DREAMCATCHER: Blood on the snow

Heavy metal, France (Autoproduction, 2017)

Si vous aviez accroché à Emerging from the shadows, le premier album du groupe paru en 2012, vous avez sans doute cru Dreamcatcher disparu depuis belle lurette… Sauf que Chris Garrel, son chanteur, fondateur et unique membre d’origine a plutôt la passion chevillée au corps. La passion du metal en général (et de Maiden en particulier) et de son groupe, son bébé. Et s’il a pris son temps pour écrire et composer, avec la participation de Geoffroy Lacarrière, ce second album, Blood on the snow, c’est pour y mettre tout ce qu’il avait en lui. Si Blood on the snow, le morceau titre, traite d’un des massacres subis, au même titre que Dreamcatcher qui clôt le disque, par les indiens d’Amérique, les thèmes des chansons sont variés. On passe ainsi d’histoires vraies à d’autres inspirées par l’univers fantastique (The Werewolf, Curse of the vampires..) ou d’actualité (Mother earth, dont on regrettera seulement quelques paroles trop faciles et qui est également lié aux indiens d’Amérique) sur fond musical déterminé et puissant. Bien sûr, on retrouve des traces des géants du genre, Iron Maiden (un peu partout) ou Scorpions (Curse of the vampires), voire Metallica/Slayer, mais Dreamcatcher s’efforce d’ajouter sa propre touche, mélangeant heavy pur jus, parfois limite thrash, et prog. Ainsi, les ambiances inquiétantes sur le pont de The werewolf – et son chant black en fond – ou les cavalcades guitaristiques de Dark is my soul sont particulièrement réussies. Le mix final d’Alex Wursthorn est, comme à son habitude, efficace. Dreamcatcher doit maintenant passer à la vitesse supérieure en s’attaquant sérieusement à la scène. Mais ça, c’est une autre histoire…

Histoire d’une légende: TRUST

logo Trust (FRA)

 

Trust. Un nom qui claque aussi sèchement qu’une corde de guitare qui cède en plein solo. Un nom prédestiné pour un des rares mythes français du rock tant les obstacles dressés sur le chemin de la gloire furent parfois – souvent – difficiles à surmonter. Car en cette année 1976, année où tout a commencé, il en fallait de la foi et de la confiance en soi. Il fallait y croire ! Depuis, Bernie et Nono sont devenu au rock français ce que Mick Jager et Keith Richards ou Joe Perry et Steven Tyler sont à l’international: les enfants terribles, un duo aussi conflictuel qu’inséparable. C’est ce qui fait d’un groupe une légende…

Bernard Bonvoisin est né le 9 juillet 1956 à Nanterre, en banlieue parisienne. Son enfance, il la passe au milieu des murs gris des cités dortoirs qui fleurissent à l’année. Autant dire que la zone devient son terrain de jeu, son domaine privilégié. « Bernie », comme on le surnomme, n’a pas 20 ans lorsqu’il intègre Taxi, groupe au sein duquel il rencontre le bassiste Raymond Manna.

Au cours de l’été 1977, les deux compères rencontrent Norbert « Nono » Krief, lui aussi né en 1956, et guitariste au Club Méditerranée. Le courant passe entre les trois hommes et il n’en faut pas plus pour qu’ils décident de fonder leur propre groupe, Trust. Pendant quelques temps, la batterie est tenue par Omar Benmalbrouk, juste assez longtemps, en fait, pour que Trust puisse donner son premier concert, en ouverture de Bang, au Golf Drouot, le 1er septembre 1977.Et déjà Trust se démarque du reste de la scène hexagonale par ses guitares incisives et ses paroles directes, ainsi qu’une attitude rebelle qui n’est pas sans évoquer celle que développent, outre-Manche, ceux que l’on appellent les « punks »

Dans les semaines qui suivent, Trust obtient un contrat discographique avec Pathé Marconi et investit les studios de Boulogne Billancourt pour y enregistrer, en compagnie de Jean-Émile « Jeannot » Hanelat, son nouveau batteur, son premier 45 tours, Prends pas ton flingue. Par un heureux hasard, un certain Bon Scott, chanteur d’AC/DC, est présent, repérant les lieux pour l’enregistrement du futur album des Australiens d’AC/DC. Or, Bernie et Nono sont tous deux de grands fans du groupe et n’hésitent pas un instant à embarquer Bon afin de lui faire écouter leur version du Love at first feel, dans la version que Trust a intitulée Paris by night et qui doit figurer en face B dudit 45t.

Pourtant, sans que Trust ne le sache, un coup bas se trame dans les locaux de Pathé Marconi : la maison de disques a pleinement conscience du potentiel des Parisiens et n’a signé Trust que pour mieux le contrôler. Ou, plus précisément, pour s’assurer que Trust ne fasse pas d’ombre aux autres poulains du label, Téléphone. Les belles promesses de ce 45t ne représentent finalement qu’un leurre, une carotte derrière laquelle court l’âne – ou ceux que l’on prend pour tels – sans pouvoir l’attraper. Mais Bernie n’est pas du genre à se laisser… berner impunément et c’est dans une rage folle qu’il envahit les bureaux du label exigeant l’annulation du contrat. Il est, ce jour-là comme bien d’autres à l’avenir, suffisamment persuasif pour l’obtenir.

L’esclandre a tôt fait le tour de Paris, aux bons soins des responsables de Pathé, et d’aucun pourrait dès lors penser que la carrière de Trust n’ira pas plus loin. Et pourtant… Bernie, Nono, Ray et Jeannot ne baissent pas les bras et envahissent les studios de répétition et les scènes dès que se présente une opportunité. Chaque concert attire un public plus nombreux que le précédent, un public amateur de décibels, de l’énergie brute du punk et de l’efficacité directe du hard rock. Hervé Muller, journaliste, se prend alors de passion pour Trust et propose de manager le groupe. C’est une véritable aubaine qu’un homme « d’influence » décide de le prendre sous son aile. Mais ce n’est toutefois fois rien, ou presque, en comparaison de l’offre que reçoit Bernie de Bon Scott, avec qui il a gardé contact, en personne : que Trust ouvre pour AC/DC lors du concert que les   australiens donneront au Stadium de Paris le 24 octobre 1978. Bien évidemment, AC/DC attire un vaste public, au sein duquel se trouvent les responsables de CBS. Scotchés par la prestation, et faisant fi du scandale encore tout chaud, ils ne tardent pas à offrir un contrat en or à Trust. Et cette fois, l’accord n’a rien de commun avec la mauvaise expérience de Pathé. Les moyens déployés traduisent la volonté de CBS de permettre à Trust de percer.

C’est ainsi que les 4 s’envolent pour Londres, la mythique, et prennent possession des studio Scorpio sound. Bien que manager, Hervé Muller décide de produire l’album mais s’avère bientôt incapable de tenir ce rôle et se voit remercié avant la fin de l’enregistrement. Heureusement, pour avoir travaillé avec des pointures du rock (Jeff Beck) ou de la variété (Supertramp ou Elton John), l’ingénieur du son, Denis Weinrech, connait son métier sur le bout des doigts et termine l’enregistrement du disque.

C’est donc un album – presque – sous le bras, et sans manager, que Trust rentre en France. La recherche d’un nouvel « homme d’influence » se conclue par un accord avec un certain Bobby Bruno, dont l’objectif avoué est de tout mettre en œuvre pour que le groupe tourne le plus possible et de l’imposer, rapidement, sur le marché français.

