Après une pause de 20 ans, Forest In Blood était revenu en 2018 avec Pirates. Depuis, le groupe semble décidé à ne pas voir son navire couler et propose aujourd’hui le troisième album depuis son retour (après Haut et court paru en 2020), Abyss. Démarrant avec le morceau titre, prologue marin sombre et inquiétant qui se termine sur des cornes de brumes – l’ensemble m’évoque le film d’épouvante Fog – Forest In Blood entre rapidement dans le vif du sujet avec le très brutal Children of the 666. La messe (noire) est dite ou on se met un double dose de ratafiat? FIB ne me jamais le pied sur le frein, la rage est omni présente, brutale, directe et éprouvante comme le supplice de la planche. Si le principal des titres est chanté en anglais, FIB propose cette fois non pas un mais deux morceaux en français (Crève et A la vie, à la mort – Ténèbres est un interlude instrumental) et pourrait bien gagner à explorer plus avant encore cette voie (pas d’eau – ok je sors) tout en maintenant son respect musical pour les grands du thrash et du hardcore. L’album se termine une nouvelle fois sur un titre fun et plus léger, In pirates we trust qui permet de souffler un peu en bout de course. Et là on a envie de hurler « pieds à terre, marins d’eau douce, vous avez bien mérité un peu de repos« . Ca déménage sec, et ça nettoie les esgourdes. A retrouver sur scène très vite!
Interview One Life All In. Entretien avec Clem (guitares) le 13 juillet 2023
Trois ans entre vos deux derniers disques, c’est assez long… En dehors de la crise sanitaire, que s’est-il passé ces trois dernières années ?
Ça a été principalement l’enregistrement de l’album, justement ! On a passé pas mal de temps dessus : on est rentrés en studio courant 2021 et on vient de terminer en janvier ou février dernier. Beaucoup d’échanges avec le studio et entre nous… On est restés en studio jusqu’à la phase de mix et, malheureusement, le mixage ne s’est pas passé comme on le souhaitait. On a récupéré les prises qu’on avait faites au studio et on a finalisé le mix à la maison. On y a passé pas mal de temps parce qu’on n’avait pas toutes les compétences et connaissances pour le faire nous-mêmes. Il nous a fallu apprendre – c’est même plutôt moi que nous, puisque c’est moi qu’i m’en suis chargé…
Comment s’est passé l’enregistrement ? Vous avez pu vous retrouver en studio ou avez-vous travaillé à distance ?
Pour tous les instruments, on s’est retrouvé ensemble, à Lyon. Don a enregistré ses parties chez lui, il a le studio et le matériel pour pouvoir le faire. Il a fait ses prises, nous les a envoyées et on a tout rajouté à ce que nous avions enregistré.
La dernière fois que nous avions parlé, je t’avais demandé si Don vous envoyait parfois des lignes de chant pour que vous travailliez la musique autour de ce tte base. Tu me disais que non, mais que vous souhaitiez pouvoir le faire plutôt que de commencer par la musique pour ajouter le chant ensuite… Ça a pu se faire ?
On n’a pas changé notre méthode, non. On n’a pas travaillé comme ça pour cet album mais c’est certainement quelque chose qu’on va faire pour le prochain pour lequel on a déjà du matériel. Notamment un morceau que Don a composé de son coté, qui est un peu différent. Là, on va travailler autour de sa version pour rajouter les instruments.
Que peux-tu me dire au sujet de Eye of the storm pour me convaincre d’aller l’acheter ?
Eye of the storm, c’est un album de punk hardcore mais pas que (rires). On va piocher dans nos influences, parfois un peu thrash, parfois un peu plus aérien ou mélodique… tout en gardant une ligne directrice qui est le hardcore. On vient de là… On a un morceau « clin d’œil » à SOD qui fait un peu moins de 10 secondes… On a des morceaux un peu plus mélodiques, plus posés, Life of dreams qui fait un peu ballade, qui débute avec une guitare acoustique, un autre, War, qui commence un peu plus post rock et qui évolue vers d’autre choses et on a des morceaux vraiment très hardcore, mais d’autres un peu plus progressifs dans lesquels on essaie de rajouter d’autres nuances… On des morceaux qui peuvent évoquer Suicidal Tendencies ou Life Of Agony…
S’il te plait… Evitez de jouer en concert le morceau de moins de 10 secondes dans les trois premiers titres. Pensez aux photographes !
