Interview: BLACK STONE CHERRY

Interview BLACK STONE CHERRY. Entretien avec Jon Lawhon (basse) et John Fred Young (batterie). Propos recueillis à Paris, Gibson France, le 5 mars 2018

Une interview avec Black Stone Cherry ne se refuse pas. Non pas parce qu’il s’agit de mega stars interplanétaires – il ont encore beaucoup de chemin à parcourir, en tout cas en France où leur statut reste malheureusement presque confidentiel – mais tout simplement parce que ces gars sont d’une simplicité et d’une gentillesse sans pareil. En plus, Jon et John Fred sont aujourd’hui de très bonne humeur…

Metal-Eyes : La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était il y a un peu moins de deux ans, au lendemain de votre dernier concert parisien. Quels souvenirs en gardez-vous ?

John Fred : C’était génial !

Jon : C’est un des meilleurs concerts que nous ayons donnés ici.

John Fred : Oui, on a joué deux fois dans cette salle.

Jon : Il y avait deux fois plus de monde que la fois précédente !

John Fred : L’énergie qui s’est dégagée de ce concert… C’était…

Jon : Plein de gens qui montaient sur scène ! (rire général)

Metal-Eyes : On aime faire ce genre de choses…

John Fred : Crowdsurfing… C’était si cool…

Metal-Eyes : Ce concert a eu lieu avant la sortie de Kentucky, et vous étiez censés revenir soutenir cet album quelques mois plus tard. Une grande partie de la tournée européenne a été brusquement annulée ; que s’est-il passé ?

Jon : Des choses personnelles sont apparues, et on a préféré s’e occuper. On a détesté devoir annuler, mais c’était nécessaire.

John Fred : On savait qu’on reviendrait.

Metal-Eyes : Il n’y a eu aucune nouvelle ni info… Familly tree va sortir exactement 2 ans après Kentucky. Ce n’est pas si long, mais le temps a cependant paru très long…

John Fred : Oh, oui… On a enregistré Kentucky en 2015, il est sorti le 1er avril 2016.Deux ans plus tard, voici Familly tree, et, mec : on est fiers de nous !

Jon : L’attention des gens est plus courte aujourd’hui. On a toujours eu un rythme d’un an et demi à deux ans entre deux albums, ce qui semble être la limite. Au-delà, les gens commencent à t’oublier. C’est une des raisons pour lesquelles on a sorti le Ep de blues, quelque chose d’un peu différent mais qui maintient Black Stone Cherry dans l’actualité.

Metal-Eyes : C’était aussi un moyen de faire savoir aux fans que vous étiez toujours là, en vie ?

John Fred : Honnêtement, on commençait à s’ennuyer ferme ! Ce n’est pas Mascot qui nous a demandé de le faire… On a toujours aimé reprendre des morceaux de blues, alors on l’a fait ! On a pris 5 jours de studio, chez notre ami David Barrick, avec qui on a fait Kentucky et Familly tree. On n’avait aucune idée de ce qui allait en sortir. 5 jours en studio, 6 chansons… et il a fait un super travail. Et 3 des chansons sont devenues n°1 du Blues bill qui est la plus grande chaine de blues du réseau satellite, une des grosses stations rock du pays. On savait que le public était encore présent. Le gars qui anime cette station est un ami. En général, si les groupes qui ne font pas partie du circuit blues enregistrent une reprise qu’il diffuse, il reçoit des mails disant que ce n’est pas du vrai blues… Et il nous dit « vous, les gars, vous venez de vous faire un nom dans le circuit blues », et ça, c’est cool ! ça nous a redonné confiance, reprendre ces standards, un peu blue grass, les orienter dans un esprit Motown…

Metal-Eyes : Vous retrouver et retrouver cet esprit de famille qui vous a toujours unis. Familly tree va sortir le 20 avril et débute avec le titre Bad habit. Je n’ai pas lu les paroles, alors cette « mauvaise habitude » dont vous parlez est-elle responsable, en partie, de votre absence de 2 ans ? Ça sonne comme une confession…

John Fred : Non, parce qu’on n’a pas pris 2 ans de repos ! On a beaucoup tourné…

Jon : Oh, oui, on a tourné partout aux USA, et on fini par faire ce que nous devions pour cet album.

