Interview RAGA RAJA. Rencontre avec Léo (batterie), Euryale (chant et dictature), Chris et Stanislas (guitares). Propos recueillis au Café Dunkerque à Paris le 10 octobre 2019
Metal-Eyes : Je découvre RagaRaja avec votre album. Question classique : pouvez-vous me raconter l’histoire du groupe ?
Euryale : Il était une fois, dans un pays lointain… Non, sérieusement, c’était la petite blague pour démarrer… Après un accident que j’ai eu sur le tournage d’un clip d’un précédent projet, j’ai décidé de monter mon propre groupe, en prenant la place de chanteur. Avant, j’étais simplement guitariste.
Metal-Eyes : « Simplement » ? (à Chris et Stanislas) Vous avez noté, les gars (rires) ? Mais il a aussi dit qu’il était dictateur…
Euryale : … Comme ça, ça me permettait d’être autonome, de ne pas dépendre des aléas de la vie d’un groupe, qui peut parfois être un frein. J’avais envie d’être le plus libre possible. 6 mois après cet accident, j’avais arrêté la musique, je me suis dit que j’allais reprendre, derrière le micro, ce dont j’avais envie depuis un bout de temps. Et je n’ai plus trop envie de quitter le poste, ça me va très bien !
Metal-Eyes : Vous avez commencé quand ?
Euryale : En 2014. On a sorti un premier titre pour prendre la température.
Metal-Eyes : C’est toi, Euryale, qui es à l’origine du groupe. Vous vous connaissiez avant ou pas ?
Stanislas : A la base, Maxime faisait partie d’un autre projet qui s’appelait Dacryma, que j’avais inclus en tant que guitariste. Certains membres ont voulu fonder leur propre groupe et à partir de ce moment-là, on s’est dit que conserver le nom ne servait à rien, et on a changé pour devenir Ragaraja. Fabien, notre bassiste, nous a rejoint, ensuite Chris est arrivé et maintenant, c’est Léo qui arrive.
Léo : Je suis assez récent, ça fait un an que je suis dans le groupe.
Metal-Eyes : Vous n’allez pas nous faire un coup à la Trust en changeant de batteur tous les 4 matins ?
Euryale : On l’a déjà fait, c’est notre quatrième batteur et je n’ai pas envie d’en changer aussi souvent.
Metal-Eyes : Quelles sont les grandes dates significatives dans a vie du groupe ?
Eryale : La sortie du premier titre, parce qu’on a vu un engouement qu’on n’avait pas vu avec le précédent projet, et on s’est dit, avec juste un titre et un clip qui faisait 3.000 vues en une semaine « waow, ça c’est top ! » Ensuite, le premier concert, en mai 2015. Voir cet engouement aussi dans la fosse, c’était top, et le retour de Stan, qui était au Québec. Pour sa première scène, on s’est retrouvés face à 300 personnes. Ça fout un peu les chocottes quand tu n’as pas l’habitude de la scène !
Stanislas : Et toutes les premières parties avec Hacktivist, Aqme, Bukovski, Smash Hit Combo, T.A.N.K…
Euryale : Cancer Bats, aussi. On a fait pas mal de premières parties intéressantes, mais quelques concerts « purs » aussi. Le premier concert avec Léo, aussi, notre batteur définitif, parce que je n’ai pas envie d’en changer. Clairement pas ! C’est un membre du groupe à part entière. On a commencé à jouer les titres de l’album, plus ceux du Ep, qu’on a trainé pendant 4 ans. Il fallait passer à autre chose.
Metal-Eyes : Quelle est la signification du nom du groupe ? Ça sonne très sanskrit…
Euryale : Oui ! Tu es le deuxième qui le remarque, bien ! Oui, c’est sanskrit. C’est le roi des passions dans sa forme irritée dans les croyances shintoïste et bouddhiste. Pour exprimer la colère froide qu’on avait envie d’exprimer, on s’est dit que cette divinité pouvait nous représenter.
