Interview: DIESEL DUST

Interview DIESEL DUST. Entretien avec Raphaël (guitariste) le 23 décembre 2024

L’abum est sorti au mois de mai, mais ce n’est pas votre premier album. Le groupe s’est formé du côté de Lyon vers 2006, avant même…

Oui, le groupe existait déjà avant que ne l’intègre, c’était un groupe de reprises. J’ai rejoint le groupe en 2006.

Et en 2006, un album, Ghost dance, est sorti, suivi d’un autre en 2010, Second life, et après… plus rien… jusqu’à 2021/22. Que s’est-il passé pendant ce long break ?

Eh bien, on s’est mis en pause parce que notre chanteur était parti et quand on change deux fois de chanteur en peu de temps… ça m’a fatigué, et j’avais envie de monter autre chose. J’ai monté un théâtre et j’ai pris neuf années de repos psychologique, physique et moral pour travailler dans mon théâtre. C’était un repos musical, surtout !

Qu’est-ce qui a motivé le retour de Diesel Dust ?

Il y a plusieurs choses : je commençais à manquer de scène, de guitare… Après, le Covid est arrivé et mon père est décédé durant cette période et c’est là que je me suis remis à écrire. J’avais des choses à dire à mon père, j’ai écrit des textes mais sans musique, pour moi, les textes ne veulent rien dire, donc j’ai aussi composé la musique. J’en avais deux ou trois de prêtes et j’ai rappelé Nico, l’harmoniciste en lui proposant de reprendre. Il a hésité à peu près deux secondes et demie avant de me dire « oui ».

Il y a d’autres membres des « origines » ?

Non, il n’y a que Nico et moi.

Donc, le Diesel Dust 2021, c’est une version 3.0 puisque tu es arrivé après les débuts du groupe. C’est vraiment le renouveau de la formation…

Carrément. Notre ancien batteur a des soucis de santé et ne peut plus jouer, notre bassiste a des problèmes personnels… C’est pour ça qu’on a cherché d’autres membres. Le batteur, je jouais avec lui dans un groupe qui s’appelait Dead Cause, il connaissait le bassiste qui nous a rejoint. Le chanteur, je l’ai rencontré par hasard en écoutant des gens parler disant qu’il avait une belle voix mais pas de groupe, alors je l’ai contacté. Ça a été relativement simple et l’entente est tellement bonne que ce n’est plus un groupe, c’est carrément une famille !

L’album du retour, c’était Just before, suivi assez rapidement après par Between before and after, qui est un titre assez mystérieux. Peux-tu nous l’expliquer ?

Il annonçait en fait que les musiciens changeaient… Donc c’était après le début du groupe… et avant la fin…

Et maintenant, on n’est pas encore à the end, c’est Just another day… juste un autre jour. Quels sont les retours que vous avez eus de ce… On doit dire le troisième album ou le cinquième ?

Oh, je dirai plutôt le troisième, c’est vraiment le troisième que j’écris. Et ce sera la dernière mouture de Diesel Dust, il y aura d’autres albums si, comme c’est prévu, on reste ensemble. Je pense qu’on a gagné en maturité grâce à l’apport de chacun : notre batteur fait du metal dans un autre groupe, notre guitariste fait du Satriani, le bassiste joue dans un groupe de jazz rock et de punk et le résultat de toutes ces influences, c’est qu’on a fait un album que je trouve plutôt riche. La fan base qui nous suit depuis le début, tout le monde dit que c’est le meilleur album qu’on ait fait… Ça me va bien pour l’instant (rires) !

Toutes les influences dont tu parles, on ne les ressent pas vraiment parce qu’on sent surtout une culture très imprégnée de rock sudiste…

Ben… c’est le but ! Diesel Dust est un des cinq ou six groupes de rock sudiste français qui soit référencé. On ne voulait pas non plus quitter ce domaine-là, on peut tout mettre dedans. Le rock sudiste c’est une musique qui est généreuse, et aujourd’hui encore, on peut se permettre sur scène de faire des chorus de 8’ sans que personne ne trouve à y redire. Je pense qu’on a modernisé le style sur cet album, mais il reste un style aux grandes effluves 70’s. Tu peux te permettre d’allonger un morceau avec le public sans que ça ne gêne qui que ce soit, on n’est pas prisonnier des séquences… Il n’y a jamais un concert qui ressemble à un autre.

