HARUN: Reboot

France, Rock (Autoproduction, 2024)

Les amateurs de sensations fortes made in par chez nous reconnaitront forcément Harun. Les autres se demanderont sans doute qui est ce guitariste qui pose sur une pochette sobre en noir et blanc, exception faite des nom, titre et une sorte de logo jaunes. Harun, de son nom Demiraslan, est notamment connu pour son implication avec feu Trepalium. Les Poitevins proposaient alors un metal extrême et sans concession. Depuis la disparition du groupe, Harun diversifie ses plaisirs. Après un premier album – In motion – paru en 2022, il revient aujourd’hui avec Reboot, un disque étonnant du fait d’une orientation musicale radicalement différente de ce à quoi nous étions habitués. Ici, pas de metal rugueux, non. On flirte plus du côté de sonorités électro et pop tout au long des huit titres qui, parfois, évoquent Tears For Fears. Pas surprenant de voir que le gaillard a même décidé d’en reprendre le gigantesque Shout qui clôt l’album. Harun teste différents styles et rapidement les Sleep, Get out, Lost in the light ou autre Release yourself se révèlent plus que séduisants. Mais Harun n’en oublie pas pour autant ses origines plus rock et le rappelle avec Almost dead. La variété de ce second essai apporte une touche de fraicheur bienvenue.

PAINTED SCARS: Kintsugi

Belgique, Heavy rock (Autoproduction, 2024)

Rock’n’roll! Formé en Belgique en avril 2023, Painted Scars déboule avec Kintsugi, un premier mini album de 6 titres qui rentrent dans le tas. Mené par la chanteuse Jassy « Hyacen » Blue, le combo propose un hard rock varié et puissant bien qu’encore marqué du sceau de la jeunesse. Au démarrage de Glow in the dark, on à l’impression de retrouver un Girlschool au top de sa forme doublé d’une hargne digne des sœurs Turner (Rock Goddess). Ne serait-ce l’anglais moyennement maitrisé, on s’y croirait. Won’t give up se fait plus moderne et langoureux tandis que Knock knock (ces deux titres sont mal indiqués sur le tracklisting du CD, respectivement en quatrième et seconde position…) revient à un propos direct et enlevé. Le guitariste Kevin de Brauwer, secondé par Yannick Rottiers, ajoute quelques grognements discrets. La rythmique assurée par Jens Van Geel (basse) et Bram Vermeir (batterie) est plutôt efficace. Il y a ci-et-là quelques indicateurs musicaux des sources d’inspirations du groupe, comme ces premières mesures de Liquid gold qui (me) rappellent un jeune Metallica. Freedom se veut franc et direct avant que ce premier essai ne se termine avec Life and alive, titre qui fut le premier single de la carrière du groupe. Kintsugi, est une jolie carte de visite d’un groupe qui, s’il manque encore de maturité et n’a pas encore trouvé son identité musicale, pourrait voir son nom prendre de l’ampleur. On attend donc la suite.

ODA: Bloodstained

France, Stoner/doom (Autoproduction, 2024)

La pochette de Bloodstained dit tout, ou presque: une nature morte qui évoque l’univers des frères Le Nain, décor éclairé à la bougie, on va invoquer je ne sais quoi. Lorsque résonnent les premières mesures de Children of the night, on se retrouve plongé dans un univers lent, sombre et froid. Le son, crissant et craquant, sonne et résonne comme si l’on se trouvait dans une crypte. Les guitares saturées et le chant trainant presque mélancolique de Thomas Féraud, la basse ronflante tenue par Emmanuel Brège, la batterie lourde frappée par Cyril Thommeret, tout évoque une sorte de rituel. Les participants ont consommé on ne sait quoi et parviennent à proposer des morceaux lourds proches du stoner et du doom. Une fois ce morceau d’ouverture passé – moins de 4′ – Oda nous entraine dans des décors plus étranges qu’oppressants. Avec ses 11′, Zombi suivi de Inquisitor (même lié à) dépeignent plusieurs tableaux, proposent diverses ambiances que ne renieraient pas les grands du genre. Rabid hole et sa basse ronflante, Succubus, hypnotique ou la (légère) montée en puissance de Mourning star parviennent à séduire même si Oda ne réinvente pas le genre. En revanche, le groupe nous offre un premier album prometteur qui mérite qu’on se penche sur son cas.

