HRAFNGRIMR: Niflheims auga

France, Pagan/Neo Nordic (Autoproduction, 2024)

La musique pagan ou le folk inspiré des cultures scandinaves a encore de beaux jours devant lui. Nouveau venu sur la scène hexagonale, Hrafngrimr (prononcez: Raven Grimer, c’est, somme toute, assez simple non?) est un projet monté par Mattjö, ex-membre de Skald féru de culture nordique. Après avoir envisagé Hrafngrimr comme un collectif où les musiciens pouvaient entrer et sortir en fonction de leurs disponibilités, il a finalement décidé de structurer un vrai groupe auquel, à la suite d’une jam, il a inclus sa conjointe, la chanteuse Christine Roche, tous deux formant ainsi un duo vocal aux tonalités radicalement différentes. Avec Niflheims auga, Hrafngrimr propose un album de ce qu’il nomme du neo nordic. Au travers de 9 titres, le groupe explore la culture musicale viking tout en abordant des thèmes d’actualité. La lenteur rythmée de chaque chanson est mise en lumière par la lourdeur et la gravité des instruments typiques du genre – c’est à dire souvent créés pour un usage spécifique – et le mélange, la complémentarité des voix, celle profonde et grave de Mattjö et l’autre plus chaleureuse, voire rassurante de Christine – se révèle efficace de bout en bout. Avec ce premier album, Hrafngrimr nous invite à un voyage initiatique dans un univers encore méconnu. Laissez-vous tenter…

DYSCORDIA: The road to Oblivion

Heavy metal, Belgique (Autoproduction, 2024)

Loin d’en être à leur coup d’essai, les Belges de Dyscordia reviennent, quatre ans après leur troisième album, avec The road to Oblivion, un album composé de 8 titres forgés dans un metal moderne. Mêlant avec bonheur des sonorités rugueuses à des tonalités plus soft, le groupe explore aussi bien le heavy metal dit traditionnel qu’il s’aventure aux limites du metal progressif. Tout au long des The Passenger, Oblivion (et son chant aux limites du black), de l’instrumental Interlude ou de The demon’s bite, Dyscordia, sans renier son identité musicale, égrène discrètement ses influences – qui vont d’Iron Maiden (via quelques cavalcades rythmiques) à Soen (quelques lignes de chant me rappellent Joel Ekelöf), en passant par Metallica ou Dream Theater, c’est dire la variété musicale du combo – au travers de guitares rapides et furieuses – au nombre de trois: Stefan Segers (qui growle aussi), Guy Commeene et Martjin Debonnet – et de fondations rythmiques puissantes forgées par le bassiste Wouter Nottebaert et le dernier arrivé, le batteur Chevy Mahieu. bien que puissant et déterminé, le chant de Piet Overstijns aurait mérité d’être mieux mis en avant par la production, par ailleurs moderne et efficace. Malgré cette faiblesse, The road to Oblivion a tout pour faire s’agiter les crinières et taper du pied. On comprend bien que Dyscordia, au fil des ans, ait su séduire le public de festivals aussi prestigieux que le PPM fest ou le Grasspop Metal Meeting. Il faut maintenant franchir les frontières du Bénélux, les gars!

HEAVY WEEK END: le report – Vendredi 21 juin

Le Heavy Week End… Une affiche de rêve que nous propose Gérard Drouot Productions une semaine avant le grand pèlerinage annuel des métalleux de l’autre coté de la France. Un festival qui se veut plus soft, et bien moins éreintant puisqu’on nous promet que le Zénith de Nancy n’aura qu’une seule scène, permettant ainsi au public de pouvoir profiter pleinement de chacun des 11 concerts de ce week end.

