JAN AKKERMAN: Close beauty

Progressif, Pays Bas (Music theories recordings, 2019)

Jan Akkerman est un guitariste de jazz/prog/fusion né en 1946 à Amsterdam. Il s’est distingué en faisant notamment partie de Focus avec qui il a connu un certain succès. Depuis, il enregistre encore et toujours, sous son nom ou en tant que musicien de studio. Avec Close beauty, son nouvel album, il démontre tout son savoir faire en matière de jazz progressif. Il m’est difficile de coller ici le terme de rock tant le musicien se laisse guider par ces construction particulières et si chères au jazz. Si l’on ne peut rien dire techniquement – le jeu de Jan est doux et léger, rapide et fluide – si des morceaux comme Spiritual privacy ou Beyond the horizon, qui ouvrent cet album, ont tout du prog avec leurs plus de 7′ (je sais, ce n’est pas à la durée qu’on reconnait le prog, mais c’en est une des caractéristiques, non?), je ne trouve guère de variété au cours de ces instrumentaux assez… contemplatifs, voire répétitifs. Le toucher est certes impressionnant, mais je ne parviens pas à accrocher sur la durée. Trop instrumental pour moi, sans doute, malgré cette intrigante relation avec la France que forme le triptyque Meanwhile in St. Tropez, French pride et Fromage. Mais d’où sortent ces nom de morceaux (même si le bougre a enregistré un Fromage à trois il y a 10 ans…) Bien fait certes, mais simplement pas assez rock pour moi. Les guitaristes apprécieront cependant.

FLYING COLORS – Third degree

Progressif, USA (Music theories, 2019) – Sortie le 4 octobre 2019

Le voici donc ce troisième effort du super groupe de rock progressif Flying Colors. Avec un line-up identique depuis ses début, le combo donne l’impression de simplement se faire plaisir. Third degree nous entraîne dans les méandres des amours musicales de chacun de ses membres. On reconnait le toucher de guitare unique de Steve Morse, qui semble tellement avoir pris son pied avec le final de Birds of prey (sur Infinite de Deep Purple, 2017) qu’il s’en sert à de multiple reprises avec le même bonheur. C’est notamment remarquable sur Cadence, mais pas seulement. Mike Portnoy s’amuse également avec des rythmes qui paraissent simples mais peuvent monter en rage et en puissance, comme sur Guardian. La voix de Neal Morse est toute en finesse et en émotion, le chanteur se faisant parfois émouvant ou à fleur de peau (You are not alone), à d’autres moments plus direct. Sans jamais tomber dans le piège du prog qui veut en faire trop en n’étant que démonstratif, Flying Colors parvient à proposer une musique accessible à tous, bien que parfois plus complexe (cette montée en puissance sur la partie instrumentale de Last train home parle d’elle même). Les inspirations sont à la fois rock (plus Deep Purple que Dream Theater), funk (Geronimo), médiévales, orientales permettant à chacun des 9 titres,  The loss inside, Cadence, You are not alone ou le final Crawl de trouver aisément son public.  Les amateurs de belles mélodies et de grandes et simples orchestrations vont rugir de bonheur.

TERAMAZE: Are we soldiers

Progressif, Australie (Music theories, 2019) – sortie le 21 juin 2019

Malgré 5 albums au compteur depuis la formation du groupe à Melbourne en 1994, je ne découvre Teramaze qu’avec ce Are we soldiers au son résolument moderne. L’album de 10 titres explore au travers de morceaux peu radiophoniques par leur durée (de 5’10 à 11’58!) divers horizons progressifs, certes, mais cependant très orientés modern US metal: un son propre, des mélodies entraînantes et des refrains très faciles à faire chanter au public. Les amateurs trouveront des guitares travaillées à la Satriani, avec les quelques démonstrations que cela implique, de forts accents heavy pop (Are we soldiers) ainsi qu’un peu de rage bienvenue (Control conquer collide, From saviour to assassin). Le chant est souvent très, trop, sage et mériterait par instants un peu plus d’agressivité. L’ensemble propose toutefois un beau relief musical, qui, selon moi, reste trop pop. Ce qui sans aucun doute séduira les amateurs du genre.

PAUL GILBERT: Behold electric guitar

Instrumental, USA (Music theories, 2019)

Je n’ai jamais vraiment su comment aborder les albums instrumentaux. Souvent, fut un temps, proposés par des musiciens qui s’adressent à des musiciens, mais certains, Satriani ou Vai en tête, ont réussi à rendre l’exercice accessible, voire populaire. Paul Gilbert, évidemment connu et reconnu pour son travail avec Mr. Big, n’en est pas à son coup d’essai en solo. Ce Behold electric guitar a donc tout, normalement, pour séduire un large public. Le gaillard n’est jamais dans la démonstration gratuite, et flirte avec tout ce qu’il peut et sait faire. Du soft aérien à la débauche de notes, du pop au heavy, tout y passe. La guitare est claire, Paul insufflant de la joie et du soleil dans chacune de ses mesures. Tout est enjoué, et jamais aucun passage ne ressemble à de la pure frime démonstrative. Et pourtant, c’est une véritable leçon que nous donne Paul Gilbert tout au long de ces 12 titres, dont certains passages évoquent des airs connus de tous. Un album de plaisir, à écouter sans modération tant il fait du bien!