TWO TRAINS LEFT: Probably for nothing

France, Post punk (Autoproduction, 2024)

Elle est toujours bien présente, l’influence du punk US festif des années 90/2000! Normal, me direz-vous, les musiciens actuels ayant souvent été nourris par les Blink-182 ou autres Foo Fighters, sans doute bien plus que The Offspring. Quoique… Two Trains Left fait partie de ceux-là et se réapproprie le genre. Formé à Paris en 2016 par Dimitri Benhamou (chant et guitare) et Tom Bessah (basse), Two Trains Left (2TL pour les intimes) est complété par le guitariste Julien Debruyne et le batteur J-B Paon et publie en 2018 Sorry & pathetic, un premier Ep qui leur permet de tourner avec rien moins que Anti-Flag. Mais la crise sanitaire arrive avec son lot de freins et de frustration. Pourtant, 2TL parvient à maintenir la tête hors de l’eau en publiant quelques singles avant de revenir aujourd’hui avec ce premier album, Probably for nothing (bonjour l’optimisme du titre!) qui nous replonge dans ce rock festif des années 90. Retour direct sur nos canapés à écouter le générique de Beverly Hills ou de Friends! Les titres rock côtoient des morceaux plus tendres dans un ensemble entrainant et réussi. Le chant anglais est parfaitement maitrisé ouvrant ainsi des possibilités à l’international – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Huey Lewis himself a posté sur ses réseaux leur version de Stuck with you, titre de HL and The News paru sur Fore! en 1986. S’il manque encore un peu de maturité, et d’identité sonore propre à 2TL, Probably for nothing porte sans aucun doute mal son nom tant il y a d’envie et de soleil tout au long de ces 12 titres (dont une reprise de Chunk! No Captain Chunk) alors n’hésitez pas à les découvrir.

SEX SHOP MUSHROOMS: God doesnt exist

France, Grunge (Autoproduction, 2024)

Grunge’s not dead! Nirvana non plus! Enfin, pas dans l’esprit des Français de Sex Shop Mushrooms qui, avec leur premier album, God doesnt exist, cherchent sans jamais s’en cacher, à faire revivre cet esprit de révolte rock’n’roll que les trois de Seattle avaient insufflé. Oui, c’est toute une génération, et plus, qui fut marquée à vie par Cobain et consorts. Même la photo du livret évoque un concert de Nirvana! Mais non, c’est bien un quatuor de trublions parigots qui nous sert cet album sans fioriture, direct et dans ta face. C’est en 2022 que Timothée Leporini (chant / guitare), Giulia Vinciguerra (batterie), Victor Cresseaux (Guitare) et Cyprien Ortuno (basse) décident de former Sex Shop Mushrooms et rendent ainsi un véritable hommage à Nirvana. Car, oui, il s’agit clairement plus d’hommage que de plagiat même si le chant torturé, les titres titres simples et directs, les guitares saturées sont toujours plus qu’inspirés des grand frères. Aucun des onze titres de ce premier album ne peut laisser indifférent, et l’on se surprend à replonger dans ces années irrévérencieuses à souhaits. On imagine aisément que peu de scènes puissent résister à ces quatre là tant ça déboite sévère!

MY OWN PRIVATE ALASKA: All the lights on

France, Metal (Autoproduction, 2024)

Etrange sinon bizarre. Interpellant et intriguant aussi. A l’écoute de All the lights on, leur second album, il est impossible de faire entrer les Français de My Own Private Alaska dans une case, de leur coller une étiquette. Metal? Certes, extrême en plus, dans le chant plus qu’ailleurs. Progressif? Oui aussi, les compositions à tiroirs et les étonnement se trouvant un peu partout. Jazz? Certaines structures l’évoquent également. Pop? Oui, encore, certaines mélodies se faisant volontairement quelque peu acidulées. Bref, Cet album est riche et inventif. Pas facile d’accès, il a avant tout le mérite d’éveiller la curiosité et d’interpeller. On aime ou pas, mais on ne peut certainement pas rester indifférent. L’introduction dans le groupe d’un clavier change certainement les couleurs musicales du groupe d’origine, l’enrichissent pour le meilleur. Les plus curieux et ouverts d’esprit prendront le temps nécessaire pour intégrer et digérer tous les éléments de ce disque à la fois dense et léger. Sans doute une des surprise de cette fin d’année.

Séance de rattrapage: EXA: Left in shards

Allemagne, Thrash (Autoproduction, 2024)

Ils ne sont pas là pour rigoler, nos amis allemands de Exa! Dès les premières mesures de Return to madness, les Berlinois nous font entrer dans leur boucherie sanglante. Le riff est tranchant autant que rapide et précis, le chant rugueux et la rythmique martèle sans relâche. On pense immédiatement à une rencontre entre Slayer, Exodus et Testament pour les (une partie des) influences d’outre-Atlantique, et à Sodom ou Kreator, grands pourvoyeurs et défenseurs du thrash teuton. Exa sait cependant varier ses plaisirs – et le notre – en proposant des titres aux tempi variés, et cette alternance permet de ne pas fatiguer l’auditeur trop rapidement. Formé au lycée en 2016, le groupe sort Ignite en 2018, Ep leur valant d’être élu meilleur espoir par les lecteurs de Metal Hammer et lui donnant par la suite l’opportunité d’enregistrer un premier album, Cut the past. Aujourd’hui composé du guitariste chanteur Tom Tschering du guitariste rythmique Johannes Lortz, du bassiste Tamino Bosse et du batteur Leon Pester (aucun lien familial connu avec notre Lorie nationale !) Exa démontre, et avec quel brio, sa maitrise et son amour du thrash old school. La production sans faille est moderne tout en rendant hommage à l’esprit conquérant 80’s, Exa apportant sa personnalité (une basse slappée dans le thrash, pas si fréquent, hein?) Le sérieux du groupe lui a permis de signer avec un tourneur en 2023. Espérons que ce dernier permette au quatuor de franchir les frontières afin de nous rendre visite. Un espoir à prendre très au sérieux. EN tous cas, la relève est assurée!