Contrairement à nombre de Zéniths de France, celui de Nancy présente la particularité d’être modulable. Ainsi, en retournant la scène, une ouverture à son arrière permet d’accueillir, en configuration mixte (gradins et fosse) environ 15.000 personnes dans un véritable écrin de verdure. Le Heavy Week End se veut ainsi un festival à taille humaine. Las, a peine trois semaines avant le coup d’envoi, de nombreuses places restent libres. La conjonction prix du billet – un peu cher, 111€ le jour en fosse – et le Hellfest la semaine suivante a sans doute freiné les potentiels festivaliers. Résultat, GDP annonce, le 10 juin, un nouveau tarif exceptionnel en fosse de… seulement 21€ par jour, ce ci « pour fêter l’été ». Une réduction de 80% qui vise, naturellement, à la remplir, cette fosse, mais un nouveau tarif qui pourrait aussi, on peut aisément l’imaginer, faire bondir ceux qui ont acheté leur(s) place(s) au prix fort. Sera-ce suffisant pour attirer plus de monde et éviter que les géants du métal ne jouent face à un parterre vide? La promotion disparait cependant rapidement, une opération éclair qui n’a sans doute pas assez duré.

Après une longue route sous une pluie battante – la météo annonce cependant des accalmies- c’est le soleil qui accueille notre arrivée à Nancy. Le temps de poser mes affaires, et me voici parti en direction du Zénith. La route est limitée à une voie, ce qui rend la circulation dense mais également fluide. L’accès aux parkings est aisé.

The Last Internationale @HEAVY WEEK END

J’ai le plaisir de retrouver bon nombre de copains d’un peu partout, dont certains que je n’ai pas vus depuis des lustres. L’ambiance générale est détendue tant au niveau du public que chez les autres intervenants – ou presque. Mais c’est sous un ciel grisonnant, devant un parterre dégarni et des gradins encore peu remplis que les New Yorkais de The Last Internationale investissent la scène. Nous avions pu découvrir le groupe lors de son passage au Hellfest en 2022 et la prestation avait emballé le public. Las, ce groupe fondé par la chanteuse Delila Paz et le guitariste Edgey Pires il y a maintenant plus de 15 ans va avoir le plu sgrand mal à dynamiser un public épars et peu réactif malgré les remarques qu’égrène Delila (faisant référence à Tom Morello qui dit que « ça n’a pas besoin d’être bruyant pour être heavy » ajoutant « mais ce serait bien que vous fassiez plus de bruit quand même » ou encore « c’est le festival le plus calme que je connaisse »…) Même quand Delila évoque Nina Simone, la gigantesque chanteuse de jazz américaine, elle ne reçoit que quelques retours polis… Et pourtant, la brune chanteuse possède une voix suave et puissante…

The Last Internationale @HEAVY WEEK END

Pas encourageant comme attitude, mais il en faut plus pour décourager le groupe qui affiche son humeur du moment – un drapeau palestinien sur le côté de la scène et la peau de grosse caisse flanquée d’un Cease fire en lettres capitales. Pour terminer le concert, Delila se saisit de la basse tandis que son bassiste s’installe aux claviers pour une fin simplement rock et énergique. Une mise en bouche sympathique maisun public pas encore très chaud.

The Last Internationale @HEAVY WEEK END
Extreme @HEAVY WEEK END

On passe à la vitese supérieure avec Extreme, que je n’ai pas vu depuis des lustres. Comme une première fois en somme. Et le message est clair à peine Gary Cherone monte-t-il sur scène: on va avoir droit à du show tant le chanteur se tord tel un Gary latex! Clairement, on change de registre et le festival monte en puissance devant un public plus dense sinon imposant.

Extreme @HEAVY WEEK END

Le fond de scène est explicite: l’illustration de la pochette du mythique Pornograffitti indique que le groupe souhaite mettre en avant son album le plus connu. Et ça démarre avec la triplette It(‘s a) monster et Decadence dance suivi de Kid ego issu du premier album des Américains.

Extreme @HEAVY WEEK END

Nuno Bettencourt est aussi bavard que démonstratif – sans frime aucune – alignant ses riffs et soli avec une diabolique précision, Pat Badger (basse) s’appliquant sous son Stettson tandis que, plus discret, Kevin Figueiredo martèle ses futs tenant la structure.

