SYMAKYA: Project 11: the landing

France, progressif symphonique (Fantai’Zic, 2024)

Ce n’est que 13 petites années après avoir sorti son premier album que les Français de Symakya publient leur second méfait, Project 11: the landing. Formé en 2008 par Matthieu Morand (Elvaron, Dusk Of Delusion, Akroma) et Kevin Kazek (Seyminhol), le groupe est aujourd’hui composé, outre les deux fondateur, du batteur Thomas Neves (Deficiency, Heavenly et également Seyminhol) et du bassiste julien Kuhn (Diamond Dust, Taste Of Hell, Surtr). Avec Project 11, le groupe nous propose un concept album qui gravite autour du thème de la lune. Les titres speedés aux mélodies puissantes abordent tout autant les anciens penseurs et philosophes (donc scientifiques érudits) que sont le Grec Lucien, le plus récent Frantz Von Gruithuisen, JFK, Jules Vernes qui, tous, ont révé et écrit au sujet de la Lune, enfin conquise par l’alunissage d’Apollo 11 en 1969. Tout au long des 10 titres de cet album, Symakya propose des structures alambiquées sans être prise de tête. On se laisse aisément entrainer par ces mélodies enlevées aux riffs efficaces. Bien que le groupe se dit affilié au metal porgressif symphonique, on est plus proche du prog que du sympho, le passé des musiciens parlant de lui même. Efficace de bout en bout, ce Project 11: the landing donne envie de se replonger dans les oeuvres lunaires – de De la terre à la lune à First man en passant par Le voyage dans la lune de Méliès ou les aventures de Tintin. Symakya nous offre un très bel album que les amateurs des groupes mentionnés auront plaisir à découvrir.

RIVIERA PARADISE: Ready for more

France, rock (Autoproduction, 2024)

Une pochette aussi sobre que le logo du groupe, mais qui donc est ce quatuor de Riviera Paradise? Je glisse le CD dans le lecteur et Ready for more démarre avec un Game master énergique, entrainant et dépouillé de tout subterfuges. Puis For the new day arrive, titre aussi enjoué que faussement calme. J’ouvre la pochette pour découvrir que le chanteur se nomme Kourros. un nom qui m’est familier… Se pourrait-il qu’il s’agisse du vocaliste de feu Incry? Il a rejoint le groupe, monté en 2014, il y a quelques années, en 2018, la formation enregistrant divers Ep avant de proposer ce premier album. Avec ses compères – le guitariste Robin Lapalut, le bassiste Florent Gayat et le batteur Julien Giraud – il propose un rock varié, alternant entre mid tempi efficaces et envolées libératrices, évitant ainsi de lasser l’auditeur. Ok, l’anglais reste à améliorer, mais l’envie est telle qu’on se prête au jeu de ce rock chaleureux qui s’inspire parfois de Faith No More mais également de Black Stone Cherry ou encore Porcupine Tree (bonjour le grand écart!)et n’a pas d’autre prétention que celle de se faire plaisir et de donner envie de bouger. Et ça c’est déjà beaucoup!

JUNON: Dragging bodies to the fall

France, Post Hardcore (Source atone records, 2024)

Nous avions fait la connaissance de Junon en 2021, via The shadows lengthen, son premier Ep qui, au travers de 4 titres, posait les bases de l’univers sonore des ex-General Lee. Junon revient aujourd’hui avec son premier album complet, un Dragging bodies to the fall composé de 9 titres aussi sombres qu’inquiétants ou hypnotique. il y a du désespoir et de la mélancolie tout au long de cet album. Le chant d’Arnaud Palmowski est aussi torturé que les guitares de Fabien Zwernemann (également aux backing vocals), Martin Catoire et Alexis Renaux, qui proposent des plans épurés et aériens autant que lourd et brutaux. La rythmique du bassiste (studio) Vincent Percadiro et du batteur Florian Urbaniak pose quant à elle les bases de cette architecture souvent alambiquée. Clairement, Dragging bodies to the fall nécessite plusieurs écoutes pour en saisir toutes les subtilités mais l’ensemble en est d’autant plus saisissant que le mystère est présent tout au long des 44′ que dure cet album à découvrir.

Interview: BLACKRAIN

Interview BLACKRAIN – Entretien avec Math (basse) le 1er mars 2024

Math, commençons avec ceci : Untamed, votre précédent album, n’apparait pas sur votre site web. Il y a une raison particulière ?

Déjà, le site web est bloqué de puis quelques jours (rires)… Mais l’album Untamed n’y est pas ?

Quand on va sur la discographie du groupe, le dernier album en date est Dying breed.

C’est que j’ai oublié de le mettre à jour… En fait, il y a de moins en moins de trafic sur les sites web, c’est de plus en plus les réseaux sociaux qui fonctionnent, donc on n’a pas fait attention à ça. Mais le site est en train d’être refait.

Parlons maintenant de l’actualité, celle qui remonte à il y a un an puisque vous avez récupéré dans l’équipe un certain Franky Costanza, arrivé en janvier 2023. C’est une belle prise, mais on le connait plus dans un registre plus brutal avec Dagoba, mais aussi avec Les Tambours du Bronx. Qu’est-ce qui a fait que vous l’avez retenu et qu’apporte-t-il de plus à Blackrain ?

