Histoire d’une légende : JUDAS PRIEST (2nde partie)

Il aura fallu du temps, de la ténacité et une volonté de fer pour qu’enfin Judas Priest voit ses efforts récompensés à la fin des années 70. Le groupe traversera les années 80 en confirmant son statut d’incontournable de la scène heavy metal. mais les années 90, qui voient le grunge remettre en cause l’ordre établi, sera la décennie de tous les dangers, pour les Metal gods et bien d’autres. Une descente aux presque enfer avant une résurrection et la reconquête d’un trône laissé vacant. Voici la seconde et dernière partie de la biographie d’un des acteurs majeurs de l’histoire du heavy metal. (Retrouvez ici le début de ce dossier)

LES ANNEES 90

Le groupe envisage très rapidement d’intégrer un premier membre non anglais en choisissant le batteur américain de Racer-X, le gigantesque Scott Travis (bien plus jeune que les autres membres puisque né le 6 septembre 1961 à Norfolk, en Virginie) avec qui il entre en studio pour enregistrer l’explosif Painkiller. Mais alors qu’il s’apprête à entamer son travail, Judas Priest doit soudain stopper net : un procès lui est intenté aux USA. Le groupe y est accusé d’avoir poussé deux jeunes hommes à se suicider. Les comités de censure, PMRC en tête, veulent la peau du heavy metal et toute excuse est bonne à prendre. Ce qui est montré du doigt, c’est le texte de Better by you, better than me (Spooky Tooth), chanson qui apparaissait sur Stained glass en 1978 et qui contiendrait un message subliminal : passé à l’envers, on y entendrait les mots « Do it » (fais-le) maintes fois répétés. Pendant deux ans, tous les membres du groupe feront la navette afin de se défendre, de défendre le groupe et son honneur. Deux années à l’issue desquelles le verdict innocente totalement Judas Priest. Si certains prétendent qu’il s’agit de deux années de perdues, nombreux sont ceux qui y voient, au contraire, l’opportunité de jeter discrédit et ridicule sur les comités de censure américains qui jamais ne sont parvenus à prouver l’existence de messages subliminaux autres que ceux volontairement inclus par des groupes (comme Iron Maiden sur Piece Of Mind en 1984).

Lorsque Judas Priest retrouve le chemin des studios, c’est la rage au ventre. Le résultat est sans appel : Metallica, Slayer, Anthrax, Megadeth, Testament, Exodus sont passés par là, donnant naissance et crédibilité au thrash, hérault portant haut la bannière du metal, fière palissade s’élevant violemment contre le désormais ridicule hair metal, et les Anglais n’entendent simplement pas qu’on puisse marcher sur leurs plates-bandes. Durcissant le ton, Painkiller doit permettre à Judas Priest de définitivement reprendre sa place de grand leader du metal moderne. L’accueil reçu par l’album a en effet tout pour rassurer les différents acteurs présents car si Painkiller fait jeu égal avec son prédécesseur en atteignant la 24ème place des charts à domicile, il en gagne 5 dans le Billboard US en pointant 26ème. Mais, malgré une tournée irréprochable pour laquelle le public se déplace en masse, Priest connait pour la première fois un vrai retour de manivelle : à trop vouloir moderniser son son, le groupe est parvenu à diviser les fans en deux clans : ceux qui trouvent que le groupe est allé trop loin, flirtant trop avec le metal extrême, perdant ainsi de sa spontanéité, de son authenticité, même, et ceux qui estiment au contraire que le groupe n’est pas allé assez loin dans ses explorations, restant trop timide en comparaison de ce qui se fait désormais… Mais au final, peu importe, car on reparle beaucoup de Judas Priest qui ne laisse plus personne indifférent.

Revenus dans le cœur des fans, le groupe peut voir l’avenir en grand. Certains veulent même en profiter pour donner vie à un projet de longue date : Rob Halford émet le souhait d’enregistrer un album solo dont les morceaux ne peuvent convenir à Judas Priest. Las, CBS – désormais Columbia – ne l’entend pas de cette oreille et refuse de voir son artiste sous contrat aller faire de l’œil ailleurs. Ni une ni deux, voilà un Rob furieux qui rompt purement et simplement ses engagements et reprend sa liberté. Tout le monde le sait : ce chanteur est irremplaçable, et son départ risque fort de mettre un terme à la carrière du groupe. Tous, dès lors, tentent de raisonner chacun, vocaliste et/ou label mais le mal est fait. Rob donne le temps qu’il doit contractuellement à son label puis tire sa révérence. Le chanteur compte bien transformer ses envies d’album solo en véritable carrière d’un nouveau genre, brutal et vindicatif, à l’image du nom qu’il a choisi pour son groupe : Fight. Cependant, alors que son projet se monte en parallèle, il prend part avec ses futurs ex-collègues à la conception d’une nouvelle compilation. Metal works 73-93 retrace la carrière de Judas Priest sur les deux décennies écoulées, soit depuis la naissance du groupe. Puis, une fois ce « testament » en bacs, chacun vaque à ses occupations. La légende se meurt.

Pendant que Ian Hill, KK Downing et Glen Tipton s’attèlent à la recherche d’un vocaliste à même de remplacer l’irremplaçable, Rob Halford embarque Scott Travis pour enregistrer son premier méfait solo avec Fight chez Epic Records. War Of Words, qui sort en 1993, rencontre un succès d’estime et sera suivi deux ans plus tard par Small Deadly Space. Ces deux essais ne se vendent pas assez aux dires de la nouvelle maison de disques, entraînant de fait la rupture du contrat et la séparation du groupe.

Après avoir passé les trois dernières années à le chercher, Judas Priest peut, enfin, en 1996, annoncer le nom du nouveau chanteur : après avoir pensé à Ralf Sheepers, le choix des anglais s’est porté sur un jeune Américain, Tim « Ripper » Owens, chanteur de British Steel, groupe hommage à Judas Priest. Le gaillard a plusieurs atouts : il est jeune (né le 13 septembre 1967 à Akron, Ohio), connait parfaitement le répertoire de la formation de Birmingham et a une voix étonnamment semblable à celle de Rob Halford. Le jeune homme est rapidement embarqué en studio afin d’y enregistrer son premier album, qui sera suivi par l’épreuve de la route.

Parallèlement, à la préparation du nouveau disque et pour occuper le temps libre, Glenn Tipton exprime son désir de sortir, lui aussi et enfin, son album solo. L’expérience passée a porté ses fruits et personne ne songe à empêcher le guitariste de mener à bien son projet. Bapitizm Of Fire voit le jour en 1997 et reçoit un accueil positif tant des médias que du public qui, reconnait le talent du guitariste qui parvient à séduire avec une approche que Judas Priest ne pouvait lui permettre. Cependant, son groupe reprend le dessus rapidement pour revenir sur le devant de la scène.

