NEAT: Neat

France, Metal Electro/Indus (Autoproduction, 2022)

Amis amateurs de sons électro et déjantés, une oreille portée sur ce premier album de Neat pourrait vous satisfaire. Au delà d’une pochette qui mêle graffiti et Matrix, le contenu est tout aussi furieux que varié. Il y a partout, tout au long des 12 titres proposés, un mélange de genres dans une fusion improbables. On y retrouve la folie d’un Faith No More qui fricoterait avec des musiciens de jazz progressif, la rage d’un chant de colère, des instants plus heavy ou simplement rock. Les guitares peuvent être aussi saturées qu’épurées, et toujours on retrouve ces sonorités indus et électro. Voici un premier album intriguant qui nécessite plusieurs écoutes pour bien se l’approprier. Un disque risqué, donc, qui ne s’adresse pas aux purs amateurs de metal mais bien aux amateurs de Shâargot, Punish Yourself, Herrschaft, Rob Zombie, Ministry et consorts. A découvrir.

HEMESATH: So schön

Metal indus, Allemagne (Echozone, 2022)

Hemesath est un groupe allemand déjà auteur d’un album, Für euch. Le quintette revient aujourd’hui avec ce So schön aux sonorités à la fois électro, indus, heavy et soft. Si l’on ajoute à la musique le chant allemand, il semble impossible d’éviter la comparaison avec Rammstein; C’est en effet compliqué mais Hemesath s’en distingue notamment par un chant et des ambiances moins foncièrement martiales que ses illustres ainés. Les 9 titres de cet album veulent entrainer l’auditeur dans des univers « gothiques lumineux », quelque peu décadent et chantant sans toutefois réussir à ou oser franchir un cap. L’ensemble est d’une écoute agréable, certes, mais quelque chose manque pour que So schön rentre véritablement en tête. La production répond pourtant aux codes du genre, et je me dis qu’un peu plus de hargne dans le chant ferait la différence. Il reste cependant un album agréable et passe partout.

 

 

DUST IN MIND: Ctrl

France, Metal indus (Dark tunes, 2021)

Les Strasbourgeois de Dust In Mind reviennent avec Ctrl, un quatrième album puissant et varié. Doté de 10 titres forgés dans le metal industriel, Dust In Mind explore pourtant de plus larges horizons. Selon Jennifer Gervais, l’une des deux voix du groupe –  qui, contrairement à ce que certains voudrait laisser croire, n’est pas celle qui qui illustre la couverture de l’album – Ctrl est plus aboutit que son prédécesseur. « Cette fois, je suis sortie de ma zone de confort, j’ai testé des choses au chant que je ne pensais pas être capable de faire, comme monter très haut. Damien aussi s’est plus diversifié, proposant plus de voix claires et moins de growls« . L’album ne manque cependant pas de cette dualité aujourd’hui classique, « mais pas dans notre genre musical. Je pense que ce double chant est ce qui nous différencie des autres groupes de cette famille musicale. On va plus loin que de l’indus classique« . Un des moments marquants de Ctrl est ce passage du calme Freefall au très brutal W.G.A.C.A. qui démarre avec une mise aux poings vocale de Damien: « c’est ce que nous voulions, passer de cette pause à mi-parcours à quelque chose de plus violent. Damien lâche tout et on repart pour un tour! » Ctrl propose ainsi une variété de tonalités toujours teintées de ces aspirations à la Ministry ou Rob Zombie, en explorant plus avant. On ne pourra que remarquer, également, la vidéo réalisée pour Synapses entre les beaux salons de l’hôtel de ville de Strasbourg d’où e groupe est originaire (« la ville nous a toujours soutenus et mis des lieux à disposition« ) et la tour Eiffel, étonnamment vide. Ce qui, d’ailleurs, fait la fierté de Jennifer – et, j’imagine du reste de l’équipe : « On y a pensé, on voulait une image représentative de la France, et j’ai envoyé un mail, long, expliquant qui nous sommes, que le groupe est plus connu en Allemagne qu’en France, qu’il nous fallait être identifiable en tant que groupe français. J’ai plus tard reçu un appel et la personne me demande ce que nous avons comme budget… Clairement, rien, on est une association sans grands moyens. « Ok, venez la semaine prochaine, avant la réouverture au public. Vous aurez une heure« . Une heure entre notre arrivée au pied de la tour et notre redescente, une heure pour monter le matériel, la batterie, tourner, démonter et revenir au pied de la tour Eiffel. J’ai appelé les gars, on a répété ce que chacun devait faire, et quand on est arrivés, chacun savait exactement ce qu’il devait faire. On a eu, je crois, un quart d’heure de tournage, et presque tout ce qu’on a filmé se trouve dans le clip. Comme quoi, ça prouve bien que quand tu as des projets, si tu y crois, que tu oses, alors tout peut se réaliser! » Ctrl est un album à l’image de cette leçon de vie: ambitieux, parfaitement produit, aux chansons variées et puissants qui devrait aider Dust In Mind à, enfin, toucher un plus vaste public à domicile.