Au mois de mai 1979, CBS commercialise le premier album éponyme de Trust. C’est peu dire que ce disque fasse l’effet d’une bombe ; sur fond de hard rock survolté, Bernie crache son venin et critique ouvertement la société moderne. Qu’il s’agisse de politique, de mode, de mœurs, quelques phrases, parfois seulement quelques mots prononcés dans L’élite, Bosser huit heures, Palace, Préfabriqués…  suffisent à dénoncer et pointer du doigt des états de faits « acquis » que Bernie – et nombre de jeunes ou moins jeunes – refuse d’accepter comme tels. Ce qui aurait pu ne passer que pour un incident dû à la colère non contenue dans les bureaux de Pathé se traduit par un album simplement explosif. Et Police milice transforme vite Bernie en une cible prioritaire de la flicaille hexagonale.

A peine cet album en bacs, Trust repart en croisade sur les routes françaises, avec un nouveau line-up : Ray vient de partir et se voit remplacé au pied levé par Yves « Vivi » Brusco. De septembre à novembre, Trust aligne 3 mois de tournée qui débutent bien difficilement à Lille devant à peine plus de 10 personnes… Mais le bouche à oreille, conjugué aux ventes croissantes du premier album, fait son office : les salles se remplissent plus que celles de la veille et Trust termine son périple dans des salles archi-comble. Un phénomène vient de naitre, il ne reste qu’à le viabiliser.

Les ventes, d’ailleurs, sont telles que Bobby Brune envoie ses poulains jouer en dehors des frontières nationales ; Trust se rend ainsi en Belgique, en Suisse, en Italie avant de rentrer en France et d’y découvrir que Trust est devenu disque de platine ! Un véritable exploit pour un groupe qui chante en français, langue habituellement « inconvenante » au rock mais qui, paradoxalement, n’a rien de surprenant au regard de la qualité des textes qui sortent largement des sentiers battus ou qui n’ont plus rien de rebelle. Les mots de Bernie sont « vrais », crus et directs. C’est donc en triomphateur que Trust joue, le 12 janvier 1980, dans un Pavillon de Paris survolté avant de se démarquer, une nouvelle fois, en donnant un concert exceptionnel devant les détenus de la maison d’arrêt de Fleury Mérogis le 24 janvier.

Sans perdre un instant, le groupe retourne à Londres et retrouve ses marques au Scorpio Sound afin d’y enregistrer son second album. De nouveau, et sans que rien n’ait été planifié, Trust y retrouve Bon Scott et AC/DC, venus donner naissance au successeur du multiplatine Highway to hell. Les deux chanteurs s’attèlent même à la traduction en anglais des textes du futur album de Trust mais leurs efforts sont stoppés nets lorsque, le 19 février, le corps inerte de Bon Scott est retrouvé à l’arrière d’une voiture. Le vocaliste est mort par étouffement après avoir, la veille au soir, bu plus que de raison. Le choc est rude, mais l’enregistrement de Répression continue malgré la colère que peuvent éprouver les Français.

Lorsque Trust retraverse la Manche, au mois de mars, c’est pour repartir sur les routes. Bobby Bruno a mis en place une nouvelle tournée qui doit définitivement imposer Trust à domicile. Et ailleurs, autant que possible. La tâche lui est facilitée par l’implication de ce que l’on désigne alors comme une radio périphérique (il n’y a en France, en 1980, que 4 stations de radio). Europe 1 diffuse en boucle, ou presque, Antisocial, le premier 45t extrait de Répression. Plus qu’un hymne, ce titre devient rapidement le cri de ralliement d’une jeunesse française en plein éveil.

Répression sort enfin le 30 mai 1980. La France entière lui fait un triomphe à nul autre pareil. Vendu par palettes entières, Répression devient disque d’or puis platine dans l’année. Bernie tape sur tout et tout le monde ; tous les thèmes sensibles et d’actualité y passent de manière à la fois aussi directe et plus subtile que sur le premier album. L’ayatollah Khomeiny et Jacques Mesrine mis à part, Bernie vise tout le monde sans citer personne transformant ses paroles, puisées dans l’actualité (Fatalité, Instinct de mort, Les sectes, Antisocial…) en textes intemporels, touchant bien plus qu’une génération. Dès lors, Bernie devient une sorte de grand frère. Sans surprise, la tournée Répression dans l’Hexagone – qui voit arriver un second guitariste en la personne de Mohammed Chemleck – se déroule dans des salles pleines. Mais le rythme infernal que vit le groupe pousse Jeannot à quitter Trust. Il est alors remplacé par Kevin Morris pour le reste de cette tournée.

Devenu, avec Téléphone, le groupe phare de la scène rock hexagonale, Trust peut terminer l’année 1980 en beauté. C’est donc confiant que CBS commercialise dès le début de l’année suivante la version anglaise de ce disque, simplement baptisé répression version anglaise. Les versions de travail traduites avec Bon Scott ayant – un malheur n’arrive jamais seul, dit-on ? – été volées, les textes ont été retravaillés en anglais par Jimmy Pursey. Le groupe veut percer à l’étranger et se retrouve embarqué dans une tournée anglaise en première partie d’Iron Maiden. Un nouveau batteur fait son apparition en la personne de Nicko Mc Brain (notez ici qu’aucun batteur ne fait long feu chez Trust, Jeannot étant le seul à avoir enregistré 2 albums studio…) Les Anglais ne pouvaient rêver meilleurs chauffeurs de salle tant l’énergie déployée par les Français est intense. Le Royaume-Uni adopte facilement Trust qui s’offre même le luxe d’y organiser une tournée de 20 dates en tête d’affiche – incluant le mythique Marquee – entre le 20 mai et le 11 juin 1981.

Un mois à peine après ce périple européen, la formation s’envole en direction de Stockholm où les studios Polar ont été réservés. Trust doit y enregistrer le plus qu’attendu – quoique commercialement, le groupe pourrait continuer de capitaliser sur les ventes – successeur de Répression. Mais ce troisième album représente une étape primordiale dans sa carrière. Alors, de nouveau, les moyens sont là : la production est confiée à Tony Platt, ingénieur du son d’AC/DC ou Foreigner (au côté du producteur Robert John « Mutt » Lange sur Highway to hell, Back in black ou 4…). Il suffit d’à peine 6 semaines, du  15 juillet au 25 août, pour mettre en boite Marche ou crève dont le mixage se fait dans la foulée à Londres. Trust profite de ce nouveau séjour anglais pour participer au légendaire festival de Reading, le 29 aout.  De nouveau, le groupe y fait un triomphe, au grand dam de la tête d’affiche, Ian Gillan, ex-chanteur de Deep Purple qui craint de voir les Français lui voler la tête d’affiche. Il exige alors que la sono soit, purement et simplement, coupée à la fin du set, empêchant Trust d’assurer le rappel pourtant demandé par le public ; Sans surprise, Gillan doit affronter tout un groupe dont les musiciens et techniciens sont furieux de ce coup bas et de ce manque de fair play. Rapidement, la « discussion » se transforme en pugilat. Gillan, il faut le croire, n’a jamais eu vent du fameux épisode Pathé… Mais le caractère de Bernie est bien le même. Fin de l’histoire…

Profitant du mixage de Marche ou crève, Trust décide d’en enregistrer une version anglaise, qui sera intitulée Savage. A grand renfort de pub, la VF parait en France le 12 octobre 1981, dans un pays en pleine mutation depuis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, premier socialiste à la tête de l’Etat depuis plus de deux décennies. Quelle que soit la couleur qu’affiche le pays, cependant, force est de reconnaitre que Bernie manie le verbe avec autant de tranchant, de précision, de rage et de sens critique. Certitude… solitude, premier extrait de l’album, devient vite un tube, Ton dernier acte, hommage à Bon Scott, un hymne, mais l’album est bientôt considéré moins efficace que Répression. Le défi et les attentes, il est vrai, étaient de taille.