Jugulator, qui voit revenir Scott Travis, libéré de ses obligations depuis la séparation de Fight, parait donc en 1997 sur le label SPV et bénéficie de la curiosité du public pour se vendre correctement et parvient à se classer 47ème des charts anglais et 82ème du Billboard US. Le groupe profite, en plus du phénomène de curiosité (mais certainement pas du côté artistique de l’illustration de couverture !), du capital sympathie qu’il s’est forgé tout au long de ces années passées à défendre le metal mais également d’une certaine rancœur que les fans éprouvent au sujet de la désertion brutale du chanteur historique. Mais Judas Priest sait que ce ne sera pas suffisant pour remplir de nouveau les stades. Tout est à refaire, et la tournée se passera dans des salles de moyenne capacité, ce qui permettra de rôder en douceur Tim aux obligations de la scène et de reconquérir tranquillement le public, un public pour qui le chanteur ne peut rivaliser avec son illustre prédécesseur.

Toutefois, un nouveau coup de théâtre vient alimenter les rumeurs. En 1998, alors qu’il s’est associé à Trent Reznor de Nine Inch Nails dans le projet industriel Two, auteur d’un unique album, Voyeurs, sorti l’année précédente, Rob Halford dévoile au grand public un secret de polichinelle : en pleine interview sur l’incontournable MTV, le chanteur fait son coming out, annonce officiellement son homosexualité, alors que Judas Priest officialise sa collaboration avec Tim Owens en publiant le témoignage Live meltdown. L’annonce d’Halford est-elle un moyen de court-circuiter une nouvelle percée de ses anciens comparses ? Ou est-ce simplement un moyen de ne pas se faire oublier ? Car, en 1998, la carrière des uns et des autres est au plus bas, et l’avenir de tous plus qu’incertain. Il semble que rien ne fut prémédité, que le moment était simplement venu pour le chanteur, aux tenues de plus en plus extravagantes, d’officialiser les choses afin de ne plus se cacher

1999 marque une étape importante dans la vie du heavy metal traditionnel, quelque peu chahuté tout au long de la décennie par le Grunge et l’explosion des courants les plus extrêmes du genre, le black et le death metal. Ce tournant est à imputer à Iron Maiden qui annonce réintégrer au chant Bruce Dickinson. La formation publie Brave New World la même année et rencontre un immense succès, ce qui donne matière à réflexion. Discrètement, Rob Halford reprend contact avec ses anciens camarades de jeu et lance l’idée de futures retrouvailles. Mais le chemin de la rédemption est encore long. Le mal fait n’est pas oublié.

Judas Priest enregistre en 2001 Demolition, toujours avec Owens. Cette fois, pourtant, la mayonnaise ne prend pas. Le soufflé retombe, et malgré un nouveau témoignage public (Live in London, en 2003), les cinq doivent se rendre à l’évidence : on ne peut changer une équipe qui a conquis le cœur du public. Maiden a moins tergiversé, n’a enregistré que deux albums avec le remplaçant du – également – démissionnaire Dickinson et se retrouve désormais, depuis bientôt six ans, au sommet de l’Himalaya du metal. Sans doute faut-il envisager également le retour de Rob au sein de Judas Priest ?

LE NOUVEAU MILLENAIRE

Pour l’heure, le chanteur se concentre sur son nouveau projet, foncièrement metal. Sous le nom de Halford, il publie en 2000 un premier album plus remarqué que ses autres tentatives, un disque au nom évocateur de Resurrection. Les fans s’avouent rassurés de savoir que le Metal God, leur Metal God n’a pas définitivement tourné le dos au metal. De plus, la tournée qui suit, qu’Halford joue en tête d’affiche dans des salles intimistes ou en ouverture d’iron Maiden dans des stades, rencontre un réel succès. Le groupe sort rapidement un album live, Live insurrection(2001) aussitôt suivi d’un nouvel effort studio, Crucible, en 2002. Le vocaliste a les crocs et le fait savoir. Ce qui donne de plus en plus matière à réflexion à ses anciens compagnons.

Les prémices d’un rapprochement se font avec le travail en commun que les cinq dispensent pour l’édition du coffret compilatoire Metalogy. Les relations sont courtoises, polies, et les cinq parviennent à se débarrasser de leurs griefs. C’est en juillet 2003 que Judas Priest annonce officiellement le retour de Rob Halford. Les cinq partent immédiatement à la reconquête du public perdu, tournant en tête d’affiche en Europe en 2004 et participant avec un succès salvateur et rassurant au festival itinérant Ozzfest. Puis il est temps d’offrir de nouvelles compositions au public.

La légende renait. Judas Priest est de retour en grâce de tous les côtés : le public l’acclame lors de ses concerts et les gros labels lui refont les yeux doux. Sony diffuse mondialement le nouvel album, Angel of retribution, en 2005. Tout a été pensé pour faire mouche : l’ange metallique qui illustre la couverture renait de ses cendres et rappelle indéniablement le Metallian des glorieuses 80’s. La signature historique est de retour. Les morceaux, aux tempi variés, font mouche, qu’il s’agisse de metal pur comme Judas rising au plus mid tempo Angel. Les cinq proposent même un long titre épique, Lochness, leur plus long morceau jamais composé d’une durée dépassant les 13’. Le public plébiscite à nouveau ses héros, avec une superbe 13ème place outre Atlantique et un classement un peu plus mitigé chez sa Gracieuse Majesté où il n’arrive que 39ème. La tournée qui suit, bien que ne passant pas partout (si mes souvenirs sont bons, la France fut oubliée…) fédère de nouveau le public qui, parallèlement pour une certaine partie, continue de suivre les pérégrinations de Tim « Ripper » Owens au sein de Iced Earth.

Si la machine semble enfin remise sur de bons rails, Judas Priest doit désormais confirmer qu’il ne s’agit pas que d’un vulgaire feu de paille. Pas question, pourtant de se précipiter… Le groupe compte bien marquer son retour au fer rouge et prend le temps de mettre sur pied un très ambitieux projet musical, une aventure qu’il n’a jusqu’alors jamais tenté : composer un album conceptuel, dont le thème traite de la vie de l’astrologue français Michel de Nostredame, dont l’histoire se souvient en tant que Nostradamus, de son époque et de ses quatrains prédictoires sinon prémonitoires.

L’album parait sous divers formats en juillet 2008. Tout au long de la campagne de promotion qui a précédé la sortie de l’album, les musiciens déclarent que si Judas Priest devait s’arrêter demain, ils seraient plus que fiers de partir en laissant cet album en guise de testament. Nostradamus regroupe de nombreux genres musicaux, qu’ils soient purement metal ou plus expérimentaux, Rob Halford module sa voix comme jamais auparavant, devenant parfois même lyrique. Bien que par moments surprenant, l’album fédère le public qui lui offre de belles places des deux côtés de l’océan : 30ème sur ses terres et 11ème aux USA. Sans surprise, la tournée qui suit se joue quasiment tous les soirs à guichets fermés, confirmant de nouveau ainsi le statut incontournable du groupe. Presque naturellement, un nouvel album en public voit le jour en 2009, A touch of evil : live qui ne rencontre quant à lui qu’un succès d’estime, n’étant rien de plus qu’une compilation de morceaux live enregistrés sur les précédentes tournées. Si encore il s’était agi d’une restitution de la tournée Nostradamus….

