EIGHT SINS: Straight to Namek

France, Thrash (Autoproduction, 2023)

Comme si les péchés capitaux, au nombre de 7, ne suffisaient pas, voici que les 4 brutes de Eight Sins (ouais, suivez ce décompte, on en reparlera!) en rajoutent un supplémentaire. En tout cas, rien qu’en regardant la pochette, on sait qu’on va bien se marrer avec ce Straight to Namek. Et quand tu ouvres le CD, tu les vois dans un caddie dans les rayons d’un supermarché… Je vous invite à lire les titres des chansons? Ok, trop sérieux, s’abstenir, svp! Seulement, voilà… Un clown, c’est un bosseur né, et ici, les apparences sont trompeuses. car les 10 titres (9 + 1 intro instrumentale) sont taillés dans un thrash metal qui dépote et qui arrache les têtes. Acid hole, Last action zero, San gueko, Street trash, Slice of doom… Ces titres d’un second degré assumé sont joués avec une brutalité et un sérieux irréprochables. Ca thrash sec et sévère, c’est efficace de bout en bout et ça fait secouer la tignasse. A ce niveau de qualité, un huitième péché est totalement bienvenu! Rock on!

7 WEEKS: Fade into blurred lines

France, stoner (F2M planet, 2023)

« La route a été longue et semée de doutes, de ceux qui font même penser à jeter l’éponge » ou encore « Cette montagne d’épreuves, les Limougeauds l’ont vraisemblablement surmontée ». C’est ce que j’écrivais dans ma chronique de Sisyphus, le précédent album de 7 Weeks paru début 2020. Qui alors pouvait se douter de l’épreuve que le monde entier allait subir, la pandémie Covid enfermant la planète presque tout entière… Impossible alors de promouvoir et de soutenir ce disque, obligation de reprendre sa tâche depuis rien du tout, à limage justement de ce Sisyphe condamné à pousser une pierre jusqu’au sommet de la montagne pour la voir retomber et reprendre son ouvrage, inlassablement, éternellement… Que penser alors de la pochette de ce nouvel album, Fade into blurred lines (littéralement traduit par « se fondre dans des lignes floues »), illustrée par une statue de Don Quichotte à cheval? Le héros se battant contre des moulins à vent, doit-on comprendre ici un message de perte d’espoir des Limougeauds? Et pourtant, ils en mettent du cœur à l’ouvrage, et ce nouvel album nous en apporte une nouvelle fois la preuve. 7Weeks sait aller à l’essentiel en proposant 9 titres pour seulement 35 minutes d’écoute. Le temps d’un album de l’ancien temps, diront certains. Ce faisant, 7Weeks se recentre sur le principal, propose une musique plus directe bien que variée, toujours chantée dans un anglais impeccable. L’inamovible duo fondateur – Julien Bernard (chant et basse) et Jérémy Cantin-Gaucher (batterie) a cette fois réduit la voilure en faisant uniquement appel aux services guitaristiques de Gérald Gimenez. Les trois brillent tout au long des Gorgo, Blackhole your heart, Castaway ou autres Travellers avec des riffs directs et une rythmique terre à terre. Pas de fioritures qui puisse venir troubler la voix chaleureuse et profonde de Julien Bernard. Fade into blurred lines est une réussite de bout en bout qu’on a envie – c’est aussi le principe des albums courts – de réécouter rapidement. Et ça, c’est un gage de qualité.

LISATYD: Life is shit and then you die

France, Stoner (Autoproduction, 2023)

Déjà le titre de cet Ep d’un humour noir d’un cruel réalisme plante le décor. Clairement, puisqu’on y passera tous, autant faire les choses à fond, non? C’est ce que semble penser le quatuor Lisatyd qui nous présente ce Life is shit and then you die, un ep enregistrer dans on peu se demander quelles conditions… Qu’avaient-ils bien pu consommer ces quatre là pour nous proposer 7 morceaux aussi alambiqués que planants, aussi rentre dedans que déroutants, aussi entrainants que dérangeants? La force de ce premier Ep réside dans cette contradiction qui semble laisser penser qu’il n’y a pas de direction musicale à proprement parler, que l’ensemble est un joyeux foutoir ou fourre-tout bordélique, mais non… plus on avance dans l’écoute de ce disque et plus on est convaincu que Lisatyd sait exactement où il veut mener son auditeur. Les chemins de l’étrange s’ouvrent devant nous avec une jovialité mêlée de sérieux. Life is shit and then you die est le type même de disque qui s’apprivoise ou plutôt qui apprivoise son auditeur. Stoner, certes, rock, également, vintage sans doute, Lisatyd n’hésite pas à explorer et prendre des risques pour ne ressembler à personne.