Il n’empêche… Starifié en France, presqu’idolâtré au Royaume-Uni, Trust se voit proposer d’ouvrir pour Judas Priest (également chez CBS) à travers le monde. Une opportunité en or sur laquelle n’importe quel groupe sauterait. Mais Trust n’est pas n’importe quel groupe et fait le choix de monter une nouvelle tournée qui doit débuter au mois de novembre. Trust refuse donc cette offre et sort l’artillerie lourde. Le spectacle met en scène un gigantesque bulldozer, symbole de Trust et de toute « une jeunesse qui refuse vos magouilles politiques ». Mais le public répond moins à l’appel. En France, car le nom de Trust circule au-delà de nos frontières. Ainsi, le quintette assure-t-il la tête d’affiche du festival Rockpalast à Cologne (Allemagne) le 5 juin 1982. Un événement suffisamment important pour que ce concert soit en partie rediffusé à la télévision française. Trust profite de sa présence sur place pour tourner en Allemagne en assurant la première partie de… Iron Maiden. Cependant, après avoir connu un démarrage fracassant, Marche ou crève voit ses ventes faiblir. Il est très difficile de donner un successeur à la hauteur d’un Répression (d’autres groupes ont subi le même sort…) et le public fait part de sa déception, ou d’une certaine lassitude, en se rendant moins nombreux aux concerts. Le monde aurait-il été, finalement, un choix plus judicieux ?

Pour ne rien arranger, alors que l’entente était au beau fixe, Nicko McBrain décide de quitter Trust. La tournée marathon qu’a effectué Iron Maiden à travers le monde pour promouvoir The number of the beast a littéralement épuisé Clive Burr pour qui un retour à la vie civile est nécessaire. Nicko rejoint donc le groupe de Steve Harris (qu’il ne quittera jamais) tandis que Trust, prêt à enregistrer un nouvel album, embauche… Clive Burr !

Ce disque, trust le veut exceptionnel à tout point de vue ; sans pouvoir parler d’échec, Marche ou crève n’a pas eu le succès escompté et Bernie, Nono et Vivi savent qu’ils doivent frapper un grand coup. Enregistré et produit par Andy Johns, qui a notamment travaillé avec Led Zeppelin, Trust – également appelé IV ou Idéal, du nom du premier single – laisse, dès sa parution en septembre 1983, le public coi. Oui, on peut parler de surprise ! Trust réussit à plus que surprendre son public, ses fans et la critique en explorant de nouveaux univers et horizons musicaux, en ajoutant des instruments inhabituels pour le rock, plus encore pour le hard rock (des violoncelles, un saxophone, ce dernier déjà utilisé sur les albums précédents) ainsi que des chœurs d’opéra. De plus, si les 5 premiers titres traitent de thèmes chers à Bernie (des dérives religieuses – Par compromission – à la politique internationale –Varsovie – ou l’absurdité de la guerre –Idéal), IV déroute le public avec sa seconde partie, la célèbre « face du diable ». Quatre chansons purement conceptuelles qui traitent du bien et du mal, de vendre son âme au diable et des conséquences à affronter. Dérouté, le public n’adhère pas (à tort…) et hurle même à la trahison. Et pourtant, Trust signe là une œuvre magistrale, avant gardiste (les arrangements classiques sont depuis devenus monnaie courante, non ?) et totalement incomprise par un public qui, fermé ?, n’attend qu’un nouvel Antisocial sans accepter la possibilité que les artistes puissent simplement souhaiter d’évoluer en ne se répétant pas.

Las… Non seulement le public n’achète pas le disque, mais il déserte également la gigantesque « tournée des cent jours » que Trust voulait tout aussi exceptionnelle. Le résultat est sans appel : les frais engagés se soldent par des pertes financières proportionnelles et Trust se voit dans l’obligation d’annuler de nombreuses dates… Face à cet échec retentissant, Clive Burr décide de quitter son poste.

Comment une formation devenue en l’espace de deux albums le symbole du hard rock français, la fierté hexagonale, a-t-elle pu se retrouver décrédibilisée en si peu de temps ? La réponse est multiple et complexe… D’abord, dès ses débuts, Trust a été comparé à AC/DC, un rapprochement uniquement basé sur l’esprit musical. Certes, les des formations jouent un hard rock direct, efficace et qui va droit au but. Certes, les musiciens sont devenus amis et proches. Certes, les deux groupes ont travaillé avec des personnes communes. Néanmoins, il s’agit de deux groupes distincts et si le son des Australien est immédiatement identifiable – AC/DC jouant « toujours la même chose » – Trust a su développer sa personnalité propre en explorant d’autres horizons. Ce que le public semble difficilement accepter. Ensuite, surtout, le succès fulgurant rencontré par les deux premiers albums de Trust a secoué les maisons de disques et suscité de nouvelles vocations chez les jeunes musiciens. Ainsi, dès 1981, la concurrence a déployé une véritable armada, Warning (Polydor) et Satan Jokers (Vertigo) démontrant que le hard rock français ne tient pas qu’en un seul nom. A partir de 1983, d’autres formations émergent soutenues dans leurs ambitions par de nouveaux labels non moins ambitieux (Axe Killer, Devil’s records…) et envahissent le territoire ; Sortilège, Vulcain, Blasphème, H-Bomb, ADX… Chacun attend qu’arrive, à force d’originalité et de tournées, son heure de gloire. Bref, si Trust est un modèle, personne n’hésite à venir marcher sur ses plates-bandes et lui faire de l’ombre. Enfin, et c’est sans doute là une erreur stratégique, Trust aurait dû accepter cette tournée en première partie de Judas Priest qui aurait pu lui ouvrir le marché mondial… mais cela, personne ne le saura jamais.

Malgré les différends qui croissent au sein du groupe, Trust remet – du mois l’espère-t-il – les pendules à l’heure en publiant au mois de septembre 1984 son cinquième album studio, sobrement intitulé Rock’n’roll. A l’instar de Lemmy, Bernie n’a jamais accepté l’étiquette « hard rock », bien trop réductrice. Trust est un groupe de rock, point ! Mais, une fois encore, les fans ne l’entendent pas de cette oreille. Le rock français, c’est téléphone, Trust reste LE symbole du hard rock… Les familles s’étripent jovialement dans une inutile guerre de clochers… Alors, lorsqu’en plus les premières notes du nouveau single arrivent sur les ondes, plus personne ne comprend : serre les poings baigne dans une atmosphère de claviers et n’est pas sans rappeler le Jump de van Halen. Si les Américains jouent ce  qu’ils appellent du Big rock et peuvent tout se permettre, Trust, en clamant ne jouer que du rock déstabilise encore plus ce qui reste de son public. User d’un instrument qui « n’a pas » sa place au sein du triptyque guitare basse batterie relève presque de l’hérésie selon certains. De fait, la nouvelle tournée, réduite au minimum, n’attire guère de monde au point même que le France Festival, qui se voulait être la grande fête du hard rock français en réunissant près d’une trentaine de groupes les 6 et 7 juillet 1985 et pour lequel Trust est tête d’affiche, n’attire qu’a peine plus de 2.000 personnes. C’est la débandade, le discrédit pour plus d’un groupe et le 31 juillet 1985 lors d’un concert en Bretagne – à Ploubalay – Bernie annonce la dissolution de Trust. On enterre ce soir la légende, le mythe, la fierté du hard rock hexagonal. Mais quelle autre possibilité y avait-il dans un pays où le public ne soutient que timidement ses propres groupes ? RIP Trust. Ce fut bon quand même…

La disparition de Trust sonne le glas du hard rock français. Non seulement la majeure partie des jeunes formations nationales jette-t-elle l’éponge, les plus anciennes aussi se éparent…Coïncidence ? L’autre géant du rock français, Téléphone, annonce aussi mettre un terme à ses activités. Bref, il ne reste en France que les « seconds couteaux » – Vulcain, ADX, Killers… – animés d’une passion pour la musique qui demeurent et persévèrent, espérant pouvoir occuper la place laissée vacante.