Rob Halford, de retour en grâce, décide de créer son propre label et réactive son projet Halford. Sous le nom de label Metal God Entertainement, il publie un recueil metallique de chants de Noel, Winter songs durant l’hiver 2009, prenant le public à contrepied. Si l’effet de surprise est garanti, tout le monde se demande où réside l’intérêt artistique du projet qui, pourtant, ne nuit pas au chanteur. Désormais libre et sans contrainte, il continue de mener sa carrière solo lorsque ses activités avec Judas Priest le lui permettent.

En 2010, Judas Priest annonce son intention de lever le pied et de dire adieux aux grosses tournées. Quel meilleur moyen pour saluer les fans « une dernière fois » que de mettre sur pied… une tournée ? Les dates pleuvent promettant un été 2011 partagé entre un Iron Maiden qui a décidé de ne donner qu’une cinquantaine de concerts et festivals, et un Judas Priest qui va écumer festivals (Hellfest et Sonisphere, parmi d’autres) et grandes salles et/ou stades avant de se calmer. Encore un grand qu’on ne verra plus ?

La surprise vient en fait de l’annonce faite par KK qui, lui, officialise son départ sans réelle raison, du moins, pas exprimées. Il ne participera pas à la tournée et se voit bientôt remplacé par un jeune guitariste anglais. Né le 1er janvier 1980 à Londres, Richie Faulkner a affuté ses armes au sein de Dirty Deeds, Voodoo Six ou le groupe de Lauren Harris. Il intègre officiellement Judas Pries le 20 avril 2011 et le public découvre un sosie rajeuni de KK. Fut-ce un critère de sélection ? Quoiqu’il en soit, si, au-delà de blondeur et de la tenue scénique du jeune homme, les premiers concerts font preuve d’un certain mimétisme avec son prédécesseur, le public constate une réelle complicité avec Glen et le reste du groupe. L’énergie dont il fait preuve sur scène, dont une tête d’affiche au Hellfest de Clisson le 19 juin 2011, apporte un regain de jeunesse à un groupe dont le chanteur a de plus en plus de mal à se déplacer, et le public adopte bientôt totalement le jeune Richie dans la famille des Metal Gods.

C’est une nouvelle vie qui commence et le groupe marque cette tournée avec la publication d’un nouveau témoignage live, Epitaph. Judas Priest décide d’enregistrer sa toute dernière date de la tournée, date au mythique Hammersmith Odeon de Londres le 26 mai 2012. Le public, véritable sixième homme de ce concert, sait qu’il vit plus qu’un concert historique. Car même si tout le monde sait que Priest interprète un morceau de « chacun » de ses albums, le résultat est une setlist simplement extraordinaire. Quand bien même il ne s’agisse pas de la période la plus reluisante des Anglais, on ne peut que regretter que l’ère Owens ne soit pas représentée, simplement effacée comme si elle n’avait jamais existé… Cependant, le résultat est à la hauteur des attentes et, surtout, annonciateur d’un bel avenir. D’ailleurs, fin 2013, c’est officiel : Judas Priest publiera un nouvel album en 2014.

Le groupe n’a pas menti… fin avril 2014, le public peut découvrir à travers le monde la vidéo du morceau titre de l’album à venir. Redeemer of souls arrive dans les bacs au mois de juillet. De la pochette – sorte de clin d’œil au précédent « album du retour », Angel of retribution, avec son « ange » qui semble renaitre de ses cendres – ce nouvel album trouve vite son public, se classant rapidement en 6ème position du Billboard US. On y retrouve tout ce qui a fait la légende de Judas Priest, ce heavy metal puissant et racé à la fois.

Le public est lui aussi bien présent, et Judas Priest tourne plus intensivement que sans doute prévu. Les festivals sont à la fête accueillant partout un groupe au sommet de sa forme et de son art. Croit-on… Le festival de Wacken, WOA, le 1er aout 2015. Ce concert est une nouvelle fois l’occasion d’enregistrer un superbe album live. Battle cry parait le 25 mars 2016 en format CD et DVD. Là encore, ce témoignage est superbement accueilli par le public, toujours présent et fidèle. Mais…

2018 se révèlera une année difficile pour tous. Disparu des écrans radar depuis des années de déboires judiciaires, l’année commence avec l’annonce, le 16 janvier, du décès de Dave Holland, le précédent batteur. Si la justice a fait son travail, le public ne peut que déplorer le peu d’écho de cette disparition d’un musicien qui aura participé à certaines des meilleures années de Judas Priest et enregistré les albums les plus emblématiques du groupe.

Le vrai choc se produit en fait le mois suivant. Le 12 février, Judas Priest annonce, alors que le nouvel album n’est pas encore sorti, que Glenn Tipton ne participera pas à la tournée qui approche. Atteint de la maladie de Parkinson, diagnostiquée près d’une décennie plus tôt, le légendaire guitariste ne peut plus tenir son poste. Il reste membre officiel du groupe mais la tournée se fera sans lui. Sa place est confiée à Andy Sneap, musicien réputé pour ses talents non seulement de guitariste mais également de producteur. Il a d’ailleurs été aux manettes au côté de Tom Allom pour l’enregistrement de Firepower.

L’album parait le 9 mars 2018. Sa pochette rappelle celle de Screaming et son contenu musical est simplement imparable. Bien qu’affichant un demi-siècle d’activité au compteur, Judas Priest est dans une forme créative éblouissante et exemplaire. Firepower atteint une qualité sans doute jamais égalée depuis les années 80. Un must, tout simplement.

Parallèlement, l’ex-guitariste du Priest, KK Downing refait parler de lui. Dans un premier temps, l’ange blond publie une autobiographie, Heavy duty : days and nights in Judas Priest. Un livre au cours duquel il raconte son histoire et sa version des faits, pas toujours de manière très glorieuse mais avec beaucoup d’humanité et de… regrets, est-ce le mot approprié ? Il y dévoile ses relations avec le reste du groupe, dont celles, parfois houleuses avec son « complice » Glenn qui s’appropriait, selon lui, les meilleurs soli… Sans totalement laver son linge sale en public, on y découvre certains travers de la vie de rock stars. KK tente plus tard de revenir sur le devant de la scène avec un groupe à peine revanchard : KK’s Priest qui publie 2 albums aux titres et aux chansons bourrés de références à la formation qui jadis fit sa gloire. Des références si grossières qu’elles ne peuvent qu’en devenir ridicules malgré un metal pur et dur. A l’annonce du retrait de Glenn Tipton, KK se plaindra du fait que Judas Priest aurait pu, dû, le rappeler pour compléter le line-up… Une aigreur qui pourrait cacher d’autres secrets qui, espérons-le, seront enterrés avec la fin de l’histoire. Pas encore demain…

Les tournées de Judas Priest, quant à elles, continuent. Plus courtes, certes, mais elles se suivent et les adieux sont oubliés… Tête d’affiche des plus grands festivals européens (Hellfest, Graspop et Wacken 2018 et 2022, Metaldays 2018…) et du monde, le groupe se montre dans une forme éblouissante – malgré un Rob Halford vieillissant – et la scénographie toujours renouvelée en donne au public bien plus que pour son simple argent.