La première chose c’est qu’on communique depuis une bonne dizaine d’années. Il y a dix ans, il nous avait déjà proposé de venir dans Blackrain. On savait que ce style qu’on joue c’est aussi son style de prédilection. C’est un grand fan de Mötley Crüe. A l’époque, il était dans Dagoba et il n’avait pas de temps pour un autre projet. Là, je l’ai contacté parce que je savais qu’il connaissait beaucoup de batteurs. Je lui ai demandé s’il en connaissait un qui serait intéressé, parce que notre batteur partait pour des raisons personnelles et familiales et qu’il ne pouvait pas rester. Il me dit « ben moi, ça me botte ! » C’est la personne parfaite parce qu’il n’y a pas mieux que lui. Dès la première répèt’, on a commencé à travailler ensemble et ça a tout de suite fonctionné, on s’est tout de suite super bien entendus, on a l’impression de se connaitre depuis toujours ! C’est un peu inespéré de trouver quelqu’un comme ça parce que sur le moment on a eu peur : on perd notre batteur, on avait des doutes… Mais, non. Ce qu’il apporte de nouveau, c’est sa frappe assez typique, c’est un gros cogneur. En plus, ce qui est génial, c’est qu’il a un studio de batterie chez lui et il peut enregistrer en direct les piste de batterie dès qu’on est en train de travailler. Des pistes de batterie qui vont aller directement au mixage, et ça, c’est super pratique parce qu’on est tous à des distances super importantes. Swan, notre chanteur, habite en Suède… Là, Franky peut directement enregistrer et nous envoyer les pistes, on en parle après… C’est super pratique ! On a pu très rapidement enregistrer des tonnes de chansons. D’où l’album qui vient et celui qui va suivre. On en parlera peut-être.

Puisque tu en parles, votre nouvel album s’intitule Hot rock time machine. Trois mots : vends-le-moi.

C’est simplement les chansons qu’on a le plus utilisé sur scène, qui ont vraiment fonctionné, qui n’étaient plus disponibles sur les plateformes de streaming parce qu’on n’avait plus les droits – ils appartiennent à notre ancien producteur – et on a réenregistré ça avec le son actuel, mixé par Hannes Brown, le chanteur de Kissin’ Dynamite. C’est le son qu’on a sur Untamed, celui qu’on a toujours recherché et qu’on aurait voulu avoir sur les chansons à l’époque.

Comment avez-vous fait connaissance ?

En tournée. On a discuté, on lui demandé qui produisait leurs albums et il nous a dit que c’est lui. Ben… c’est le son qu’on recherche depuis toujours, et il nous a proposer de mixer pour nous, tout simplement… On était en tournée dans le tour bus, on a discuté, voilà tout. Il a fait cet album et il fera certainement le suivant.

Où a été enregistré Hot rock time machine ?

Dans plusieurs endroits, on a tout fait à distance. On a chacun notre studio, et on s’envoie les bandes. Swan coordonne tout ça et qui a la main sur le final avant d’envoyer le tout à Hannes. Ça circule : Marseille, Haute Savoie, Suède, Allemagne… et ça revient.

A une époque vous étiez installé à Paris. Tu viens de dire Haute Savoie, d’où BlackRain est originaire. Ça veut dire que plus personne ne vit sur Paris ?

Non, il n’y a plus personne à Paris. Max et moi on est retournés en Haute Savoie, Swan s’est marié et s’est installé en Suède, et maintenant, Franky vient de Marseille.

Est-ce que Franky a eu son mot à dire sur ces compositions ?

Il a fait quelques commentaires sur les lignes. Parfois, quand tu apportes quelque chose, ça amène à modifier d’autres parties. C’est toujours un dialogue : on t’envoie une maquette, tu ajoutes quelque chose qui va donner une autre idée… Il y a un jonglage et à un moment, on arrive à la chanson finale. C’est un dialogue entre quatre musiciens avec un chef d’orchestre, Swan.

Donc chacun a son mot à dire.

Bien sûr, mais même, parfois, s’il y en a un qui dit que la chanson ne lui plait pas, on arrête. Il y a un matériel assez gigantesque : quand on regarde le nombre de chansons qui sont écrites, enregistrées et le nombre qu’on sort réellement… Je dirai qu’on en sort une sur trois, à peu près. Parfois, il y a des chansons qui reviennent, qu’on réécoute, qu’on avait abandonnées, et on les retravaille des années plus tard (rires).

Comment analyserais-tu l’évolution de BlackRain entre Untamed et ce nouvel album, en dehors de l’arrivée de Franky ?

Là, c’est un peu difficile parce que c’est un nouvel album d’anciennes chansons. Entièrement réarrangées, revues comme on le ferait aujourd’hui avec le recul, l’expérience qu’on a eu de différents studios, avec les ratés… On a toujours été à la recherche du son – ça a été long, mais je crois que là, on est bien – et à la recherche de LA chanson. Le fait que ces chansons ne soient plus disponibles sur les plateformes de streaming alors que certains fans nous les réclament, on se dit qu’on peut leur donner une seconde vie. Plein de gens vont les découvrir sans même se rendre compte que c’étaient des vieux titres…

Puisque tu parle d’anciens titres que les gens vont redécouvrir, si tu devais n’en retenir qu’un seul de Hot rock time machine pour expliquer à quelqu’un qui ne vous connais pas « voilà ce que nous sommes aujourd’hui », ce serait lequel ?

Je dirais que c’est Revolution, le titre qu’on vient de sortir… C’est quelque chose qu’on avait en tête depuis longtemps, qu’on n’avait pas fait comme on le souhaitait. Quand on a discuté avec des attachés de presse, le label, tout a assez rapidement convergé vers ce titre. Les chœurs, les solos de guitare, la batterie qui tabasse… Et là, il y a le côté cow-boy qu’on n’avait jamais fait. Ça va prendre son sens avec le clip. Il y a le sifflement à la Enio Morricone.

Si aujourd’hui tu devais réenregistrer un des précédents albums de BlackRain avec le line-up actuel, ce serait lequel ?

Ce serait Lethal dose of…, c’est un peu ce qu’on a fait, d’ailleurs. On n’a pas tout fait parce qu’il y avait beaucoup de morceaux dessus, mais oui, c’est un peu ce qu’on a fait là. En plus, avant même d’arriver à Paris, on avait enregistré cet album qu’on a essayé de mixer avec un producteur américain (Beau Hill) mais ça n’avait rien donné. C’est la raison pour laquelle on avait travaillé avec ce producteur sur Paris, mais le résultat n’était pas non plus ce qu’on espérait. Là, on a eu cette opportunité de pouvoir le réenregistrer, on nous l’a proposée, et on l’a saisie…

Au début de notre entretien, tu parlais d’un autre album qui va suivre…

Oui, en fait, cet album s’est intercalé avec le suivant. On nous a proposé d’enregistrer Hot rock time machine, ça a été très rapide, et on était déjà en train d’enregistrer le suivant. Il y a une partie qui est déjà mixée, donc on va enchainer. Tu vas réentendre parler de nous rapidement…

Il est prévu pour quand ?