Propos de Jennifer Gervais recueillis le 5 novembre 2021.

CHEMICAL SWEET KID: Fear never dies

France, Metal electro (Dark tunes music group, 2020)

Les amateurs de sons electro connaissent sans doute déjà Chemichal Sweet Kid. Sans doute mieux que les metalleux. Mais la donne risque de changer, car CSK (CSK, pas DSK!) se fait de plus en plus metal dans son approche. Oh, bien sûr, l’electro virulente, presque transe parfois, est au coeur du propos musical, mais avec ce cinquième album, , il y a une différence notable: Julien, le fondateur, chanteur et compositeur de la formation lorraine, a ajouté à sa musique la guitare. Et ça, ça change tout. Après une intro sombre, inquiétante et glauque, le superbe Lost Paradise donne le ton: des rythmes hypnotiques et martiaux qui évoquent tour à tour Rob Zombie, Ministry ou encore Rammstein – bien que ces derniers ne soient pas une influence selon les dires de Julien. Malin, CSK ne se contente pas de bourriner de bout en bout. Au contraire, les rythmes et ambiances sont variés, parfois lents (The fire within), à d’autres moments hypnotiques et rageurs (Never again) ou digne des boites de nuits estivales aux sons syncopés (Push your limits). Chemical Sweet Kid développe une identité qui lui est propre bien que les amateurs de la scène électro metal/metal indus française feront un rapprochement avec Punish Youself, Shaärghot, Porn ou encore Herrschaft. Il semble néanmoins qu’avec Fear never dies, Chemical Sweet Kid soit en passe de franchir un cap décisif dans sa carrière. C’est tout le mal qu’on peut lui souhaiter!

HERRSCHAFT: Le festin du lion

France, Metal indus (Les noires productions, 2019)

OK, dès Technosatan, le message, pour celui qui, comme moi, découvre le groupe, semble clair: les Français de Herrschaft pratiquent un metal électro et industriel violent, brutal et direct. Marylin Manson, Ministry, Rob Zombie et consorts n’ont qu’à bien se tenir… La prod est soignée, le rythme est épileptique. Impossible de ne pas imaginer qu’un morceau pareil ne fasse pas fureur dans une boite de nuit! Les dix titres de ce Le festin du lion font preuve d’une rage non contenue – le chant hargneux de Max est parfois effrayant, les machines bastonnent à tous les étages et les guitares de Zoé H. charcutent genre boucherie héroïque. Heureusement, pour atténuer cette furie, le groupe s’accorde, pardon, nous accorde quelques moments de rare répit, afin de nous laisser souffler. On sent que le groupe sait où il va, et ce quatrième album démontre aussi qu’il sait comment y aller. Le festin du lion est un album puissant à conseiller à tous les amateurs de metal indus et electro surpuissant. Une vraie baffe dont Zoé vous dira tout ce qu’il en pense dans une interview que vous découvrirez très prochainement.

