TRANK: The maze

France, Heavy rock (M&O, 2024)

Mais comment se fait-il qu’une formation aussi talentueuse que Trank reste encore autant dans l’ombre? Après avoir découvert le groupe en 2021 avec The ropes, un premier album simplement époustouflant, les voilà qui reviennent avec The maze, tout aussi exceptionnel. Au travers de 11 titres, Trank explore divers horizons musicaux, tous aussi entraînants que variés. Car jamais le groupe ne se répète, démarrant avec le très électrique Adrenalin pour terminer avec l’envoûtant The morning after. Au passage, les musiciens s’offrent de petites escapades du côté du punk (Chameleon) dans lequel une vérité est énoncée (« I am what I am told » – « je suis ce qu’on me dit d’être » – qui semble dénoncer le manque de libre arbitre ou d’esprit critique de la société actuelle), explore des aspects qu’on pourrait étiqueter « heavy new wave » (Pray for rain) avec toujours ces fils conducteurs que sont la diversité musicale des sources d’inspirations (dont Pink Floyd dont le groupe reprend Hey you), l’originalité et l’excellence – tant dans l’interprétation que dans la production, irréprochable, grasse, gourmande et généreuse à la fois. Trank a cette capacité à composer des morceaux taillés pour les foules, ce rock fait pour retourner des stades tout entiers. Jamais vulgaire, toujours efficace – d’autant plus que Michel chante dans un anglais parfaitement maitrisé et compréhensible – classieux même, The maze a tout pour mener Trank vers les sommets internationaux . Si seulement on (les majors internationales) daigne lui accorder un peu plus qu’une oreille distraite… On tient peut-être ici un futur géant du stadium rock. Celui qui, comme ils l’écrivent dans leur bio, « fait sauter les foules ET réfléchir ».

KRACK: Bakounine

France, Italie, Zombie metal (M&O, 2024)

La pochette parle d’elle même: le monde est livré à la sauvagerie d’êtres abominables et sans merci… Avec Bakounine, les Franco-italiens de Krack nous plongent dans un univers macabre et violent. Les 11 titres de ce disque sont construits comme la bande son d’une série de zombies. Après une intro enragée, l’appel à la révolte est entendu… Si la voix gutturale et grognée donne le ton, le tempo, lui, varie au gré des morceaux. Parfois hardcore direct et dans ta face, à d’autres moments plus électro et martial, ici plus foncièrement metal, toujours ultra énergique, le groupe raconte une histoire qui ferait sans doute une bonne BD ou une série. L’espoir souvent matinal cède cependant rapidement le pas à la réalité de ce monde en état de survie. Les morts-vivants marchent et saccagent dans pitié. La voix mise à part – une voix qui, reconnaissons le, colle parfaitement au propos – l’ensemble est plein de bonnes idées et de petites originalités qui transforment cette expérience qui pourrait être douloureuse en moment assez « fun ».

THE SILENT ERA: Wide and deep and cold

Angleterre, Metal (M&o, 2024)

Après une introduction évoquant l’aventure d’Ulysse et des sirènes, une mer à la fois inquiétante et attirante, The Silent Era nous invite à plonger dans son univers qui s’étend tout au long de Wide and deep and cold de l’océan à l’espace. Le groupe anglais nous propose un album certes sombre et froid, mais aussi un disque aux ambiances variées, parfois proche du gothique, à d’autres moments plus foncièrement pop. Avec des envolées vocales qui évoquent Kate Bush ou le ton narquois de Robbie Zana (Shadow Queen), des rythmiques qui parfois me rappellent Dio, le groupe explore divers horizons par des sonorités qui alternent entre spatial (la fin allumée et hypnotique de On the run), invocation indienne de mère nature, des rythmes à la à la fois bruts et martiaux, des influences doom et new wave… Le groupe interpelle et se faufile même du côté du cinéma avec cet interlude horrifique très bien nommé Peur. Mais… Si les idées sont là, la prod est quelque peu absente… Le son, trop étouffé à mon goût, ne rend pas justice à l’originalité recherchée par The Silent Era qui a pourtant de nombreux atouts à mettre en avant.