Une forme simplement interrompue, en 2020 par… un virus qui entraine une crise sanitaire mondiale. Entre 2020 et 2021 le monde entier vit sous cloche, privé de réunions publiques et donc de spectacles. Comme beaucoup d’autres, Judas Priest en profite pour réfléchir à son avenir et en profite pour publier, en 2021, le gigantesque coffret 50 heavy metal years of music. Limité à 3.000 exemplaires, ce monstre regroupe 42 CD, soit toute la discographie officielle (studio et live) de Judas Priest et nombre d’autres albums live principalement enregistrés au cours des années 70 à 90. Le tout est agrémenté, entre autres goodies, de photos signées, d’un livre historique et d’une reproduction de la célèbre lame de rasoir de British Steel, numérotée. Il n’y en a naturellement pas pour tout le monde (mais il semble qu’il reste des exemplaires disponibles, sur le site du groupe uniquement. Attention aux frais de douane !) Ce coffret est doublé d’une compilation intitulée Reflections : 50 heavy metal years of music, naturellement bien moins conséquente mais cependant correctement fournie même si ce résumé laisse quelque peu sur sa faim.

Ce n’est pas tout, puisqu’en 2021, Rob Halford publie Confess, une passionnante autobiographie dans laquelle il se dévoile, de son enfance à aujourd’hui, en passant par ses souffrances, dont celle d’être un homosexuel qui, chanteur au sein d’un groupe de heavy metal en vue, ne peut dévoiler sa réelle nature et tout ce que cette frustration a pu engendrer, comportementalement et/ou addictivement.

2021 sera aussi, et surtout, marquée par le concert que donne Judas Priest au festival Louder Than Life le 26 septembre. Les Metal Gods y jouent juste avant Metallica, incontournable tête d’affiche. A l’issue du concert, une fois sorti de scène, après avoir ressenti des douleurs sur Painkiller, Richie Faulkner fait un malaise et est transporté de toute urgence à l’hôpital. On apprend bientôt que le guitariste a été victime d’un anévrisme aortique et a dû subir une longue opération à cœur ouvert- 10 heures sur le billard… Au delà de n’être pas tête d’affiche, ce qui a permis une évacuation et un transport très rapide, le public étant encore sur place, l’adrénaline créée pendant le concert pourrait être un des éléments qui ont sauvé le guitariste, aujourd’hui heureusement totalement remis.

L’année 2022 verra Judas Priest continuer de tourner. Le groupe ne fera cependant pas que sillonner les routes puisque, enfin diront certains, ils seront reconnus à leur juste valeur et honorés pour ce qu’ils ont pu apporter à la musique. Le 5 novembre de cette année, Rob Halford et ses comparses sont intronisés au célèbre Hall of fame qui honore ces musiciens ayant contribué à la musique rock dans le sens le plus large du terme. Seul Richie Faulkner n’est pas de la fête n’ayant pas assez dancienneté dans le groupe, tandis que sont invités à participer à la fête KK Downing et les Binks. Mais ce soir fait figure d’évènement puisque le toujours membre Glen Tipton est de la partie pour jouer Metal gods, You’ve got another thing coming et Living after midnight. Lui, certes, mais sont également de la fête l’ancien batteur Les Binks et… oui, le revanchard KK Downing. Un moment historiquement éphémère puisque simplement, malgré la rumeur qui enfle, temporaire. Non, KK ne rentre pas au bercail…

2024. Nouvelle année exceptionnelle pour Judas Priest ? Les Anglais reviennent en effet avec un nouvel album sous le bras, Invicible Shield, dont la sortie est prévue le 8 mars 2024. Judas Priest se lance dans une nouvelle tournée européenne, en compagnie d’autres légendes anglaises, Saxon et Uriah Heep (pas présent sur toutes les dates, absent chez nous), et sera, en France, présent à Lyon et Paris début avril et assurera la tête d’affiche du festival de Nancy, Heavy Week end en juin. Invincible ? Il semblerait bien que oui…

ECR.LINF: Belluaires

France, Black metal (Source atone records, 2024)

La lecture des crédits donne une première – vague – idée de l’identité musicale de Ecr.Linf (qui signifie « Ecrasons L’infâme ») puisqu’en dehors des classiques chant/guitare/basse/batterie, on trouve un instrument typique de chez nous moins utilisé dans le rock et ici accessoire: l’accordéon (qu’on entend cependant bien moins que les claviers, non crédités sur la version que j’ai reçue…) Les huit titres de ce premier album, Belluaires démarrent pied au plancher avec rage et désespoir. Le groupe fondé par d’ex-membres de No Return, Svart Crown, et pour les plus connaisseurs, Demande A La Poussière ou Ophe a vu le jour en 2023. Ecr.Linf enregistre deux premiers singles avant de proposer ce Belluaire. Les deux singles, Le désespoir du prophète et Tribunal de l’âme, en sont d’ailleurs les morceaux d’ouverture, brutaux et déterminés. Le groupe ne fait aucune concession au travers d’une musique aussi sombre qu’oppressante, à l’image du message véhiculé: un regard pessimiste sur notre (in)humanité. Pourtant, certains passages laissent entrevoir un trait de lumière, comme une lueur d’espoir. Brutal et direct, ce premier album place Ecr.Linf parmi les sérieux challengers du Black metal hexagonal.

INNER AXIS: Midnight forces

Allemagne, Heavy metal (Fastball music, 2024)

Quelle surprise lorsque le facteur sonne chez moi pour me remettre, contre signature, ce pli carré et plat! Ca fait des années que je n’ai pas reçu un album vinyle… Inner Axis fut formé dans la ville de Kiel, en Allemagne, en 2008. Le groupe enregistre deux albums : Into the storm en 2011 et We live by the steel en 2017 et revient aujourd’hui avec un troisième album, Midnight forces. Tout au long des dix titres, le groupe évolue dans un registre heavy metal tendance power/epic metal. Si l’illustration de couverture évoque la SF de Blade Runner, le contenu musical est clairement inspiré de ce heavy metal épique allemand des années 90. Si je pense à Blind Guardian, la musique m’évoque également Iron Maiden ou, dans certains refrains fédérateurs, Night Ranger. Helloween également, dans une moindre mesure, me vient à l’esprit. Tout au long des 10 titres, les guitares fusent dans des riffs et des solis exemplaires, soutenus par une rythmique efficace. Seul le chant m’irite quelque peu, manquent de puissance et de détermination. Le reste, cependant, montre un groupe au top de son efficacité. Ok, on sourit parfois aux aspect totalement cliché du genre (le ton sur lequel est scandé « Cobra never dies » sur Strike of the cobra mais avec des « Cobra cobra cobra strike » hyper fédérateurs) et on se rend bientôt compte des thèmes qui ont inspiré Inner Axis: les grands classiques du cinéma d’aventure, de SF, d’épouvante et historique (Evil dead, Spartan war cry, Master and commander…) On remarque surtout ces solis d’une rare efficacité sur I am the storm, Midnight hunter heavy et enjoué, Burn with me… Inner Axis revient donc avec un album puissant et efficace et très bien produit. On peut espérer que le groupe trouve son public, mais faudra-t-il attendre encore 6 ans avant une suite?