On ne sait pas encore. Le temps de discuter avec les labels, de tout mettre en place, de choisir la pochette… ça prend toujours un peu de temps.

Tu viens de parler de la pochette : il y a maintenant un point commun entre celles des trois derniers albums puisqu’il y a des… zombies, des morts-vivants. Ils sont au nombre de 4, vous êtes quatre. Il y a une envie d’avoir ces mascottes ?

Il faut trouver un visuel, et on a trouvé notre dessinateur, on a de la chance ! Quand tu as un dessinateur, que ça colle, que tu es content du résultat, ben… tu continues avec lui ! Le single, c’est avec les mêmes personnages qu’on décline. On n’est pas les premiers à le faire bien sûr. Il s’appelle Muji, il vit aux Philippines. On l’a découvert par internet, et on aime bien son style. On lui a proposé d’envoyer des exemples de squelettes et on était très content de ce qu’il nous proposait.

Là encore, j’imagine que vous communiquez par internet ?

De plus en plus, oui. On travaille avec des gens qui sont à l’autre bout du monde, c’est marrant. On a commencé à travailler à distance depuis qu’on a quitté Paris. On se retrouve pour les concerts.

Ce qui permet de garder une certaine autonomie, de vous éloigner et vous ressourcer pour mieux vous retrouver ensuite sur les routes…

On a vécu pas mal d’années ensemble, dans le même appartement. C’est sympa un temps mais après… Chacun a sa vie et c’est très bien. On est d’autant plus contents de se retrouver. C’est pour ça que ça dure !

Vous avez chacun vos vies, et in sait qu’aujourd’hui, un groupe de rock, d’autant plus en France, vit très difficilement de sa musique. Quelles sont vos métiers dans vos autres vies ?

Une partie du groupe est musicien. Franky, il est dans Les Tambours Du Bronx, donc quand tu mélange les deux, le planning est chargé. Max, notre guitariste, a aussi ses activités solos, donc il ne fait que de la musique. Swan, il suffit de faire quelques recherches pour savoir qu’il est aussi tatoueur, il a son studio de tatouage en Suède, et moi, je suis peut-être le profil le plus atypique, et encore…, je suis prof de maths à la fac.

Quelle pourrait être aujourd’hui la devise de BlackRain ?

Ah, ben ça a toujours été la même : le rock et la fête ! On a envie en concert que les gens soient heureux, repartent avec la banane. C’est vrai aussi que dans BlackRain, il y a black, noir. Parce que notre musique a aussi un côté sombre qui reflète le monde, mais un côté sombre à la fois mélancolique et festif. Nous, on aime bien se retrouver autour d’une bonne bière, d’une bouteille ou deux, ou trois… Passer du bon temps avec la famille, sortir… La vie, quoi !

Quels sont vos projets de concerts pour soutenir cet album :

Il y a déjà une date très importante à retenir : le 7 avril à la Maroquinerie de Paris. C’est la première fois qu’on produit nous-même une date. On est entièrement indépendant là-dessus, et elle se vend bien. La plus grosse date qu’on va faire, ce sera à Lyon, au Plane R Fest. Il va y avoir plusieurs autres festivals, les dates vont suivre, en France, avec de bonnes salles. Ça monte un peu en gamme au niveau des salles.

Que souhaites-tu rajouter pour conclure cet entretien ?

On vient de tourner deux clips qui vont bientôt sortir : un pour Revolution, et l’autre qui nous tient à cœur, sur Nobody but you, qui était la ballade de It begins. On avait tourné ce clip il y a dix ans, c’est à ce moment qu’on s’est engueulés avec notre producteur qui a gardé les bandes. C’est moi qui réalise les clips, et à cette époque, c’était un truc énorme, avec une équipe de vingt personnes… Là, dix ans après, on le fait ! On vient de le tourner hier, en plus. Il sortira le 22 mars.

RIFFLESS: Ghost is a woman

Belgique, Hard Rock (Ep, M&O, 2024)

C’est en 2020 que se forme Riffless sous l’impulsion du multi instrumentiste JP Devox et du chanteur Benoit Patigny. Les deux sont bientôt rejoints par le guitariste Vincent Fis, les bassiste Jean-Philippe Dirix et le batteur Marcus Weymaere avec lesquels ils commencent à composer, répéter et diffuser leurs productions sur le web où ils rencontrent un certain succès. un premier album, Yes I sold my soul for rock n roll, voit le jour en 2022 avant que le groupe ne revienne avec cet Ep, Ghost is a woman. Clairement influencé par le rock n roll énergique, les 4 titres proposent des riffs simples, directs et efficaces qui ne veulent que faire taper du pied. Le chant, dans un anglais totalement maitrisé, est rugueux à souhaits, la voix de Benoit semblant forgée à coups de clopes et d’alcool. A mon goût, il ne manque qu’une chose à Riffless : un peu plus d’énergie et de hargne dans l’exécution de ces chansons par ailleurs joviales et entrainantes. Mais une chose est certaine, c’est que ce genre de rock est parfaitement taillé pour la scène!

Histoire d’une légende : JUDAS PRIEST (2nde partie)

Il aura fallu du temps, de la ténacité et une volonté de fer pour qu’enfin Judas Priest voit ses efforts récompensés à la fin des années 70. Le groupe traversera les années 80 en confirmant son statut d’incontournable de la scène heavy metal. mais les années 90, qui voient le grunge remettre en cause l’ordre établi, sera la décennie de tous les dangers, pour les Metal gods et bien d’autres. Une descente aux presque enfer avant une résurrection et la reconquête d’un trône laissé vacant. Voici la seconde et dernière partie de la biographie d’un des acteurs majeurs de l’histoire du heavy metal. (Retrouvez ici le début de ce dossier)