MUHURTA: Tamas

France, Prog indien (M&O, 2024)

Etrange album que ce Tamas, œuvre signée des Parisiens de Muhurta. L’originalité du projet réside dans l’utilisation d’un instrument peu commun dans l’univers du metal. Le groupe parie en effet sur l’omniprésence du sitar indien pour apporter une tonalité nouvelle au genre. Alors, soyons clairs: je n’ai jamais été amateur de cet instrument ni de musique indienne… Les ambiances nous font cependant voyager. Partout, de la pochette à l’utilisation de cet instrument typique en passant par les ambiances musicales dépaysantes, le groupe cherche à entrainer l’auditeur en d’autres terres. Et là, clairement, sur Les chemins de Katmandou*, on s’arrête, on est accueilli et on s’installe ensemble dans des pièces où ce ne sont pas que des bâtons d’encens qu’on allume… Les ambiances folks proposées par Muhurta, qui évoquent parfois Pink Floyd, à d’autres moments Gojira, sont cependant cassées par des riffs de guitare puissants, un chant torturé et des rythmiques explosives. Quelques blast, quelques hurlements – on peut regretter le manque de finesse du chant – évoque le death ou le thrash le plus rugueux. Mais voilà, tout comme le roman (*) de Barjavel mentionné plus haut (celui qui m’a le moins plu de son œuvre que j’ai pourtant dévorée), je ne parviens pas à plonger dans cet univers sonore qui ne me parle pas. D’autres y trouveront toutefois de quoi se réjouir car, oui, avec Tamas, Muhurta fait incontestablement preuve d’originalité et se démarque du reste de la scène nationale.

TARAH WHO?: The last chase

France/USA, Heavy rock (M&O, 2024)

Après nous avoir présenté son nouveau groupe et, ensemble, parlé de son nouvel album lors du dernier Hellfest (cf. interview avec ce lien), penchons nous sur ce nouvel album de Tarah Who?, The last chase. Au travers de 10 titres (plus une intro nommée… Intro), la jeune femme livre sans détours ses aspirations Rock au sens le plus large. Tarah Carpenter nous avait montré une large palette musicale avec The collaboration project, et réitère aujourd’hui son propos tout en évoluant. Avec un nouveau logo à la Kiss, le message peut sembler évident: on va écouter du rock, heavy et entrainant. Certes, mais Tarah Who? va au-delà et, sans jamais tourner le dos à ses sources d’inspirations, sait varier ses plaisir en piochant tant du côté du rock groovy que du grunge plus énervé. Avec toutefois une ligne directrice: celle de mélodies entrainantes, presque dansantes, sans jamais tomber dans une sorte d’outrance gratuite et sans relief. Si, comme le dit la majeure partie des musiciens, Safe zone est une parfaite introduction à l’univers musical du groupe, les autres titres montrent l’ensemble des facettes d’un groupe au potentiel certain. Une formation qui mérite aujourd’hui plus que de simples premières parties. A ce titre, The last chase est un nom bien mal choisi tant on a envie de croire au départ d’une course de fond…

LOCO MUERTE: Parano booster

France, Hardcore (M&O, 2024)

Los Locos, Los Chicanos du 91, ou un truc comme ça…, reviennent avec Parano booster qui… booste et ravage tout sur son passage. Démarrant sous de faux airs de douce chanson latino, B91 dévie rapidement vers du hardcore sans concession. Si l’énergie est de mise chez Loco Muerte – un peu d’irrévérence et beaucoup de 36ème degré aussi, tant mieux – les Franciliens savent parfaitement varier les plaisirs. Ainsi, si le hardcore enragé et direct est de mise, le morceau titre s’approche du thrash old school tandis que Demonios se fait plus foncièrement heavy. Trois mamelles que le groupe exploite avec bonheur et envie sur cet album qui transpire de sincérité, d’envie et de fun latino (tout est chanté en espagnol). L’album tout entier speed et charcute (Pura violencia est explicite) et si les Loco changent de tempo, ils semblent ne jamais vouloir mettre le pied sur le frein. On transpire et on gueule de plaisir tout au long de cet album d’une remarquable et brutale festivité. Ils sont de retour et c’est pour mieux nous démonter les cervicales!