KARKARA: All is dust

France, Rock psychédélique (Autoproduction, 2024)

Complètement allumé et déjanté! Entre l’illustration de la pochette, véritable invitation à entrer dans un univers psychédélique d’une époque révolue, les sons de laser de combats contre (ou avec?) les extra-terrestres, la plainte d’un éléphant qui se serait pris la trompe dans une porte qui grince et couine en se refermant, des évocations pas si lointaines d’un Hawkwind ou d’un Black Sabbath, des références à une époque hippie où la musique se composait et s’écoutait sous l’emprise de substances diverses, les Toulousains de Karkara nous entrainent tout au long de ce All is dust, dans un univers aussi envoûtant qu’hypnotique. Les 6 titres à rallonge et à tiroirs de ce troisième album sont pensés comme les différents chapitres d’une histoire et ne répondent à aucun code autre que celui de l’efficacité. Car malgré ces aspects en effet complétement déjantés, chaque son de cet album participe à la construction d’un univers à part. Même le chant, ici torturé, là mystique, ici encore perturbé, rien ne laisse de marbre. Karkara nous invite dans une épopée spatio-temporelle planante et grisante tout à le fois. Superbe!

SLAVES OF IMPERIUM:New waves of cynicism

France, Thrash/Black (M&O music, 2024)

Les esclaves de l’empire… Slaves Of Imperium est un groupe fondé en 2019 en Bretagne, entre Vannes et Lorient qui a déjà publié un premier album, Observe. Analyse. Sanitize. en 2022. Si ses influences vont de Machine Head à At The Gates, si le groupe propose des structures directes et dans ta face, des riffs ultra tranchants et efficaces, une rythmique qui martèle sa mère, il est impossible de ne pas faire le lien entre ce thrash/death et le Black metal d’un Behemoth ou d’autres dans de nombreux passage des vocaux. Ce chant, hargneux et déterminé, qui se fait parfois clair (Beating session, Aftermath, Equation of the void et plus) est étrangement, par instants, limite juste et proche de la rupture dans un esprit mélancolique et torturé. Slaves Of Imperium semble toutefois déterminé et son propos musical ne laisse guère de doute quant à ses intentions. C’est brutal, certes, certains soli évoquant surtout le heavy metal classique. Ceux qui me connaissent le savent, je suis loin d’être fan ultime de metal extrême. Pourtant, ici, serait-ce un bon signe?, je suis arrivé au bout de l’album sans envie d’interrompre son écoute. Même si ça bourrine sévère, il y a une variété de tempi et d’influence suffisamment vaste pour que que chacun puisse trouver ses marques et ses repères. SOI nous offre même une version acoustique du morceau titre de son premier album pour clore ce nouvel essai, cette version m’évoquant directement Solitude de Candlemass. Seul point de frustration: le livret indique les compositeur et auteur, mais on ne trouve rien, ni sur le dit livret, ni sur internet (FB, linktr.ee, site du label…) quant au line-up actuel… On est en France, hein…

BRUCE DICKINSON: The Mandrake project

Angleterre, Heavy metal (BMG, 2024)

The Mandrake project ou chronique d’un succès annoncé… Depuis des mois déjà, c’est toute la planète metal qui s’émeut à l’idée de la sortie du nouvel album solo de Bruce Dickinson. Une promo comme seuls les plus grandes stars – et le chanteur d’Iron Maiden fait incontestablement partie de ces privilégiés – peuvent se la permettre, une promo soigneusement pensée et faite pour exciter les foules. Un battage fait de pubs dans la presse, tournée des radios, rencontres avec les (« des », le nombre de rencontres étant limité) fans pour des séances de dédicaces, production d’une version collector pour l’occasion… Comme si la promo officielle ne suffisait pas, même les fans les plus hardcore s’y mettent, se faisant le relai du décompte avant la sortie, des résultats des ventes, des témoignages lors de ces rencontres organisées… Bref une promo jusqu’à l’overdose qui pose une question: il est où le loup? Car oui, avec autant de remue-ménage, on peut avoir des a priori quant au résultat final de cet album que les fans auront attendus près de 20 ans. Certes, son retour au sein du giron Maiden l’a plus qu’occupé, mais force est de reconnaitre, à l’écoute de cet album, que ça valait le coup d’attendre. Une nouvelle fois, Bruce collabore avec Roy Z, qui tient ici guitare et basse et avec qui il compose la plupart des titres. D’emblée, on comprend que Bruce cherche à s’éloigner de l’univers purement heavy metal de la vierge de fer. Il nous propose un album au relents cinématographiques avec des chansons taillées pour le 7 art. La variété des genres, allant du heavy rock au metal symphonique, voire à l’acoustique est rafraichissante et interpelle plus qu’à son tour. L’émotion mise en scène est palpable, et Dickinson module et varie ses intonations avec un bonheur qu’on ne trouve plus forcément dans son autre groupe, même si certains moments évoquent naturellement Maiden. The Mandrake project s’en distingue cependant largement au travers de cette œuvre impressionnante et plus que réussie. Alors oui, voici un disque qui méritait bien un peu de tapage et on attend maintenant de retrouver le légendaire chanteur sur scène – un Olympia puis un Hellfest en bien meilleure position que British Lion…

POLARYS: Cosmic singularity

France, Heavy metal (Autoproduction, 2024)

Les Parisiens de Polarys se font rares… Après The Va’adian chronicles, un premier album puisant dans la SF paru en 2013, après 2 singles sortis de temps à autres, le groupe revient avec ce Cosmic singularity, un simple EP de 5 titres… « Simple », mais les titres sont longs, touffus et vraiment travaillés. La superbe pochette (signée Slo) donne le ton: Polarys évolue dans cet univers SF et propose un metal épique, puissant et enjoué. Comme un message au public à reconquérir, Back to war introduit cette galette en proposant divers tableaux, à la fois déterminés, inquiétants et épique. Le chant grave du guitariste Douchan est entrainant à souhaits. Le morceau éponyme démarre avec une évocation de Metallica avant d’aller explorer des sonorités plus spatiales et orientales. Certains sons me font même penser chant des baleines avant que le titre ne reparte en trombe avec une réelle efficacité. L’instrumental The long dark permet à la formation de proposer diverses ambiances dans des tiroirs aussi bien heavy que progressif. Deux termes qui résument l’esprit de Polarys qui ne cède pas à la facilité, varie les plaisirs comme sur le très enlevé Trapped in the hub, un des singles paru en… 2017 ou le plus que martial The warrior’s pledge. Il y a des coins à explorer et des découvertes tout au long de ce trop court Cosmic singularity dont on n’espère qu’une chose: qu’il soit le disque de la remise en forme, celui qui annonce un retour ou un redécollage.