Chacun des désormais ex-Trust vaque à ses occupations. Nono joue au côté de Johnny Haliday tandis que Bernie s’adonne à sa passion du blues et enregistre Couleur passion. La France ne dispose plus, pour l’heure, d’une formation phare. La séparation de Trust a fait entrer le groupe dans la légende, en dépit du mauvais accueil reçu par ses dernières productions. Le vide devient bientôt oppressant et le public espère, réclame même, une reformation. Demande confirmée, et de quelle manière !, par l’accueil triomphal que lui réserve le public lors d’un concert d’AC/DC au Zénith de Paris (le 6 avril 1988) qui a invité certains des membres de Trust à monter sur scène. Trust reformé ? LA rumeur enfle, augmentée par le fait que les thrashers new-yorkais d’Anthrax prévoient de sortir leur version d’Antisocial, qui apparait sur State of euphoria, dont la sortie est prévue en septembre 1988. Enfin, cerise sur le gâteau, ce sont les amis d’Iron Maiden qui annoncent que si Trust se reforme, ils les accueilleront en ouverture des futures dates parisiennes de la vierge de fer. Les indicateurs sont au beau fixe, les planètes alignées comme il faut.

Bernie et Nono parviennent à trouver un terrain d’entente et annoncent la reformation officielle de Trust, sous un nouveau visage : Nono est aujourd’hui secondé à la guitare par Vivi, lui-même remplacé à la basse par Fred Guillemet, Farid retrouvant son poste de batteur. Après avoir donné quelques concerts d’échauffement à Monaco, Nice et Marseille, Trust se retrouve, le temps de deux soirées, embarqué au milieu du barnum Iron Maiden qui promet son album Seventh son of a seventh son sous la houlette des Monsters Of Rock. Avec seulement 4 groupe (se trouvent également à l’affiche Helloween et Anthrax), ces deux concerts tiennent plus du mini-festival. Mais peu importe ! Les 24 et 25 septembre 1988, Trust joue au Palais Omnisports de Paris Bercy, enfin ! Seul Vulcain a pu, deux ans avant, faire entre le hard hexagonal dans ce lieu en assurant la première partie de… Iron Maiden, justement ! Tout au long de ces deux soirées, l’accueil réservé à Trust est explicite : personne n’a oublié la légende et, dès les premiers pas du groupe sur les planches, le public réagit comme un seul homme. C’est un véritable triomphe que reçoit Trust qui profite de ces deux dates pour enregistrer son premier album live.

Paris by night parait au début de l’année 1989 sous la forme d’un double live. Il n’en fallait pas moins pour rendre un juste hommage à Trust et ne donner qu’un aperçu de ce que le groupe peut donner à son public. Instinct de mort, Saumur, L’élite, Antisocial… de nombreux classique sont ici revisités  et Bernie n’a aucune difficulté à faire manger 18.000 personnes dans sa main. Le seul regret que l’on puisse avoir est l’absence d’un bœuf avec Anthrax sur Antisocial. Pour le reste, la satisfaction est là.

La carrière de Trust semble dès lors relancée, le public attendant avec impatience un nouvel album studio. Ce n’est pourtant qu’au début de l’année 1990 que parait un mini album, … En attendant, qui doit faire patienter les fans. Seulement, ce disque passe rapidement su statut de lueur d’espoir à celui de déception, car malgré de titres très rock, il ne présente rien de vraiment original. Certes, la version explosive de petit papa Noël fait sourire une ou deux fois, mais force est de constater que la mayonnaise ne prend pas.

Les fans, donc, attendent. Longtemps, même. Car entre les musiciens, le soleil n’est toujours ^pas au beau fixe. Chacun reprend ses activités, Nono retrouvant Johnny tandis que Bernie enregistre un nouvel album solo, En avoir ou pas, et tourne pour le promouvoir. Il profite aussi de ce temps pour dévoiler une autre de sa personnalité artistique au cinéma. Il tient tout d’abord un rôle au côté de Lambert Wilson dans le film consacré à l’abbé Pierre, Hiver 54, avant de passer derrière la caméra. Bernie met en scène Les démons de Jésus, un chef d’œuvre d’humour noir et glauque, une véritable satire de notre société.

Personne ne parle plus de Trust jusqu’à ce jour de 1992 où une véritable bombe fait son apparition chez les disquaires. Trust est un « nouvel » album live, tiré des bandes de la mythique tournée Répression dans l’Hexagone de 1980 ! Et l’on comprend pourquoi et comment Trust a atteint de si haut sommets aussi rapidement. Cet album, rien moins qu’un bâton de dynamite, se voit justement récompensé d’un disque d’or.

Mais ce succès n’est pas pour autant suffisant pour envisager une reformation durable, malgré la réalité des attentes publiques. Un public en manque de nouveautés rock’n’roll. Ces dernières arrivent cependant pour Trust en 1993 sous la forme d’un mini recueil de 6 raretés, The backsides. Un vrai plaisir de retrouver des faces B presque jamais sorties dont Jack le Vaillant (découvert par beaucoup sur le susmentionné live) ou Limousine

1995. Soit dix longues années après sa séparation initiale, la surprise est de taille lorsque Bernie et Nono annoncent reformer Trust sur des bases, semble-t-il, durables. WEA a réussi à convaincre les deux musiciens d’enterrer la hache de guerre. Mais cette fois-ci, Vivi ne fait pas partie de l’aventure. Il est remplacé par David Jacob, tandis que les baguettes sont tenues par John Nirox. Tous s’enferment à L’Elite studio, aux Mureaux, pour y enregistrer Europe et haines. Lorsque l’album sort, début 1996, il suffit de quelques semaines pour qu’il soit certifié disque d’or. Dès le titre d’ouverture, le ton est donné : On lèche, on lâche, on lynche est dans la plus pure tradition trustienne, direct et sans concession. Lutter sans cesse, J’ai vu Dieu, Fais où on te dit de faire montrent un couple Bernie-Nono en pleine forme et Trust revient en force. Une nouvelle tournée est mise sur pied, mais, de nouveau, le batteur se fait virer avant de prendre la route. Il est alors remplacé par Hervé Koster qui, sur la route, semble parfaitement s’intégrer. À de rares exceptions, chaque date affiche complet et c’est dans un Zénith de Paris que Trust termine cette tournée en y enregistrant un nouvel album live.

A-live est le reflet de cette tournée à succès. Le seul reproche qui puisse être fait à ce disque est d’être trop centré sur le dernier album, mais c’est bien le but d’une tournée que de promouvoir son dernier né. Pourtant, décidément instable, Trust se sépare une nouvelle fois, les dissensions internes étant à l’origine de la rupture. Et, « comme d’habitude » pourrait-on presque dire, pour combler ce vide, Sony publie une nouvelle compilation, Anti best-of, un album réunissant les meilleurs titres de Trust de la période pré 85. Eh, oui, depuis le rachat de CBS, c’est Sony qui détient de droit de cette période dorée… mais n’a aucun pouvoir sur les morceaux les plus récents.

Chacun des musiciens est donc reparti de son côté retrouver ses activités jusqu’à ce qu’un label indépendant, XIII bis records, parvienne à trouver un accord qui résulte en de nouvelles retrouvailles. Bernie et Nono retrouvent ainsi David Jacob et Hervé Koster pour se réunir une nouvelle fois à L’Elite studios où le groupe enregistre Ni dieu ni maître. La campagne de promotion démarre largement avant la sortie de l’album, et c’est d’ailleurs un double album qui est annoncé, le premier CD étant composé de nouvelles chansons, le second proposant raretés et démos dont, surtout, ce fameux enregistrement de Ride on (AC/DC) que Trust avait enregistré lors d’une jam improvisée avec Bon Scott ! C’est donc un petit bijou qui va être offert au public au mois de juin 2000. On évoque même la possibilité que Trust ouvre – enfin ! – pour AC/DC au Stade De France.

