Interview BLACK RIVER SONS. Entretien avec Vincent (batterie) le 26 octobre 2023
Pour commencer, peux-tu me dire quelle est la question qu’on vous a le plus posée aujourd’hui ?
Ha, ha ! Cette question-là, justement (rires) !
OK, on a dû se mettre d’accord ! J’imagine alors que celle qu’on vous a le moins posée, c’est la plus originale qui soit pour moi qui découvre Black River Sons avec cet album, Skins : quelle est l’histoire du groupe ?
Black River Sons est un groupe qui existe depuis 2016, qui est basé sur la région lilloise. C’est un projet qui est à l’initiative d’Emeric, le chanteur, qui pendant une dizaine d’années a joué dans des tributes et des cover bands – Thin Lizzy, Led Zep, Lynyrd Skynyrd. En 2016, il en a eu marre de jouer les chansons des autres, il a eu envie d’écrire ses propres chansons, de les jouer en concert et de proposer, lui, ce qu’il avait à dire. Comme dans toutes les villes moyennes, dans le milieu de la musique, tout le monde se connait. Emeric, je le connais depuis une vingtaine d’années, on n’a jamais joué ensemble mais on s’est souvent croisés dans des concerts communs… On a joué un peu dans le cover de Lynyrd Skynyrd et quand il a voulu monter Black River Sons, il m’a contacté en premier, se doutant que ce serait le style de musique qui me conviendrait bien. On a monté l’équipe à deux, on a trouvé un bassiste, un guitariste. On a tout de suite voulu exister alors on s’est très vite mis en tête d’enregistrer un premier Ep histoire de pouvoir démarcher, gagner un peu de notoriété et se lancer dans la course aux concerts. Naturellement est venu l’enregistrement de notre premier album, Poison stuff en 2018.
Skins est votre second album, et votre chemin suit un chemin logique pour un jeune groupe composé de vieux briscards…
C’est ça, exactement, « un jeune groupe composé de vieux briscards » !
On ne pourra pas dire le contraire quand on voit vos… comment dire ? Quand on voit vos gueules de taulards chopés à la place de Trump avec vos mug shot (il se marre) … Comment décrirais-tu la musique de Black River Sons à quelqu’un qui ne vous connait pas ? Tu as parlé de Lynyrd Skynyrd, donc on a un indice, il y a du hard rock et du rock sudiste…
On peut effectivement dire que le socle commun à tous les musiciens du groupe c’est effectivement le rock sudiste, c’est ce qui nous a réuni, mais les influences sont bien plus vastes, avec des teintes de blues, du metal, du vieux hard rock, mais aussi du stoner, du grunge même dans certains morceaux. Mais, oui, le socle commun, c’est le southern rock avec les twin guitars, le questions-réponses. Ça va bien au-delà de ça dans la composition. Sur Skins, chaque morceau est différent. On peut passer comme Spit me out qui est très hendrixien, très « Kenny Wayne Sheppardien », à des morceaux beaucoup plus lourds et stoner…
On sent en effet une grosse influence des années 70 et 80, mais pas que ça.
Pas que ça, exactement. Il y a aussi des groupes comme Black Stone Cherry, beaucoup plus modernes, avec des sonorités plus actuelles, et, je trouve qu’ils sont beaucoup moins sudistes qu’à leurs débuts… Sur l’album précédent, on sonnait un peu comme Blackberry Smoke, pour Skins, on a modernisé le son, réactualisé l’écriture.
C’était justement ma question suivante : savoir comment tu analyses l’évolution de BLACK RIVER SONS entre ces deux albums…
Poison stuff, on était un peu dans le cliché rock sudiste, avec des chapeaux et des santiags. La pochette, c’est un tonneau… On a voulu sortir de ce carcan aussi bien au niveau de l’écriture que de la production et du son, tout en gardant notre identité, cette couleur rock sudiste mais on la voulait moins ostentatoire. Après Poison stuff, on a voulu durcir un peu notre musique en gardant le coté sudiste. C’était un choix artistique dès le départ.