Histoire d’une légende: JUDAS PRIEST (1ère partie)

Quinze ans déjà… Quinze années que Judas Priest a annoncé prendre sa retraite et, contrairement à tant d’autres, n’a finalement jamais arrêté nous offrant en 2024 un nouvel album studio – Invicible shield – et une nouvelle tournée, dont trois étapes sont prévues en France : le 5 avril à Lyon, le 8 à Paris et le 23 juin pour clore le Heavy week end de Nancy. Mais revenons quinze ans en arrière. Epitaph… C’est le nom qu’avaient décidé de donner les Metal Gods, à leur « tournée d’adieux en 2009. Vous vous en souvenez ? Oui, car cette « tournée d’adieux » n’avait d’adieux que le nom et le Priest a été, depuis back à de nombreuses reprises… Non seulement les Anglais « mettaient-ils un terme à leur carrière » mais, avec un nom pareil, on pouvait croire qu’ils avaient décidé de définitivement enterrer le mythe après quarante ans de bons et loyaux services. D’autant plus que le 20 avril 2009, Judas Priest postait sur son site www.judaspriest.com une nouvelle plus que surprenante : KK Downing, le guitariste co-fondateur du groupe, avait alors décidé de prendre sa retraite et de quitter le groupe. Une décision aussi soudaine qu’inattendue, d’autant plus surprenante qu’il ne semblait pas y avoir de réelle explication. Dont acte. Un départ brutal sans même des adieux live aux fans qui l’ont soutenu toutes ces années. Judas Priest n’a cependant pas tardé à lui trouver un remplaçant en la personne de Ritchie Faulkner, jeune guitariste alors âgé de 31 ans, présenté par le groupe comme plus que talentueux, et qui « va mettre le feu sur scène » dès le concert d’ouverture de cette nouvelle tournée, le 7 juin 2009 à Tilburg, en Hollande.

Mais ça, c’était avant… Car depuis, Judas Priest a publié non pas un, non pas deux mais bien trois nouveaux albums studio, un live et un méga coffret collector tiré à 3.000 exemplaires dans le monde, s’est lancé dans plusieurs tournées mondiales, expliquant que « finalement, non, l’idée de Epitaph était de mettre un terme aux longues tournées mondiales pour ne plus tourner que sur de courtes périodes et ne donner que quelques concerts soigneusement choisis ». En attendant de retrouver les Metal Gods sur scène, revenons sur (maintenant plus de) cinquante ans d’histoire.

Lorsque naquit Judas Priest du côté de Birmingham en 1970, personne n’aurait osé espérer une carrière aussi longue ni aussi riche. Celle-ci, pourtant n’est pas terminée. Car ce que le groupe enterre, ce sont les longues tournées, pas les concerts ni les enregistrements d’albums. Comme beaucoup d’autres formations à la carrière plus qu’honorablement longue, Judas Priest aura connu des hauts et des bas, tant en matière de réussite artistique ou commerciale qu’en termes d’image auprès du public. Mais une chose reste certaine : c’est que Judas Priest est devenu une référence incontournable depuis ses débuts.

LES ANNEES 70

Kenneth Downing, né le 27 octobre 1951, et Ian Hill, qui vit le jour le 20 janvier 1952, se connaissent depuis leur plus jeune âge. Ils ont fréquenté les mêmes écoles et, d’une certaine manière, se sont construits ensemble, se découvrant, au cours de l’adolescence des goûts musicaux communs. C’est naturellement qu’ils décident d’apprendre à jouer d’un instrument : Kenneth choisit la guitare, Ian la basse.

Lorsqu’ils s’estiment prêts, les deux compères décident de fonder un groupe. Nous sommes alors en 1970. Ils sont rejoints à cette époque par Alan Atkins, un chanteur dont le groupe, qui se nomme Judas Priest, vient de se séparer et qui leur propose ses services.

Si les débuts du groupe se font sous l’influence du blues, Downing insiste pour que Judas Priest durcisse le ton. Sa musique devient plus rock et plus dure, et le groupe, sans batteur attitré, écume la région de Birmingham. Mais des dissensions internes, dues, entre autres raisons, à des problèmes financiers, forcent le départ de Alan Atkins. Un premier changement s’impose alors, qui va avoir un impact déterminant sur le reste de la vie de Judas Priest.

Ian Hill fréquente à cette époque une jeune fille dont le frère chante au sein de Hiroshima. Elle suggère à son amoureux d’envisager la possibilité de le recruter. Rob Halford, qui a le même âge puisqu’il vint au monde le 25 août 1951, intègre ainsi Judas Priest et embarque avec lui son batteur John Hinch.
Si la légende n’est pas encore en marche, l’aventure peut toutefois commencer. Pour cela, le quatuor intègre, suivant la suggestion de son label, un second guitariste ; le fougueux Glenn Tipton, bien que de trois ans son ainé (il débarqua sur la planète le 25 octobre 1948) qui deviendra bien vite l’alter ego de celui qu’on appelle désormais KK Downing. Judas Priest ainsi complété entre en studio afin de donner naissance, sous la houlette du producteur Rodger Bain, à Rocka rolla, son premier effort. Une tentative qui ne marque pas l’histoire de la musique, le producteur ayant usé de son influence et de sa notoriété (il a notamment travaillé avec Black Sabbath) pour écarter des chansons que le groupe utilisera plus tard : The ripperGenocide ou encore Tyrant furent ainsi sacrifiées sur l’autel de la nécessaire production. La formation tire cependant les leçons de cet enregistrement afin de ne plus commettre ce type d’erreur et mieux se fier à son jugement.

Désormais, Judas Priest se donne un rôle actif dans la production, et commence, aux côtés de Jeffrey Calvert et Max West, dès l’enregistrement de Sad wings of destinyqui sort en 1976. Pour ce disque, Alan Moore tient les baguettes, mais il sera bientôt remplacé. La maison de disques, Gull, peut se déclarer satisfaite du début de succès rencontré par l’album de ses poulains. Les morceaux précédemment écartés touchent le public, tout comme le désormais classique Victim of changes.

La légende est en marche. Judas Priest commence à intéresser des majors, parmi lesquelles CBS qui finit par héberger, et pour de nombreuses années la formation anglaise. Le label compte bien capitaliser sur ce groupe à la réputation grandissante et obtenir un retour sur investissements. Dès 1977, Judas Priest sort le premier fruit de cette nouvelle collaboration : Sin after sin, enregistré avec le batteur Simon Philips, produit par Roger Glover (Deep Purple), est enregistré au Ramport Studios de Londres. Le groupe y signe les futurs classiques que sont Sinner ou Dissident agressor et reprend ce qui deviendra un incontournable lors de ses concerts, Diamonds and rust, que Joan Baez, chanteuse folk, a rendu intemporel. Sin after sin voit également l’équipe s’agrandir avec la venue de Roslav Szabo, un membre du team CBS, qui s’occupe de la conception et du design des illustrations des albums de Judas Priest. L’album marque par son orientation plus foncièrement heavy et parvient ainsi à séduire le public anglais qui lui offre une jolie 23ème place dans ses charts.