Las ! Pour des raisons « techniques », Ni dieu ni maître, parait sous la forme d’un album simple. Pas une rareté en vue, rien que des nouveaux titres. Tous, d’ailleurs, salués par la critique qui retrouve le Trust des « grands » jours avec son mordant, sa rage et tout le panache de textes engagés et enragés. Cependant, malgré l’ensemble de ces qualités, l’album ne parvient pas à être certifié disque d’or. Pourquoi ? On peut imaginer que le public ait attendu avec impatience la version double promise, une version qui, finalement, ne verra jamais le jour. Pourtant, quelques explications auraient sans doute suffi à faire patienter le public quelques semaines supplémentaires, mais non… Bernie, furieux, scande qu’on ne l’y reprendra plus. L’affaire devient scandale et se voit jugée par la justice qui tranche : Ni dieu ni maître est retiré des bacs et les enregistrements d’origine doivent être détruits. Dommage, réellement dommage, car des titres comme Môrice, Maréchal, En manque de trop sont dignes de figurer aux côtés des plus célèbres morceaux de Trust.

N’ayant rien à perdre, XIII Bis en profite pour publier un nouvel album live, Still a-live, un « double » album qui n’est autre qu’une copie de A-live avec un CD supplémentaire ne contenant que 6 titres… Un album et demi qui n’est, en plus, destiné qu’au marché étranger. Les fans français ne peuvent donc se le procurer qu’en import, un comble que la presse remarquera largement, autant que la pauvreté du livret… Un autre label, FGL, profite également de l’espace laissé vacant pour publier, comme c’est alors la mode, un double album Tribute to Trust. Le plus important des groupes hard de France est ici repris par des compatriotes d’horizons variés (ADX, Nightmare, Oberkampf, Parabellum, Misanthrope…) et par des formations étrangères (Australie, USA, Italie, Suisse…) Il était temps de rendre un sérieux hommage à Trust.

6 années passent avant que Trust ne remonte sur scène, le 8 juillet 2006, au festival des Terres Neuvas à Bobital. C’est le line-up d’anthologie qui revient, composé des éternels Bernie et Nono, qui retrouvent Vivi à la basse et Farid à la Batterie. Un second guitariste rejoint ce quatuor en la personne d’Iso Diop que l’on retrouvera à l’avenir. Trust retire de ce concert un nouveau live, Campagne 2006 : soulagez-vous dans les urnes qui, outre le CD,  exploite le format DVD et propose 3 chansons inédites: Sarkoland, La mort rôde et Chaude est la foule. Pour ces retrouvailles, quelques concerts sont prévus dont un, le 4 décembre 2007,  à l’Olympia célébrant au jour près les 40 ans du premier passage du groupe dans la mythique salle. Là aussi, un témoignage DVD sera publié – Trust à l’Olympia qui rencontre un large succès malgré les surprise que réserve ce line-up pour le moins original puisqu’est intégré un nouveau membre, le DJ, Bruno Le Goff. La setlist est totalement remanié, sans être axée sur le premier album dont seuls 5 morceaux sont issus. Le public est chaud, les médias moins. Trust continue ses allées et venues, et pourtant…

Un nouvel album est enregistré et proposé au public en septembre 2008. 13 à table se veut encore plus engagé, la politique du moment inspirant de plus en plus Bernie. Mais l’album, malgré des chansons de la trempe de Toujours parmi nous ou Tout est à tuer, peine à trouver son public. Trust continue cependant de donner quelques concerts, ici et là, plutôt que de tourner intensivement, ce qui semble lui réussir. Le Apocalypse tour se fera sur une trentaine de dates, dont une belle partie dans différents Zénith de France et quelques festivals et escapades à l’étranger. Le groupe continue de jouer en 2009, dont de nombreux festivals, ce qui suscite l’intérêt de celui qui est en passe de devenir l’incontournable du monde français du metal.

Le coup d’éclat a lieu deux ans plus tard, en 2011, lorsque Ben Barbaud, organisateur du festival qui monte, annonce que Trust sera à l’affiche du Hellfest en juin 2011 et y jouera l’intégralité de ses 3 premiers albums ! Il n’en fallait pas moins pour exciter les fans. Mais 2 mois avant l’évènement, en avril 2011, un communiqué de presse en provenance du management annonce que Trust cesse sur le champ toute activité scénique. Tous les concerts sont annulés ! Forcément, des explications sont demandées et le groupe ne parvient pas à convaincre le public. Des excuses considérées comme fausses fusent, certains membres ayant déjà pris ailleurs et bien avant des engagements qui ne sauraient être rompus. Forcément on leur rétorque « mais quand vous avez signé pour le Hellfest, vous aviez déjà connaissance de ces engagements… Alors ? »  Ben Barbaud annonce, à son tour, qu’on ne l’y prendra plus. Pourtant…

XIII bis réussit un joli coup fin 2011, alors que Nono vient enfin de sortir son album solo, attendu depuis deux décennies. Mais le résultat final n’est pas aussi satisfaisant que le public l’aurait souhaité. ce qui retient l’attention, c’est que le label a convaincu Trust de publier un CD/DVD du concert du Rockpalast de 1982. Le groupe était alors invité par la télé allemande pour un concert exceptionnel, mettant en avant les grands noms du rock. Enregistré le 5 juin 1982, Live au Rockpalast montre un Trust au meilleur de sa forme qui interprète ses titres en anglais – pas forcément le meilleur des accents diront certains, mais peu importe. Le public est plus que réceptif.

Un nouveau long break vient rythmer la vie de Trust qui se reforme en 2016 et promet une longue tournée… David Jacob, au grand dam de Vivi qui ne cache pas sa déception (le mot est faible), est de retour à la basse, Iso Diop tient la seconde guitare et c’est Christian Dupuy qui s’installe derrière la batterie. Il est jeune, enthousiaste et devient rapidement la mascotte des anciens. Trust a décidé de sillonner la France, et chois des salles de capacité moyenne, moins de 1.000 places, et généralement plus petites. Le Au nom de la rage tour s’étale sur 2016 et 2017, avec quelques interruptions, mais dans l’ensemble, Trust renoue avec son public. Et cette fois, lorsqu’un communiqué de presse annonce la participation de Trust au Hellfest 2017, tout le monde s’assure qu’il n’y aura pas un coup de Trafalgar. Le contrat est bétonné, carré et le samedi 17 juin, 50.000 personnes peuvent enfin accueillir Trust à Clisson ! Une belle journée, très orientée Hard rock/Metal vintage d’ailleurs, qui sied très bien aux Parisiens. Trust en profite pour enregistrer un nouveau live, prévu en fin d’année, dont la sortie précède une série de 5 concerts d’affilée dans autant de salles de la capitale. Entre-temps, le groupe sillonne les festival hexagonaux (Artefacts, Harley Days, Evreux…) et a  trouvé une place quasi naturelle à la fête de l’huma, le 16 septembre 2017. La tournée, qui reprend à la rentrée de septembre, semble loin, très loin de se terminer…  Rebelle et toujours debout.

Blois, mars 2017

 

 

STOLEN MEMORIES: Paradox

Progressif, France (Autoproduction, 2017)

Ils en ont perdu deux en cours de route… Stolen Memories, pour son troisième opus, se fait trio. Évoluant toujours dans un heavy progressif, les Français nous proposent avec Paradox 10 titres réfléchis et ambiancés. Si le rythme est souvent enlevé, si les influences jazzy et manouches sont aussi présentes que le rock, si l’ensemble se laisse aisément écouter, Stolen Memories (zavez remarqué les initiales? SM…) s’éparpille quelque peu en voulant explorer divers espaces et horizons musicaux. Baptiste Brun connait parfaitement son propos guitaristique, et le démontre avec aisance et brio. Et si le prog s’adresse souvent à une « élite » musicienne, les sonorités ici concoctées sont d’une approche généralement facile. ce qui rend, en revanche, certains passages plus difficiles, c’est l’accumulation de pistes rendant le sujet complexe. Stolen Memories nous tricote des chansons qui nécessitent souvent plus d’une écoute avant que l’on puisse véritablement se les approprier. Pas toujours facile, ce Paradox aime à jouer avec les couleurs et les sons, ambiances et rythmes. Interview à suivre.

TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN

Hard rock, USA (Snakefarm records, 2017)

Tyler Bryant & The Shakedown serait-il logé à la même enseigne que The Answer ou The Treatment? Tout semble le laisser penser. Malheureusement pour les jeunes Américains. Car, comme leurs ainés irlandais et les jeunes Anglais, TB&TS (faisons simple, voulez-vous?) a ouvert pour de grosses pointures telles AC/DC ou Guns ‘n Roses, en France, mais aussi pour d’autres géants tels Deep Purple ou Aerosmith (OK, le guitariste Graham n’est autre que le fils de Brad Whitford, mais le groupe reste discret à ce sujet, ce qui est tout à son honneur. Mais ça peut aider quand même). Au-delà de ces prestations, ces trois groupes ont en commun de pratiquer un hard rock vintage carré et ultra bien fichu.  ‘Scusez du peu, mais normalement, ça devrait être des gages de qualité et permettre d’ouvrir les portes du succès. Sauf qu’aujourd’hui, dans le monde de la musique, plus rien n’est normal. Et même si, je le reconnais, j’ai eu du mal avec les premières livraisons de TB&TS, cet album éponyme sonne comme le véritable début d’une carrière qu’on souhaite explosive. Tout y est, des guitares old school au chant langoureux, des riffs et rythmes qui te rentrent dans la tête, des effets parfois psychédéliques, des références à Hendrix, à toute la scène blues du Sud des USA ou aux Black Crowes, sans parler de ce look et ces poses lascives… Voici une formation prometteuse qui mérite le plus grand soutien public et médiatique. Spinefarm, est-ce un hasard, a décidé de lancer sa nouvelle branche – Snakefarm records – avec ce CD, c’est un beau pari sur l’avenir. En tout cas, si le hard rock vintage, teinté sudiste, vous plait, vous savez vers qui vous tourner!

MIGASO: MeKaNiKa

Rock, France (MML music/Socadisc)

Pour moi, c’est une découverte… Antonio Martino est à l’origine de Migaso, groupe rock multi facettes dont l’une des plus intrigantes reste cet usage de l’italien pour le chant tout au long de ce MeKaNiKA qui a tout d’un futur classique. Intrigante tout  autant qu’attirante, aussi. Car l’italien a ce charme naturellement chantant et entraînant qui colle ici parfaitement au rock de Migaso. Chaque titre ressemble à un récit poétique ou mélancolique sur fond musical varié, alliant rock n roll, hard rock ou metal moderne à des sonorités plus proche du folk italien et ses incontournables sérénades ou de ce que certains désignent comme le blues de Calabre. C’est cette singularité culturelle, ce mélange des genres, des codes et des cultures musicales qui fait de ce disque un album à part. Et l’on vient d’apprendre que Migaso est triplement nommés aux Victoires de la musique. Pas étonnant, et une affaire à suivre.

Interview: DREAMCATCHER

Interview DREAMCATCHER : rencontre avec Chris (chant) et Geoffroy (guitare). Entretien mené le 26 septembre 2017 au Dr Feelgood des Halles

Tous ceux qui le connaissent le savent: Chris, le chanteur et fondateur de Dreamcatcher est un des plus gros fans d’Iron Maiden. Alors il n’est guère surprenant de le voir débarquer au Dr Feelgood vêtu d’un T-Shirt West Ham United. Ceux qui ne comprennent pas peuvent aller lire n’importe quelle bio consacrée à Steve Harris. Mais le gaillard n’est pas là pour parler de Maiden (quoique… Lancez le sur le sujet pour voir) mais pour présenter, avec son guitariste Geoffroy, son nouvel album, chroniqué ici même la semaine prochaine. Bavard, le Chris? Beuh non… Faut simplement savoir l’arrêter parfois!

Dreamcatcher

metal-eyes: Alors, tout d’abord, Chris… la remarque s’adresse à toi : Dreamcatcher a été formé en 2001,, vous avez publié un premier Ep en 2007, le premier album est sorti 5 ans plus tard, en 2012, et aujourd’hui, en 2017, arrive Blood on the snow. On ne peut pas dire que tu sois un foudre de travail…

Chris: Euh… je ne suis pas un foudre de travail… Disons qu’en fait, je suis peut-être quelqu’un qui est difficile à vivre. Depuis 2001, il y a eu beaucoup de changements de line-up, pour plusieurs raisons. D’abord, il y a un aspect économique : la scène metal, en France… au mieux, on est des semi-pro, mais la plupart, on est des amateurs. On est des artisans… C’est-à-dire qu’on a tous des boulots à côté, des vies de famille. Même si ce projet de Dreamcatcher me tient à cœur, ça fait 17 ans que ça existe, ben… Il y a plein de contingences autour, et ce n’est pas évident. C’est un groupe qui aime bien faire les choses, et on préfère, c’est facile à dire, la qualité à la quantité. On aime bien prendre notre temps et que ce soit bien fait.

metal-eyes: Toi qui est l’unique membre survivant des débuts, comment décrirais-tu l’évolution de Dreamcatcher entre Emerging from the shadows et Blood on the snow ?

Chris: La grosse différence entre les deux albums, c’est que Emerging from the shadows était déjà écrit quand il a été enregistré. Les membres qui m’ont rejoint on dû se l’approprier pour ensuite l’enregistrer.

Geoffroy: Il n’y a pas eu un travail de composition de groupe à proprement parler. Le line-up s’est recréé en 2008, et je suis le seul de cette époque. Tous les morceaux étaient déjà écrits, et, oui, il a fallu qu’on se les réapproprie avec notre style. C’est ce qui a amené à faire l’album : on avait déjà des colorations pour ces morceaux, qu’on a affinées avec nos influences personnelles. Tandis que ce nouvel album, on ne part plus avec des morceaux existants, il s’agit d’un véritable travail de composition de groupe.

Chris: On est parti d’une feuille blanche. Même si les gars avec lesquels je joue sont dans Dreamcatcher depuis un moment, ils ont mis leur style, leur patte et ont créé Dreamcatcher tel qu’il est aujourd’hui, ils n’avaient jamais écrit. Ce n’est plus la même façon de travailler… Il faut prendre en compte les influences, les avis de tout le monde et apprendre à travailler et composer avec d’autres…

Geoffroy: Sans perdre l’âme du groupe. Le son qui avait été fait doit évoluer.

metal-eyes: On est dans un monde de consensus et de compromis, donc…

Geoffroy: Exactement.

Chris: Ce qui est surtout intéressant, c’est qu’on a tous grandi ensemble. Et qu’à un moment donné on a arrêté de jouer, et on laissé de côté les batailles d’égo. Dans le groupe, il y a effectivement quelques forts tempéraments, mais on a décidé de mettre nos compétences, notre sensibilité artistique au service de la musique. Il n’est pas question de faire un solo, une ligne de chant, un cri simplement pour épater la galerie, ou pour la performance, l’idée étant, effectivement d’être dans le compromis, sans que ce soit du compromis : c’est un échange, on se nourrit des influences de l’autre pour créer quelque chose. La grosse différence, je la ressens comme ça, c’est le son que je trouve plus costaud. Globalement, l’album est sans doute plus sombre que le précédent, les textes sont plus travaillés, et l’album est plus thrash. Faire matcher les deux, ça correspondait à cet esprit progressif.

metal-eyes: Parlons justement des textes : d’où vient votre inspiration ? Es-tu le seul à les écrire ou, là aussi, c’est un travail de groupe ?