(rires) Oui ! On l’a déjà joué mais je pense qu’on ne va pas le garder dans le set…
Comment analyserais-tu l’évolution de one Life All In entre Letter of forgiveness et Eye of the storm ?
Entre les deux derniers, on est à peu près sur la même « recettes ». je vais plutôt comparer les deux dernier au premier, The A7 sessions. Sur le premier, on avait des morceaux qui avaient chacun une identité propre. Il n’y avait pas vraiment d’unité. 6 morceaux, mais 6 morceaux différent sans vraie cohésion. A partir de Letter of forgiveness, on a réussi à mettre toutes nos influences dans un seul morceau. On n’a pas six morceaux distincts mais on a un Ep avec une certaine cohérence. Sur l’album, on est parti de notre base, le punk hardcore et on a rajouté toutes nos influences. Il y a des groupes sur lesquels on se retrouve tous : Biohazard, Madball, Sick Of It all, ce sont des classiques, mais chacun a ses influences autres : je suis influencé punk rock, Don, punk hard core, Kevin c’est le metal extrême, Frank c’est du thrash, heavy… on a un point de départ qui est le hardcore et chacun ajoute sa touche aux morceaux.
L’album est assez varié, maintenant, si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Eyes of the storm pour expliquer ce qu’est One Life All In aujourd’hui, ce serait lequel ?
Je dirais Despair. Je crois que c’est le plus représentatif parce qu’on a tout dedans. Le hardcore, la mélodie, le solo, il y a tous les éléments qui font One Life All In.
Il y a une autre évolution, cette fois visuelle : la pochette précédente avait une illustration très arty, celle de Eye of the strorm est dans l’esprit du titre et m’évoque aussi bien l’œil du cyclone, avec ses courbes, que le film Inception et un monde post apocalyptique.
Je suis d’accord avec ce que tu dis. On a voulu un peu changer, comme à chaque fois, d’ailleurs. On cherche à aller un peu plus loin. Il a fallu trouver quelqu’un et il y a un illustrateur français que j’aime beaucoup, qui s’appelle Aurélien police qui fait des illustrations de livres de science-fiction. J’ai demandé aux autres membres du groupe ce qu’ils pensaient de son travail, si ça pouvait coller pour la pochette de l’album et ils ont répondu pourquoi pas… je l’ai contacté, je lui ai demandé si ça l’intéressait, je lui envoyé nos idées, les paroles… et il nous a rapidement proposé quelque chose qui reprend le titre Eye of the storm. Il y a l’effet circulaire et l’œil du cyclone c’est aussi là que tout explose. Ce que dit Don dans ses paroles, c’est qu’aujourd’hui on vit dans un monde où il y a partout et entre tout le monde de s problèmes de communication. On est tout de suite dans le jugement, la prise de position, la confrontation… Il n’y a pas de vrais échanges, communication, discussion… on le voit de plus en plus, notamment sur les réseaux sociaux… Derrière ça, on en arrive à des émeutes, les gens ne se parlent pas, ils cassent… on est en plein dedans aujourd’hui. Après la destruction, il faut reconstruire… L’idée c’est comment faire ressortir le positif de toute cette négativité, réussir à reconstruire quelque chose avec d’autres valeurs, en tout cas, ne pas reproduire ce qui n’a pas fonctionné.
Ce qui est intéressant, c’est que lui vivant aux Etats Unis fait le même constat que ce que nous voyons en France.
Oui, absolument…
Si tu devais penser à une devise pour One Life All In, ce serait quoi ?
Euh… « Qui ne tente rien n’a rien » … Pourquoi ? Parce qu’avec One Life All In c’est un peu ce qui se passe. Quand on a commencé avec Frank, on avait besoin d’un chanteur. On pensait à Don, on n’osait pas lui demander et finalement, on lui a demandé, ça l’a intéressé, il nous a rejoint. La même question s’est posée avec le batteur, on a demandé à Kevin… et il a accepté. Si on n’avait pas tenté, on ne serait pas là aujourd’hui.
Vous avez la difficulté d’être des deux côtés de l’Atlantique. Vous prévoyez des concerts ?
C’est vrai que ce n’est pas évident de se retrouver. Mais on a la chance d’avoir des contacts des deux côtés. On a fait deux dates à Philadelphie et à New York, grâce aux contacts de Don. Aujourd’hui, on travaille sur une petite tournée, courant novembre, aux USA, mais aussi sur une tournée européenne début 2024. Pour le moment, rien de confirmé, mais c’est en cours.