Le groupe renforce alors sa présence scénique afin de battre le fer tant qu’il est chaud. L’Angleterre tombe petit à petit et Judas Priest se voit même invité aux USA pour participer au Day On The Green Festival au côté de Led Zeppelin. Ce voyage outre Atlantique se fait en compagnie du nouveau batteur, Les Binks, et permet aux Anglais de voir grandir leur réputation chez l’oncle Sam. Le groupe découvre un pays qu’il lui faut absolument conquérir pour s’installer durablement dans le paysage musical mondial.

De retour en studio, Judas Priest s’attèle à l’enregistrement d’un nouvel album. Gull profite de l’aubaine pour sortir un premier Best Of Judas Priest coiffant sur le poteau la sortie, en 1978,de Stained class. Ce dernier, avec des titres un peu plus aérés comme SavageSaints in hellExciterWhite heat red hot ou encore Beyond the realms of death, présente une facette un peu plus « soft » du Priest, ce qui semble perturber légèrement le public anglais qui ne le place qu’en 27ème position. Ce disque, pourtant, confirme la position de leader de Judas Priest alors que la scène heavy britannique, qui subit de plein fouet l’explosion de débauche du Punk, est donnée pour moribonde.

Seulement, Judas Priest a l’esprit conquérant et propose dans la même année un disque beaucoup plus dur, forgeant (enfin) le style qui fit sa légende. Killing machine, pourtant subit la censure américaine à cause de son titre, bien involontairement cependant. Les USA ont récemment été le théâtre d’un massacre dans une école de Cleveland et « estiment » que le groupe fait ouvertement référence au meurtrier. L’album y est publié sous le nom de Hell bent for leather (une des chansons du disque) et marque les esprits au point que la tournée qui suit verra le nombre de dates grossir semaine après semaine. Car non content d’élaborer les codes musicaux du heavy metal moderne, Judas Priest en redéfini également l’image. Alors que nombre de musiciens évoluent avec l’apparence de hippies, Rob Halford et ses compères adoptent un look bien plus en rapport avec la musique : les vêtements de cuir tout de chaines et de clous bardés deviennent la marque visuelle bientôt indissociable du groupe. Un esprit sado maso, imposé au fil du temps par Rob Halford, entre au service d’une musique virile et macho. Judas Priest peut enfin décoller, ayant trouvé à la fois un son et une image. Les Anglais accueillent l’album à bras ouverts bien que lui offrant un moins bon classement dans les charts (n°32) et les Américains commencent à prendre le groupe au sérieux (n°128 du Billboard).

Le Japon est choisi pour que soit enregistré le premier témoignage public de Judas Priest qui parait en 1979. Unleashed in the east cartonne partout, se classant des deux côtés de l’océan (n° 10 en Angleterre et 70 aux USA) et sera bientôt soupçonné d’avoir été plus que retravaillé en studio, au point que certains le surnommeront « Unleahed in the studio ». Il faudra bien des années pour que le groupe parvienne enfin à convaincre que seul Rob Halford a dû réenregistrer ses parties tellement les prises live étaient mauvaises. Peu importe au final, car Judas Priest démontre avec brio sa maitrise de la scène, et l’engouement du public est bien réel. Mais la tournée aura eu raison du batteur. Les Binks quitte le groupe qui le remplace par Dave Holland. Débute alors une longue et très fructueuse collaboration qui durera toute la décennie suivante.

De son côté, Gull continue de tirer profit de son ancien poulain en sortant une nouvelle compilation sous la forme d’un double album, Hero, Hero qui relate, de nouveau, les premières heures des Anglais.

LES ANNEES 80

La légende s’installe, et cela sans perdre de temps. Profitant de son image – miraculeusement demeurée intacte malgré le raz de marée punk – et de l’afflux de jeunes groupes aux dents longues (mouvement que le monde connaitra bientôt sous l’acronyme NWOBHM), Judas Priest propose bientôt un nouvel album, présentant ainsi au monde son nouveau batteur, Dave Holland, né le 5 avril 1948 à Northhampton. British steel, produit par Tom Allom, fait un carton immédiat – et durable –grâce à son modernisme et sa détermination. Les désormais classiques Living after midnight et Breaking the law sont tout de suite la proie des radios qui en font de véritables hymnes du heavy metal, plaçant l’album en 4ème et 34ème place des Top anglais et américain. L’Angleterre cède, suivie par le vieux continent, les USA sont conquis, et Judas Priest connait enfin le plaisir des certifications en recevant disques d’or puis de platine. Le groupe se lance une nouvelle fois dans une intensive tournée américaine et se trouve enfin propulsé au rang de valeur sûre mondiale. L’Europe fera également l’objet d’un pilonnage en règle. Les années passées entre galères et espoirs sont désormais mises à profit, d’autant que la formation ainsi constituée (producteur inclus) restera stable tout au long de la décennie, et donnera naissance aux plus grands albums de Judas Priest.

Succès, formation stable, label confiant… Il est naturel pour tous les acteurs de vouloir capitaliser sur le nom de Judas Priest. Une obligation reste cependant à remplir : il est impératif de renouveler le succès américain. Pour cela, les six travaillent le son du groupe, et lorsque sort, en 1981, Point of entry, la surprise est de taille : les chansons plus lisses semblent mieux convenir aux radios américaines, ce qui, en cette période de renouveau metallique sur le vieux continent, n’a pas l’heur de plaire à tous les Européens. Le public américain ne s’avoue cependant pas totalement convaincu non plus, ne transformant ce nouvel essai qu’en disque d’or et n’offrant à l’album que la 39ème position du Billboard (et N° 14 GB). Mais loin de se décourager, les Anglais repartent sur les routes et sillonnent les deux côtés de l’Atlantique. Si le succès commercial de l’album est mitigé, de nombreux concerts affichent complets. Et sur scène, les You say yesDesert plains ou autres Heading out to the highway prennent une autre dimension.

Rapidement, pourtant, Judas Priest remet les pendules à l’heure. On ne joue pas avec les humeurs de ses compatriotes… Le groupe retourne en studio, toujours sous la houlette de Tom Allom, et donne naissance à Screaming for vengeance en 1982. Clairement, la formation s’éloigne des sirènes radiophoniques en durcissant le ton. L’aigle qui illustre la pochette, œuvre de Doug Johnson (auteur d’une trilogie priestienne qui commence ici) a les serres affûtées et son piqué n’a rien de pacifique : la bête metallique est lâchée et vient pour vaincre. Les morceaux lourds sont parfaitement taillés pour la scène, et la tournée qui suit continuera de mettre les USA à genoux. Screaming terminera double platine. Les intensifs coups de boutoirs chez l’oncle Sam durent pas moins de six mois, le public reprenant en chœur You’ve got another thing comin’Electric eye ou Bloodstone. Puis, une nouvelle fois, l’Europe cède, reconnaissant ses héros qui, désormais, sont surnommés les Metal Gods. Comme pour British steel, la force de l’album réside dans la variété des sons de l’ensemble. Jamais Judas Priest ne se répète, alternant riff acérés et lourdeur oppressante, hymnes de concerts et hits potentiels. Le succès se confirme à domicile (n°11) et sur le nouveau continent (n°17).