Quels sont les thèmes que vous abordez ? A la lecture des titres, on sent que c’est très culture US, les pochettes sont toujours en lien avec la culture indienne également…

Sur tous les albums, j’aborde tout le temps la culture amérindienne, dans le sens « défendre les Indiens d’Amérique ». J’ai lu les écrits de Sitting Bull, et je suis tombé raide de surprise devant la qualité de la poésie qu’il pouvait donner alors qu’il était en train de se faire massacrer. Je parle aussi beaucoup de la planète parce que notre génération est sans doute celle qui a commencé à prendre conscience qu’on mettait tout en l’air et que nos enfants allaient souffrir. Chaque album a sa chanson sur le thème, là, c’est Walking alone qui parle d’observer nos enfants marcher là où il n’y a plus rien… Après je parle beaucoup d’actualité ou de sujets qui me touchent, comme le décès de mon père. Just another day est une chanson très spéciale puisqu’elle parle du suicide de mon frère de sang et après il y a la violence faite aux femmes ou d’autres choses encore. Women est une chanson humoristique où j’inverse les rôles et je demande ce que c’est que ce monde où la violence envers les hommes est telle que tu ne peux même plus faire un compliment à une femme sans te faire engueuler (rires). Tu ne peux même plus dire « bonjour »… On va peut-être se faire lyncher. We ill never die aborde le thème de ce souhait d’immortalité, et nous, les musiciens, on a cet avantage que, même dans deux siècles, peut-être que quelqu’un retrouvera nos albums et nous écoutera, nous fera revivre. C’est une forme d’immortalité.

Il y a aussi N.I.C.O (Now I Carry On). Est-elle en rapport, est-ce un hommage à ton harmoniciste ?

Oui, c’est exactement ça, parce que, quand je l’ai appelé, il a mis deux seconde et demie pour me dire « oui, j’attendais que tu m’appelles » ! Même si le groupe s’est arrêté, on tapait souvent le bœuf tous les deux. Oui, c’est un hommage, jouer avec lui, c’est du bonheur, on est toujours du même côté sur scène et on reste les deux piliers de ce groupe…

Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Just another day… pour expliquer à quelqu’un qui ne vous connais pas ce qu’est Diesl Dust aujourd’hui, ce serait lequel ?

Ah… C’est compliqué… Mais je ferai peut-être écouter We will never die parce qu’il y a de la mélodie, du pseudo metal et beaucoup de recherche harmonique dans les chorus de guitares. Ça représente assez bien ce qu’on est.

Il y a un autre titre qui m’épate, c’est le morceau titre qui clôt l’album : il commence tranquillement et c’est une longue montée en couleurs. Comment l’avez-vous travaillé, parce qu’il est assez complexe ? J’ai l’impression que c’est un patchwork d’idées qui fonctionnent très bien ensemble…

J’ai voulu raconter la vie de mon ami qui s’est suicidé, et tout le texte est une sorte de prière, de regret de ne pas avoir été là au bon moment. Quand quelqu’un fait quelque chose comme ça, on regrette toujours de ne pas avoir été là… En fait, j’ai voulu résumer se vie… C’était quelqu’un qui avait des colères mémorables qui nous faisaient rire. La montée du chorus, c’est un peu sa colère – et je suis persuadé que c’est dans la colère qu’il a eu ce geste. La fin du morceau, un peu à la Pink Floyd, c’est vraiment un cri qui annonce la fin de l’album, la fin de vie, la fin de tout… La dernière phrase est dite par une femme, c’est sa veuve qui la prononce. C’est un morceau qui a été écrit comme un roman.

Ça monte plus en intensité qu’en puissance ou en couleurs… Non, c’est un morceau qui monte en gravité, je dirai…

C’est ce qu’on cherchait, et si tu le ressens comme ça, c’est parfait, c’était le but…

J’imagine qu’un groupe comme le votre ne gagne pas sa vie, alors quelles sont vos autres activités à chacun ? Tu as ton théâtre, et les autres ?

Il y a deux électriciens, le batteur et le bassiste – ils travaillent dans le même domaine, alors ils se comprennent très bien en musique aussi (rires) – notre chanteur est forestier, il travaille dans la recherche d’essences futures pour contre-carrer le réchauffement climatique, notre harmoniciste a son entreprise dans les fruits de mer, il forme les gens à respecter, comprendre et bien vendre les fruits de mer. Notre guitariste est prof de musique et je dirige un théâtre.

Si tu devais maintenant penser à une devise pour Diesel Dust, ce serait quoi ?

Euh… « Toujours honnête, toujours droit ». C’est exactement à l’image de notre musique et de nos textes, sincères jusqu’au bout.

Pour terminer, quels sont les 5 albums que tu as le plus écouté, le plus usés, dans ta vie ?