Ca c’est du punk! Pas la version radio commerciale popularisée par certains groupes US des 90’s… Broken Bomb se rapproche bien plus de l’esprit crade, sales gosses, tout dans ta gueules des inventeurs du genre, Sex Pistols, The Exploited ou GBH en tête. Ajoutons à la mixture une dose de ce heavy metal gras et biereux version Motörhead première période, un peu de thrash ultra speedé, du hardcore US version Suicidal Tendencies, des riffs efficaces et travaillés et des rythmiques en béton armé (oui, des keupons qui savent vraiment jouer, ça existe!) et on a un résultat explosif de bout en bout. Crachant sa rage contre la société, notre obéissance aveugle à tout ce qui nous entoure, ce Full mental racket, premier album des parisiens qui se sont formés en 2020, est explosif de bout en bout. Chanté ou plutôt hurlé (mais pas dégueulé ou growlé) en anglais – avec quelques touches de français – Broken Bomb a tout pour faire pogoter et retourner une Warzone. Ce premier album est, en toute simplicité, une réussite totale! Les 10 titres de ce CD vont droit au but sans chercher à faire de l’esbrouffe. En 30′ à peine, c’est expédié mais on ressort de cette écoute trempé. Que les amateurs de sensations fortes se jettent dessus sans attendre, et c’est un ordre. « Sir, yes Sir! »
Ay, caramba! Los amigos, soy Loco Muerte, entiende? « Caramba », c’est la seule chose hispanique que je retiendrai tellement il y a de folie, d’énergie et de bonne humeur contagieuses dans ce Los clasicos de Locos, nouvelle déflagration des Parisiens de Loco Muerte qui revisitent certains de leurs « classiques » principalement issus de leurs deux premiers opus Maquina de guerra (7 morceaux) en 2011 et Traicion bendicion (3 titres) en 2013. Rien cependant du dernier – La brigada de los muertos paru en 2018 – mais qu’importe! A l’écoute de ces 11 cartouches qui te pètent à la gueule, impossible de ne pas faire de lien avec le gang de Venice, Suicidal Tendencies, et son rejeton Infectious Groove (on s’en serait doutés rien qu’au bandana…) Si l’album débute avec un nouveau titre – La vida loca – les autres morceaux sont tous aussi explosifs qu’enjoués. Loco Muerte nous concocte un hardcore/crossover des plus efficaces, certes, mais surtout digne des plus grands noms du genre. C’est simple, il y a, tout au long de Los clasicos de Loco une rage et une envie de vivre communicatives. Il est simplement impossible de en pas se laisser entrainer dans ces rondes pogotées qu’on appelle des circle pits qu’on imagine volontiers animer des concerts. Une dinguerie parfaitement contrôlée en somme, un défouloir bienvenu et bienveillant comme seule les meilleurs savent nous en offrir. on en redemande! Et je me demande vraiment si la Hellstage résistera au passage de ces doux dingues le 16 juin prochain? Ca qui est sûr, c’est que ça va groover grave!
A la base, j’aurai souhaité terminer cette année 2022 quelque peu en douceur. Mais voilà… Les derniers albums à chroniquer sont plutôt du genre violents! A l’instar de ce Get The Shot, formation québécoise qui devait, notamment, participer à la tournée Hellfest Warm-up mais en fut empêchée. leur dernier album, Merciless destruction – titre sans équivoque – bourrine à tout va tout au long de ses 12 titres qui se tirent la bourre en matière de violence. Il y a du Slayer old school, du hardcore sans concession, et ça lorgne sans vergogne du côté des Nuclear Assult ou Cannibal Corpse. En gros, de la générosité et de la bienveillance musicale. Les guitares hurlent leur haine accompagnées par une rythmique qui pilonne non stop et d’un hurleur qui s’est plus que cogné le petit orteil contre le pied du lit au réveil. Si l’ensemble charcute sa mère, chaqe titre propose de courts instants un peu plus légers et au tempo ralenti (mais pas la lourdeur du propos de Get The Shot). Bref, ça tabasse sec, ça défouraille sévère et ça casse des nuques. Pour public averti uniquement.