Extreme @HEAVY WEEK END

Le public n’a d’yeux pourtant que pour la paire Cherone/Bettencourt qui se donnent comme de beaux diables, ne laissant aucun instant de répit au public (sauf un moment moins intense sur , avec qui les deux communiquent beaucoup. Après Hole hearted, Nuno annonce que voici son « moment préféré du concert: je vais pouvoir m’asseoir! Et quand tu arrives à 58 ans, s’asseoir c’est aussi bon qu’un orgasme! » Il attaque alors un impressionnant solo à l’issue duquel il est rejoint par Gary Cherone qui annonce avec gravité: « je sais que c’est sensé être un concert heavy, mais le monde a aussi besoin d’amour » pour entamer More than words que le public connait par cœur. Les téléphone se lèvent pour immortaliser l’instant et, devant moi, j’aperçois Matthieu Drouot qui filme aussi, se tournant pour capter tout le public mais… Je crois apercevoir un regard interpellé. Rapidement, l’organisation décide de faire tomber le barriérage invitant le public assis à investir la fosse, ce qu’il ne se fait pas répéter.

Extreme @HEAVY WEEK END

Cherone rappelle au public qu’ils sont en mode « festival », avec un show écourté, souhaitant cependant pouvoir revenir rapidement avec un show complet. Extreme termine son show avec l’incontournable Get the funk out et un extrait du tout récent Rise. Voila la machine Heavy week end lancée, et la suite promet d’aêtre tout aussi belle.

Extreme @HEAVY WEEK END
Scorpions @HEAVY WEEK END

Ceux qui ont pu voir Scorpions ces dernières années savent que le groupe est en forme. Les Allemands sont de retour pour célébrer les quarantième anniversaire de Love at first sting, alors on sait déjà qu’on va avoir droit à une setlist de rêves.

Scorpions @HEAVY WEEK END

Un nuage de fumée envahi l’espace scénique, pendant que les premières mesures de Coming home ne se fassent entendre alors que la scène est encore vide. Dans la fumée, côté cour, apparait un Klaus Meine hésitant, qui a du mal a marcher. Il rejoint le centre de la scène avant que ne déboulent avec énergie ses compères.

Scorpions @HEAVY WEEK END

Après Gas in the tank, seul extrait du dernier album, Rock beleiver, Scorpions nous assène une collections de hits et de raretés (dont Crossfire, interprété pour la première fois sur toutes les dates de cette tournée ou The same thrill jamais interprété depuis 1984!).

Scorpions @HEAVY WEEK END

Les lumières sont au top, les illustrations qui animent l’écran de fond de scène superbes, et les instrumentistes sont vraiment en forme, Rudolf Schenker et Matthias Jabs investissant généreusement l’avant scène.

Scorpions @HEAVY WEEK END

Seul Klaus, s’il est en voix, confirme avoir pris un coup de vieux. S’agrippant au pied de micro, il se déplace lentement et, lorsqu’il s’adresse au public la voix chevrotante, il semble avoir besoin du soutien de son pied de micro, ne balançant plus – heureusement! – des baguettes par forêts entières.

Scorpions @HEAVY WEEK END

La foule compacte – on remarque ce soir que même les gradins sont désormais bien fournis, bien qu’on circule aisément – est toutefois à fond derrière ses héros légendaires acclamant aussi bien les classiques que sont Make it real, The zoo, Bad boys running wild que les attendues ballades Delicate dance, Send me an angel ou la nouvelle version de l’incontournable Wind of change dont le premier couplet a été modifié, ne parlant plus de la Moscova pour dénoncer l’agression russe envers l’Ukraine.

Scorpions @HEAVY WEEK END

Après The same thrill, Mikkey Dee nous assène un monstrueux solo de batterie d’une bonne dizaine de minutes qui, bien que totalement intégré à Scorpions, évoque, par le biais du juke box projeté, son glorieux passé avec Motörhead avant que Rudolf ne redéboule armé de sa guitare à fumée pour un Blackout (seul extrait de l’album éponyme) suivi de Big city nights, doublette annonciatrice de l’approche de la fin du concert.