LES ANNEES 90

Le groupe envisage très rapidement d’intégrer un premier membre non anglais en choisissant le batteur américain de Racer-X, le gigantesque Scott Travis (bien plus jeune que les autres membres puisque né le 6 septembre 1961 à Norfolk, en Virginie) avec qui il entre en studio pour enregistrer l’explosif Painkiller. Mais alors qu’il s’apprête à entamer son travail, Judas Priest doit soudain stopper net : un procès lui est intenté aux USA. Le groupe y est accusé d’avoir poussé deux jeunes hommes à se suicider. Les comités de censure, PMRC en tête, veulent la peau du heavy metal et toute excuse est bonne à prendre. Ce qui est montré du doigt, c’est le texte de Better by you, better than me (Spooky Tooth), chanson qui apparaissait sur Stained glass en 1978 et qui contiendrait un message subliminal : passé à l’envers, on y entendrait les mots « Do it » (fais-le) maintes fois répétés. Pendant deux ans, tous les membres du groupe feront la navette afin de se défendre, de défendre le groupe et son honneur. Deux années à l’issue desquelles le verdict innocente totalement Judas Priest. Si certains prétendent qu’il s’agit de deux années de perdues, nombreux sont ceux qui y voient, au contraire, l’opportunité de jeter discrédit et ridicule sur les comités de censure américains qui jamais ne sont parvenus à prouver l’existence de messages subliminaux autres que ceux volontairement inclus par des groupes (comme Iron Maiden sur Piece Of Mind en 1984).

Lorsque Judas Priest retrouve le chemin des studios, c’est la rage au ventre. Le résultat est sans appel : Metallica, Slayer, Anthrax, Megadeth, Testament, Exodus sont passés par là, donnant naissance et crédibilité au thrash, hérault portant haut la bannière du metal, fière palissade s’élevant violemment contre le désormais ridicule hair metal, et les Anglais n’entendent simplement pas qu’on puisse marcher sur leurs plates-bandes. Durcissant le ton, Painkiller doit permettre à Judas Priest de définitivement reprendre sa place de grand leader du metal moderne. L’accueil reçu par l’album a en effet tout pour rassurer les différents acteurs présents car si Painkiller fait jeu égal avec son prédécesseur en atteignant la 24ème place des charts à domicile, il en gagne 5 dans le Billboard US en pointant 26ème. Mais, malgré une tournée irréprochable pour laquelle le public se déplace en masse, Priest connait pour la première fois un vrai retour de manivelle : à trop vouloir moderniser son son, le groupe est parvenu à diviser les fans en deux clans : ceux qui trouvent que le groupe est allé trop loin, flirtant trop avec le metal extrême, perdant ainsi de sa spontanéité, de son authenticité, même, et ceux qui estiment au contraire que le groupe n’est pas allé assez loin dans ses explorations, restant trop timide en comparaison de ce qui se fait désormais… Mais au final, peu importe, car on reparle beaucoup de Judas Priest qui ne laisse plus personne indifférent.

Revenus dans le cœur des fans, le groupe peut voir l’avenir en grand. Certains veulent même en profiter pour donner vie à un projet de longue date : Rob Halford émet le souhait d’enregistrer un album solo dont les morceaux ne peuvent convenir à Judas Priest. Las, CBS – désormais Columbia – ne l’entend pas de cette oreille et refuse de voir son artiste sous contrat aller faire de l’œil ailleurs. Ni une ni deux, voilà un Rob furieux qui rompt purement et simplement ses engagements et reprend sa liberté. Tout le monde le sait : ce chanteur est irremplaçable, et son départ risque fort de mettre un terme à la carrière du groupe. Tous, dès lors, tentent de raisonner chacun, vocaliste et/ou label mais le mal est fait. Rob donne le temps qu’il doit contractuellement à son label puis tire sa révérence. Le chanteur compte bien transformer ses envies d’album solo en véritable carrière d’un nouveau genre, brutal et vindicatif, à l’image du nom qu’il a choisi pour son groupe : Fight. Cependant, alors que son projet se monte en parallèle, il prend part avec ses futurs ex-collègues à la conception d’une nouvelle compilation. Metal works 73-93 retrace la carrière de Judas Priest sur les deux décennies écoulées, soit depuis la naissance du groupe. Puis, une fois ce « testament » en bacs, chacun vaque à ses occupations. La légende se meurt.

Pendant que Ian Hill, KK Downing et Glen Tipton s’attèlent à la recherche d’un vocaliste à même de remplacer l’irremplaçable, Rob Halford embarque Scott Travis pour enregistrer son premier méfait solo avec Fight chez Epic Records. War Of Words, qui sort en 1993, rencontre un succès d’estime et sera suivi deux ans plus tard par Small Deadly Space. Ces deux essais ne se vendent pas assez aux dires de la nouvelle maison de disques, entraînant de fait la rupture du contrat et la séparation du groupe.

Après avoir passé les trois dernières années à le chercher, Judas Priest peut, enfin, en 1996, annoncer le nom du nouveau chanteur : après avoir pensé à Ralf Sheepers, le choix des anglais s’est porté sur un jeune Américain, Tim « Ripper » Owens, chanteur de British Steel, groupe hommage à Judas Priest. Le gaillard a plusieurs atouts : il est jeune (né le 13 septembre 1967 à Akron, Ohio), connait parfaitement le répertoire de la formation de Birmingham et a une voix étonnamment semblable à celle de Rob Halford. Le jeune homme est rapidement embarqué en studio afin d’y enregistrer son premier album, qui sera suivi par l’épreuve de la route.

Parallèlement, à la préparation du nouveau disque et pour occuper le temps libre, Glenn Tipton exprime son désir de sortir, lui aussi et enfin, son album solo. L’expérience passée a porté ses fruits et personne ne songe à empêcher le guitariste de mener à bien son projet. Bapitizm Of Fire voit le jour en 1997 et reçoit un accueil positif tant des médias que du public qui, reconnait le talent du guitariste qui parvient à séduire avec une approche que Judas Priest ne pouvait lui permettre. Cependant, son groupe reprend le dessus rapidement pour revenir sur le devant de la scène.