On ne va pas passer par 4 chemins: Awakening the masses, le premier album de Primal Rage depuis deux décennies, est un de ces putains de crochets qui te mettent genoux à terre en moins d’un round. Le groupe Savoyard a décidé de refaire parler la poudre et nous propose un album coup de maitre. Le thrash hardcore que propose le groupe est simplement redoutable. L’efficacité réside, au delà de la qualité des composition, dans les refrains et les chœurs qui présentent un groupe à l’unisson, une formation avec pour objectif commun d’entrainer l’auditeur et/ou le spectateur dans cette tempête de rage contrôlée. Putain, ces mec ont leur place à la Warzone direct! Zou, allez me faire des circle pits et des wall of death! Ca bastonne et ça dézingue à tout va! On pourrait faire l’analyse de chaque titre qu’on en reviendrait à la même chose: de Repression au morceau éponyme en passant par FFF (un rapport avec le groupe? mais non…) Racial hate, No cure for hate ou… bref, une conclusion s’impose: « ça le fait grave et sévère ». C’est certes brutal mais c’est également, surtout, salvateur. Alors, simplement, tout simplement, laissez-vous tenter et entrez dans cette massez que Primal Rage veut réveiller. Espérons simplement qu’il ne faille pas une nouvelle double décennie pour un nouvel album, mais laissons celui-ci vivre pleinement sa vie!
Certains avaient appelé leur album « la fin d’une époque », les coreux français d’Alta Rossa vont plus loin encore en l’annulant purement et simplement… Void of an era est le premier album du groupe fondé en 2020 par des membres de Horskh (dont l’album Wire avait fait l’objet d’une chronique ici-même) et de Asidefromaday. 2020, oui, année du seul, du vrai, de l’unique confinement qui a vu la face du monde changer radicalement. Pas étonnant que ces gars aient la rage et veuillent carrément annuler cette période qui nous a privés de presque tout. Alta Rossa pousse cependant plus loin son propos, et dénonce à sa manière le mal qui ronge notre planète et son (in)humanité en montrant du doigt les puissants, qu’ils soient politiques, économiques ou autres, et pu****, que c’est d’actualité!. L’urgence de cet album de 7 titres se traduit par la durée de ce CD: avec à peine 31 minutes, on va droit au but. C’est radical sans être purement brutal, chanté avec une rage et une haine farouches – amateurs de belle vocalises, passez votre chemin – puisées au sein du hardcore pur jus et d’une certaine forme de black metal. Au travers des Binary cell, Dawn will never rise ou autre The fall, Alta Rossa frappe fort et annonce clairement ses intentions musicales: dans ta face!
Rater (accidentellement, c’est évident) une interview peut avoir ceci de bon: un recalage à domicile dans un contexte moins carré: l’interview devient alors discussion et la demi-heure originellement planifiée peut s’étendre à l’envi. Echanger avec Émile Duputié, le chanteur des Tourangeaux de Beyond The Styx, au sujet de Sentence, le troisième album du groupe est riche de plaisir. Seulement, même si l’ami Covid est passé par là, Stiigma, le précédent album du groupe, est sorti il y a 4 ans. Qu’a fait le groupe depuis? « On a tourné pendant deux ans pour soutenir Stiigma, et une troisième année, pas prévue à la base, a été planifiée. Stiigma a bien fonctionné, a eu une très bonne réception de la part des programmateurs et du public. On était censés continuer de tourner et composer l’album en 2019 et 2020. Mais il y a eu deux évènements majeurs qui nous ont freinés. A l’été 2019 on avait déjà une démo et on a été signés par WTF records, album qu’on devait à l’origine sortir au premier trimestre 2021. Mais Victor, notre guitariste lead, a fait le choix, pour des raisons personnelles, d’arrêter toute aventure de groupe. On a dû renouveler les troupes, on a casté plusieurs guitaristes et on a fini par trouver Arnaud début 2020. Il avait quasiment fini de maitriser notre set, on a fait deux dates avec lui, et paf! On se retrouve en mars, complètement arrêtés. une date en deux ans, c’est très peu… On dispose de notre local de répétition, ce qui nous a beaucoup facilité la tâche. Mais dès lors que les déplacements se sont limités aux départements, c’est devenu compliqué. Entre Angers, Tours et Paris… »