Scorpions @HEAVY WEEK END

Etonnamment, le pubic commence à quitter les lieux lorsque le groupe quitte la scène avant de revenir pour un – court – rappel. Ben oui, il manque un titre quand même… Scorpions revient pour le très attendu et incontournable Still loving you qui voit, comme toujours, les couples s’enlacer, avant une superbe interprétation de l’explosif Rock you like a hurricane venant conclure un superbe concert. Nos héros vieillissants ont encore des choses à dire, alors profitons en.

Scorpions @HEAVY WEEK END

Au final, malgré une faible fréquentation globale – le public a miraculeusement grossi pour le concert de Scorpions – cette première journée a rempli toutes ses promesses. Celles d’un festival convivial, à taille humaine et permettant surtout, c’est bien le principal, de pouvoir assister à l’ensemble des concerts dans leur intégralité. Vivement demain!

Merci à Anne-Lyse Rieu et Nicolas Le Bouedec (Gérard Drout Productions) et Olivier Garnier d’avoir rendu ce live report possible.

Interview RED MOURNING

Interview RED MOURNING. Entretien le 31 mai 2024 avec JC (chant) et Seb (basse)

Red Mourning revient deux ans après Flowers and feathers avec ce nouvel album, Acoustic. Avant que nous n’en parlions, que s’est-il passé ces deux dernières années, comment avez-vous défendu votre précédent album sur scène ?

JC : Ce cinquième album électrique, metal a été un gros jalon dans la vie du groupe. Il y a eu les concerts, le Hellfest, des clips… C’était vraiment une super réussite pour le groupe. Derrière ça, on a développé notre facette acoustique. Sur Flowers and feathers, il y avait des morceaux entièrement acoustiques et on s’est décidé à se lancer dans ce filon qui nous plaisait. On a sorti un Ep de 5 titres acoustiques, et on a décidé d’aller au bout de l’exercice. On adore cette possibilité de nous exprimer comme ça, donc on est allés au bout de cette envie.

Flowers and feathers a reçu un accueil important, tu viens de le rappeler. Pourquoi avoir voulu sortir cet album acoustique maintenant ? Vous aviez besoin de vous ressourcer, de retourner vers vos racines blues et les faire sortir du bayou ?

Seb : Non, il n’y avait pas de volonté absolue de sortir un album acoustique, mais, comme le disais JC, on a sorti un Ep, juste avant Flowers and feathers, il n’est sorti qu’en streaming. On était plutôt contents du résultat et on trouvait qu’il n’était peut-être pas suffisamment mis en valeur. On a décidé d’enregistrer 5 titres supplémentaires qu’on allait rajouter à cet Ep pour avoir un album complet. Ce qui s’apparentait jusque-là à une sorte de parenthèses dans la carrière du groupe est devenu un album à part entière, aussi importante que les autres albums. C’est une phase de Red Mourning qu’on a poussée un peu plus loin comme on avait pu le faire sur d’autres aspects sur les albums précédents, en termes de prod, par exemple. La démarche est toujours la même, il y a une volonté de nous dépasser artistiquement et de donner un sens un peu inattendu à la démarche finale.

De surprendre le public. Il s’agit en fait de deux Ep que vous avez réunis…

Seb : Disons qu’on a élargi l’Ep précédent. On n’a pas sorti un deuxième Ep, on a complété le précédent. Mais, comme je te le disais, à part le streaming et quelques plateformes, il n’avait aucune visibilité. Là, on l’a sorti en physique, un vrai CD qui le met à égalité avec les autres albums du groupe.

Comment avez-vous sélectionné les titres que vous avez repris ?

Seb : C’est le fruit de différents tests, d’essais, de pertinence par rapport au résultat en acoustique. Par exemple, Come to bury : il y a eu plusieurs versions proposées par différents membres du groupe avec des réussites plus ou moins heureuses. En fonction de ce qui était proposé et des résultats, on sélectionnait ce qui nous plaisait. Le fil conducteur, c’était de faire des morceaux suffisamment originaux et indépendant de leurs sources électriques pour en faire de vraies entités qui soient écoutées telle quelle, sans forcément faire référence à la version électrique. Si tu ne connais pas le groupe, tu peux très bien supporter de les écouter et même les apprécier.