Ce n’est pas dans l’ordre précis mais je dirai : Physical graffiti de Led Zeppelin, made in Japan de Deep Purple, les System Of A Down, tous, parce que je trouve ce groupe d’une créativité et d’un niveau fabuleux… Agents of fortune de Blue Öyster Cult – mon jeu de guitare est très inspiré, à 80%, par Buck Dharma, et… Last rebel de Lynnyrd Skynyrd. C’est sans doute ceux-là que j’emmènerai sur une ile déserte…

C’est pour ça que je ne pose pas cette question d’ile déserte : si elle est déserte, il n’y a pas d’électricité, alors prendre des albums… As-tu quelque chose à rajouter pour terminer ?

Pas grand-chose sauf qu’il est temps que la France se réveille un peu… Il y a beaucoup de groupes en France qui mérite de vivre de leur musique – notamment Diesel Dust mais on est loin d’être les seuls… C’est dommage de voir ces groupes disparaitre et être remplacés par des « musiques » qui ne ressemblent à rien… Je ne citerai personne…

Séance de rattrapage: DIESEL DUST: Just another day…

France, Rock sudiste (Brennus, 2024)

Après avoir mis le pied sur le frein pendant de nombreuses années – le groupe formé à Lyon en 2008 a publié deux albums en 2009 et 2011 – Diesel Dust est revenu aux affaires en 2021 avec Just before… et plus récemment (en mai de cette année) Just another day… un album de 11 titres aux évidentes influences sudistes. On y retrouve tous les éléments qui font la chaleur de cette musique et Diesel Dust ne cache jamais ses influences. Celles-ci vont, oh, surprise!, de Lynyrd Skynyrd aux Allman Brothers en passant par Blackfoot et autres Molly Hatchet. Just another day… voit les musiciens se faire simplement plaisir. Après tout, de vieux briscards comme eux n’ont sans doute pas envie de perdre du temps à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, alors ils vont à l’essentiel. Ou presque, car les morceaux durent rarement moins de 5′ (seul Women est « expédié » en 4 petites minutes et 53 secondes) pour un total avoisinant les 70′ (le groupe conclue avec le morceau titre, véritable montée en puissance et en groove qui frôle les 10′), ce qui rend l’ensemble long, peut-être un peu trop. Si l’accent de Maxime Guichardant est correct, le chanteur est à mes oreilles souvent difficile à comprendre, mais la chaleur de l’ensemble, qu’on à plaisir à écouter en une ou plusieurs fois, est présente partout, des titres plus rock aux plus tendres moments. L’ajout de choristes ne surprend pas – elles sont 4. Si l’harmonica est un instrument (soufflé par Nicolas Ciolfi) partout présent, le groupe (les guitaristes David Benon et Raphaël Porcherot, également aux claviers), le bassiste Mickaël Duvernay et le batteur Denis Josserand), les titres sont naturellement orienté vers ces guitares qui remuent la poussière des routes américaines et ces rythmes qui donnent envie de jouer des poings. Sans révolutionner le genre, Just another day… remet le southern rock au goût du jour.

BLACKBERRY SMOKE live à Paris – l’Olympia, le 28 septembre 2024 (avec Bones Owens)

Mine de rien, depuis quelques années, Blackberry Smoke développe une véritable histoire d’amour avec Paris. A une exception près, à chacun de leurs passages, les Américains investissent – et remplissent – une salle plus grande: Nouveau Casino, Alhambra, Trabendo, Maroquinerie, Cabaret Savage, Bataclan et aujourd’hui l’Olympia… Tout ça en dix ans à peine. On ne peut qu’admirer cette ascension qui, si elle n’est pas fulgurante, stabilise le BS dans le paysage musical des Français amateurs de rock.

Bones Owens, Paris, Olympia, le 28 septembre 2024

Ce soir, contrairement à ce qu’annonce l’affiche, c’est Bones Owens qui a, en lieu et place de The Steel Woods, la charge d’ouvrir et de chauffer la salle. Pendant 45′, le trio propose un rock teinté de cette chaleur sudiste, à la fois rassurante et moite. Il n’y a guère de fioriture ici, et le public dont une grande partie semblé découvrir Bones Owens, le fait savoir en clamant sa satisfaction.

Bones Owens @Paris,L’Olympia

Avec son look improbable, le chanteur guitariste, sorte d’anguille dandy dégingandée, semble concentré mais parvient rapidement à séduire la foule en développant un réel capital sympathie. La communication est aisée, le gaillard clamant sa satisfaction de jouer dans une salle salle aussi mythique que cet Olympia qui a vu tant de grands passer.