John Fred : Et cette mauvaise habitude, c’est d’être enlacés avec cette belle fille, c’est aussi simple que ça ! (Rires) Je voudrais bien te donner une explication plus profonde, mais,  non !

Metal-Eyes : Il y a aussi cette chanson intitulée « New kinda feeling ». C’est quoi, cette nouvelle sensation ?

John Fred : Tant de gens nous parlent de cette chanson… Pour moi, c’est une super chanson, mais c’est incroyable d’imaginer quelles chansons vont séduire le public et prévoir qu’on te pose des questions sur telle ou telle chanson est évident. Mais on ne s’attendait pas à celle-ci : en Angleterre, aux USA, toi, ici, maintenant, plein de gens semblent adorer cette chanson…

Jon : Pour moi, c’est un peu le reflet de l’ensemble de nos disques. Bien sûr, on peu retrouver des points communs, mais nous n’avons jamais enregistré deux fois le même disque. Certains groupes, et je en dis pas ça en mal, dès le départ, trouvent un son et s’y collent. Il n’y a pas un très grande évolution. Prends un groupe comme AC/DC, c’est AC/DC.

John Fred : C’est ce que tu attends d’eux, qu’ils fassent du AC/DC !

Jon : Au contraire, un groupe comme Led Zeppelin ne s’est jamais répété. Et nous tendons plus à être dans cet esprit. On adore AC/DC, mais on se sent plus proche de l’esprit Led Zeppelin.

Metal-Eyes : Vous ne voulez pas vous répéter…

John Fred : On ne le peut pas, en réalité. Quand on a commencé à enregistrer de la musique, on était au lycée. Quand tu es gamin, que tu commences à jouer, tu as des idées. Et ce que tu envisages gamin ne sera pas pareil dans 10 ans ; Quand tu grandis, tu réalises ce que les expériences t’ont apporté, que ce soit en tournée, dans ta vie personnelle, familiale, les événements mondiaux… C’est ce qui te permet de devenir un autre compositeur. Et nous composons tous les 4. Nos albums sont très diversifiés pour cette raison : ce ne sont pas qu’un ou deux gars qui écrivent, mais 4 qui balancent des idées. Parfois, nos albums sonnent comme… si toutes les chansons étaient différentes. C’est ce qui rend les choses intéressantes.

Metal-Eyes : Comment décririez-vous l’évolution du groupe entre Kentucky et Famuilly tree ?

John Fred : Je ne peux répondre que pour moi… Je suis toujours très fier de Kentucky, comme de chacun de nos albums, qui est le premier album que nous avons produit nous-mêmes. On était encore nouveaux sur le label Mascot, et toujours un peu dans l’esprit de « comment nous travaillions avant », avec un producteur, A&R et tous ces trucs. J’ai l’impression que, bien que faisant les choses nous-mêmes, nous avions encore certains réflexes et trucs que nous avions appris avec les albums précédents. Tandis que pour cet album, nous avons franchi un pas, nous avons beaucoup plus expérimentés et tenté des choses quand on était sur la route. Exploré nos racines, fait ressortir le rock sudiste et le blues – d’où est venu le Ep Black to blues – et ça nous a permis de réaliser Familly tree. Il n’a pas été répété, il n’y a pas eu de planification, on a écrit le disque sur la route, dans le Bus. Chris est devenu un assez bon ingénieur sur la route, il enregistrait tout à l’arrière du bus, et on a tous fait des allers-retours dans ce petit espace – l’arrière du bus est plus petit que l’espace entre ces deux canapés… Etre à 4 là-dedans, on l’a fait, on est vraiment serrés ! (rires)

Metal-Eyes : J’imagine, surtout si tu installe ta batterie !