J’aime bien le terme de « supporter » … JC, tu as quelque chose à rajouter ?

JC : Il y a le fait de surprendre le public, mais c’est aussi plus la volonté de notre part d’explorer d’autres choses, de nous challenger, de garder des bols d’air frais en faisant de nouvelles choses, des choses originales, nous réinventer plus que de dire qu’on va surprendre le public ou lui plaire. On est très content de trouver des gens qui aiment ce qu’on fait, mais on le fait avant tout pour nous. Si quelque chose ne marche pas pour nous, on le met de côté.

Tu as retravaillé ta voix aussi, JC, elle est beaucoup moins agressive, beaucoup plus blues. As-tu dû fournir un travail vocal particulier ?

JC : C’est sûr que c’est une manière de chanter totalement différente. On a travaillé en studio avec Francis Caste qui nous aide beaucoup, sur chacun de nos albums, et qui m’a beaucoup guidé et poussé à découvrir une façon de chanter que je n’avais jamais utilisée. Il me disait de moins forcer, de mettre moins de grain, de chanter moins fort… et c’est vers ça qu’on s’est orientés. Je lui suis reconnaissant parce que c’est vraiment ce que je trouve beau, et c’est une vraie nouveauté dans ma manière de chanter.

Il y a beaucoup d’émotion dans ce que tu dis !

JC : Oui, mais une émotion contenue, par petites touches, avec moins de lâcher prise. Ou un lâcher prise différent, parce que quand on hurle dans le micro, on a certaines habitudes, on peut tout lâcher, tandis que là, c’est totalement différent.

Il y a une fidélité au producteur, Francis Caste, mais également au label, Bad Reputation…

JC : Oui, on est toujours avec le même label. Eric (Coubard, responsable du label) nous est fidèles, on lui est fidèle aussi. C’est comme ça qu’on envisage la musique : la vie du groupe, c’est des collaborations avec des gens de confiance, on a aussi croisé tout un tas de gens pas forcément recommandables qu’on a abandonnés au fil des années. On bosse avec des gens qu’on aime bien et qui bossent bien…

En gros, On ne change pas une équipe qui gagne.

Ensemble : C’est ça.

JC : Et de gens humains, des gens sympas, aussi.

Un groupe de rock, c’est aussi la scène. Comment envisagez-vous de défendre ces nouvelles versions tout en en proposant des versions plus rugueuses ?

Seb : En fait, ça fait déjà deux ans qu’on travaille le versant acoustique du groupe sur scène. On a fait pas mal de concerts, dont une grosse dizaine de concerts acoustiques. On a bossé notre son, on a accordé nos instruments un peu différemment, et on arrive à quelque chose d’assez concluant. On a fait une date pour la release party au Hellfest corner qui était plutôt concluante. Jusque-là, on était dans un processus amélioratif et là on est assez satisfaits de notre prestation. On va enchainer pas mal de dates qui nous permettront de pousser encore plus loin : plus d’émotion, la voix de JC, le feeling dans les cordes et les perçus…

Est-ce que, sur scène, vous vous dites parfois que tel morceau ne fonctionne pas aussi bien que ce que vous aviez prévu et vous le retirez de votre setlist ?

Seb : Oui, bien sûr. On s’y est accoutumés au fil des années, c’est un échange avec le public et avec nous-mêmes. On se rend bien compte s’il y a des choses qui marchent ou pas. On retente, parfois on réadapte et là, pour l’acoustique, c’est pareil : il y a des morceaux qu’on a déjà écartés et d’autres qu’on met plu sen avant. On va continuer de le faire à l’avenir. La dynamique humaine d’un concert acoustique n’est pas du tout la même que celle d’un concert metal. Le rythme est différent, on peut faire des pauses et papoter… C’est comme le reste, on est tout le temps en train d’expérimenter, de découvrir de nouvelles choses, d’apprendre…

Même si cet album acoustique ne représente qu’une parenthèse dans la vie du groupe, si vous deviez, chacun, ne retenir qu’un seul titre d’Acoustic pour expliquer ce qu’est Red Mourning aujourd’hui, ce serait lequel ?