Geoffroy: Musicalement, c’est un travail collectif. Les textes c’est Chris.

metal-eyes: Alors ils viennent d’où ces textes : l’album commence et termine en parlant d’indiens, il y a du fantastique…

Chris: On s’auto inspire… C’est-à-dire que c’est la musique, les ambiances de Dreamcatcher qui peuvent parfois m’amener à écrire certains morceaux, et d’autres fois, c’est l’inverse, parce qu’ils savent les thèmes que j’aborde qu’ensemble…

Geoffroy:  Il y a des composantes musicales qui vont être en rapport, en tout cas l’image qu’on en a, avec des thèmes. Par exemple, The werewolf, on connait la thématique même si on ne sait pas ce qu’il a écrit. Donc on va commencer à composer. On a voulu ce morceau un peu progressif, c’est ce qu’il m’inspirait, et Chris a écrit tout un texte et quand on a

Chris: Ce qui m’inspire pour écrire ? C’est l’idée de raconter des histoires, comme pouvait le faire, je ne sais pas… Peut-être Iron Maiden…

metal-eyes: Tiens ? Chris qui parle d’Iron Maiden ?

Chris: Ou Phil Lynott avec Thin Lizzy, aussi… Ensuite, tu ne te refais pas, tu parles des choses qui t’intéressent, qui te passionnent… ça fait des années que je suis passionné par la culture amérindienne, d’où le nom du groupe, Dreamcatcher, et un jour je me suis regardé dans la glace et je me suis dit : « Chris, tu es un imposteur. Parce que tu appelles ton groupe Dreamcatcher, que ça fait des années qu’il existe et que tu n’as jamais eu le courage de prendre une plume et d’écrire un texte sur les amérindiens ». Et un jour, j’ai passé le cap, et le premier morceau qui est arrivé, c’est Blood on the snow, qui parle du massacre de Wounded knee.

metal-eyes: Thème qu’avait aussi abordé Satan Jokers, d’ailleurs ?

Chris: Oui, sauf qu’eux, ils parlent de Wounded Knee 73, c’est-à-dire le réveil de la conscience amérindienne qui correspond à toute cette montée du réveil de toutes les minorités : les black panthers, et autres… Wounded Knee 73 est très symbolique parce que les gens ont occupé la place où s’est déroulé le massacre de 1890. Il y a deux autres morceaux qui sont en relation avec les Amérindiens : Mother Earth, qui a une dimension plus écologique. On y dit que la terre ne nous appartient pas, qu’il faut la respecter sinon, un jour, elle nous le fera payer.

metal-eyes: Ce qu’elle est en train de faire…

Chris: C’est malheureusement un sujet d’actualité, oui. Quand on l’a écrit, il y avait aussi ce projet d’oléoduc… Et il y a aussi le morceau Dreamcatcher qui fait aussi référence à ce peuple et à la difficulté pour un Amérindien de s’adapter à la vie moderne tout en restant attaché à ses racines. S’agit-il d’un concept album ? Je ne sais pas, même avec 3 titres qui parlent des Amérindiens… Il y aussi 3 autres titres qui font référence à un autre de mes intérêts : les films fantastiques des années 50, 60, les films de la Hammer. The werewolf, Curse of the vampires et Dark is my soul. Ce morceau, Dark is my soul, est également inspiré par les choses qui m’intéressent et me passionnent, et dans ce cas, c’est la série Supernatural qui est une série avec des chasseurs de monstres, l’apocalypse, le combat entre le bien et le mal…

metal-eyes: Sur ce titre, il y a des guitares trépidantes qui m’ont particulièrement marqué. Je me suis dit « houla ! Là, il y a quelque chose ! ». Là, pas ailleurs, hein… (Rire général)

Geoffroy: Le reste est merdique… (rires) L’idée, avec cette thématiques de monstres en général, qui sortait complètement de la thématique des Amérindiens, on voulait avoir quelque chose qui soit musicalement cohérent avec l’ambiance du thème, et on a eu l’idée de faire de ces 3 morceaux un triptyque, et que la composition soit axée sur  cette notion, de passer d’un morceau à l’autre comme si c’était une seule et même pièce.

Chris: C’est pour cette raison qu’on s’accorde deux petites pauses avec deux titres qui sont moins « d’un seul bloc ». Il ne s’agit pas d’un concept album, mais toutes ces chansons ont un lien entre elles : le sang.

metal-eyes: Que pourriez vous me dire pour me convaincre de foncer acheter l’album dès sa parution ?

Geoffroy: Si tu as apprécié le premier album, tu vas adorer celui-ci. Je sais, ça fait tras cliché mais tout le travail a été beaucoup plus réfléchi, la production est meilleure, on a un ingé son qui a fait un boulot extraordinaire… On a vraiment le son qu’on espérait avoir, on n’a pas les erreurs d’un premier album… Aujourd’hui, on a un produit qui est beaucoup plus abouti, une musique qui nous parle beaucoup plus…

Chris: Et on a la prétention d’avoir quelque chose d’un peu différent : on est sur du heavy, sur du thrash, avec un chant clair, ce qui n’est pas forcément le cas d’autres groupes de ce style, et on a cette touche progressive qui est, je pense qu’on peut le dire, caractéristique du style Dreamcatcher

metal-eyes: Quel a été votre premier choc musical, et quel a été l’artiste ou le groupe qui vous a fait dire « voilà ce que je veux faire »

Geoffroy (Discrètement): Allez : 3… 2… 1…

Chris: Iron Maiden, en 1980… Je dirais même que Steve Harris est la personne qui m’a donné envie de faire de la musique, qui m’a inspiré…

metal-eyes: Attends, explique-moi : Steve Harris, bassiste, est celui qui t’a donné envie de chanter ???

Chris: Non, pas forcément (rires). Non, c’est plus sa volonté : c’est un type qui ne lâche jamais, qui maintient le cap. Avec le premier album, je me suis dit « cette musique, c’est moi, c’est mon groupe ». Il n’y avait rien autour qui aurait pu me détourner de ce style.

Geoffroy: Moi, ça a été Iron Maiden, aussi, mais le morceau Fear of the dark qui a été une grosse claque à un moment où je ne connaissais pas le metal. « C’est quoi ce son, non, ça, c’est un accident ! » UN copain m’a fait écouter ça, m’a rété l’album et j’ai trouvé ça démentiel. Du coup, j’ai foncé chez le disquaire du coin et j’ai acheté tout ce que je pouvais du groupe. Après, j’ai tellement écouté ça… Je voulais comprendre comment ces gars pouvaient obtenir un son pareil… Je suis devenu un énorme fan de Dave Murray, je suis devenu passionné de guitare grâce à ça. Je fais un peu de lutherie et je me suis fabriqué la guitare avec laquelle je joue dans Dreamcatcher, qui est une réplique de celle de Dave Murray.

metal-eyes: Maintenant, si vous ne deviez retenir qu’un seul titre de Blood on the snow pour définir ce qu’est Dreamcatcher aujourd’hui, ce serait lequel ?

Chris: Je pense que ce serait Blood on the snow. Parce qu’il y a tout : l’ambiance, la référence aux amérindiens, l’aspect épique, heavy, thrash aussi, qu’on avait déjà mais qui est plus affirmé. C’est pas par hasard que l’album porte ce titre, et qu’il ouvre l’album…

Geoffroy: Je partage complètement cet avis, même si Dreamcatcher a aussi ces ambiances qu’on recherchait. En plus, en tant que guitariste, je suis forcément très mégalo, et Blood on the snow… Il n’y a pas de solo dessus… Forcément, je dois te parler d’un morceau avec un solo.

metal-eyes: Quelle pourrait être la devise de Dreamcatcher ?

Chris: (longue réfléxion…) Pfui…. Je ne m’y attendais pas à celle là !

metal-eyes: Alors là, tout d’un coup, il ne s’attendait pas à une question et il est beaucoup moins bavard, le gars… C’est un peu le but des interviews aussi… Pour vous laisser le temps d’y réfléchir, ceci : quelle a été la meilleure question qu’on vous a posée aujourd’hui, la plus surprenante, la plus marquante ?

