Interview THE LUKA STATE : entretien avec Conrad (chant, guitare) et Lewis (guitare). Propos recueillis par Skype le 26 janvier 2021
L’attitude, la fougue de la jeunesse, l’envie, la rage… Avec leur premier album, Fall in fall out, qui vient de sortir, les jeunes Anglais de The Luka State pourraient devenir « the next big thing ». Au capital énergie s’ajoute le capital sympathie, comme nous l’ont démontré avec une vraie bonne humeur, Conrad (chant et guitare) et Lewis (guitare) lors de notre récent entretien. Incontestablement, The Luka State est un groupe à découvrir et à suivre de près. Quatre garçons en confinement…
Metal-Eyes : D’après ce que je sais, The Luka State a été formé en 2013. Vous avez publié un paquet de singles, 2 Ep, et vous sortez maintenant votre premier album. Pour quelle raison vous a-t-il fallu aussi longtemps pour publier ce premier album, Fall in fall out ?
Conrad : On a monté The Luka State à l’école, ce n’était pas le même groupe. Lewis nous a rejoints, et The Luka State que tu vois est le vrai groupe. En réalité, ce premier album ressemble au travail de toute une vie.
Metal-Eyes : Toute une vie ? Vous avez quel âge ?
Lewis (rires) : 21 ans !
Conrad : Ce que je veux dire, c’est qu’on avait tant de chansons déjà composées… Pour cet album, il y en avait 75 ! Il a fallu que nous les repassions toutes en revue pour n’es retenir que 12 pour l’album. Cela a demandé beaucoup de temps. Les chansons devaient être assez puissantes, avant tout, et lorsque nous tenions enfin ce que nous pensons être un album assez puissant, nous voulions le sortir par le biais d’un gros label. Je ne saurais expliquer pour quelles raisons il a fallu autant de temps, mais je suis content de cela, parce que maintenant, nous avons l’impression que le voyage commence vraiment.
Metal-Eyes : J’aime cette vision « le voyage démarre vraiment maintenant » … Votre backdrop est juste derrière vous, pouvez-vous expliquer la signification de ces différents éléments ?
Conrad : Bien sûr ! Chacun de ces emblèmes représente une personne du groupe. Lewis, je te laisse parles de ceux de ton côté.
Lewis : En haut, il y a les aiguilles d’une horloge qui représente le temps. C’est la représentation de notre batteur, Jake, pour qui le temps, dans tous les sens du terme, est important. En dessous, il y a le visage d’Icare. C’est mon choix, qui vient de mon grand-père qui me racontait plein d’histoires, me conseillait de ne pas trop m’approcher du soleil… l’industrie dans laquelle nous travaillons…
Conrad : En bas, de mon côté, c’est un papillon, qui représente la grand-mère de Murphy, qui est décédée. Le mien, au-dessus, est un pin. Ma mère est morte d’un cancer quand j’avais 16 ans, et nous avons planté un pin en sa mémoire. Il nous donne tous les ans des pommes de pin fraiche que nous conservons chez nous ou dans nos voitures. Chaque symbole représente donc l’un d’entre nous et, ensemble, font de nous ce que nous sommes en tant que The Luka State. Et il est assez cool…
Metal-Eyes : Merci pour cette explication, elle valait le coup d’être donnée. Votre premier album sera en bacs le 29 janvier. Comment le décririez-vous à quelqu’un qui ne vous connait pas ?
Conrad : C’est un album de rock, avant tout. C’est énergique, nerveux, il décrit un peu ce que c’est que d’être un jeune qui grandit dans une ville ouvrière du nord de l’Angleterre… Les combats que tu mènes en tant que jeune homme. Les gens peuvent s’y reconnaitre, c’est assez facile de s’emballer en l’écoutant, de chanter, de danser ! Tous les éléments sont réunis pour passer du bon temps.
Metal-Eyes : J’ai écouté l’album et j’ai le sentiment qu’il y a un mélange de punk et de Beatles. Pas seulement, mais c’est ce qui me saute aux oreilles…
Conrad : Waow, c’est un super compliment ! Nous sommes de super fans des Beatles, et de très grands amateurs de punk ! Lewis adore The Clash, The Jam et The Sex Pistols, et vraiment, les Beatles, c’est un de nos groupes de chevet. C’est cool que tu ais reconnus ça !
Metal-Eyes : Vous êtes originaires de Winsford, dans le Cheshire. Je ne connais pas beaucoup les groupes de cette région, qui d’autre y a-t-il ?
Lewis : C’est une petite ville d’où nous venons… Souvent, les groupes du coin se présentent comme venant de Manchester, dans notre région. Mais nous sommes fiers de nos origines, nous sommes fiers de dire que nous venons d’une ville ouvrière, pas de Manchester sous prétexte que nous venons de sortir un album…
Metal-Eyes : D’autres groupes qui ont percé sont issus de villes ouvrières… Birmingham, Sheffield…
Lewis : C’est clair !