DARKEN: Welcome to the light

France, Metal (Autoproduction, 2023)

Les plus anciens et fervents amateurs de metal made in France seront ravis du retour de Darken, groupe formé à la fin des années 80, qui a pu tourner intensivement en compagnie de nombreux compatriotes d’alors (Vulcain, Loudblast, No Return, Squealer, Jumper Lace…). Trois décennies après s’être séparé, Darken se reforme donc autour de trois de ses membres d’origine (le chanteur Stephan Monceau, les guitaristes Lorenzo Barbier et Philos Prud’homme) qui se sont adjoint les services d’une section rythmique jeune et moderne (Liam Barbier, le frère de Lorenzo, à la batterie) et Henri-Pierre Bohers à la basse. Le groupe enregistre Welcome to the light, un album puissant qui lorgne sans conteste vers l’avenir avec ses sonorités contemporaines, son dynamisme incontestable et ses mélodies à la fois entrainantes et entêtantes. L’ensemble a été mis en boite par David Potvin qui connait son affaire et pousse Darken à ne jamais regarder derrière. Le résultat, c’est cet album moderne, forgé dans le heavy metal pur jus, parfois teinté d’indus, qui s’écoute d’une traite et entraine l’auditeur dans un maelstrom parfaitement contenu et régulé. Un très beau retour à suivre de près et à soutenir sans hésiter.

UNSPKBLE: Reconstruction

France, Metal (Autoproduction, 2023)

Réunion improbable de musiciens d’horizons variés – ça va du punk au jazz – Unspkble débarque avec un premier album bourré d’énergie qui suit un Ep « carte de visite », Friction, paru en juin 2020 alors que le groupe n’avait que quelques mois d’existence. Reconstruction, titre qui naturellement fait penser à tout ce que la pandémie à pu détruire autour de nous en 2020/2021, c’est un premier album qui puise son inspiration dans la rage irrévérencieuse du punk tout en conservant un sens de la mélodie catchy propre au rock. 10 titres qui tabassent autant qu’ils fédèrent, tout ce qu’on attend d’un groupe de rock, justement; non? Struggle (catch the elite) est à ce titre un parfait exemple qui fait taper du pied et agiter la nuque. on n’attend maintenant que de voir ce que Unspkble donne sur scène pour y défendre et y faire vivre son album.

TEMPT FATE: Holy deformity

France, Death metal (Autoproduction, 2023)

Après un premier album, Human Trap, paru en 2018, les Toulousains de Tempt Fate reviennent avec Holy deformity. Dire que la rentrée sera calme serait jouer la politique de l’autruche. Car ce nouvel album n’est que brutalité. Composé de 8 titres aussi volontairement explosif que directement « dans ta face », Tempt Fate ne laisse aucune place à une quelconque possibilité de paix sonore ou de réconciliation de l’humain avec lui même. Du virulent titre d’ouverture, Deadlights, à l’explosive sortie de route Erlebnis, on a l’impression que le combo règle ses compte avec ses pairs (le morceau titre, Filth of life, purge), la religion (God ends here, Grind fate)… Mais Tempt Fate ne nous offre pas qu’un album brutal, il nous propose aussi un disque sombre et inquiétant. Pour public averti et/ou amateur de sensations fortes.

FOREST IN BLOOD: Abyss

Hardcore, France (Autoproduction, 2023)

Après une pause de 20 ans, Forest In Blood était revenu en 2018 avec Pirates. Depuis, le groupe semble décidé à ne pas voir son navire couler et propose aujourd’hui le troisième album depuis son retour (après Haut et court paru en 2020), Abyss. Démarrant avec le morceau titre, prologue marin sombre et inquiétant qui se termine sur des cornes de brumes – l’ensemble m’évoque le film d’épouvante Fog – Forest In Blood entre rapidement dans le vif du sujet avec le très brutal Children of the 666. La messe (noire) est dite ou on se met un double dose de ratafiat? FIB ne me jamais le pied sur le frein, la rage est omni présente, brutale, directe et éprouvante comme le supplice de la planche. Si le principal des titres est chanté en anglais, FIB propose cette fois non pas un mais deux morceaux en français (Crève et A la vie, à la mortTénèbres est un interlude instrumental) et pourrait bien gagner à explorer plus avant encore cette voie (pas d’eau – ok je sors) tout en maintenant son respect musical pour les grands du thrash et du hardcore. L’album se termine une nouvelle fois sur un titre fun et plus léger, In pirates we trust qui permet de souffler un peu en bout de course. Et là on a envie de hurler « pieds à terre, marins d’eau douce, vous avez bien mérité un peu de repos« . Ca déménage sec, et ça nettoie les esgourdes. A retrouver sur scène très vite!