Geoffroy: La question précédente… (rires) Sauf que je n’ai toujours pas la réponse !

Chris: C’est des clichés, mais j’ai vraiment l’impression qu’on est honnêtes dans notre démarche….

metal-eyes: Donc il n’y a pas eu de question qui se démarque ?

Chris: Qui se démarque ? Euh, non, j’essayais de répondre à l’autre question !

metal-eyes: Faut suivre !

Chris:  Un truc qui nous a interpellé et fait plaisir ? Déjà, celles des gens qui ont pris le temps d’écouter l’album et qui ont compris qu’il se passe quelque chose. Si, une que personne ne nous a posée : quelqu’un a comparé cet album à un disque de Black Sabbath. C’est quelque chose qui nous a interpelés parce que…

Geoffroy: C’est pas quelque chose qu’on aurait pensé comme ça, et ça amène à réfléchir…

metal-eyes: Allez, la devise : ce serait quoi ?

Geoffroy: On a essayé d’être vrais, d’être nous-mêmes. Alors « Soyez vrais, restez vous-mêmes ».

Chris: Quand je pense à tout ce que nous avons traversé depuis la création du groupe, de Dreamcrasher… de Dreamcatcher, pardon…

metal-eyes: Oh, le lapsus ! (rire général)

Chris: Dreamcatcher… Ma devise serait : « ce qui ne te tue pas te rend plus fort »

metal-eyes: Merci pour cette interview, et je vous souhaite bonne chance avec ce nouvel album!

 

EUROPE: The final countdown 30th anniversary show

Hard Rock, Suède (Hell & back recordings, 2017)

Europe, entre 2015 et 2017, a intensivement tourné à travers le monde, en invité « de luxe » de Scorpions, tout d’abord, puis en tête d’affiche afin de promouvoir, d’une part, son dernier album studio, War of kings, mais surtout pour célébrer le trentième anniversaire de son plus gigantesque et éclatant succès, The final countdown. Quelle meilleure occasion, en effet, que cette célébration pour remettre Europe sur les rails du succès que le groupe suédois retrouve depuis quelques années? Ce live, enregistré au Roundhouse de Londres le 12 novembre 2016, est divisé, comme ce fut le cas tout au long de ladite tournée, en deux parties distinctes: le premier CD se consacre au dernier album studio, dont tous les titres sont interprétés, les 5 premiers dans l’ordre du disque – le morceau éponyme étant réservé pour la fin – la suite étant mélangée. Le son est parfait, au point de se demander quelles retouches a subi ce concert. Le second CD reprend quant à lui l’intégralité de The final countdown, dans l’ordre initial de l’album. Autant dire que le succès est garanti, le public répondant présent à chacun des hits de 1986, c’est à dire la presque totalité de l’album. Inutile de vous expliquer la folie qui s’empare de la salle dès que retentissent les premières notes du clavier de Mic Michaeli… Europe a naturellement profité de cette tournée anniversaire pour mettre en boite un BluRay live. Nous ne reviendrons pas sur le choix des titres. Les images rendent justice à chacun des musiciens. Comme je l’avais constaté lors du passage à Bercy fin 2015, c’est véritablement Joey Tempest qui, en poseur connaissant son affaire, fait le show, John Norum, excellent guitariste s’il en est, et le bassiste John Leven se démenant assez peu, ce qui est dommage à ce niveau. Heureusement, les éclairages sont simplement superbes, le public du Roundhouse (d’une capacité de 1700 personnes) est tout acquis au groupe. Les deux écrans, postés de chaque côté de la scène, diffusant, sur la seconde partie moult photos d’poque dans une jolie et longue séquence nostalgie. Europe fait, avec ce nouveau live, honneur à son statut et honore son public avec un produit dont on ne pourra que déplorer le manque de bonus. Un beau live, en somme, avec des morceaux qui presque tous, les plus récents inclus, semblent intemporels (un ou deux ont mal vieilli…) De la belle ouvrage.

ACE FREHLEY: Anomaly deluxe

Hard rock, USA (SPV, 2017)

On attendait le volume 2 de Origins, l’album précédent du spaceman… Ace Frehley a préféré revenir avec un album de compositions originales, Anomaly. exception faite de Fox on the run (Sweet), Ace Frehley est à l’origine des 11 autres titres, tous taillés dans ce hard rock 70’s qui fit sa réputation. Mais les plus fans d’entre-vous le savent déjà: Anomaly est le 5ème album solo d’Ace et il est originellement paru en 2009. Cette réédition, même pas 10 ans après – on aurait pu envisager une édition anniversaire, mais non – qu’a-t-elle de particulier? Ben, rien, si ce n’est un packaging différent, et quelques titres bonus: Hard for me, Pain in the neck dans une version ralentie, The return of the spacebear. Alors rien d’extraordinaire, un album de rock bien fichu et chanté… comme Ace chante. Et l’on se plonge dans les crédits avec quelques surprises comme la présence de Brian Tichy qui, dpuis, a sévit au sein de Whitesnake et, surtout, The Dead Daisies. La réédition d’Anomaly, dans une version « deluxe » séduira donc principalement les fans du spaceman mais est une belle occasion pour les autres de découvrir ce disque qui, lors de sa sortie, était grimpé à la 20ème place du Billboard. Non sans raisons.

ELECTRIC WIZARD: Wizard bloody wizard

Doom/Heavy metal, Royaume-Uni (Spinefarm records, 2017)

Electric Wizard, on le sait, est une de ces formation fascinées par l’univers du Black Sabbath des débuts. Pas étonnant que le groupe ait – enfin – décidé de nous offrir un album (euh… mini album) de 6 titres et de lui donner un nom, Wizard bloody wizard, qui évoque le Sabbat noir. Et une imagerie qui évoque, entre autres, Slayer. Mais peu importe, c’est le contenu qui nous intéresse: allumé, lourd, psychédélique, parfois, ce CD renferme tous les ingrédients que l’on recherche. Le chant torturé évoque un Ozzy ayant rencontré Mick Jagger, les rythmes lourds deviennent rapidement au mieux hypnotique, au pire oppressants… Tout au long des See you in hell (et son message apocalyptique), Necromania, Wicked caresses… on se dit que le quatuor n’a pas que consommé de l’eau pendant l’enregistrement… C’est allumé, inquiétant, assez barré tout en se laissant écouter avec une déconcertante aisance. Un bon retour d’une formation presque trentenaire!

PAPA ROACH: Crooked teeth

Neo metal, USA (Seven eleven music, 2017)

Profitons du récent passage de Papa Roach pour rattraper le retard… Car Crooked teeth, le dernier album de la bande est sorti il y a quelques temps déjà, au mois de mai dernier… Soyons clairs: il est urgent de faire l’impasse sur le morceaux d’ouverture, Break the fall, qui voit Papa Roach se revisiter sans grande conviction, genre « mode automatique ». Mais une fois franchi ce cap, on retrouve, en partie, le Papa Roach qui fit les grandes heures du genre au cours des années 2000.  En partie, tout du moins, car sans réinventer le neo metal, le quatuor en connait suffisamment bien les codes pour les utiliser au mieux. L’alternance des rythmes avec le chant rappé, les grosses guitares qui donnent une furieuse envie de bouger… Tout est là. A quelques exceptions près qui sentent le réchauffé. Alors on se délectera, simplement du morceau titre, My medication, ou Born for greatness, plus orienté pop. On notera également la présence de deux guests, Skylar Grey sur Periscope, et Machine Gun Kelly sur Sunrise trailer park, deux morceaux moins typés Papa Roach et plus centré sur les styles de ces musiciens. Au final, Crooked teeth est un album sympathique taillé pour les amateurs de neo metal.