RAMMSTEIN

Allemagne, Metal (Universal, 2019)

Dix ans après la sortie de son dernier album, Liebe ist für alles da, les Allemands de Rammstein reviennent avec un nouvel album sans titre, une pochette blanche ornée d’un seul indice: une allumette. Rammstein a toujours joué avec le feu, et c’est sans surprise que les fans attendent de pied ferme ce nouvel effort studio. Seulement, une décennie, c’est long, très long… Démarrant avec Deutchland – titre clin d’oeil à Amerika sans doute – un morceau froid et martial comme la bande à Till aime nous en proposer, ce nouvel opus démarre sous les meilleurs auspices. Ayant pris le contrôle de la production ( Jacob Hellner, producteur historique du groupe n’est cette fois pas de la partie, la prod étant officiellement attribué à Olsen Involtini) Rammstein s’amuse à parsemer son album de références à tout son passé en agrémentant son propos de claviers bien plus présent qu’à son habitude. Flake est aux anges, sans aucun doute, et s’éclate notamment sur le très dance Auslander. On est également surpris par l’inhabituelle virulence de Till Lindemann sur Puppe. Là où l’on aurait pu s’attendre à un album frisant la perfection, Rammstein se fait cependant paresseux sur des titres plus évidents comme Sex ou Weit weg (sur 11 titres, 2 ou 3 plus paresseux, à ce niveau, ça fait beaucoup quand même…) A part ces moments plus faibles, les Allemands parviennent, tout en puisant naturellement dans leur passé, à nous surprendre avec de nouvelles explorations sonores. Un très beau retour en somme.

TUNGS10: The lost manuscript

France, Metal indus (Autoproduction, 2019)

Un look post apocalyptique à la Mad Max, un titre aussi mystérieux qu’un roman de Dan Brown… Il ne fait guère de doute, dans mon esprit, que Tungs10 évolue dans un domaine indus, sans doute influencé par Ministry, Marily Manson et consorts. The lost manuscript, l’album des Français qui vient de paraître, confirme rapidement cette impression. Les machines sont judicieusement utilisées, les guitares et la section rythmique sont hypnotique et saccadées. Et le chant surprend. De prime abord, tu n’irais pas lui chercher des noises à Madeleine Kowalczyk… Cependant, sa voix douce et enfantine donnerait parfois l’impression d’une échappée de Barbie girl… Cette douceur est contrebalancée par la rage vocale du compositeur et guitariste Cédric Andreolli, qui vient quand même rappeler qu’il s’agit de metal. Si l’ensemble est bien fait, si le son est pile comme il faut pour le genre, je n’arrive cependant pas à accrocher sur la durée. Sans doute parce qu’il ne s’agit pas de mon genre de prédilection… Mais les amateurs d’indus sauront trouver dans ce The lost manuscript ce qu’il faut pour les satisfaire. Et confirmer qu’il existe, en France, des groupes dignes d’intérêt tant visuellement (une affiche avec Tungs10, Punish Yourself et Shaârghot, ça pourrait le faire, non?) que musicalement.

Interview: SHAÂRGHOT

Interview SHAÂRGHOT. Entretien avec Bruno (guitares). Propos recueillis hard Rock Café de  Paris, le 13 mai 2019

Metal-Eyes : Comme il s’agit de notre première rencontre, peux-tu me raconter l’histoire de Shaârghot ?

Bruno: En fait, Shaârghot est un personnage qui est né d’une expérience qui a mal tourné, en s’injectant un produit. Ce produit révèle les faces les plus sombres du personnage, qui deviennent principales, et qui, en plus, développe un parasite qui rend sa peau noire et luisante.

Metal-Eyes : Le groupe est né quand ?

Bruno: Il est né il y a 5 ans, et on est sur scène depuis 4 ans. Sinon, l’histoire est née il y a 7 ans. Ça fait 7 ans qu’Étienne a l’histoire du groupe en tête. C’est Etienne qui a eut l’idée du concept et qui détient toutes les clés de l’histoire. Aujourd’hui, je n’en connais pas la suite…

Metal-Eyes : Visuellement, c’est très marquant, mais quelle est l’idée générale que vous souhaitez développer ?

Bruno: C’est d’offrir aux gens, au public, de a musique et plus que ça. Le projet est né en se demandant ce qu’on aime quand on va voir un concert. On aime la musique, certes, mais aujourd’hui il y a une grande part de show. Il faut offrir, à mon sens plus que de la musique, sans tomber dans le cirque rock’n’roll, mais offrir une histoire, une  atmosphère. Que le public puisse s’évader, s’immerger dans un autre monde. Comme quand on va au cinéma. Là on cherche à poser une ambiance.

Metal-Eyes : Votre musique est très metal, très indus et électro. Elle est assez violente, à l’image du visuel des disques. Comment la décrirais-tu pour quelqu’un qui ne vous connais pas ?