Metal-Eyes : Comment définiriez-vous votre musique pour quelqu’un qui ne vous connait pas. En plus c’est vrai, j’ai à peine eu le temps d’écouter votre album…
Euryale : Oh, c’est… criminel…
Metal-Eyes : ah ! Ce chef d’œuvre en attente ! (rires général)
Euryale : On a tous le droit de se dire « ben aujourd’hui je n’aurais pas mon orgasme musical » (rires) ! Il y a plein de définitions possibles. De but en blanc, et c’est là-dessus que j’ai envie de communiquer, c’est de la colère au format MP3.
Metal-Eyes : Une petite colère, une colère compressée, donc ?
Euryale : De la colère contenue, oui. Le format MP3, c’est contenir les informations pour les communiquer le plus vite possible, les réduire pour les échanger rapidement.
Metal-Eyes : Quelles sont vos influences principales ?
Stanislas : Il y en a tellement… On va piocher un peu dans le metal progressif, dans le djent, le metalcore, le deathcore… On a condensé ça en « metal moderne », ce qui évite de nous coller une étiquette et nous permet d’aller un peu où on veut.
Euryale : Quand je compose, mon but, c’est d’avoir le gros riff de guitare pour celui qui a envie de bouger la tête, la petite mélodie pour celui qui a envie de s’accrocher à quelque chose, d’avoir un chemin qui le guide, mélodiquement avoir du plaisir. Ce n’est pas que de la colère, il y a de la réflexion derrière ça. C’est pareil avec les paroles. Je les gueule, mais si tu veux les lire, tu peux trouver quelque chose de plutôt raffiné. Je fais très attention aux mots que j’utilise. Il y en a que je n’utilise pas parce qu’ils n’ont pas une esthétique « haut de gamme » je dirais. C’est con, mais je n’ai jamais dit « un ordinateur ». Je dis plutôt « un écran » qui englobe plus choses. Si tu me demande, j’ai envie de dire qu’on fait du Rap, parce que « Rap », ça veut dire « Rythm And Poetry ». Et les gens ne le savent plus aujourd’hui… Au final, un choix musical, c’est juste un choix de sonorités. Moi, j’ai envie que les gens écoutent Ragaraja dans le métro le matin, et qu’ils aient une envie, une rage d’affronter la vie comme pas possible !
Metal-Eyes : Rien de tel pour bien démarrer une journée qu’un bon titre. Sheitan, votre Ep, est sorti en 2015. Comment analysez-vous, au-delà des changements de line-up, l’évolution de Ragaraja entre ces deux disques ?
Léo : Pour moi, clairement, c’est de l’efficacité en plus. J’ai beaucoup écouté, bien écouté et j’ai une oreille extérieure. Pour moi, c’est plus efficace, plus complet, stylistiquement, c’est-à-dire qu’on a tous des influences dans le metal, et le style est plus compacté.
Chris : Comparé au 1er Ep, c’est vrai que l’album est bien plus complet, plus riche. Ce qu’on peut voir sur le titre Egosphere, où on a tout un panel de rythmes, de breaks, et tout le monde peut s’y retrouver.
Stanislas : Et c’est aussi plus optimisé pour le live. Avec Sheitan, on s’est rendu compte que beaucoup de morceaux sont super à l’écoute mais après, quand on les joue sur scène… Ce qu’on a composé pour l’album sera plus efficace à jouer en live. Au niveau de l’énergie.
Euryale : En fait, ça accroche plus. Quand on a composé le premier album, on a écrit des trucs sans les tester devant des gens. Quand tu ne fais pas cet effort-là, de jouer en vrai, tu ne vois pas certaines choses. Sur CD, c’est super, mais en live, sans comprendre pourquoi, ça ne marche pas. Je ne sais pas pourquoi, mais dès qu’on joue certains trucs en live, il y a un truc qui se perd. On a un ou deux titres comme ça qu’on a retirés du set parce que ça ne prend pas. Nous qui étions dans une approche « on existe sur CD et sur clip et ensuite on fait des concerts » on s’est dit que ce n’est pas le chemin à suivre. On a décidé de refaire les choses dans l’ordre. L’ordre naturel c’est capter les gens, capter en live, capter l’énergie qu’on a et ensuite mettre tout ça sur un album. Avec Sheitan, on a pris le mauvais chemin, on a voulu tout ancrer dans le numérique. Maintenant, on veut entrer dans le réel.