Pour la première fois, une année passe sans qu’un nouvel album de Judas Priest ne voie le jour. Mais en 1983, le groupe n’a pas d’autre choix que de se concentrer sur la route. Et sur son avenir. Il serait tentant de chercher à séduire plus encore le public américain, mais KK Downing et sa bande optent pour l’option heavy metal pur et dur. Le contraire serait malvenu en nommant son nouvel album Defenders of the faith. L’efficacité de Some heads are gonna rollRock hard ride free, Eat me alive ou Freewheels burning, démontre que le groupe n’a rien perdu de son mordant, bien au contraire. Plus agressive que jamais, la formation améliore autant que possible les recettes utilisées sur Screaming for vengeance, tout en travaillant ses nouveaux morceaux pour la scène. Seulement, voilà, nous sommes en 1984. Les Américains ont les oreilles tournées vers les sons développés par Van Halen et son méga succès Jump. Résultat : Defenders of the faith ne récolte qu’une « maigre » récompense de platine, mais en Europe, on reste persuadés qu’il n’y a pas de plus efficace porte étendard de la cause metal que Judas Priest, accompagné, soyons honnêtes, des désormais imposés Iron Maiden, Saxon et Def Leppard. Cependant, en ces heures de rude concurrence (le hard US et glam metal commencent à faire fureur), l’album est moins plébiscité, n’atteignant que la 19ème position à domicile, et 18ème aux USA. Pourtant, où qu’il passe, le groupe remplit stade sur stade, proposant un spectacle visuel complet. L’année 1985 sera principalement consacrée à la route avec succès avant que les dieux du metal n’entrent de nouveau en studio.

En deux ans, le glam ou hair metal a pris ses quartiers : les cheveux permanentés sont de mise, et les diffusions en radio un passage obligatoire. Si la couverture de Turbo est une nouvelle fois marquée de la signature de Doug Johnson, Judas Priest fait mentir l’illustration (par ailleurs un peu trop douce, faite d’un métal trop poli et brillant), car plutôt que d’enfoncer le clou du metal et passer à la vitesse supérieure, Rob Halford and Co. préfèrent flirter avec les ondes et introduisent – sacrilège ultime – des claviers et synthétiseurs dès que possible… Clairement, Turbo loverPrivate property ou le très engagé Parental guidance visent à séduire les fans de ce hair metal qui voit chaque album se transformer plusieurs fois en récompense de platine. Le public européen est déconcerté, d’autant que si le groupe conserve le look cuir et clous, il adopte des tenues pour le moins saugrenues et à l’opposé de l’image SM jusque-là développée. Le public fait quelque peu payer au Priest cette offense, mais fi ! La tournée est une nouvelle fois un triomphe qui se traduit par un (double) album live, un Priest… Live, à la couverture hideuse, un témoignage de nouveau destiné au public américain. Car ce sont cinq morceaux issus de Turbo qui sont ici présents et le verdict est clair : si les Yankees lui réservent un accueil raisonnable en transformant ce disque en Or, les fans européens restent intransigeants, et même distants.

Priest semble entendre le message et décide de durcir de nouveau le ton afin de remettre les pendules à l’heure. Mark Wilkinson récupère les pinceaux et frappe un grand coup afin de faire passer visuellement le message que le groupe développe musicalement tout au long de Ram It Down, qui parait en 1988 : le heavy metal reste l’apanage de Judas Priest et de quelques rares héritiers. Mais le mal a été fait et malgré de féroces morceaux comme Come and get itRam it downBlood red skies, la profession de foi heavy metal ou la reprise explosive de Johnny B. Good de Chuck Berry, le public européen boude ses anciens héros, pensant sans doute qu’il y aura un autre retournement de veste. Les Américains, de leur côté, semblent ne pas comprendre ce revirement et n’offrent qu’une faible récompense en Or au groupe. Pourtant, comme souvent, le public continue de courir les salles de concerts où les prestations restent d’un haut niveau. Et même si la tournée est un succès, ce public est moins nombreux, de même que les dates. Dave Holland, le batteur qui a traversé la décennie avec Judas Priest profite de ce moment pour quitter le groupe (ou, plus exactement, se fait remercier ayant quelques démêlées avec la justice qui l’envoie faire un séjour à l’ombre. On apprendra plus tard que le batteur a été condamné pour pédophilie. Il est décédé à Lugo, en Espagne, le 16 janvier 2018)

Bientôt la suite…

QAMELTO: Scotoma

France, Rock (Autoproduction, 2024)

Qamelto nous avait interpelés avec son premier Ep, Sors, paru en 2020. Le groupe revient avec Scotoma, un album qui sonne et donne beaucoup. Démarrant avec L’hôte, le groupe semble vouloir régler des comptes et nous offre des textes qui sonnent comme une délivrance sur des mélodies qui, si elles paraissent simples, se glissent dans la tête. Qamelto varie par la suite ses plaisirs avec des morceaux plus lents, speed, s’oriente vers des atmosphère plus aériennes, lourdes ou sombres. Le chant déterminé et rugueux accompagne des guitares incisives et une rythmique directe. Qamelto nous offre un album dynamique et entrainant, rafraichissant même. Parfois, la « simplicité » reste ce qu’il y a de plus efficace.

BLOOMING DISCORD: Memories from the future

France, Metalcore (mais pas que) (Autoproduction, 2024)

Il aura fallu 8 années aux Marseillais de Blooming Discord pour enfin offrir à son public son premier album, Memories from the future. Un premier album qui fait suite à 2 Ep qui ont permis à la petite bande de finaliser son line up, tester et se planter et vraiment trouver son identité musicale. Ce sont ici 10 titres qui nous sont livrés et la surprise est au rendez-vous. Si Blooming Discord évolue de prime abord dans un registre proche du metalcore, on se rend vite compte qu’il y a plus que ça dans ce qui motive le groupe. On reconnait aisément les sources d’inspirations de Blooming Discord qui puise dans les 90’s et le début des années 2000, et le son – superbement produit – est très américain. Le chant, à la fois clair et plus brutal de Karim fait des merveilles et l’on ne peut noter un accent qui pourrait, à juste titre, laisser croire qu’on n’a pas à faire à quelqu’un qui aurait grandit en France. Tout au long de ces dix titres, Blooming Discord nous entraine dans une furie auditive tout autant que dans des rythmes simplement entrainants ou dans un peu plus de douceur. Le groupe s’est donné les moyens de ses ambitions et nous propose un premier album d’une rare efficacité qui ratisse large et s’adresse à tout le monde. Une superbe carte de visite qui donne envie d’en découvrir plus.