Bones Owens @Paris,L’Olympia

Sous ses faux airs de rock sudiste, Bones Owens propose un rock également teinté de country, de blue grass et sonne même parfois comme un Rival Sons en version plus roots. Le résultat est simplement vivant et entrainant comme on aime.

Bones Owens @Paris,L’Olympia
Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

C’est à 21h15 que la salle est de nouveau plongée dans le noir. Heureusement, car la foule s’impatiente depuis un bon quart d’heure. Blackberry Smoke investit donc cette scène déjà tout à sa cause acquise, Charlie Starr arrivant en dernier dans une veste verte à fleurs d’un goût que certains pourraient qualifier de… oui, « douteux ». Ses sourires semblent indiquer qu’il le sait et n’en a cure lorsque le groupe attaque Workin’ for a workin’ man. Et le plancher de l’Olympia se transforme une nouvelle fois en trampoline tant le public saute.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Si Starr est sautillant et de très bonne humeur, hormis Paul Jackson également très heureux d’être là, les autres musiciens du groupe semblent rester cantonnés dans leur espace, ne bougeant que peu. C’est d’autant plus dommage que ce sera le cas tout au long du concert. Mais là encore le dicton résume très bien les choses: let the music do the talking. Et la force des Georgiens est de ne jamais proposer deux fois d’affilée la même setlist.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Le set de ce soir est principalement axé autour du dernier album, Be right here et de l’autre incontournable, The Whippoorwill, chacun se voyant représenté par 5 titres. Etonnamment, avec un seul extrait, You hear Georgia, le précédent album, est presque relégué aux oubliettes…

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Pendant que le public se dandine au fil des titres, on admire le gigantesque backdrop – un superbe paillon qui évoque Le silence des agneaux – dont les couleurs varient au gré des éclairages. Charlie Starr a tombé la veste depuis longtemps et s’adresse régulièrement au public, évoquant souvenirs et anecdotes.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Les classiques défilent à belle allure, et même si on peu regretter certaines absences jouer sur d’autres concerts (comme Six ways til sunday) on ne peut que vibrer à l’écoute des Pretty little lie, Rock n roll again, Let it burn ou autre One horse town tout autant qu’applaudir la venue de Spencer Jackson sur le dernier rappel (Pearls) avant que le groupe ne quitte définitivement la scène sur le traditionnel Ain’t much left of me.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Ce soir, c’est un public ravi qui quitte l’Olympia, et, même si on peut regretter le manque de dynamisme des musiciens, oui, la musique a parlé. Un grand concert qui vient réchauffer l’atmosphère.

Merci à AEG Presents France d’avoir rendu ce live report possible.

Interview: ROBERT JON & THE WRECK

Interview Robert Jon & The Wreck. Entretien avec Robert Jon (chant, guitare) à Talcy le 28 septembre 2023

Il y a deux ans, j’ai pu échanger avec Steve Maggiora. Que devient-il puisqu’il n’apparait plus sur votre site web ?

Il nous a quittés il y a quelque temps pour aller rejoindre Toto, nous ne pouvons que lui souhaiter le meilleur !

Qui le remplace alors ?

Il s’appelle James Abernathie, il nous a rejoints en début d’année.

Comment l’avez-vous rencontré ?

Nous n’avons fait connaissance avec lui que cette année… On a donné plein de concerts depuis janvier et il n’y a pas meilleur moyen de faire connaissance que d’être sur la route ensemble. On l’avait croisé à divers endroits, c’est un peu confus : à l’époque Steve était approché par Raval Sons, on a demandé à un de nos potes qui a fait des recherches sur internet, il l’a trouvé mais on ne s’était jamais rencontrés avant qu’il n’intègre le groupe.

Et ça a l’air de fonctionner…

Oui, c’est fantastique !

Ride into the light est votre nouvel album, toujours taillé dans une veine typiquement rock sudiste, même si c’est, comme vous le dites, du rock sud californien. Maintenant, comment décrirais-tu la musique de Robert Jon & The Wreck à quelqu’un qui ne vous connait pas afin de l’inciter à acheter votre album ce soir ?

Nous jouons du rock’n’roll. Du rock influencé par le blues, la soul, le rock sudiste. Je crois que notre musique est principalement considérée comme du rock sudiste à cause du son des guitares et notre façon de composer nos chansons. Mais on est très éloignés du rock sudiste de Lynyrd Skynyrd. Il y a plus dans notre approche, je pense. Mais je crois que nous étiqueter « rock sudiste » aide les gens à savoir ce qu’ils vont écouter. En ce sens, les étiquettes ont du bon : ça aide les gens à identifier. Mais il y a un peu plus que du « simple » rock sudiste.