OGIVES: La mémoire des orages

Belgique, Rock/prog (Autoproduction, 2023)

Projet aussi surprenant qu’intrigant, Ogives est une formation composée de 9 musiciens formés à l’école du classique et qui proposent, avec La mémoire des orages, une approche musicale surprenante. Si on est aujourd’hui habitués au mélange de metal et de musique classique, qu’elle soit opératique ou symphonique, Ogives évolue sur le terrain de la musique de chambre, douce, contemplative parfois, mélancolique aussi, et ajoute des touches électro et plus rock. L’esthétisme musical est de mise, le groupe cherchant à créer des ambiances variées dans des univers sonores aussi légers qu’attirants. Parfois cérémonieux – cette résonnance de cloches au démarrage de l’album invite à entrer dans un lieu saint – souvent poétique dans le texte et son expression, La mémoire des orages interpelle et ne laisse pas indifférent.

CORVIUS: Signals

France, Metal (Autoproduction, 2023)

Il y a des mystères comme ça, genre la découverte récente de cet album de Corvius pourtant sorti au mois de janvier… Le groupe fut formé en 2018 avec dans l’idée d’allier metal et cinéma. Un esprit prog qui se traduit sur Signals par le biais d’instrumentations variées puissantes et parfois symphoniques. Si l’album démarre avec une mise en place d’ambiances feutrées, le groupe entre dans le vif du sujet avec un metal à la fois rugueux et aérien aux tableaux sonores qui évoluent au fil du morceau. Le chant alterne ici entre voix féminine lyrique – qui parfois m’agresse les tympans – et masculine avec des hurlements black ou death. La suite introduit d’autres tonalités vocales sur fond musical à la fois symphonique et metal, heroic fantasy et SF. C’est bien là l’objectif de Corvius que de créer non pas un mais des univers sonores aux travers de ces tableaux qui, s’ils ne sont pas toujours faciles à suivre, présentent une palette suffisamment vaste pour que l’auditeur ne s’ennuie pas. Et si l’on peut espérer à l’avenir une meilleure maitrise de l’accent anglais, Corvius a le profil d’une formation à la musique digne d’illustrer une épopée sur grand écran. A noter que si Signals est naturellement disponible en version CD, il en existe également un pendant visuel DVD avec making of i tutti quanti. A chacun de choisir, donc!

PHIL MANCA: Layers of pain

France, Heavy metal (Autoproduction, 2023)

Si son nom reste confidentiel, Phil Manca a un CV long comme le bras… De Renaud Hantson à ERA en passant par des BO de films (dont un certain Les visiteurs), le guitariste compositeur est un musicien accompli qui publie aujourd’hui un troisième album sous son nom. Composé de 9 titres, Layers of pain permet à Phil Manca d’offrir à son auditoire un condensé de ses influences. Celles-ci vont du heavy pur jus – heavy, pas thrash ou extrême, hein! – au blues, le tout doté d’un son contemporain. En 4 titres, le gaillard explore une grande partie de son savoir faire et de ses amours musicales. The race is on (titre oh combien approprié) est une entrée en matière véloce et entraînante. Le gaillard manie le manche avec brio et est accompagné par une équipe redoutable dont un chanteur, Josselin Jobard, qui maitrise parfaitement la langue de Shakespeare. La suite se fait plus douce, le metal cédant le pas au hard rock puis à la heavy ballad et au blues que n’aurait pas renié Gary Moore. Tout au long de Layers of pain, Phil Manca varie les plaisirs heavy rock, interpelle et secoue les tignasse. C’est carré, fichtrement bien fait et produit pour un résultat enjoué et plein d’entrain. Tellement bien fait, d’ailleurs, qu’il es difficile, à l’écoute de cet album, de croire qu’on a à faire à un artiste autre qu’Américain…