Poison stuff est sorti mi 2019, ce qui signifie que vous avez eu 9 mois pour le faire vivre avant la crise sanitaire en mars 2020…
Exactement… Ça a été compliqué, très compliqué, mais comme ça l’a été pour tous les musiciens, tous les artistes… On a eu la chance d’avoir une bonne pub pour cet album qui marchait bien, on avait plein de dates programmées et, du jour au lendemain, on s’est retrouvés coincés chez nous. Là, le second album est là, on se dit qu’on va reprendre où on en était et même aller un peu plus loin.
Justement, pour aller un peu plus loin… Un groupe de rock doit défendre sa musique sur scène. Quels sont vos projets de concerts en dehors de votre région ?
On finit la saison tranquillement, mais cette année, on a vraiment donné beaucoup de concerts. Il nous reste 2/3 dates chez nous, et pour l’instant, il y quelques plans en pourparlers, notamment quelques festivals, et ça nous sortir de la région, ce qui est notre but : sortir du circuit habituel. Les concerts, on en donne beaucoup, mais toujours dans le même circuit. Maintenant, on a aussi pu jouer en Allemagne, dans différentes régions mais pas assez souvent à notre goût. Nous, ce qu’on veut, c’est pouvoir défendre notre album dans un rayon plus grand, aller plus loin et conquérir un autre public.
Vous n’avez pas encore la possibilité de vivre de votre musique, alors, quels sont vos métiers respectifs dans vos autres vies ?
(Il rit) Alors, Emeric vend des vêtements, Fred est prof de guitare – notre bassiste, mais initialement il est guitariste – Guillaume est musicien professionnel, il est intermittent du spectacle. Moi, je suis infirmier anesthésiste.
Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Skins pour expliquer ce qu’est l’esprit de Black River Sons, ce serait lequel ?
Oh… C’est une question tellement difficile parce que je pense que sur cet album il y a tellement de chemins, d’influences, de sonorités différentes… je dirai, s’il faut n’en retenir qu’un, ce serait Birds and beasts. C’est celui qu’on a choisi comme premier single, premier clip parce que c’est un morceau rentre dedans, qui groove, qui est dynamique mais qui a aussi ce côté un peu grand public. Sans se fourvoyer, sans dénaturer l’essence du groupe. Il y a toujours ce côté sudiste mais en plus moderne.
Je n’ai reçu que la version promo du CD, et je n’ai pas vu les paroles. De quoi traitent vos textes ?
C’est Fred qui est l’auteur de tous les textes. Il y a un fil rouge qu’on trouve sur tous les morceaux et qu’on peut expliquer avec les paroles de la chanson Skins : c’est un concept sur les apparences, les différents visages, les différents costumes qu’on peut porter pour se faire accepter de la société, arriver à ses fins… Entre celui que tu es vraiment et comment les autres te perçoivent, il y a une différence, une armure… A partir de quel moment tu dois changer de peau pour être en adéquation avec ton environnement… On parlait de nos métiers tout à l’heure : quand je suis le batteur de Black River Sons sur scène je ne suis pas le même que quand tu me vois dans un bloc opératoire, je n’ai pas le même costume… C’est un peu l’histoire de la dualité entre ce que tu veux être, ce que tu représentes et ce que tu es prêt à faire pour obtenir l’acceptation des autres.
Savoir se montrer sous son vrai jour… C’est un album qu’il faut présenter aux femmes en fait !
E fait, le titre Birds and beasts traite du néo féminisme, le féminisme à outrance, qui endevient peut-être même presque caricatural. Ce n’est peut être pas politiquement correct, mais on est dans une société où il n’y a plus de frontières, plus de limites, c’en devient ridicule, et c’est aussi le constat qui est fait dans cet album.
Et y a-t-il des thèmes que vous ne souhaitez pas aborder, qui n’ont pas lieu d’être dans BLACK RIVER SONS ?
On n’est pas un contest band, on n’écrit pas de protest songs… Le tout, c’est la façon dont tu vas dire, écrire les choses. Fred écrit toujours des paroles à double ou triple sens… On ne s’interdit rien mais on veut avoir une approche assez intelligente sur la forme pour que ce soit entendable. Ça peut être sujet à débat, ça laisse la porte ouverte au débat, à l’échange. Même nous, dans le groupe, on n’est pas toujours d’accord sur tout…
Comment procédez-vous pour la composition, le choix des morceaux ?