Alors c’est quoi, ce « plus » ? Du blues…

Du blues, de la soul… Et on appelle ça du rock sudiste de Californie ou du rock sud californien – Southern Californian rock’n’roll (rires). Après, les interprétations de chacun sont bonnes pour nous, ce que chacun ressent, et la manière dont chacun l’exprime est toujours positive.

Le groupe existe depuis maintenant plus de 10 ans, et pourtant, je ne sais pas si c’est propre à la France, vous continuez de jouer dans des endroits comme celui-ci, à Talcy, au milieu de nulle part. Quelle est la situation du groupe dans le reste du monde ? Que manque-t-il pour faire vraiment grandir le groupe ?

Oh, waow… Tu sais, ça dépend en fait de là où nous allons. Ce soir, c’est une salle de, quoi ?, 250 places à peu près. Dans cette petite pièce, je ne sais pas comment ils vont faire entrer autant de monde !

Il va faire chaud !

Oh que oui (rires) ! Il y a quelque chose de particulier à chaque concert. Il y a une énergie quand tu joues devant 800 personnes que tu ne reçois pas partout. Mais il y a aussi cette énergie avec 250 personnes que tu ne retrouveras pas avec 800, alors… On fait en sorte de tirer le meilleur de chaque show. Aucun de nous ne fait la fine bouche selon le lieu ou le nombre de personnes. On est tous impatients de jouer ce soir, vraiment !

Vous étiez il y a quelques jours au Raimes Fest…

Oui, et chaque jour est différent. Tu ne peux pas mettre les concerts dans des cases, tu ne sais jamais à quoi t’attendre. Chaque show est différent. On a donné des concerts devant 100 personnes avec plus d’énergies que certains concerts face à 800. On ne doit pas faire attention au nombre de personnes mais bien plus à l’énergie qui va en émaner, et nous donner de l’énergie.

C’est un échange, en fait…

Absolument. Alors, on aurait du mal à jouer dans une salle comme celle-ci devant 20 personnes, mais qui sait, ça pourrait être aussi absolument génial ! Qui sait !

Et j’imagine aussi que pour le groupe, d’un point de vue marketing, il est plus intéressant de jouer dans un lieu comme celui-ci qu’on peut annoncer « complet » que dans un lieu plus grand incomplet…

Exactement.

Comment analyserais-tu l’évolution du groupe entre vos deux dernier albums, Shine a light on me brother et Ride into the light ? Hormis le remplacement de Steve…

Je crois qu’il y a énormément de différences, je crois même qu’il y a plus de différence entre ces deux albums que dans tous le reste de notre catalogue. On a composé Shine a light on me brother pendant le Covid. On était dans nos chambres et n’avons jamais eu la possibilité de les jouer live avant de les enregistrer – on ne savait même pas si on allait pouvoir redonner des concerts… Ride into the light a été différent : on enregistrait deux chansons à la fois, avec des producteurs différents, tout au long de l’année. Analyser les différences et l’évolution ? Ils sont radicalement différents !

S’agit-il plus d’un effort collectif qu’avant ?

Je dirai que nous avons composé Ride into the light dans une pièce avec une batterie très bruyante. Il y a beaucoup de chansons sur Shine a light on me brother que nous avons composées en acoustique, chacun de son côté. J’aime vraiment cet album, mais nous n’avons jamais joué ces chansons comme un groupe avant d’arriver au studio. Et ça fait une vraie différence. Je pourrais décortiquer chaque chanson, mais pas ici. Ces deux albums sont supers, mais, tu sais, quand tu joues des morceaux forts, avec les soundchecks, inévitablement, elles sonnent mieux en les jouant live.

Le précédent a été composé en plain Covid.

Oui, Shine a light a été composé pendant le Covid, tandis que Last light on the highway a été enregistré avant mais sa sortie a été frappée de plein fouet par la crise sanitaire…

Justement, j’allais venir à ce disque : voici 3 albums d’affilée dont le titre comporte le mot « light ». C’est volontaire, surtout avec cette période sombre…

Oui, et le mot « light » est ressorti beaucoup plus souvent pendant le Covid. Tout le monde se trouvait enfermé, dans un environnement sombre, et c’est assez facile de se laisser emporter. C’est bien plus facile de se laisser entrainer dans la noirceur – ça devient bizarre, cette interview (rires) ! – que de se diriger vers la lumière. Nous tenter toujours d’avancer, il y a toujours un chemin, une lumière au bout du tunnel, et nous cherchons à avancer, toujours. Nous ne voulons pas nous laisser emporter en arrière. Je pense que nous sommes un groupe positif, je suis, la plupart du temps, quelqu’un d’optimiste, et nous essayons de retranscrire cela dans ce que nous composons et écrivons. Nous essayons simplement d’être qui nous sommes…

Et qui êtes-vous donc ?

