Rencontre avec Sylvain (guitare) et Dagulard (batterie), le 31 mars 2016 à Paris.
A l’occasion de la sortie de son second album, les Parisiens de The Distance nous ont plus que chaleureusement accueillis pour évoque leur parcours et leur actualité. Pas toujours facile à suivre tant les gaillards sont passionnés mais on a recollé les morceaux!
Metal-Eyes : The Distance, vous publiez votre second album que vous présentez ce soir à la Boule Noire. En dehors de ça, je ne connais rien de vous. Commençons par une question traditionnelle : pouvez-vous me raconter l’histoire du groupe ?
Sylvain : On s’est formé en 2008, il y a eu plusieurs changements de line-up… Les membres fondateurs, c’est moi et le chanteur, Mike. On jouait déjà ensemble dans un groupe qui s’appelait Gasoline que nous avons quitté pour former The Distance. On avait des envies musicales assez différentes de ce que faisait Gasoline qui était très très punk. On a eu plusieurs batteurs, le précédent est arrivé 3 ans après. On connaissait déjà le loustic de réputation, mais n’avions pas encore eu l’occasion de jouer avec lui. Il s’est trouvé qu’il avait aussi envie d’un projet rock, un peu différent, et l’occasion faisant le larron, ça s’est fait. Ensuite, Dagulard nous a rejoints peu de temps après la sortie du premier album. On s’est séparés du premier batteur pour des raisons… personnelles, il n’avait ni le temps, ni l’envie vraiment de s’investir. Dagulard étant déjà intégré au sein de différents projets, on a été présentés, on s’est plutôt bien entendus…
Dagulard : Je jouais déjà avec Duff (basse) et comme Sylvain l’a dit, il m’a proposé de les rejoindre. Je connaissais déjà The Distance que j’avais vu en concert, j’ai accepté tout de suite. Et ça se passe de mieux en mieux, ce qui est normal puisqu’on se connait mieux.
Sylvain : Du coup, on a sorti un premier album, Into the mad circle, qui était un premier jet, beaucoup plus rock, de ce que l’on sort là. Mais c’est l’évolution de chaque groupe. Nous avons une vraie volonté de nous renouveler, donc on sort un album qui est un petit peu différent, qui rejoint un certain nombre de codes du premier mais qui est quand même assez… assez différent.
Metal-Eyes : J’ai eu l’opportunité de l’écouter et, selon moi, il est très marqué « années 70 » avec une touche de grunge, un peu plus énervé, donc, et un peu plus actuel aussi. Quelles sont vos influences ?
Dagulard : Alors je prends ça pour un vrai compliment…
Sylvain : Nos influences ? On est des enfants des années 80, donc ne rêvons pas, on a été bercés avec Nirvana, Soundgarden, Pearl Jam, Rage Against The Machine et plein d’autres choses. Ça fait partie de nos passés culturels et identitaires, chacun de nous. Ça s’entend dans notre musique, on est très 90’s, mais on aime bien le mélange… Le mélange de tout avec un peu de fraîcheur, de spontanéité. On est du style « allez, on fait ça ? Attend, c’est différent… Mais on essaye quand même ! » On est dans un système de composition très artistique et un peu… sans concession. Avec cet album, on nous a un peu reproché de lorgner vers la pop, vers les grosses radios, mais non, pas du tout ! D’ailleurs, on est surpris de ces réactions parce qu’on a fait ça candidement, innocemment. On ne s’est pas pris la tête en se disant « il faut absolument plaire à telle radio ». On a fait Perfect sin qui est très pop parce que, artistiquement, créativement, ça nous plaisait. C’est vraiment la démarche identitaire de The Distance, on n’est pas du tout opportunistes sur notre manière de composer. Ni mercantiles.
Dagulard : Il y a une vraie maturité sur cet album. Je suis arrivé peu de temps après la sortie du premier album, que j’ai vraiment aimé, qui était beaucoup plus teinté « rock des années 2000 ». Souvent, je lisais dans les chroniques que c’était influencé, du côté US, par Queens Of The Age et Foo Fighters, et du côté européen par Turbonegro ou Backyard Babies…
Sylvain : Des groupes qu’on adore aussi …
Dagulard : Un premier album, un premier jet est toujours teinté de ce qu’on écoute de plus récent, et ce second album est plus comme une prise de conscience de ce qu’on aimait, la musique rock avec laquelle on a grandi. Notre musique, c’est un mélange de tout ce qu’on a écouté et de ce qu’on peut y apporter. Ce second album est plus « mature » dans le sens où nos influences sont réellement assumées. C’est aussi, peut-être un moyen de rendre hommage au rock des années 90.