Sentence a été enregistré à Blois « avec Christian Donaldson qui, lui, vient même d’un autre pays, du Canada. Ca a été très compliqué pour lui de venir, mais ça a pu se faire et on a commencé mi juillet 2021. On a enregistré en 2 semaines. ce n’était pas la première fois qu’on enregistrait, ce qui a rendu les choses plus faciles, pour nous, pour notre ingé son. » C’est la première fois que le groupe enregistre avec Arnaud. Qu’a-t-il apporté au groupe? « On ne l’a pas recruté uniquement pour ses qualités musicales…. Qui dit groupe dit aussi vie sociale. Arnaud, on le connaissait un peu à côté et tourner, enregistrer, vivre ensemble, c’est aussi une expérience humaine. On savait qu’humainement c’est quelqu’un de simple, drôle et il respecte ses engagements. »
Naturellement, un groupe évolue entre deux albums. Comment Émile analyse-t-il celle de Beyond The Styx entre Stiigma et Sentence ? « Je dirais que Sentence est un brin plus… « incisif » que Stiigma, si c’est possible. C’est le genre de pavé dans une mare qui éclabousse vraiment ». D’évidence, le groupe à la rage au ventre et exprime sa colère avec une virulence non feinte. Dix titres brutaux, qui allient hardcore pus jus, punk et thrash à un chant hurlé et agressif, difficilement compréhensible sans le livret. D’ailleurs, « Christian, lui, semblait comprendre ce que je hurlais et il voulait corriger mon accent. Il trouvait que certaines phrases, certains mots ne collaient pas rythmiquement. Je pense qu’on a gagné en puissance, qu’on a gagné de ce point de vue: une puissance clairement affirmée et prononcée. » Ce qui surprend, c’est d’entendre un hurleur aussi agressif que lui parler d’une voix douce, calme, posée et bienveillante et presque fluette. Comment travaille-t-il sa voix? « Je pense que ma douce voix, je ne la travaille pas, sauf dans ma vie professionnelle puisque je suis éducateur. Ce qui nous oblige à savoir, un peu comme au théâtre, à savoir jouer sur les intonations. Ce n’est pas en parlant fort qu’on obtient grand chose de quelqu’un… Ma voix plus saturée, je l’ai travaillée, même si je ne dispose pas à mon sens d’une technique folle. Je peux juste parler en termes d’intonations de voix, mais pas plus. Je chante avec mes tripes. Ce n’est pas le fait d’avoir fait un stage de chant saturé avec David Ferond qui a révolutionné ma façon de canter si ce n’est deux choses: l’échauffement et l’hygiène de vie, deux choses importantes pour pouvoir tenir une voix. Il m’a aussi fait comprendre l’importance du diaphragme, un instrument magique. » Émile envisage-t-il un jour, comme d’autres le font, d’alterner avec du chant clair? « Non, pas du tout! Inenvisageable, en tout cas pas avec moi au chant. Si un jour ça se fait, ce sera invité, mais pas moi. J’ai peu de certitudes, mais celle là, c’en est une. »
La lecture de certains titres peut également évoquer certaines choses: Self hatred, par exemple, est-il un titres autobiographique? « Waow! j’aime bien ces questions inhabituelles! Peut-être en partie… Une partie de moi, oui, en bon Gémeau que je suis. J’ai toujours du mal à me distancer du genre humain dont on a été séparé depuis 2 ans. Quand je parle de la haine de soi, c’est la haine de sa propre espèce. On a parfois l’impression d’être entourés de personnes plus monstrueuses les unes que les autres alors que nous sommes censés être l’espèce ultime, dotée de conscience. De quoi? Je m’interroge… J’ai l’impression qu’on est une espèce de plus en plus auto centrée, et ça m’agace au plus haut point! » Les thèmes abordés font sur cet album référence à l’humanité et au pouvoir, aussi. Émile reconnait volontiers, comme nombre d’autres, avoir mal vécu la période de confinement, en bon citadin vivant en appartement. « Collateral fait référence aussi au pouvoir que nous avons tous. On est tellement écrasés par la technologie, par le quotidien… d’une certaine manière, on a l’impression que nous ne sommes que juste bons à être dans notre quotidien sans pouvoir en sortir… On nous parle du monde d’après mais il reste encore à construire. »