VYSION: Master of laws

Belgique, Power metal (Ep, M&O, 2024)

Fondé en Belgique en 2019, son line-up modifié et complété en 2022, Vysion s’attelle à l’enregistrement de son premier Ep, Master of laws, un Ep 5 titres aux textes basés sur la culture sumérienne. Le groupe propose une musique très inspirée par le power metal épique de Powerwolf (les « ooh, ha!…ooh, ha! » typiques des Allemands sont là pour le prouver) et par le metal symphonique nappé de claviers « religieux ». Puissant et épique, le chant partagé entre douceur déterminée féminine et rugosité malsaine masculine donne une dimension particulière sinon originale à l’ensemble. Clairement, sans rien réinventer, on sent que Vysion a envie de proposer un concept fort et entrainant. Pour se démarquer, cependant, il sera nécessaire que les Belges s’éloignent de ce son trop évocateur du loup mentionné plus haut pour trouver leur identité sonore et musicale. L’envie est pourtant là, bien présente et il reste à transformer l’essai.

MURDER AT THE PONY CLUB: A human story

France, Rock alternatif (Ep, M&O, 2024)

Formé à Montpellier au milieu des années 2010, Murder At The Pony Club (l’oubli du « e » de poney est ici volontaire) publie un premier album, A true story. Inspiré par des formations telles que Queens Of The Stone Age, Foo Fighters ou encore Royal Blood, le groupe se taille une assez solide réputation scénique avec des concerts plus que dynamiques. Avec A human Story, MATPC évolue quelque peu au travers de ces 6 nouveaux titres, qui semblent offrir une continuité à l’histoire entamée plus tôt. Si on retrouve les principales influences, le groupe lorgne également cette fois du côté du punk US à la The Offspring ou Sum 41. MATPC cherche à proposer un rock festif et parvient à créer des ambiances de continuité de vacances. Seulement, voilà… Aussi bien faits soient ces 6 titres, on reste dans du déjà entendu. Si je tape volontiers du pied, rien ne me scotche vraiment ni ne me surprend. Bien fait, dynamique, jovial, entrainant… Tous les ingrédients sont là mais il manque ce quelque chose qui permet à un groupe de se démarquer de la concurrence…

SATURE: Secrets

France, Rock (Ep, M&O music, 2024)

Au travers des 4 titres de Secrets, les Français de Sature nous proposent une jolie palette de leurs influences et de leur savoir faire musical au travers d’un rock alternatif direct et sans fioriture. Quatre titres, c’est rapide. Il n’empêche, Secrets est varié et va à l’essentiel: le morceau titre nous plonge dans un rock/punk festif et entrainant. Il est suivi de Shattered dreams, plus pop rock, morceaux doté d’un riff épuré qui monte en puissance. Home alterne les plaisirs, alternant rock doux, enragé et allant aux limite du neo metal. Enfin, Dear diary vient clore cet Ep. Avec ses deux facettes opposées, le morceau se distingue et sort du lot. Démarrant comme une chanson rap US – qui m’évoque le film Ecrire pour exister (superbe film réalisé en 2007 par Richard LaGravanese avec, notamment, Hillary Swank et docteur Mamour – Patrick Dempsey) ainsi qu’une chanson que je n’arrive plus à nommer… Si ça merevient, je vous le signale – le morceau devient sur sa seconde moitié carrément rock et enragé. Un morceau envoutant, clairement mon préféré de cette carte de visite plus que prometteuse. A suivre de près !

BROK N FACE: Leave to live

France, Rap Metal/Metalcore (Ep, M&O, 2024)

Cinq petits titres qui bastonnent, c’est ce que nous propose BrokNFace, nouveau venu sur la scène dite Rap Metal/Metalcore mais qui n’est pas que ça. Les amateurs de Hip Hop énervé et de mangas seront aux anges à la découverte de ce Leave to live – belle philosophie que de « partir pour vivre », doux pendant de « Rester, c’est mourir un peu ». Les fans de Rise Of The North Star et consorts seront ravis de pouvoir enfin trouver un peu de concurrence car BrokNFace inclus plus que les simples références précités dans sa musique. Le chant allumé évoque parfois un Mike Patton déjanté (comment ça, c’est un euphémisme?) sur fond de guitares syncopées et de rythmiques décalées. Ou l’inverse. Ca donne l’impression d’aller dans tous les sens mais l’ensemble reste sous contrôle. Leave to live a besoin de temps pour être digéré, le groupe proposant une musique complexe qui doit se révéler brutalement sur scène. A découvrir.