Jugulator, qui voit revenir Scott Travis, libéré de ses obligations depuis la séparation de Fight, parait donc en 1997 sur le label SPV et bénéficie de la curiosité du public pour se vendre correctement et parvient à se classer 47ème des charts anglais et 82ème du Billboard US. Le groupe profite, en plus du phénomène de curiosité (mais certainement pas du côté artistique de l’illustration de couverture !), du capital sympathie qu’il s’est forgé tout au long de ces années passées à défendre le metal mais également d’une certaine rancœur que les fans éprouvent au sujet de la désertion brutale du chanteur historique. Mais Judas Priest sait que ce ne sera pas suffisant pour remplir de nouveau les stades. Tout est à refaire, et la tournée se passera dans des salles de moyenne capacité, ce qui permettra de rôder en douceur Tim aux obligations de la scène et de reconquérir tranquillement le public, un public pour qui le chanteur ne peut rivaliser avec son illustre prédécesseur.

Toutefois, un nouveau coup de théâtre vient alimenter les rumeurs. En 1998, alors qu’il s’est associé à Trent Reznor de Nine Inch Nails dans le projet industriel Two, auteur d’un unique album, Voyeurs, sorti l’année précédente, Rob Halford dévoile au grand public un secret de polichinelle : en pleine interview sur l’incontournable MTV, le chanteur fait son coming out, annonce officiellement son homosexualité, alors que Judas Priest officialise sa collaboration avec Tim Owens en publiant le témoignage Live meltdown. L’annonce d’Halford est-elle un moyen de court-circuiter une nouvelle percée de ses anciens comparses ? Ou est-ce simplement un moyen de ne pas se faire oublier ? Car, en 1998, la carrière des uns et des autres est au plus bas, et l’avenir de tous plus qu’incertain. Il semble que rien ne fut prémédité, que le moment était simplement venu pour le chanteur, aux tenues de plus en plus extravagantes, d’officialiser les choses afin de ne plus se cacher

1999 marque une étape importante dans la vie du heavy metal traditionnel, quelque peu chahuté tout au long de la décennie par le Grunge et l’explosion des courants les plus extrêmes du genre, le black et le death metal. Ce tournant est à imputer à Iron Maiden qui annonce réintégrer au chant Bruce Dickinson. La formation publie Brave New World la même année et rencontre un immense succès, ce qui donne matière à réflexion. Discrètement, Rob Halford reprend contact avec ses anciens camarades de jeu et lance l’idée de futures retrouvailles. Mais le chemin de la rédemption est encore long. Le mal fait n’est pas oublié.

Judas Priest enregistre en 2001 Demolition, toujours avec Owens. Cette fois, pourtant, la mayonnaise ne prend pas. Le soufflé retombe, et malgré un nouveau témoignage public (Live in London, en 2003), les cinq doivent se rendre à l’évidence : on ne peut changer une équipe qui a conquis le cœur du public. Maiden a moins tergiversé, n’a enregistré que deux albums avec le remplaçant du – également – démissionnaire Dickinson et se retrouve désormais, depuis bientôt six ans, au sommet de l’Himalaya du metal. Sans doute faut-il envisager également le retour de Rob au sein de Judas Priest ?

LE NOUVEAU MILLENAIRE

Pour l’heure, le chanteur se concentre sur son nouveau projet, foncièrement metal. Sous le nom de Halford, il publie en 2000 un premier album plus remarqué que ses autres tentatives, un disque au nom évocateur de Resurrection. Les fans s’avouent rassurés de savoir que le Metal God, leur Metal God n’a pas définitivement tourné le dos au metal. De plus, la tournée qui suit, qu’Halford joue en tête d’affiche dans des salles intimistes ou en ouverture d’iron Maiden dans des stades, rencontre un réel succès. Le groupe sort rapidement un album live, Live insurrection(2001) aussitôt suivi d’un nouvel effort studio, Crucible, en 2002. Le vocaliste a les crocs et le fait savoir. Ce qui donne de plus en plus matière à réflexion à ses anciens compagnons.

Les prémices d’un rapprochement se font avec le travail en commun que les cinq dispensent pour l’édition du coffret compilatoire Metalogy. Les relations sont courtoises, polies, et les cinq parviennent à se débarrasser de leurs griefs. C’est en juillet 2003 que Judas Priest annonce officiellement le retour de Rob Halford. Les cinq partent immédiatement à la reconquête du public perdu, tournant en tête d’affiche en Europe en 2004 et participant avec un succès salvateur et rassurant au festival itinérant Ozzfest. Puis il est temps d’offrir de nouvelles compositions au public.

La légende renait. Judas Priest est de retour en grâce de tous les côtés : le public l’acclame lors de ses concerts et les gros labels lui refont les yeux doux. Sony diffuse mondialement le nouvel album, Angel of retribution, en 2005. Tout a été pensé pour faire mouche : l’ange metallique qui illustre la couverture renait de ses cendres et rappelle indéniablement le Metallian des glorieuses 80’s. La signature historique est de retour. Les morceaux, aux tempi variés, font mouche, qu’il s’agisse de metal pur comme Judas rising au plus mid tempo Angel. Les cinq proposent même un long titre épique, Lochness, leur plus long morceau jamais composé d’une durée dépassant les 13’. Le public plébiscite à nouveau ses héros, avec une superbe 13ème place outre Atlantique et un classement un peu plus mitigé chez sa Gracieuse Majesté où il n’arrive que 39ème. La tournée qui suit, bien que ne passant pas partout (si mes souvenirs sont bons, la France fut oubliée…) fédère de nouveau le public qui, parallèlement pour une certaine partie, continue de suivre les pérégrinations de Tim « Ripper » Owens au sein de Iced Earth.

Si la machine semble enfin remise sur de bons rails, Judas Priest doit désormais confirmer qu’il ne s’agit pas que d’un vulgaire feu de paille. Pas question, pourtant de se précipiter… Le groupe compte bien marquer son retour au fer rouge et prend le temps de mettre sur pied un très ambitieux projet musical, une aventure qu’il n’a jusqu’alors jamais tenté : composer un album conceptuel, dont le thème traite de la vie de l’astrologue français Michel de Nostredame, dont l’histoire se souvient en tant que Nostradamus, de son époque et de ses quatrains prédictoires sinon prémonitoires.