Metal-Eyes : Revenons à votre album qui sort bientôt. Au-delà du premier single – avec sa vidéo, Feel it – il y a cette chanson Fake news. C’est un clin d’œil au départ de Trump ?
Conrad (il rit) : Bon parallèle mais non… Elle traite du fait de venir d’une petite ville ouvrière, comme c’est notre cas. Il y a ce que j’appelle « la mentalité des petites villes ouvrières » où les gens parlent, jalousent ce que tu es lorsque tu évolues dans la vie. Parfois, ça va jusqu’à colporter des choses pour dénigrer ton entourage, ton nom. Les gens qui disent de la merde à ton sujet, qui colportent de fausses infos à ton sujet. Et ça a un impact sur le bien être des gens concernés. C’est plus de cela que traite cette chanson, bien plus que de Donald Trump…
Metal-Eyes : Y at-il un lien avec un de vos singles, Lies ! Lies ! Lies !?
Lewis : En réalité Lies ! Lies ! Lies ! est sans doute le morceau le plus engagé politiquement que nous ayons écrit.
Conrad : C’est vrai, et en ce moment, je fais en sorte de rester aussi loin que possible de la politique dans mes textes. Jusqu’à ce que j’ai quelque chose à dire. Mais en ce moments, je n’en ressens pas le besoin.
Lewis : Il se passe tant de choses en ce moment que nous préférons nous concentrer sur le fait de donner du plaisir aux gens plutôt que de ressasser ce qu’il se passe…
Metal-Eyes : Alors doit-on parler du Brexit ?
Lewis : Je pourrais t’en parler longtemps, mais ça ne nous amènera nulle part…
Metal-Eyes : On vous souhaite bonne chance en tout cas.
Tous les deux : Merci ! On va vraiment en avoir besoin !
Metal-Eyes : Venons-en au nom du groupe : y a-t-il un lien avec la chanson de Suzanne Vega, Luka ?
Conrad : Non… (il rit) The Luka State signifie « avoir une attitude mentale positive ». En gros, Sam, le bassiste du groupe, et moi avons vécu quelques temps à Toronto. Nous habitions dans un studio où un gars venait nous rendre visite de temps en temps. Ce studio appartenait à un gars fans des Beatles, alors il y a avait toujours quelque chose en lien avec les Beatles quelque part. Ce gars, Luka, qui venait nous rendre visite, avait toujours une attitude très positive, quoi qu’il se passe, et sa présence à réellement eu un impact sur nous, moi, principalement. C’est ce qui nous a poussé à appeler ce groupe The Luka State, l’état d’esprit de Luka, un état d’esprit que nous nous efforçons d’adopter et d’appliquer.
Metal-Eyes : Le 30 janvier, vous avez annoncé une tournée US virtuelle. On connait les concerts en streaming, mais une tournée US… C’est quoi l’idée ?
Conrad : En fait, on a déjà fait ce genre de choses en ligne parce que nous souhaitons simplement rester en contact avec le public, les gens qui découvrent le groupe… Je crois que nous vivons une époque où tout se fait… On ne peut plus se réunir, aller en concerts, faire la fête, toutes ces choses nous manquent. On ne se rend pas compte à quel point nous étions chanceux de pouvoir sortir avec nos potes, boire un verre, hurler à en perdre la voix en concert… Que nous soyons sur scène ou devant. Nous voulons seulement montrer à nos fans que nous ne baisserons pas les bras, la pandémie ne nous fera pas reculer. On a fait équipe avec des promoteurs ici, au Royaume uni, et aussi aux USA. Même si nous préférerions jouer dans une petite salle à guichets fermés – ce qui n’est pas réaliste aujourd’hui., nous pouvons aussi utiliser la technologie moderne pour donner ces concerts.
Lewis : Et les Américains nous ont offert quelques bons moments, alors on s’est dit que c’est à notre tour de leur faire plaisir ! (rires)
Metal-Eyes : Ce qui signifie que si je veux assister à cette tournée virtuelle des USA, il faudra que je m’adapte au décallage horaire ?
Lewis : Malheureusement pour toi, oui (rires). Ils l’ont fait de leur côté, à notre tour de leur faciliter les choses…
Conrad : Mais, non, ce sera sur Youtube après, tu pourras le regarder quand tu veux !
Metal-Eyes : Conrad, tu as dit que, pour le moment, tu ne veux pas aborder la politique dans tes chansons. Alors, de quoi traitent les paroles ?
Conrad : Sur ce premier album, je parle surtout du fait de grandir, en tant que jeune homme de 20 ans, dans une ville ouvrière en Angleterre, de l’envie de s’évader. ça parle d’évasion, de colère, de passion, de luxure et de sexe, de drogues, de sorties nocturnes…
Metal-Eyes : Attends un instant… « de sexe, de drogues » mais pas de rock’n’roll ?