Bruno: Quelqu’un qui a des références musicales, d’éclectique ? Je mettrais en avant le coté électro avec des renforts guitares, le chant en anglais, mais je reviendrai sur le côté visuel, qui, en fin de compte, est la base du groupe. Le spectateur, s’il vient en concert, verra différents tableaux, en fonction des titres. S’il a envie d’écouter une musique très énergique, qu’il vienne tenter.

Metal-Eyes : The advent of shadows… que peux-tu m’en dire pour me convaincre d’aller l’acheter en sortant d’ici ? En dehors de me menacer avec la batte de base-ball…

Bruno: Ah, c’est ce que je voulais faire… Non, elle n’est pas là, c’est relâche aujourd’hui. C’est encore assez délicat parce que pour aller courir l’acheter, il faut venir nous voir. On a beaucoup d’exemples de gens qui sont allés voir un groupe dont on faisait la première partie et après… leur vie n’a plus du tout été comme avant. Ils sont vraiment devenus fans.

Metal-Eyes : Donc c’est l’expérience scénique qui va convaincre le fan…

Bruno: Exactement, le convaincre d’aller acheter le disque.

Metal-Eyes : Scéniquement, je peux imaginer ce à quoi on peut s’attendre, beaucoup d’énergie, un show très visuel… Quels sont vos projets de tournée ? Il y a déjà le Hellfest…

Bruno: On a déjà une date par mois, le Hellfest en juin, la Guerre du son en juillet, et ensuite, le festival 666, un festival metal à côté de Bordeaux, où joue Dagoba, et en octobre, on a une date parisienne. Il y en a d’autres qui suivent. C’est sur scène qu’on s’exprime le mieux. Et aussi par l’intermédiaire des clips qui nous permet de communiquer notre visuel.

Metal-Eyes : Le Hellfest est un gros événement. Comment vous y préparez-vous ?

Bruno: Comme on se prépare pour les autres concerts. Pour nous, c’est une belle étape de faire le Hellfest, ce n’est pas neutre… Là on a 30’ pour convaincre, sous une tente et en plein jour. Alors nous qui privilégions le côté sombre… On l’a déjà fait, et ça met encore plus en valeur nos personnages.

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un titre de The advent of shadows pour expliquer ce que vous êtes aujourd’hui, ce serait lequel ?

Bruno: Je dirais Kill your god. Parce qu’il mélange les côtés metal, indus, électro et énergique.

Metal-Eyes : Pour le message ?

Bruno: Non, pour le message, ce serait plus Shadows. Un titre rassembleur. Notre force, c’est qu’on commence à avoir une fan base, et on implique nos fans. C’est une chanson qu’on a fait pour eux…

Metal-Eyes : Au niveau de la composition, vous avez une méthode particulière de travail ?

Bruno: Oui. Il y a toute une histoire, et c’est Etienne seul qui en détient les clés. C’est lui qui sait quoi raconter sur quel album. Ensuite, la méthodologie de travail est simple : il a les idées, ensuite, quand il a commencé à les travailler, j’interviens pour voir si la voie est la bonne, et chacun ajoute sa patte. Parfois il y a des choses à changer, à rajouter, certaines choses peuvent être gênantes, donc je l’exprime. C’est un travail qui est très collectif parce qu’on intervient tous.

Metal-Eyes : On fait souvent le lien avec des groupes comme Punish Yourself, avec qui vous avez tourné. Ça fait quoi de voir les deux groupes sur une même scène ? Ca doit être un joyeux bordel…

Bruno: C’est un joyeux bordel, et on se dit… Au début, on avait quelques craintes, nous en noir, eux en couleurs… Quand on a commencé avec eux, ils ont fait leur tournée noir et blanc. Et en fait, on s’est aperçu qu’on était dans deux univers complètement différents malgré quelques point communs, comme le coté cyber punk, un peu fluo. Mais on sent qu’on n’est pas pareils. On est plutôt complémentaires, en fait. Et c’est deux groupes français. Ce qui montre qu’en France, on peut avoir des groupes atypiques, créatifs, avec un show, un visuel. Donc oui, c’est un joyeux bordel ! (rires)

Metal-Eyes : En 2019, quelle pourrait être la devise de Shaârghot ?

Bruno: Tu as des questions… Ma devise serait « ne rien lâcher. Et toujours continuer avec passion »