L’album parait sous divers formats en juillet 2008. Tout au long de la campagne de promotion qui a précédé la sortie de l’album, les musiciens déclarent que si Judas Priest devait s’arrêter demain, ils seraient plus que fiers de partir en laissant cet album en guise de testament. Nostradamus regroupe de nombreux genres musicaux, qu’ils soient purement metal ou plus expérimentaux, Rob Halford module sa voix comme jamais auparavant, devenant parfois même lyrique. Bien que par moments surprenant, l’album fédère le public qui lui offre de belles places des deux côtés de l’océan : 30ème sur ses terres et 11ème aux USA. Sans surprise, la tournée qui suit se joue quasiment tous les soirs à guichets fermés, confirmant de nouveau ainsi le statut incontournable du groupe. Presque naturellement, un nouvel album en public voit le jour en 2009, A touch of evil : live qui ne rencontre quant à lui qu’un succès d’estime, n’étant rien de plus qu’une compilation de morceaux live enregistrés sur les précédentes tournées. Si encore il s’était agi d’une restitution de la tournée Nostradamus….

Rob Halford, de retour en grâce, décide de créer son propre label et réactive son projet Halford. Sous le nom de label Metal God Entertainement, il publie un recueil metallique de chants de Noel, Winter songs durant l’hiver 2009, prenant le public à contrepied. Si l’effet de surprise est garanti, tout le monde se demande où réside l’intérêt artistique du projet qui, pourtant, ne nuit pas au chanteur. Désormais libre et sans contrainte, il continue de mener sa carrière solo lorsque ses activités avec Judas Priest le lui permettent.

En 2010, Judas Priest annonce son intention de lever le pied et de dire adieux aux grosses tournées. Quel meilleur moyen pour saluer les fans « une dernière fois » que de mettre sur pied… une tournée ? Les dates pleuvent promettant un été 2011 partagé entre un Iron Maiden qui a décidé de ne donner qu’une cinquantaine de concerts et festivals, et un Judas Priest qui va écumer festivals (Hellfest et Sonisphere, parmi d’autres) et grandes salles et/ou stades avant de se calmer. Encore un grand qu’on ne verra plus ?

La surprise vient en fait de l’annonce faite par KK qui, lui, officialise son départ sans réelle raison, du moins, pas exprimées. Il ne participera pas à la tournée et se voit bientôt remplacé par un jeune guitariste anglais. Né le 1er janvier 1980 à Londres, Richie Faulkner a affuté ses armes au sein de Dirty Deeds, Voodoo Six ou le groupe de Lauren Harris. Il intègre officiellement Judas Pries le 20 avril 2011 et le public découvre un sosie rajeuni de KK. Fut-ce un critère de sélection ? Quoiqu’il en soit, si, au-delà de blondeur et de la tenue scénique du jeune homme, les premiers concerts font preuve d’un certain mimétisme avec son prédécesseur, le public constate une réelle complicité avec Glen et le reste du groupe. L’énergie dont il fait preuve sur scène, dont une tête d’affiche au Hellfest de Clisson le 19 juin 2011, apporte un regain de jeunesse à un groupe dont le chanteur a de plus en plus de mal à se déplacer, et le public adopte bientôt totalement le jeune Richie dans la famille des Metal Gods.

C’est une nouvelle vie qui commence et le groupe marque cette tournée avec la publication d’un nouveau témoignage live, Epitaph. Judas Priest décide d’enregistrer sa toute dernière date de la tournée, date au mythique Hammersmith Odeon de Londres le 26 mai 2012. Le public, véritable sixième homme de ce concert, sait qu’il vit plus qu’un concert historique. Car même si tout le monde sait que Priest interprète un morceau de « chacun » de ses albums, le résultat est une setlist simplement extraordinaire. Quand bien même il ne s’agisse pas de la période la plus reluisante des Anglais, on ne peut que regretter que l’ère Owens ne soit pas représentée, simplement effacée comme si elle n’avait jamais existé… Cependant, le résultat est à la hauteur des attentes et, surtout, annonciateur d’un bel avenir. D’ailleurs, fin 2013, c’est officiel : Judas Priest publiera un nouvel album en 2014.

Le groupe n’a pas menti… fin avril 2014, le public peut découvrir à travers le monde la vidéo du morceau titre de l’album à venir. Redeemer of souls arrive dans les bacs au mois de juillet. De la pochette – sorte de clin d’œil au précédent « album du retour », Angel of retribution, avec son « ange » qui semble renaitre de ses cendres – ce nouvel album trouve vite son public, se classant rapidement en 6ème position du Billboard US. On y retrouve tout ce qui a fait la légende de Judas Priest, ce heavy metal puissant et racé à la fois.

Le public est lui aussi bien présent, et Judas Priest tourne plus intensivement que sans doute prévu. Les festivals sont à la fête accueillant partout un groupe au sommet de sa forme et de son art. Croit-on… Le festival de Wacken, WOA, le 1er aout 2015. Ce concert est une nouvelle fois l’occasion d’enregistrer un superbe album live. Battle cry parait le 25 mars 2016 en format CD et DVD. Là encore, ce témoignage est superbement accueilli par le public, toujours présent et fidèle. Mais…

2018 se révèlera une année difficile pour tous. Disparu des écrans radar depuis des années de déboires judiciaires, l’année commence avec l’annonce, le 16 janvier, du décès de Dave Holland, le précédent batteur. Si la justice a fait son travail, le public ne peut que déplorer le peu d’écho de cette disparition d’un musicien qui aura participé à certaines des meilleures années de Judas Priest et enregistré les albums les plus emblématiques du groupe.

Le vrai choc se produit en fait le mois suivant. Le 12 février, Judas Priest annonce, alors que le nouvel album n’est pas encore sorti, que Glenn Tipton ne participera pas à la tournée qui approche. Atteint de la maladie de Parkinson, diagnostiquée près d’une décennie plus tôt, le légendaire guitariste ne peut plus tenir son poste. Il reste membre officiel du groupe mais la tournée se fera sans lui. Sa place est confiée à Andy Sneap, musicien réputé pour ses talents non seulement de guitariste mais également de producteur. Il a d’ailleurs été aux manettes au côté de Tom Allom pour l’enregistrement de Firepower.