Sylvain : C’est un moyen aussi de casser, casser… Casser les frontières musicales.
Metal Eyes : Comme c’était le cas aux débuts du rock, aavnt les étiquettes ?
Sylvain : Exactement, comme c’était le cas dans les années 60. Les mecs, ils avaient leur combo, une guitare à 100 balles, ils arrivaient dans le bar et, pan, ça balance ! Je trouve que ça manque, cet état d’esprit. Pour moi, c’est aussi une revendication sociétaire. Une revendication artistique. On est dans une Europe malmenée, malmenée par une fermeture d’esprits, par des gens qui veulent imposer une façon de voir et de penser les choses. Pour moi, la différence, c’est important humainement, artistiquement… La différence, c’est important à tous les niveaux. Quand on est bien avec les gens, on est bien dans la vie, c’est un tout, une globalité. C’est notre façon de le dire. On ne va pas changer le monde, biens sûr…
Metal Eyes : Mais c’est sans doute un moyen aussi de vous démarquer de tous ces groupes qui sont 400 à faire la même chose. Parlons justement de cette ouverture d’esprit : comment avez-vous construit votre culture musicale ? Vos parents, apr exemple, ont-ils eu une influence directe ou indirecte sur vos choix musicaux ?
Sylvain : Les miens, non… Ils écoutaient les Carpentier, Joe Dassin et Sheila… Musicalement ? Mes parents ne m’ont pas spécialement apporté quoi que ce soit… C’est plutôt: aujourd’hui, mes parents découvrent des trucs grâce à moi. J’ai refait leur éducation musicale et culturelle !
Metal-Eyes : Donc, de ton côté, c’est plus lié à ta curiosité, tes fréquentations, les copains…
Sylvain : Comme tous les minots ! Je te passe ma cassette, tiens, j’ai reçu ça comme vynie, prête moi le tien…
Metal-Eyes : Mais tu me le rends, surtout !
Sylvain (rires) Ouais, tu me le rends !
Dagulard : Pour moi, c’est pareil : mes parents ont tellement pas contribué à ça… Mon père est un ancien pasteur… Déjà, le rock, ce n’était pas exactement ce qu’il me voyait faire comme musique (rires). Vers 11 ans, quand j’ai découvert certains groupes, tout a radicalement changé. A la maison… Il y avait de très bonnes choses à la maison, mais il n’y avait pas de rock. Il fallait que je me forge cette culture à l’extérieur. Dès que je voyais quelqu’un qui ressemblait à un rocker, on discutait… A l’ancienne. Mon éducation musicale s’est faite à base de rencontres et d’émissions musicales qu’il pouvait y avoir à l’époque. Comme j’ai grandi dans un milieu… pas fermé, mais où la religion avait une place très importante, ça s’est fait par opposition totale ; ça a été plus facile pour moi de me diriger vers le rock que, par exemple, vers le hip-hop.
Metal Eyes : En même temps, ce que vous dites tous les deux, c’est que vos parents ne vous ont pas influencés mais ce que vous pouviez entendre à la maison se retrouve aujourd’hui dans votre musique.
Sylvain : Tout à fait, oui. Cette variété, il est vrai, on la retrouve. On a eu la chance, et ce n’est plus le cas pour les jeunes aujourd’hui, d’avoir eu des émissions rock à la télé, su M6, aux débuts, avec des émissions de clips qu’on regarde jusqu’à 4 heures du mat’. Ça a contribué au fait de ne pas aller se coucher !
Dagulard :Pour résumer en une phrase, le rock on y est pas arrivés par hasard, on y est arrivés par amour. C’est une évidence.
Metal Eyes : Parlons un peu de votre nouvel album et commençons par le titre : Radio Bad Reciever. Ça signifie quoi ?
Sylvain : C’est une sorte de jeu de mots… Le rock de tous temps, ça a été taxé par les gens un peu frileux de « musique bruyante », « sauvage », « musique du diable ». Tu écoutes du rock ? Pour certaines catégories de personnes, de moins en moins, c’est vrai, mais c’est « t’es pas un bon garçon ». Tu n’écoutes pas des trucs de gens normaux…Ce titre c’est un peu un clin d’œil, il y a une mauvaise réception radio…
Dagulard : Mike a cherché à jouer sur les mots, c’est une sorte de métaphore avec la religion, la mauvaise réception des messages.
Sylvain : C’est un peu la mauvaise réception qui vient foutre la merde dans une radio où tu n’as que Kenji qui tourne…
Metal-Eyes : Maintenant, quel est le lien entre le titre et l’illustration de la pochette, le squelette de cerf ?