(Rires) Je me nomme Robert Jon, je vis en Californie du Sud et je suis quelqu’un de très positif !

Peux-tu m’expliquer le sens, la signification de l’illustration de ce nouvel album ?

Non. On a simplement demandé à un de nos amis artistes de nous créer une œuvre d’art, et c’est ce qu’il a fait. Je pourrais trouver une explication, trouver ce que cela nous évoque ou ce que ça évoque à quelqu’un, mais nous voulions avant tout un œuvre d’art… L’album a été écrit à différents moments, et, sans le vouloir, il y a cet œil au centre, avec toutes ces lignes qui s’en éloignent pour aller à différents endroits.

Ou alors qui rejoignent un même lieu…

Nous sommes l’œil, et il y a tous ces lieux ù nous sommes allés qui rejoignent ce centre, où nous nous trouvons.

Une explication étonnante, mais on la prend !

Oui, oui, laisse-moi boire une bière de plus et je t’expliquerai mieux le concept !

Si tu devais ne retenir qu’une chanson de cet album pour expliquer ce qu’est aujourd’hui Robert Jon & The Wreck, laquelle serait-ce et pour quelle raison ?

Woaw… Elle est compliquée, celle-là ! Je devrais en fait prendre une autre bière avant de te répondre (rires) ! Alors… Le dernier titre que nous ayons publié, Ride into the light – qui est aussi le titre de l’album. C’est une chanson qui a été composée de manière très cohérente. C’est un titre auquel tout le monde dans le groupe a participé. Certaines, c’est avant tout Henry (James, l’autre guitariste) qui les composons principalement, d’autres seront plus l’œuvre de Henry, mais celle-ci, tout le monde y a participé, chacun a apporté un élément du puzzle que nous avons rassemblé. Et ça nous représente bien. Nous sommes un groupe, même si mon nom figure sur le nom du groupe, mais en réalité, au quotidien, chacun a son rôle à jouer. Sans la participation de chacun, ça ne peut pas fonctionner. Cette chanson est vraiment représentative.

Vous allez continuer de tourner jusqu’à la fin de l’année, avez-vous déjà des choses prévues pour 2024 ?

Oh, oui, plein de choses ! Nous serons de retour. Je n’ai pas tous les détails, mais je sais que nous serons de retour l’été prochain et à l’automne. Et les choses arrivent vite, il est probable que nous revenions avant. Nous avons des engagements jusqu’en 2025. Il y a certaines choses que nous n’avons pas encore annoncées, mais, oui, nous serons de retour.

Une question qui se pose depuis le covid, d’autant plus en ce qui concerne les musiciens. En France, et ailleurs, peu de musiciens vivent de leur musique. Est-ce le cas pour RJTW ou avez-vous chacun un autre emploi à côté ?

On fait en sorte de vivre de notre musique. Quand on est à la maison, si on a l’occasion de gagner un peu d’argent, on va aller bosser. Mais on n’a pas vraiment le temps, on n’est pas souvent chez nous. Notre occupation principale reste la musique.

Une toute dernière chose : quelle pourrait être la devise de RJTW ?

Mmh… Continues d’avancer. On va de l’avant, que faire d’autre ?

As-tu une chose à rajouter avant d’aller chercher cette bière ?

A chaque fois que nous venons en Europe, les fans font tout. Quand on monte sur scène, c’est là qu’on s’en rend compte. C’est tout ce qu’on fait ici : on monte sur scène, on donne un concert et ce sont les fans qui nous portent et c’est d’eux qu’on se souvient. Alors, si quelqu’un lit ceci, venez-nous voir, on vous en remerciera. Partageons cette énergie, c’est ce qu’on adore faire. Rencontrer les gens, voir les visages de ces personnes qui s’éclatent pendant nos concerts, c’est le principal !