L’album parait le 9 mars 2018. Sa pochette rappelle celle de Screaming et son contenu musical est simplement imparable. Bien qu’affichant un demi-siècle d’activité au compteur, Judas Priest est dans une forme créative éblouissante et exemplaire. Firepower atteint une qualité sans doute jamais égalée depuis les années 80. Un must, tout simplement.

Parallèlement, l’ex-guitariste du Priest, KK Downing refait parler de lui. Dans un premier temps, l’ange blond publie une autobiographie, Heavy duty : days and nights in Judas Priest. Un livre au cours duquel il raconte son histoire et sa version des faits, pas toujours de manière très glorieuse mais avec beaucoup d’humanité et de… regrets, est-ce le mot approprié ? Il y dévoile ses relations avec le reste du groupe, dont celles, parfois houleuses avec son « complice » Glenn qui s’appropriait, selon lui, les meilleurs soli… Sans totalement laver son linge sale en public, on y découvre certains travers de la vie de rock stars. KK tente plus tard de revenir sur le devant de la scène avec un groupe à peine revanchard : KK’s Priest qui publie 2 albums aux titres et aux chansons bourrés de références à la formation qui jadis fit sa gloire. Des références si grossières qu’elles ne peuvent qu’en devenir ridicules malgré un metal pur et dur. A l’annonce du retrait de Glenn Tipton, KK se plaindra du fait que Judas Priest aurait pu, dû, le rappeler pour compléter le line-up… Une aigreur qui pourrait cacher d’autres secrets qui, espérons-le, seront enterrés avec la fin de l’histoire. Pas encore demain…

Les tournées de Judas Priest, quant à elles, continuent. Plus courtes, certes, mais elles se suivent et les adieux sont oubliés… Tête d’affiche des plus grands festivals européens (Hellfest, Graspop et Wacken 2018 et 2022, Metaldays 2018…) et du monde, le groupe se montre dans une forme éblouissante – malgré un Rob Halford vieillissant – et la scénographie toujours renouvelée en donne au public bien plus que pour son simple argent.

Une forme simplement interrompue, en 2020 par… un virus qui entraine une crise sanitaire mondiale. Entre 2020 et 2021 le monde entier vit sous cloche, privé de réunions publiques et donc de spectacles. Comme beaucoup d’autres, Judas Priest en profite pour réfléchir à son avenir et en profite pour publier, en 2021, le gigantesque coffret 50 heavy metal years of music. Limité à 3.000 exemplaires, ce monstre regroupe 42 CD, soit toute la discographie officielle (studio et live) de Judas Priest et nombre d’autres albums live principalement enregistrés au cours des années 70 à 90. Le tout est agrémenté, entre autres goodies, de photos signées, d’un livre historique et d’une reproduction de la célèbre lame de rasoir de British Steel, numérotée. Il n’y en a naturellement pas pour tout le monde (mais il semble qu’il reste des exemplaires disponibles, sur le site du groupe uniquement. Attention aux frais de douane !) Ce coffret est doublé d’une compilation intitulée Reflections : 50 heavy metal years of music, naturellement bien moins conséquente mais cependant correctement fournie même si ce résumé laisse quelque peu sur sa faim.

Ce n’est pas tout, puisqu’en 2021, Rob Halford publie Confess, une passionnante autobiographie dans laquelle il se dévoile, de son enfance à aujourd’hui, en passant par ses souffrances, dont celle d’être un homosexuel qui, chanteur au sein d’un groupe de heavy metal en vue, ne peut dévoiler sa réelle nature et tout ce que cette frustration a pu engendrer, comportementalement et/ou addictivement.

2021 sera aussi, et surtout, marquée par le concert que donne Judas Priest au festival Louder Than Life le 26 septembre. Les Metal Gods y jouent juste avant Metallica, incontournable tête d’affiche. A l’issue du concert, une fois sorti de scène, après avoir ressenti des douleurs sur Painkiller, Richie Faulkner fait un malaise et est transporté de toute urgence à l’hôpital. On apprend bientôt que le guitariste a été victime d’un anévrisme aortique et a dû subir une longue opération à cœur ouvert- 10 heures sur le billard… Au delà de n’être pas tête d’affiche, ce qui a permis une évacuation et un transport très rapide, le public étant encore sur place, l’adrénaline créée pendant le concert pourrait être un des éléments qui ont sauvé le guitariste, aujourd’hui heureusement totalement remis.

L’année 2022 verra Judas Priest continuer de tourner. Le groupe ne fera cependant pas que sillonner les routes puisque, enfin diront certains, ils seront reconnus à leur juste valeur et honorés pour ce qu’ils ont pu apporter à la musique. Le 5 novembre de cette année, Rob Halford et ses comparses sont intronisés au célèbre Hall of fame qui honore ces musiciens ayant contribué à la musique rock dans le sens le plus large du terme. Seul Richie Faulkner n’est pas de la fête n’ayant pas assez dancienneté dans le groupe, tandis que sont invités à participer à la fête KK Downing et les Binks. Mais ce soir fait figure d’évènement puisque le toujours membre Glen Tipton est de la partie pour jouer Metal gods, You’ve got another thing coming et Living after midnight. Lui, certes, mais sont également de la fête l’ancien batteur Les Binks et… oui, le revanchard KK Downing. Un moment historiquement éphémère puisque simplement, malgré la rumeur qui enfle, temporaire. Non, KK ne rentre pas au bercail…

2024. Nouvelle année exceptionnelle pour Judas Priest ? Les Anglais reviennent en effet avec un nouvel album sous le bras, Invicible Shield, dont la sortie est prévue le 8 mars 2024. Judas Priest se lance dans une nouvelle tournée européenne, en compagnie d’autres légendes anglaises, Saxon et Uriah Heep (pas présent sur toutes les dates, absent chez nous), et sera, en France, présent à Lyon et Paris début avril et assurera la tête d’affiche du festival de Nancy, Heavy Week end en juin. Invincible ? Il semblerait bien que oui…

ECR.LINF: Belluaires

France, Black metal (Source atone records, 2024)