Sylvain : Le cerf ? Parce que ça va avec le nom du groupe, The Distance, tu vois ? (NdMP : euh, non, pas vraiment, pas encore en tout cas) Le cerf est un animal un peu fuyant, il faut se lever de bonne heure pour aller le trouver. Et quand tu l’as trouvé, il n’est pas dit qu’il reste… C’est aussi une sorte de métaphore. On a un album qui est plutôt sensible dans les mélodies, en tout cas, c’est ce que je trouve, C’est un album qui est autant en finesse qu’en agressivité. Et dans la finesse, il y a quelque chose d’assez… « fil du rasoir ». On a voulu cette intensité un peu sur le fil. On a essayé de concevoir un album où, du début à la fin, tu marches en équilibre. Donc, l’idée du cerf est un peu là : c’est un animal très beau, très gracieux, et en même temps il a ce côté sauvage, fuyant, inaccessible. Tu ne peu pas le maîtriser, ce n’est pas un chat ou un chien, tu peux pas avoir ça chez toi ! Tu ne peux que le contempler, l’admirer, mais jamais l’apprivoiser. (NdMP : j’ai peur de n’avoir pas tout saisi…)
Dagulard : D’autant plus qu’à la base, il n’y avait pas de rapport entre les deux puisque le titre avait été trouvé après la pochette, mais on l’a trouvé cool tout de suite. Parfois, tu peu avoir un coup de cœur pour une image, un symbole, sans en saisir tout de suite le sens second.
Metal-Eyes : Maintenant, si on fait un lien avec votre musique, on est toujours dans cette idée de variété, le titre et l’illustration sont diversifiés comme votre musique…
Dagulard : Exactement.
Sylvain : C’est vraiment un ensemble…
Dagulard : C’est vrai, j’ai eu ce genre de remarques… Le cerf a une grande importance dans la religion païenne. Le dieu Cernonos, le dieu cornu. Il y a des gens qui m’ont dit « ah, oui, c’est par rapport à ça ? » et d’autres qui croient que c’est en rapport avec la maison Barathéon, dans Game of thrones… Selon le point de vue que tu peux avoir, la signification sera différente. Pour nous, le cerf reste un animal majestueux, dur d’approche…
Sylvain : Qui nous correspond bien, d’ailleurs.
Metal-Eyes : Donc vous êtes durs d’approche… Votre chanteur, parlons de ses influences (Mike s’approche à ce moment pour prendre son verre et nous rejoins quelques instants). Justement, c’est toi qui pourras le mieux répondre : ton chant me fait beaucoup penser à un mélange de Joe Cocker et de grunge, Kurt Cobain. Ils font partie de tes influences ?
Mike : Euh… Joe Cocker, pas forcément, je ne connais pas vraiment…
Dagulard : Dans les années 60, si !
Mike : Oui… ensuite, j’ai tellement d’influences… J’ai énormément travaillé ma voix depuis que je chante, et mes influences peuvent être aussi bien du Jeff Buckley, Jim Morrison, Michael Jackson également, Cobain, Pearl Jam, John Lennon aussi… Tout ce qui chante m’influence d’une manière ou d’une autre…
Sylvain : Cette variété, c’est quelque chose à quoi on tient, beaucoup. On y croit, cette liberté d’expression, cette possibilité de ne pas s’enfermer dans quelque chose, de pouvoir proposer quelque chose d’intéressant à écouter, que ça plaise ou pas, d’ailleurs.
Metal-Eyes : Comment cette liberté d’expression, cette envie de variété, se traduit-elle sur scène ? Comme les Who ou Nirvana pouvaient le faire en cassant tout à la fin, ou vous êtes plus sages que ça ?
Dagulard (Rires) : On nous paye pas notre matos encore, on est obligés d’y faire attention ! On adorerait, mais ça revient vraiment trop cher ! Tu imagines le nombre de concerts qu’il y a à faire ? On finit sur un coup de folie ! Non, on va quand même garder le matos pour la suite de la tournée !
Sylvain : On pourrait prendre des guitares à 100€ sur le dernier morceau et après les péter, mais ça n’a plus aucune signification. On joue plutôt sur les larsens, sur les ambiances un peu bordéliques.