ROBERT JON & THE WRECK live à Talcy (41), le 28 septembre 2023

Retrouvez ici la galerie photos du concert de Talcy

La camionnette du groupe ayant dû subir des réparations après qu’une vitre ait été cassée, Robert Jon & The Wreck n’a pu quitter l’Angleterre à temps pour honorer son concert à Le Thor le 27 septembre. C’est donc le lendemain, 28, que nous retrouvons le plus sudistes des groupes californiens au Quai’Son de Talcy. Et plus précisément, à Morée. Euh… Le Thor? Talcy? Morée? C’est où tout ça?

La route de Morée à Talcy (41)

Talcy est un petit village du Loir et Cher (41) situé entre Orléans (45′ de route) et Blois (30′). Un joli château médiéval, un vieux moulin en bois, un restau sympa, tout est réuni pour une visite touristique agréable.

Le Quai’Son

Morée est un village de la commune. Là se trouve la salle appelée le Quai’Son. une vielle bâtisse retapée et transformée en salle de concerts, une cour, quelques habitations autour… Si tu ne connais pas les lieux, tu passes devant sans le savoir et tu cherches. Ne seraient-ce les drapeaux qui flottent, les barnums dressés, la barrière filtrant ce qui pourraient être des entrées, si tu te paumes, tu rentres chez toi. Et trouver un habitant pour lui demander son chemin, c’est une autre histoire – j’en ai compté 2!

le Quai’Son

Pourtant, c’est bien ici que RJTW a posé ses flight cases et est en train de finaliser son sound check lorsque j’arrive sur place. Et ma surprise est de taille: la salle d’une capacité d’environ 250 personnes dispose d’une scène assez vaste – les 5 musiciens y seront à l’aise et pourront s’y mouvoir tranquillement – et dotée de lights en nombre et d’une mezzanine normalement non accessible au public.

Le Quai’Son

La vingtaine de bénévoles de l’association Red Daff s’active pour finaliser l’installation des barnums où le public pourra se restaurer et étancher sa soif. Et, chance, ce soir, alors que l’automne a officiellement débuté une semaine plus tôt: la météo est plus que clémente et il fait bon discuter et trainer à l’extérieur.

Le stand de merch attire les fans, mais pas encore autant sans doute que d’ici la fin du concert. Un public de connaisseurs vient compléter sa collection de CD ou de vinyles. Et il y en a pour tout le monde!

Pour le moment, cependant, entrons dans la salle… Il est 21h lorsque RJTW monte sur scène et lance le concert avec Pain no more. Si les gars peuvent sembler quelque peu déstabilisés par le lieu, on entre très rapidement dans le vif du sujet. Et l’esprit du rock’n’roll est omni présent ce soir. Ce n’est pas un accident si RJTW vient chercher son public dans des coins isolés. Une salle blindée et un public (il y a même un couple venu de la Meuse ce soir!) multi générationnel – bien que la moyenne d’âge soit plus proche de l’après retraite que de l’avant – un groupe au taquet… transforment vite cette soirée en concert exceptionnel.

Robert Jon And The Wreck, Talcy, 28 septembre 2023

Robert Jon & The wreck n’a certes pas de « hit » à son compteur, mais ses morceaux sont tels que la communion avec le public est immédiate. L’échange d’énergies positives se ressent tout au long de ce concert qui entre rapidement dans mon top de l’année. C’est simple: amateur de rock, de guitare, de voix chaleureuse, d’esprit vintage, tu ne peux qu’être emporté par le flot de générosité.

Robert Jon And The Wreck, Talcy, 28 septembre 2023

RJTW nous replonge dans cet univers 70’s où la musique dépassait les étiquettes, où un guitariste éblouissait son auditoire non par des poses convenues mais par une maitrise de la création de sons et l’offrande de notes qui vont droit aux tripes et au cœur. C’est exactement ce qu’a pu proposer ce soir Henri James, exceptionnel guitariste lead au toucher unique, à chacune de ses intervention. Si c’est son nom qu’on lit en premier, jamais Robert Jon ne s’impose, laissant, cédant même, volontiers sa place à chacun de ses compagnons de route et de scène.

Robert Jon And The Wreck, Talcy, 28 septembre 2023

Car oui, on a ici affaire à une entité plus qu’un groupe. Si l’espace scénique est réduit, aucun musicien n’est en retrait. Et chacun a son moment, son instant de communion avec le public, véritable sixième membre de ce concert, un public qui scande son approbation et en réclame plus, certaine se retrouvant même à danser sur le bar de la salle!

Robert Jon And The Wreck, Talcy, 28 septembre 2023

Robert Jon & The Wreck a ce soir été majestueux plaçant définitivement sur ma carte le village de Talcy, le bourg de Morée et la salle Le Quai’Son – ce concert trouvant sa place sur mon podium 2023. Tout fut réuni pour faire de ce concert un moment d’exception. mission accomplie, alors: merci, Messieurs!