John Fred : Tu sais quoi ? Il y a un truc super avec la technologie aujourd’hui : bien sûr tu peux avoir un kit électronique, mais tu peux trouver tous les rythmes et programmer ce que tu veux à partir d’une touche de claviers. C’est comme ça qu’on travaille nos démos avant d’entrer en studio. Il y a des années, quand un groupe avait des chansons, le label lui disait d’aller en studio, et de prendre le temps nécessaire. On parle de groupes comme… Guns n Roses, par exemple. Les budgets étaient si importants, parce que les groupes vendaient des disques. Maintenant, l’industrie du disque à changé, et il n’y a pas de budget permettant à un groupe d’aller en studio pendant 6 mois. Il ne nous a fallu que 22 jours pour enregistrer Familly tree. Il y a des raisons pour qu’on enregistre vite, c’est simplement notre style : on entre en studio, on enregistre et si ça nous convient, on garde la première prise ! Ca ne doit pas être parfait, même si, en ce qui concerne la batterie, je suis perfectionniste. Mais je préfère, de loin, une partie de batterie qui a du caractère, une âme. Je garde des choses sur lesquelles j’ai foiré, mais qui sont cool. Pas toujours, mais parfois.

Jon : John Fred réécoutait ses pistes et nous disait parfois qu’il voulait refaire telle partie de batterie, et on a dû le prier de la laisser telle quelle parce qu’il y avait ce côté un peu « magique ».

John Fred : La plupart des batteurs ne sont pas capables de s’immiscer dans un morceau, de jouer avec le morceau et de frapper juste quand il faut. Parfois, je retourne deux mesures en arrière et joue pile quand il faut.

Jon : Savoir exactement quel fût frapper et quand n’est pas évident. Pour que ça marche, il faut qu’il y ait le même kit, dans la même pièce avec le même air…

John Fred : (à Jon)  J’aime bien aussi quand vous… (à moi) On enregistre live, il faut le savoir, et (à Jon), j’aime bien quand vous partez dans vos trucs…

Jon : Et John Fred a fait très fort, parce que, en dehors de chez lui, il n’avait rien travaillé avec nous ! Il a tout fait spontanément.

John Fred : Bien sûr, quand tu dois enregistrer un disque sans avoir répété, tu fais des erreurs… La spontanéité, il n’y a que ça de vrai !

Metal-Eyes : Puisque tu parles d’ennui : ça fait des années que vous jouez ensemble et que vous donnez des concerts. Y a t-il des chansons que vous voudriez pouvoir ne plus jouer ? (les deux explosent de rire) Des chansons que, pourtant, vous devez jouer parce que les fans les veulent…

John Fred : Bien sûr ! Tous les groupes du monde passent par là, tous se lassent de certaines chansons, pas parce qu’elles sont mauvaises, parce qu’ils les ont trop jouées…

Jon : Je pense que le truc pour conserver une certaine fraicheur, c’est de travailler par cycle, et de changer les setlists. Pour cela, il faut avoir un certain nombre d’albums à proposer. Nous en sommes à notre 6ème disque

John Fred : Chacun de nos albums, à l’exception d’un seul, comporte 13 chansons. Je te laisse faire le calcul : ça fait une longue liste de morceaux à proposer.

Jon : On peut facilement varier nos setlists, ce qui nous permet de conserver cette fraicheur.

John Fred : Et on peut ajouter les faces B ! Une chanson comme White trash millionaire est sans doute un des plus importants piliers de notre catalogue, elle a fait exploser notre groupe. Tu demande à n’importe quel fan de choisir un titre, il y a de fortes chances qu’il retienne celui-là ! Si tu regardes les compteurs de nos vidéos sur You Tube, Mary Jane a fait 7 millions de vues. Bon, comparé à ce que certains gamins font – 50 millions – c’est rien (rires). Mais White trash, Me and Mary Jane et Blame it on the boom boom, on ne peut pas les éviter. Mais il y a ces fans qui attendent aussi des morceaux plus obscurs et peu les connaissent. Eux vont tripper. Nous voulons avoir une certaine image. Tu sais, le dernier album qu’on a fait avant Mascot… c’était un combat de tous les jours pour garder cette identité intacte ; ils voulaient absolument nous mouler comme un de ces groupes de rock US, et on le refusait. Le premier album, on se disait « non, on ne fait pas ça ». Pour Between the devil and the deep blue sea, sur lequel il y a de super morceaux, on était un plus formatés, le label voulait qu’on soit un groupe qui passe à la radio. Alors on a travaillé avec un grand producteur, à Los Angeles. Ça a été une super expérience, mais on a découvert que ce n’était pas nous.