Metal-Eyes : Comment communiquez-vous autour du groupe ? J’ai eu beau chercher sur internet, e n’ai rien trouvé concernant le groupe…
Dagulard : Tu n’as pas bien fait ton travail…
Sylvain : C’est… normal… Ce qui se passe, c’est qu’on a sorti le premier album sur une toute petite structure. Les gars ont fait ce qu’ils pouvaient pour nous, et c’était le meilleur deal qu’on pouvait avoir à l’époque mais financièrement, en termes de communication, il y avait une limite. Ce premier album n’a pas bénéficié d’une promotion immense. Pas parce qu’ils n’ont pas fait le job, juste parce qu’ils sont comme tout le monde et qu’ils ont des contraintes, pas évidentes. Pour ce second album, avec cette expérience de production un peu avortée – et, encore une fois, personne n’est responsable, c’est le système en lui-même – on a cherché quelqu’un avec qui on allait pouvoir développer des liens professionnels, des gens vraiment intégrés dans le milieu. On a fait la connaissance d’Hervé Lausanne et au début, ce n’était pas gagné. Le gars sortait de chez Sony BMG, il avait fait Indochine, Noir désir, NTM… La première fois qu’on s’est rencontrés, il me dit « Salut, tu es Sylvain de The Distance ? Connais pas ! » (rires). Mais c’est quelqu’un avec de l’expérience, qui a un bon contact et surtout qui aime le rock et la démarche musicale et artistique. Ça a matché, on était d’accord sur les compos, la qualité et maintenant, on a le support de Wagram, d’Hervé, du label, et de toutes les relations professionnelles autour qui nous permettent de faire ce que nous n’avons pas fait sur e premier album. On ne peut pas être musiciens et nous occuper des affaires du groupe en même temps. On a essayé mais le constat est que nous devons développer notre audience. Pour la développer, il fallait s’entourer de professionnels. D’où notre choix d’intégrer un vrai label, un vrai DA, une vrai boite un vrai tourneur, un vrai attaché de presse. Donc, finalement, tu n’as rien trouvé mais c’est normal parce que, en terme de communication, on repart à zéro. Si tu reviens dans un an, tu trouveras plus facilement (rires)
Dagulard : On reste toujours un petit groupe auto-produit, mais on a aujourd’hui une puissance de feu différente. Si tu tapais avant « The Distance », tu avais plus de chance de tomber sur le morceau de cake, mais maintenant, on va être un peu plus référencés.
Metal-Eyes : Ce soir, vous allez-jouer à la Boule Noire ave Kursed et Roamno. Comment s’est montée cette affiche ?
Sylvain : Au départ, la tournée devait se faire avec Dead Sexy, le groupe de Stéphane Hervé avec qui on travaille sur les photos et autres. On connaissait le groupe de longue date et ça nous faisait plaisir de jouer ensemble. Romano Nervoso, on les a connus par l’intermédiaire de Dead Sexy. Le groupe était sympa, on a écouté ce qu’ils font et je trouve l’idée assez sympatique, car ils jouent du Rock tout en étant différent de The Distance. J’aime l’idée de pouvoir proposer une affiche différente. Ils sont Belges, on échange… Dead Sexy, malheureusement, il y a eu des problèmes qui les empêche d’être là ce soir, et on a pensé à Kursed que j’avais vus au Bus Palladium, par hasard, et j’avais accroché. C’est aussi l’état d’esprit de The Distance, faire découvrir des choses, et s’il y a moyen de les faire découvrir. Je trouve que ça fait partie des liens qui manquent. On devrait tous faire ça !
Dagulard : On reste musiciens dans le cœur te dans l’âme et si on a un coup de cœur pour un groupe, quel plus grand plaisir que de partager l’affiche ? Si nous avons plaisir à le faire, il ya peut-être des chances pour que le public s’y retrouve aussi.
Sylvain : Et une affiche avec plusieurs groupes, je trouve que c’est bien de ne pas avoir que des groupes parallèles… Il n’y rien de plus chiant que de voir 4 groupes qui sonnent pareil. Tu arrives au quatrième groupe, t’as envie de rentrer chez toi… Donc la démarche de prendre le temps d’écouter, d’intégrer leur musique et de se faire un avis dessus… Je trouve que c’est cohérent. Et pour les gens qui viennent, ils en auront pour leur argent, je trouve que c’est un choix qualitatif.
Metal-Eyes : Votre tournée est annoncée en avril/mai. Combien de dates sont prévues aujourd’hui ?
Sylvain : Pour le moment, huit, mais d’autres sont en cours. On a Paris, Lille, Nancy, Bordeaux, la Suisse, et on est en cours de programmation sur les festivals d’été, Garorock, 24 du Mans auto et d’autres dates qui sont en négociation. Jusqu’en juillet, on a une bonne vingtaine de concerts à venir.
Metal-Eyes : Merci à tous les deux, et j’espère vous revoir très bientôt !
Dagulard : Merci à toi, et surtout, longue vie à Metal Eyes puisque c’est votre première interview !