Robert Jon And The Wreck, Talcy, 28 septembre 2023

Merci à Olivier Garnier d’avoir rendu ce report possible, à Fab et toute les bénévoles de l’association Red Daff pour l’accueil et la bonne humeur – si vous êtes toujours dans cette forme, mes prochaines venues sont prometteuses!

Retrouvez ici la galerie photos du concert de Talcy

WHISKEY MYERS

Rock sudiste, USA (Spinefarm, 2019)

Horreur! Je ne découvre que maintenant cet album paru au mois d’octobre dernier… Et pourtant, j’avais tant craqué sur Mud, le précédent album des Texans de Whiskey Myers que je m’étais rapidement informé de leurs autres méfaits. Leur passage au club les Etoiles à Paris avait vu une foule de connaisseurs se masser devant la scène. Maintenant que voici ce nouvel album entre les oreilles, que puis-je en dire? Aussi blanc que le White album des Beatles, ce nouvel album éponyme pourrait-il connaitre le même « triste » sort? Les époques ont changé et la bande à Cody Cannon le sait bien, ce qui ne l’empêche nullement de nous offrir un petit chef d’oeuvre de rock mêlant sudiste, country, hard et autres influences parfois proches du funk. C’est simple, il y en a pour tous les goûts, avec parfois des clins d’œil appuyés, tant culturels que politique (Mona Lisa et son « on paye nos impôts et ils n’en veulent que plus »). Whiskey Myers met les pendules à l’heure en démarrant avec l’énergique Die rockin. Je m’amuse de voir accolés Rolling Stone, très country (que rejoignent Houston country sky, et Little more money et sa steel guitar), et Bitch, plus bluegrass et rock, ce dernier étant également une chanson des Stones. Mais il s’agit bien d’un morceau original, pas la chanson reprise par The Dead Daisies. Gasoline, furieux et enragé, pourrait servir à la bande son d’un Mad Max. Les chœurs féminins éparpillés tout au long de l’album apportent une touche soul parfaitement complémentaire. Il n’y a pas deux titres ici qui se ressemblent sans que pour autant Whiskey Myers ne s’éparpille. Bien au contraire, cette variété transforme cet album blanc en pur bijou de rock sudiste varié et enjoué. Un must qui, je l’espère, permettra aux Texans de franchir, en Europe et ailleurs, le cap du simple groupe underground.

WHISKEY MYERS Live à Paris (Les Etoiles, le 31 mai 2017)

Ils n’étaient pas annoncés ( à part sur le flyer à peine diffusé…), mais les Anglais de Buffalo Summer ont été forcés d’annuler leurs concerts prévus en première partie de Whiskey Myers sur les dates allemandes, hollandaises et française. La faute à une panne de camion les empêchant de facto de circuler. Ils n’étaient pas annoncés, mais c’est dommage quand même…

Ce désistement laisse donc la possibilité aux Texans de Whiskey Myers de proposer un concert de plus de deux heures. Ce n’était sans doute pas prévu, et c’est une bonne chose tant le dernier album en date, Mud, a marqué votre serviteur. C’est la première fois que je me rends aux Etoiles, salle parisienne proche de la gare de l’Est, sa capacité est d’environ 300 personnes. Ce soir, Les Etoiles, ou plutôt Whiskey Myers, affiche complet. Faut-il croire que le public parisien attendait cette première apparitions des Américains dans la capitale avec impatience! Car, oui, c’est le premier concert que donnent Whiskey Myers à Paris. C’est également la dernière date de la tournée européenne.

La scène est aussi étroite que profonde. Devant, le trio de guitaristes. Derrière, le batteur est entouré du claviériste/saxophoniste/violoniste et, relégué au fond, du bassiste. Forcément, autant de monde sur une scène aussi petite, ça limite la mobilité. Mais les deux heures qui suivent sont roots. Simplement. Whiskey Myers se concentre naturellement sur le superbe Mud, son dernier album en date dont sont extraits plusieurs morceaux (In the river, Mud, Frogmand, Stone...). Bien qu’il manque un peu de communication avec le public, ce concert est chaleureux, terrien, plein de feeling et de jolis moments d’impro.

Whiskey Myers s’impose live, même si l’on regrette quelques moments un peu faibles (sans doute une ballade de trop qui a casé un rythme enlevé), et l’on attend maintenant un retour en nos contrées dès que possible. Une belle soirée, roots et rock comme on aime!