DEATH DECLINE: Patterns of an imminent collapse

France, Death metal (Autoproduction, 2024)

Pourquoi changer une formule qui marche, hein? La brutalité des Français de Death Decline est toujours de mise sur leur quatrième album, Patterns of an imminent collapse – tout un programme… Alors, OK, ce n’est pas du tout mon style de prédilection mais il nous faut bien reconnaitre une chose: c’est que, tout aussi brutal et direct puisse-t-il être, Death Decline (permettez que nous les nommions affectueusement DD) sait aussi proposer une variété sonore qui donne à sa musique plus de couleurs que la simple violence recherchée. Au contraire, le groupe a bien compris l’importance d’explorer divers horizons, tant dans sa musique qui sait se faire plus… mélodieuse et se rapproche même parfois d’un esprit progressif, notamment sur Towards void and oblivion, sans doute la pièce maitresse de cet album qui, avec ses plus de 8’30, peint plusieurs tableaux dans un seul cadre. Même le « chant » se diversifie et, s’il est majoritairement rageur, puissant et hurlé, on trouve ci et là des passages plus tendres et clairs, parfois aussi graves et profonds. Patterns of an imminent collapse est un album direct et dans ta face, sans concession qui sait interpeller quand il faut. Pas mon genre, certes, mais bigrement efficace!

Séance de rattrapage: BONE RIPPER: World ablaze

Pays-Bas, Thrash/Hardcore (Autoproduction, 2024)

Amis mélomanes amateurs de douces harmonies, laissez moi, je vous prie, cordialement vous inviter à passer votre chemin. Car en à peine 25′, les Néerlandais de Bone Ripper – un nom parfaitement adapté – parviennent à transformer votre salon en antre des enfers. Comment ça tabasse sévère! Composé de 10 titres ravageurs, World ablaze a tous les ingrédients pour briser des nuques: des titres expéditifs – pas un n’atteint les 3′ – savamment brutaux et entrainants à la fois, un chant rugueux et rageur, des riffs qui cisaillent et taillent dans le gras… Si le groupe des frères Glashouwer (WD au chant, Jeljer à la guitare et Kees-Jan à la batterie) se définit comme hardcore, les références au thrash des vieux jours sont omniprésentes et parfaitement intégrées. On pense en effet à plus d’une reprise à Slayer (cette batterie à la Dave Lombardo!), Testament , Death Angel ou encore Exodus. L’album laisse l’auditeur exsangue… et on en redemande, un peu frustrés par cette fin qui arrive aussi brutalement que les morceaux nous démontent la tête. Il va sans aucun doute falloir suivre de près ce groupe à qui on ne peut que souhaiter un avenir musical sanglant.

MATW: Endless loop

France, Metal (Autoproduction, 2024)

Avec son précédent opus, Through the looking glass paru il y a un an à peine (en septembre 2023), MATW avait marqué quelques points avec son metal varié, allant du heavy traditionel au metalcore en passant par un esprit punk US. Et voila que le quatuor – Yanis Kateb (chant et guitare), Florian Cedard (guitares), Léo Capon (basse) et Thomas Niziolek (batterie) – revient avec un Endless loop tout aussi réussi. Avant même de glisser le CD dans le lecteur, la pochette interpelle: le groupe a en effet choisi de reprendre le visuel de son précédent album et de le présenter comme une sorte de reflet. Les couleurs dont différentes, le carrousel a vieilli, les arbres ont perdu leur sève… et les titres sont également intimement liés puisque si l’on met les pochette dos à dos, on revient toujours à la même chose, un avant et un après – le titre lui-même se traduit par « cycle sans fin ». Une suite logique donc, d’autant que MATW (pour rappel, acronyme de Me Against The World) a pensé ces deux albums comme un seul de 15 titres qu’il a préfér sciender en deux parties. On retrouve donc ici les même ingrédients, l’album démarrant par une guitare claire qui m’évoque un passage de Never look down II (sur le précédent album) avant de s’enfoncer dans une saine fureur aux rythmes variés. Là encore, on retrouve des inspirations lourdes et agresives autant que plus légères, voire festives. Le chant est aussi agressif qu’il sait se faire entrainant… Endless loop est l’album mature d’un groupe qui a tout l’avenir devant lui et qui propose une musique puissante et populaire à la fois. Voilà un groupe qui a tout pour séduire et se forger un vrai nom dans le metal pas que français.