La lecture des crédits donne une première – vague – idée de l’identité musicale de Ecr.Linf (qui signifie « Ecrasons L’infâme ») puisqu’en dehors des classiques chant/guitare/basse/batterie, on trouve un instrument typique de chez nous moins utilisé dans le rock et ici accessoire: l’accordéon (qu’on entend cependant bien moins que les claviers, non crédités sur la version que j’ai reçue…) Les huit titres de ce premier album, Belluaires démarrent pied au plancher avec rage et désespoir. Le groupe fondé par d’ex-membres de No Return, Svart Crown, et pour les plus connaisseurs, Demande A La Poussière ou Ophe a vu le jour en 2023. Ecr.Linf enregistre deux premiers singles avant de proposer ce Belluaire. Les deux singles, Le désespoir du prophète et Tribunal de l’âme, en sont d’ailleurs les morceaux d’ouverture, brutaux et déterminés. Le groupe ne fait aucune concession au travers d’une musique aussi sombre qu’oppressante, à l’image du message véhiculé: un regard pessimiste sur notre (in)humanité. Pourtant, certains passages laissent entrevoir un trait de lumière, comme une lueur d’espoir. Brutal et direct, ce premier album place Ecr.Linf parmi les sérieux challengers du Black metal hexagonal.

INNER AXIS: Midnight forces

Allemagne, Heavy metal (Fastball music, 2024)

Quelle surprise lorsque le facteur sonne chez moi pour me remettre, contre signature, ce pli carré et plat! Ca fait des années que je n’ai pas reçu un album vinyle… Inner Axis fut formé dans la ville de Kiel, en Allemagne, en 2008. Le groupe enregistre deux albums : Into the storm en 2011 et We live by the steel en 2017 et revient aujourd’hui avec un troisième album, Midnight forces. Tout au long des dix titres, le groupe évolue dans un registre heavy metal tendance power/epic metal. Si l’illustration de couverture évoque la SF de Blade Runner, le contenu musical est clairement inspiré de ce heavy metal épique allemand des années 90. Si je pense à Blind Guardian, la musique m’évoque également Iron Maiden ou, dans certains refrains fédérateurs, Night Ranger. Helloween également, dans une moindre mesure, me vient à l’esprit. Tout au long des 10 titres, les guitares fusent dans des riffs et des solis exemplaires, soutenus par une rythmique efficace. Seul le chant m’irite quelque peu, manquent de puissance et de détermination. Le reste, cependant, montre un groupe au top de son efficacité. Ok, on sourit parfois aux aspect totalement cliché du genre (le ton sur lequel est scandé « Cobra never dies » sur Strike of the cobra mais avec des « Cobra cobra cobra strike » hyper fédérateurs) et on se rend bientôt compte des thèmes qui ont inspiré Inner Axis: les grands classiques du cinéma d’aventure, de SF, d’épouvante et historique (Evil dead, Spartan war cry, Master and commander…) On remarque surtout ces solis d’une rare efficacité sur I am the storm, Midnight hunter heavy et enjoué, Burn with me… Inner Axis revient donc avec un album puissant et efficace et très bien produit. On peut espérer que le groupe trouve son public, mais faudra-t-il attendre encore 6 ans avant une suite?

KARKARA: All is dust

France, Rock psychédélique (Autoproduction, 2024)

Complètement allumé et déjanté! Entre l’illustration de la pochette, véritable invitation à entrer dans un univers psychédélique d’une époque révolue, les sons de laser de combats contre (ou avec?) les extra-terrestres, la plainte d’un éléphant qui se serait pris la trompe dans une porte qui grince et couine en se refermant, des évocations pas si lointaines d’un Hawkwind ou d’un Black Sabbath, des références à une époque hippie où la musique se composait et s’écoutait sous l’emprise de substances diverses, les Toulousains de Karkara nous entrainent tout au long de ce All is dust, dans un univers aussi envoûtant qu’hypnotique. Les 6 titres à rallonge et à tiroirs de ce troisième album sont pensés comme les différents chapitres d’une histoire et ne répondent à aucun code autre que celui de l’efficacité. Car malgré ces aspects en effet complétement déjantés, chaque son de cet album participe à la construction d’un univers à part. Même le chant, ici torturé, là mystique, ici encore perturbé, rien ne laisse de marbre. Karkara nous invite dans une épopée spatio-temporelle planante et grisante tout à le fois. Superbe!

SLAVES OF IMPERIUM:New waves of cynicism

France, Thrash/Black (M&O music, 2024)

Les esclaves de l’empire… Slaves Of Imperium est un groupe fondé en 2019 en Bretagne, entre Vannes et Lorient qui a déjà publié un premier album, Observe. Analyse. Sanitize. en 2022. Si ses influences vont de Machine Head à At The Gates, si le groupe propose des structures directes et dans ta face, des riffs ultra tranchants et efficaces, une rythmique qui martèle sa mère, il est impossible de ne pas faire le lien entre ce thrash/death et le Black metal d’un Behemoth ou d’autres dans de nombreux passage des vocaux. Ce chant, hargneux et déterminé, qui se fait parfois clair (Beating session, Aftermath, Equation of the void et plus) est étrangement, par instants, limite juste et proche de la rupture dans un esprit mélancolique et torturé. Slaves Of Imperium semble toutefois déterminé et son propos musical ne laisse guère de doute quant à ses intentions. C’est brutal, certes, certains soli évoquant surtout le heavy metal classique. Ceux qui me connaissent le savent, je suis loin d’être fan ultime de metal extrême. Pourtant, ici, serait-ce un bon signe?, je suis arrivé au bout de l’album sans envie d’interrompre son écoute. Même si ça bourrine sévère, il y a une variété de tempi et d’influence suffisamment vaste pour que que chacun puisse trouver ses marques et ses repères. SOI nous offre même une version acoustique du morceau titre de son premier album pour clore ce nouvel essai, cette version m’évoquant directement Solitude de Candlemass. Seul point de frustration: le livret indique les compositeur et auteur, mais on ne trouve rien, ni sur le dit livret, ni sur internet (FB, linktr.ee, site du label…) quant au line-up actuel… On est en France, hein…