Metal-Eyes : Parlons un peu de Egosphere. Au-delà de la colère contenue dont vous avez parlé tout à l’heure, qu’est-ce qui en fait un album exceptionnel ? En d’autres termes, convainquez-moi de courir l’acheter…
Euryale : Pour te convaincre de l’acheter, je dirais que tu peux fermer les yeux et l’écouter de bout en bout. Tout est fluide, tout s’enchaîne, il y a une vraie cohérence, c’est un album qui te fera traverser plusieurs atmosphères sans jamais te perdre. Il te donnera plusieurs sensations : de la colère, mais aussi parfois de la mélancolie. Je pense que c’est un album assez riche sur les mélodies, les variations rythmiques, ça ne tourne pas en rond autour des mêmes gammes. On a voulu faire 11 titres pour que les gens se disent « OK, je vais écouter le suivant sans le zapper ».
Metal-Eyes : Alors sur ces 11 titres, si vous deviez chacun n’en retenir qu’un seul pour expliquer ce qu’est Ragaraja à quelqu’un qui ne vous connait pas, ce serait lequel ?
Léo : Personnellement, ce n’est pas forcément celui que je préfère, mais je dirais Egosphere, parce que c’est celui qui a le plus large panel esthétique. Il est long, il dure 7’, il y a plein de breakdowns, de djent, des gammes, de la mélodie.
Stanislas : Moi, ce serait plutôt Fractale. Après, je suis plus orienté scène hardcore et Fractale est optimisé pour le live : c’est un titre rapide, assez hardcore et il résume bien la colère.
Chris : Moi, c’est un compromis entre les deux qui, comme l’a dit Léo, Egosphere a le plus de choses, autant musicalement que dans les paroles, et Fractale enfonce le truc.
Euryale : Moi, je vais aller à contre-courant. Bien sûr Egoshere est représentatif, c’est pour ça qu’on s’est dit que l’album devait avoir ce nom… Mais je vais retenir la première chanson, premier souffle. C’est un morceau que je n’ai pas écrit, c’est Fabien, le bassiste qui l’a écrit, sur lequel j’ai posé des paroles au sujet de l’enfant qu’il vient d’avoir, il y a deux mois environ. En fait, ce morceau symbolise deux choses très importantes qui caractérisent l’album : il est varié, il est rapide, rageur, et c’est le premier morceau que je n’écris pas, il représente le fait que je passe à une autre forme d’expression. Et il a une vraie portée dans le réel également puisqu’il parle de son enfant. Je me suis mis à la place de son enfant en me demandant « si je devais naitre dans cette famille, comment je me sentirais ? »
Metal-Eyes : Je ne dirais rien… Un bon truc pour aller têter aussi… (rire général)
Euryale : Oui, non, l’idée c’est aussi, la naissance d’un bébé, mais aussi la naissance de notre bébé à tous, on a tous mis les mains dedans, on a tous participé au projet et ça, c’est quelque chose qui change beaucoup par rapport à avant.
Metal-Eyes : Une dernière chose, un peu de réflexion : quelle pourrait être la devise de Ragaraja ?
Euryale : Ah, je l’aime bien celle-là ! Ah, j’aime bien ce genre de question !
Stanislas : Aïe, j’étais pas prêt ! (rires)
Euryale : Alors, si je devais trouver un slogan, je dirais : « Vis, vibre… sors »
Chris (il réfléchit longuement, comme les autres): Transpiration, live et énergie.
Léo : Moi, je dirais juste « Déchaîne toi »
Stanislas : Je sais pas…
Euryale : Tu vois que ça sert les fiches que j’ai envoyées… (à moi) Tu vois, lui, il est Balance, ça veut dire qu’il prend toujours du temps avant de donner une réponse. A mon avis, tu pourras revenir dans 2 heures ! (rires)
Metal-Eyes : On en a déjà 3, ce qui est plutôt bien. Merci en tout cas, et bonne chance avec la sortie de l’album.