JORDAN RUDESS: Wired for madness

Prog, USA (Music theories, 2019) – Sortie le 19 avril

Si Jordan Rudess est un des membres incontournables de Dream Theater, l’écouter en solo est une belle expérience. Car le claviériste laisse libre cours à ses délires et ses explorations musicales. Il nous propose aujourd’hui Wired for madness qui, dès le premier morceau – Wired for madness part 1 – le voit nous présenter tout son univers. Et celui-ci est étendu, allant de l’électro au metal progressif en passant par les années folles et le jazz. Tout est d’ailleurs dit sur la pochette: de la technologie futuriste et du rêve dans un univers coloré. Jordan Rudess surprend dès ce premier titre de plus de 11′, morceau qu’on croirait instrumental mais qui voit le chant n’apparaître qu’au bout de 9’30… Un long morceau tellement travaillé que le temps passe vite. Tant mieux, car la seconde partie du morceau titre, qui évoque le monde de Fritz Lang ayant flirté avec Pink Floyd, entre autres, dépasse les 20′. A la fois doux et rugueux, ce morceau explore encore d’autres horizons sonores. L’univers du cinéma – aventure autant que déjanté – n’est jamais très loin. La suite est composée de titres plus courts (4’10 à 6’03), permettant à l’auditeur de souffler un peu. Si les Off the ground (qui évoque par instants Ghost) et Just for today, légers et aériens,  Perpetual shine, un ovni prog mais parfois presque disco et souvent déjantées, Just can’t win très crooner et bluesy, l’ensemble est aussi varié, curieux que séduisant, intriguant ou surprenant.Chaque invité – dont James La Brie et John Petrucci (de Dream Theater), Vinnie Moore ou Joe Bonamassa – a son espace d’expression et en profite autant que possible. Les amateurs de sensations fortes en seront pour leurs frais, les esprits curieux et ouverts risquent fort de tomber sous le charme de cet album hors normes et hors du temps. Wired for madness est un album superbe qui porte bien son nom.

JASON BECKER: Triuphant hearts

Hard rock, USA (Music theories, 2018) – Sortie le 7 décembre 2018

On va le lire des centaines de fois ce proverbe qui, aujourd’hui, prend tout son sens: « A cœur vaillant, rien d’impossible ». Jason Becker, atteint d’une maladie qui le paralyse, l’empêche de se mouvoir ou de parler, nous démontre à quel point courage et persévérance peuvent soulever des montagnes. Il lui aura fallu des années de courage et de ténacité pour finaliser ce Triumphant hearts, composé avec les yeux, à l’aide  de son père qui lui a créé un ordinateur réagissant au regard. Alors, bien sûr, cet album risque de faire parler de lui pour les mauvaises raisons: c’est le résultat du travail d’un musicien talentueux incapable de tenir un instrument, le travail d’un handicapé totalement dépendant. Mais c’est avant tout le travail d’un musicien brillant, ayant croisé le fer avec Marty Friedman (futur, et désormais ex, Megadeth) au sein de Cacophony, souvent comparé au génial mais ténébreux Yngwie Malmsteen qui n’a jamais voulu ne serait-ce que lui parler. Si on est à des années lumières de Speed metal symphony, Triumphant hearts est surtout un album de musique, rock et populaire. Jason s’est ici entouré de tous ceux qui ont répondu présent à son appel, et ils sont nombreux: Marty Friedman, évidemment, mais aussi Uli Jon Roth, Mickael Lee Firkins, Steve Vai, Joe Bonamassa, Paul Gilbert, Neil Schon, Steve Morse, Joe Satriani et j’en passe. L’album est plein de mélodies qui ouvrent toutes une porte sur l’espérance et le positivisme. Pas un instant sombre n’a ici sa place. Si Triumphant heart, qui ouvre l’album, est orienté pop et si certains passages peuvent évoquer le all star We are the world, Becker pose partout sa marque de compositeur et offre de vrais moments de joie, et de rock. Laissez-vous simplement entraîner par ces Fantasy weaver, Magic woman ou ce Valley of fire et ses plus de 9′ wagons de musiciens solidaires (appelés « The magnificent 13 »), et faites de ce disque un succès. Car il s’agit d’un travail remarquable qui va bien au delà d’un « simple » album de rock: ce disque célèbre la vie, tout simplement. Un album pas comme les autres d’un musicien vraiment pas comme les autres. Comme il est si bien écrit au dos de la pochette (et chanté sur Hold on to love): I can’t speak. I can’t play. But this flesh has much more to say…