le monde peut s’y retrouver.

Stanislas : Et c’est aussi plus optimisé pour le live. Avec Sheitan, on s’est rendu compte que beaucoup de morceaux sont super à l’écoute mais après, quand on les joue sur scène… Ce qu’on a composé pour l’album sera plus efficace à jouer en live. Au niveau de l’énergie.

Euryale : En fait, ça accroche plus. Quand on a composé le premier album, on a écrit des trucs sans les tester devant des gens. Quand tu ne fais pas cet effort-là, de jouer en vrai, tu ne vois pas certaines choses. Sur CD, c’est super, mais en live, sans comprendre pourquoi, ça ne marche pas. Je ne sais pas pourquoi, mais dès qu’on joue certains trucs en live, il y a un truc qui se perd. On a un ou deux titres comme ça qu’on a retirés du set parce que ça ne prend pas. Nous qui étions dans une approche « on existe sur CD et sur clip et ensuite on fait des concerts » on s’est dit que ce n’est pas le chemin à suivre. On a décidé de refaire les choses dans l’ordre. L’ordre naturel c’est capter les gens, capter en live, capter l’énergie qu’on a et ensuite mettre tout ça sur un album. Avec Sheitan, on a pris le mauvais chemin, on a voulu tout ancrer dans le numérique. Maintenant, on veut entrer dans le réel.

 

Metal-Eyes : Parlons un peu de Egosphere. Au-delà de la colère contenue dont vous avez parlé tout à l’heure, qu’est-ce qui en fait un album exceptionnel ? En d’autres termes, convainquez-moi de courir l’acheter…

Euryale : Pour te convaincre de l’acheter, je dirais que tu peux fermer les yeux et l’écouter de bout en bout. Tout est fluide, tout s’enchaîne, il y a une vraie cohérence, c’est un album qui te fera traverser plusieurs atmosphères sans jamais te perdre. Il te donnera plusieurs sensations : de la colère, mais aussi parfois de la mélancolie. Je pense que c’est un album assez riche sur les mélodies, les variations rythmiques, ça ne tourne pas en rond autour des mêmes gammes. On a voulu faire 11 titres pour que les gens se disent « OK, je vais écouter le suivant sans le zapper ».

 

Metal-Eyes : Alors sur ces 11 titres, si vous deviez chacun n’en retenir qu’un seul pour expliquer ce qu’est Ragaraja à quelqu’un qui ne vous connait pas, ce serait lequel ?

Léo : Personnellement, ce n’est pas forcément celui que je préfère, mais je dirais Egosphere, parce que c’est celui qui a le plus large panel esthétique. Il est long, il dure 7’, il y a plein de breakdowns, de djent, des gammes, de la mélodie.

Stanislas : Moi, ce serait plutôt Fractale. Après, je suis plus orienté scène hardcore et Fractale est optimisé pour le live : c’est un titre rapide, assez hardcore et il résume bien la colère.

Chris : Moi, c’est un compromis entre les deux qui, comme l’a dit Léo, Egosphere a le plus de choses, autant musicalement que dans les paroles, et Fractale enfonce le truc.

Euryale : Moi, je vais aller à contre-courant. Bien sûr Egoshere est représentatif, c’est pour ça qu’on s’est dit que l’album devait avoir ce nom… Mais je vais retenir la première chanson, premier souffle. C’est un morceau que je n’ai pas écrit, c’est Fabien, le bassiste qui l’a écrit, sur lequel j’ai posé des paroles au sujet de l’enfant qu’il vient d’avoir, il y a deux mois environ. En fait, ce morceau symbolise deux choses très importantes qui caractérisent l’album : il est varié, il est rapide, rageur, et c’est le premier morceau que je n’écris pas, il représente le fait que je passe à une autre forme d’expression. Et il a une vraie portée dans le réel également puisqu’il parle de son enfant. Je me suis mis à la place de son enfant en me demandant « si je devais naitre dans cette famille, comment je me sentirais ? »

 

Metal-Eyes : Je ne dirais rien… Un bon truc pour aller têter aussi… (rire général)

Euryale : Oui, non, l’idée c’est aussi, la naissance d’un bébé, mais aussi la naissance de notre bébé à tous, on a tous mis les mains dedans, on a tous participé au projet et ça, c’est quelque chose qui change beaucoup par rapport à avant.

 

Metal-Eyes : Une dernière chose, un peu de réflexion : quelle pourrait être la devise de Ragaraja ?