Jon : On m’a souvent dit, quand on était sur notre ancien label : « garde le gros son et ne  réfléchis pas ». Si tu écoutes le premier album, la basse est partout. Au point qu’on a écrit dans les crédits « basse et basse lead » tant j’en ajoutais. J’en ai moins mis sur le second, je suis resté un peu plus en retrait, et pour le troisième, j’ai fait le strict minimum. Et ensuite, pour le 4ème, j’en ai refait un peu plus. Notre producteur était musicien, alors. Et il y a eu Kentucky, et j’ai donné juste ce qu’il faut.

Metal-Eyes : Familly tree mélange d’ailleurs toutes vos influences. J’ai été très surpris par les guitares sur Burning qui sont très orientées ZZ Top.

John Fred : Oh, oui ! (rires)

Metal-Eyes : Ca sonne même comme le ZZ Top de la période Eliminator… Il y a aussi du blues, du rock, cette superbe chanson d’amour que tout le monde voudrait écrire pour son enfant, my last breath… Maintenant si vous deviez ne retenir qu’une chanson de Familly tree pour décrire ce qu’est aujourd’hui Black Stone Cherry, ce serait laquelle ? ?

Jon : Je dirais Familly tree.

John Fred : Moi aussi…Parce que musicalement et littérairement, elle décrit et représente pleinement notre expérience. Elle parle des montagnes que nous avons gravies et celle d’où nous avons chuté. Elle parle d’une manière très poétique de notre parcours, et musicalement, chacun de nous, c’est le cas sur tout le disque mais plus encore sur ce morceau, a une véritable identité. J’adore ce morceau parce que quand je l’écoute, je peux vraiment entendre John Fred Young, Jon Lawhon, Chris Robertson et Ben Wells, pas que Black Stone Cherry.

Metal-Eyes : Quel pourrait être, 17 ans après vos débuts, la devise de Black Stone Cherry ?

Jon : Oh la vache !

John Fred : Punaise ! « Continue de continuer », c’est la meilleure chose qui me vienne à l’esprit… Jon ?

Jon : Je te suis !

Metal-Eyes : Quels sont vos prévisions de tournée ? Je n’ai rien vu pour l’instant en France, une date est annoncée au Download anglais…

John Fred : J’ai demandé à notre agent s’il était possible de nous faire jouer au Download Paris, mais… je ne sais pas.

Jon : On va revenir à l’automne, c’est sûr. Il y aura au moins un show en France.

Metal-Eyes :

John Fred : Je voudrais bien qu’il y en ait au moins deux ou trois…Il y a des endroits sympa, Lille, Lyon, Clisson.

Metal-Eyes : Vous venez de donner au Dr Feelgood un show acoustique, c’était comment ?

Jon : Super. On a eu environ 50 personnes, c’était old school.

John Fred : C’est la seconde fois que nous jouions Bad habit. La première c’atit il y a quelques jours dans l’appartement de Jimi Hendrix, qui est un musée maintenant. Au Feelgood, c’était cool, on a eu un petit soundcheck, les gens était détendus…

Metal-Eyes : Vous avez été en promo toute la journée. Quelle a été la question la plus étonante, la meilleure qu’on vous a posée aujourd’hui ?

John Fred : Euh… J’ai bien aimé qu’on parle de New kinda feeling. C’est assez surprenant car, je sais que c’est un bon morceau, mais voir autant de gens nous en parlé est vraiment super. Parfois, en tant que musiciens, ti as tes préférences, mais c’est cool de constater comment les chansons affectent les auditeurs, fans, médias ou autre…

Metal-Eyes : Pour terminer : après 17 ans ensemble, que rêvez-vous d’accomplir avec Black Stone Cherry ?

Jon : Simplement de continuer de grandir. Tu sais, on a pas toujours été le groupe important que nous sommes devenus, nous avons gagné chaque centimètre, et je souhaite continuer de les gagner, un par un.

John Fred : Chacun de tes 6 centimètres, petit à petit (ils explosent de rire) !