Collateral est un des titres qui a fait l’objet d’une video, démarrant en partie d’air soft version jeu de guerre (OK, c’est pareil) pour terminer sous forme de jeu vidéo tourné en automne. « Non, ça a été tourné en forêt de Chinon en plein hiver. On l’a fait le 1er janvier. » Overload montre une tête d’ampoule bouffeuse de pizzas. « oui, oui… Le thème, c’est un peu ce que j’ai eu l’impression de traverser pendant le confinement: cette impossibilité de projection dans l’espace et dans le temps. On est conscient qu’il y a un mur qu’on ne pourra pas franchir. Ca aborde le thème du burn out avec tout ce qu’on a pu nous imposer, à tort ou à raison parce qu’il y a aussi de la raison dans ce confinement. »
Tous ces éléments, les nuages, la puissance, l’impuissance, on les retrouve sur la pochette. Avec ce personnage qui porte le numéro 7 sur son maillot. une signification particulière? « Ah! Tu es le second à m’en faire part, mais le premier en interview… Ammo, le graphiste, est parti du numéro 80 que je porte sur un maillot de la NFL. D’ailleurs, dans Collateral, un joueur porte le maillot avec le numéro 8, chiffre qui peut renvoyer à l’infini. » Cette notion de pouvoir, on la retrouve partout sur la pochette, de l’ado à l’immeuble prêt à tomber sur le Cerbère… « Là, pour le coup, tu es le premier à m’en parler. C’est bien, ça me fait voir des codes que je ne voyais pas au départ! »
Si le vocaliste devait ne faire écouter qu’un titre de Sentence pour définir ce qu’est aujourd’hui Beyond the Styx, ce serait lequel? « Je m’arrêterais au choix du groupe, je pense. Pas forcément ma préférée mais DC est représentative avec l’aspect metal, hardcore, un tempo assez contrasté. Si on aime pas celui-là, il y a peu de chance qu’on aille plus loin! »
Terminons avec ce classique de Metal-Eyes: quelle pourrait être la devise de Beyond The Styx? « On en a déjà une, c’est une devise que j’ai écrit en anglais: No more borders, cross the river. Plus de frontières, traversez la rivière. Ca rime aussi en français, je m’en rends compte juste là en traduisant (il rit). Brisons un maximum ces frontières qui peuvent nous distancier les uns des autres. »
Brutal et intègre, Sentence est sans aucun doute un album à découvrir en live. Amateurs de hardcore et de thrash, lancez-vous!
Entretien téléphonique mené le 11 février avec Émile Duputié (voix)
Oh punaise, hardcore de derrière les fagots qui déménage, c’est tout ce que propose Exhorted! La rage explosive s’exprime par des rythmiques plombées, un chant guttural furieux, des guitares directes et sans concessions. Quoique, il y a dans tout ce maelstrom une certaine recherche de mélodie qui, par instants, dans les soli ou quelques intros, permet de se poser et reprendre son souffle. Help me introduit ce Old bastards never die (j’adore ce titre!) comme un avertissement bien plus qu’un appel au secours. Les 9 titres qui figurent sur cet album sont d’une brutalité exemplaire et il y a fort à parier que certaines nuques risquent de céder. Lorsque le propos n’est pas speed, il se fait lourd comme un temps d’orages (God is mine, Let me go) mais la rage reprend vite le dessus. Les guitares charcutent comme jamais et il est étonnant de ne voir les noms de ces instrumentistes dans le line up du groupe. Groupe? Ne figurent ici que Yves Balandret (chant), Lionel Marquez ((basse) et Edoardo Panepinto (batterie). Un mystère de plus à résoudre mais une situation qui ne saurait perdurer. En tout cas, jetez une oreille à cet album, promesse sportive pour tout amateur de pogo!
Forcément, quand on décide d’aller pêcher avec des flingues, il ne faut guère être pressé de se sustenter. Les coreux parisiens de Fishing With Guns mettent en pratique le nom qu’ils ont choisi. Il leur aura cette fois fallu pas loin de 6 ans pour que les poissons dispersés ne se retrouvent dans ce lac argenté. Une production tous les 5 ans, c’est un bon rythme, non? D’autant qu’il s’agit ici d’un Ep 5 titres qui mélangent brutalité et détermination. un ensemble magnifiquement mis en son par Francis Caste décidément incontournable magicien sonore sans pareil. Aussi speed et rageur que plus aérien, Under the silver lake (un titre qui pourrait être celui d’une série à suspense) nous entraîne dans un univers sombre et riche en émotions. Le chant, puissant, enragé, explosif, ne faiblit jamais, les guitares taillent dans le vif et la section rythmique bombarde autant qu’elle le peut. C’est puissant et pourrait, si le groupe avait opté pour un album entier, être usant. On ressort proprement lessivé de cette courte expérience, un véritable condensé de rage dans ta face.