Conrad (rires) : Oh si, le rock, c’est la musique ! En fait, le thème tourne autour du fait de grandir à 20 ans, de ce que tu peux expérimenter. Je pense que beaucoup de gens pourront se reconnaitre, que tu aies 20 ans ou que tu sois plus vieux. C’est ce que je cherche à retranscrire dans mes paroles.
Metal-Eyes : D’un point de vue musical, comment travaillez-vous ? Est-ce que l’un d’entre vous arrive avec ses idées et vous en discutez tous les quatre ou est-ce un travail plus collectif ?
Conrad : On travaille de ces deux manières en fait. D’un côté, j’arrive avec mes idées et chacun ajoute ce qu’il souhaite, on en parle et ça devient une chanson de The Luka State, pas une « chanson de Conrad ». La basse, la batterie trouvent leur place et s’imbriquent naturellement. Mais nous travaillons aussi en groupe, les idées naissent de détails, un riff, un rythme, une ligne de basse, une mélodie. Il y a toujours un moment au sein du groupe où chacun propose quelque chose. C’est sain de pouvoir travailler ensemble et de ne pas dépendre simplement d’un compositeur qui arrive avec ses morceaux…
Metal-Eyes : Lewis, toi, tu apportes quoi à ce groupe ?
Lewis : Le bon goût vestimentaire (rires)…
Metal-Eyes : Tu as entendu ça, Conrad ? En fait, dans la vidéo Feel it, votre batteur a un look affreux… On dirait qu’il a débarqué à la bourre et n’a pas pris le temps d’enlever son pull… (rire général)
Lewis : Je vais lui dire (rires) !
Conrad : Oui, on va lui dire !
Metal-Eyes : En dehors du bon goût ?
Lewis : Sérieusement, en dehors d’idées qui naissent d’un riff ou en grattant la guitare, j’apporte sans doute la partie la plus heavy au groupe. Mais ça reste un travail collectif. La table est ouverte, toutes les idées sont les bienvenues.
Metal-Eyes : Vous avez travaillé avec un producteur pour l’enregistrement de l’album. Que vous a-t-il apporté ?
Conrad : Oh, il est arrivé avec son regard, et il nous a fait enregistrer en live. Il n’y a pas de séquences, même si le chant a été capté à part. Ce que tu entends, ce sont 4 gars qui jouent live dans la même pièce. Avant, nous ne nous rendions pas compte de ça, même si nous dégageons beaucoup d’énergie live. On a enregistré plusieurs choses sans jamais réussir à capter vraiment cette énergie. Nous ne pouvions pas obtenir le résultat que nous voulions. On enregistrait, on se disait « ouais, ça sonne super bien », et quand nous le faisions écouter à quelqu’un, la réponse était « non, ce n’est pas vous ». Il nous a donc fallu un producteur qui nous dise « non, vous n’allez pas enregistrer séparément, vous allez jouer live. Vous êtes suffisamment bons musiciens pour trouver cette énergie ». C’est le rôle d’un producteur, de faire ressortir le meilleur de chacun et du groupe.
Metal-Eyes : Si chacun de vous devait ne retenir qu’un seul titre de Fall in fall out pour expliquer à quelqu’un ce qu’est The Luka State, lui dire « voilà ce que nous faisons », ce serait quel titre ?
Conrad : Pour moi, ce serait Bury me. Un titre direct, punk, qui va droit au but, rock n roll, rageur, 3 minutes qui ne laissent pas de place au doute.
Lewis : Pour moi, ce serait [insert girls name here]. C’est aussi un morceau très punky, mais il y a un super refrain poppy et facile à retenir. Oui, nous sommes agressifs, mais nous apprécions aussi la mélodie efficace.
Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise de The Luka State ?
Conrad : Mmh… « ne jamais renoncer », je pense. Nous sommes à ce stade de notre carrière parce que nous n’avons jamais renoncé, nous avons toujours continué, et ça ne fait que commencer. Ne jamais renoncer à croire en nos rêve, c’est ce que chacun devrait vivre ! C’est valable dans tous les aspects de la vie.
Lewis : Je suis d’accord. Et je dirais aussi « rien n’est suffisamment bon que le meilleur ».
Metal-Eyes : Quels sont vos projets immédiats ? Vous ne pouvez pas tourner, partir en promo…
Conrad : Le bon côté de cette situation, c’est que nous avons du temps pour composer. Nous avons commencé à nous pencher sur le second album… Nous prévoyons aussi de tourner à compter du mois de septembre, et nous croisons les doigts pour que ça se produise. Nous passerions par Paris. Mais d’ici là, nous composons.
Metal-Eyes : Merci beaucoup à tous les deux, j’espère aussi avoir l’opportunité de vous voir sur scène en France bientôt. Bonne chance avec ce premier album en tout cas.
Conrad : Merci beaucoup, on espère nous aussi !
Lewis (en français) : A la prochaine !