En fait, comme dans tout bon groupe, quand quelqu’un prend les clés du camion, s’il sait conduire, il faut lui faire confiance. Emeric avait tout écrit à 100%, là, le processus a été un peu plus démocratique : Fred, en plus d’écrire les paroles et de jouer de la basse, il compose, et chaque compositeur propose des morceaux quasi finis qui ne seront presque pas retravailler ensuite, après approbation collective. Les morceaux sont déjà bouclés quasi à 100%, maquettés quand ils sont proposés. Ensuite, charge à nous, avec nos instruments, d’apporter notre couleur qui fait que ce sera mieux avec un vrai musicien qu’avec une machine…
Comment avez-vous procédé pour l’enregistrement ? Vous avez tout fait en studio, utilisé les moyens technologiques modernes ?
On est allé dans un studio, le CNP studio à côté de chez nous. C’est le cinquième disque que j’enregistre chez lui. Les parties batterie, guitare acoustique et le chant ont été faits en studio pour des raisons logistiques et pratique, tout ce qui est guitares et basses, ça a été fait à la maison, envoyé au studio pour mixage. Pour des raisons de coûts et de charges financières… une journée en studio, ça coûte cher, donc ce qu’on pouvait ne pas faire en studio, on l’a fait nous même en donnant les clés du projet à notre ingénieur du son, qui nous connait bien maintenant puisque c’est le troisième disque qu’on enregistre avec lui. C’est quelqu’un qui est très à l’écoute, qui nous suit dans la direction qu’on a choisie. Si tu écoute les deux albums, ce n’est pas du tout la même production : Poison stuff est très roots, très naturel, Skins est plus rentre dedans, plus méchant. Il n’y a pas de triche sur la batterie, c’est le vrai son. On n’a pas voulu tomber dans le piège de tout trigger, éditer à la double croche près… on a gardé ce côté un peu roots, pas parfait… Enfin, quand je dis ça, il faut vraiment écouter de près pour se rendre compte des erreurs. Il y a un côté un peu organique dans cet album, et c’est ce qui est intéressant.
C’est aussi ce qui permet de garder encore le côté humain… Tu parlais du contenu textuel de vos chansons, et il y a un lien direct avec la pochette. Qui l’a réalisée ?
Elle a été réalisée par François Parmentier, un infographiste de métier qui a travaillé sur de gros projets, avec des artistes de jazz américains, avec Manu di Bango et j’ai la chance de l’avoir dans mon entourage. Naturellement, je l’ai sollicité, je connaissais la qualité de son travail… Je lui ai fait écouter l’album, lui ai parlé du concept de dualité, d’opposition, de peaux… Je lui ai donné des mots clés et carte blanche. On voulait une pochette qui claque et qui, quand on la regarde de près, fasse dire qu’il y a des détails intéressants.
Quand j’écoute l’album, j’entends en effet du Black Stone Cherry, du Black Sabbath, tu parlais de Blackberry Smoke… Vous vous appelez Black River Sons. Etait-il important que le mot Black fasse partie du nom du groupe ?
Quand on cherchait un nom, on s’était donné un cahier des charges : le nom devait comporter trois parties, comme Blackstone Cherry, Black Country Communion, Blackberry Smoke… On voulait un nom en trois parties qui commence par « black ». River, c’est en fait un affluent du Mississppi, la Black River, qui le rencontre dans l’Arkansas. Comme on joue du rock sudiste, ben, c’était logique : Mississippi, le sud, la Black river, c’est venu tout naturellement en rajoutant Sons. C’est moi qui ai trouvé le nom et on a trouvé que ça sonnait bien.
Si tu devais penser à une devise pour Black River Sons, ce serait quoi ?
(Il réfléchit) Nous, ce qu’on veut, c’est jouer sur scène, donc je dirais : Play or die ! joues ou meurs. Défendre notre album en concert, élargir notre champ d’action, faire découvrir Black River Sons au plus grand nombre.