Euryale : Ah, je l’aime bien celle-là ! Ah, j’aime bien ce genre de question !

Stanislas : Aïe, j’étais pas prêt ! (rires)

 

Euryale : Alors, si je devais trouver un slogan, je dirais : « Vis, vibre… sors »

Chris (il réfléchit longuement, comme les autres): Transpiration, live et énergie.

Léo : Moi, je dirais juste « Déchaîne toi »

Stanislas : Je sais pas…

 

Euryale : Tu vois que ça sert les fiches que j’ai envoyées… (à moi) Tu vois, lui, il est Balance, ça veut dire qu’il prend toujours du temps avant de donner une réponse. A mon avis, tu pourras revenir dans 2 heures ! (rires)

 

Metal-Eyes : On en a déjà 3, ce qui est plutôt bien. Merci en tout cas, et bonne chance avec la sortie de l’album.

 

JAN AKKERMAN: Close beauty

Progressif, Pays Bas (Music theories recordings, 2019)

Jan Akkerman est un guitariste de jazz/prog/fusion né en 1946 à Amsterdam. Il s’est distingué en faisant notamment partie de Focus avec qui il a connu un certain succès. Depuis, il enregistre encore et toujours, sous son nom ou en tant que musicien de studio. Avec Close beauty, son nouvel album, il démontre tout son savoir faire en matière de jazz progressif. Il m’est difficile de coller ici le terme de rock tant le musicien se laisse guider par ces construction particulières et si chères au jazz. Si l’on ne peut rien dire techniquement – le jeu de Jan est doux et léger, rapide et fluide – si des morceaux comme Spiritual privacy ou Beyond the horizon, qui ouvrent cet album, ont tout du prog avec leurs plus de 7′ (je sais, ce n’est pas à la durée qu’on reconnait le prog, mais c’en est une des caractéristiques, non?), je ne trouve guère de variété au cours de ces instrumentaux assez… contemplatifs, voire répétitifs. Le toucher est certes impressionnant, mais je ne parviens pas à accrocher sur la durée. Trop instrumental pour moi, sans doute, malgré cette intrigante relation avec la France que forme le triptyque Meanwhile in St. Tropez, French pride et Fromage. Mais d’où sortent ces nom de morceaux (même si le bougre a enregistré un Fromage à trois il y a 10 ans…) Bien fait certes, mais simplement pas assez rock pour moi. Les guitaristes apprécieront cependant.

OLD ‘N’ GLAM: Ten shades of glam

Hard rock, France (Autoproduction, 2019)

Ce n’est pas au vieux singe… Avec Ten shades of glam, les Français de Old’N’Glam  prouvent que chez nous, aussi, on est capables de proposer du gros son sur fond de hair metal. Certains diront que dans ce créneau, il y a déjà, entre autres, Blackrain. Oui, simplement, Old’N’Glam est plus 80’s tant dans son son que dans les thématiques abordées par les Savoyards. Be nice and shut up, introduit par une nana genre pétasse qui s’excite avec on ne sait quoi, déborde de grosses guitares, bien grasses et au riff couillu. Le chant, rauque, puissant et éraillé (on ne regrette que de ne pas bien comprendre l’anglais de Xavier), la rythmique directe, tout semble réuni pour séduire l’amateur de heavy glam des années 80. Plus proche sans doute d’un Mötley Crüe que d’un Twisted Sister, Old’N’Glam fait cependant preuve d’une vraie maîtrise instrumentale. De Doctor Love – rien à voir avec Kiss – à l’inquiétant Devil inside you, les dix titres -répartis, à l’ancienne, en deux faces – en passant par la ballade obligatoire du genre (The unloved symphony) ou les titres plus rock (Who wants to be a millionnaire) ou heavy (Now or never, Stronger) ou le clin d’oeil à Steel Panther (72 virgins) entraînent l’auditeur sans jamais le lâcher. Si les années 80 sont omniprésentes, le son est résolument moderne et la production efficace. Et puis, on admire aussi les illustrations totalement en phase avec le titre de l’album (inspiré d’un certain roman?) et plus encore, le portrait central qui va faire se pâmer d’extase des milliers de filles à travers le monde devant ces hunks surfeurs de LA! Rock on guys!

Amateurs, si vous ne l’avez déjà, vous pouvez soutenir Old’N’Glam en faisant un bon geste: acheter cet album sur le site du groupe (suivre ce lien)