JC : J’ai mon idée… Il y a un titre que j’adore, c’est White line. J’adorais la version électrique, mais je trouve cette version acoustique très réussie. Je trouve que c’est très relativement original d’un point de vue instrumental, il y a les guitares, l’harmonica et beaucoup d’émotion.

Seb : Moi, je dirai Come to bury parce que c’est un titre qui figurait sur le premier album et c’est un morceau, en électrique, relativement sauvage, qui ne baisse pas d’intensité du début à la fin. Ce qu’on en a fait en acoustique est tout aussi intense mais avec un versant totalement différent, avec un ajout de clarinette, et c’est assez inattendu. C’est un morceau qui fonctionne très bien sur album et en live. Il y a un mariage d’harmonies vocales qui lui rend vraiment justice. Je ne sais pas laquelle des deux versions est la plus intense…

Un groupe de rock, on le sait, ne vit que très rarement de sa musique. Quelles sont vos activités dans vos autres vies ?

JC : Je vais commencer par la blague : dans le groupe, il y a un acousticien. C’est Aurélien, notre batteur.

Seb : Il y a un coach sportif, Alexandre, notre guitariste, un électricien, JC, et moi, infirmier en psychiatrie.

Des métiers assez variés…

JC : Oui, mais c’est ce qui nous permet d’assurer un minimum de finance dans ce projet assez couteux en temps, en énergie et financièrement. C’est pas avec ce que Red Mourning nous rapporte qu’on pourrait ne pas bosser…

Question classique, JC, tu y as déjà eu droit : quelle pourrait être la devise de Red Mourning ?

JC : Euh… pour vivre heureux vivons cachés ? Non, c’est ma devise personnelle. Pour le groupe, il y a une recette pour la longévité du groupe, c’est qu’on se dit franchement les choses. En devise, on pourrait dire Pour vivre heureux, disons les choses.

C’est à peu près ce que tu me disais il y a deux ans : Soyons fidèles à nous-mêmes… C’est dans le même ordre d’idées.

JC : Oui, c’est vrai, et c’est ce qui fait qu’on fait quelque chose d’un peu différent.

Seb : Pour moi, « le roseau plie mais ne casse pas » !

Souhaitez-vous ajouter quelque chose à ajouter pour terminer ?

JC : Soutenez l’Ukraine !

Je ne sais pas si on a la solution, maintenant, si tu vas sur le site, tu verras que le logo est aux couleurs de l’Ukraine.

JC : Ah super ! Merci pour eux. Je ne suis pas Ukrainien, mais il faut les soutenir.

Interview: ORKHYS

Orkhys 2024 – Photo promo

Interview ORKHYS. Entretien avec Jean-Yves Châteaux (batterie) le 6 juin 2024.

Jean-Yves, la dernière fois que nous nous sommes vus, c’était pour votre concert au Dropkick d’Orléans. Depuis, vous avez publié Legends, votre nouvel album. Quels sont les premiers retours que vous avez eus ?

Il est sorti le 26 avril. Pour l’instant, les retours sont plutôt positifs. On a eu une chronique d’une personne qui n’a pas trouvé ça bien, il en faut aussi. D’ailleurs, c’est une chronique qu’on a partagée parce qu’on est preneurs de tout ce qui est constructif. Dans l’ensemble, ça a été bien perçu, il se vend plutôt bien. On essaie de le défendre sur scène et ça marche plutôt bien aussi (NdMP : depuis, deux dates ont été annulées indépendamment de la volonté du groupe).  Le merch n’est pas encore fait – on n’a pas encore trouvé le graphisme qu’on souhaite, mais ça ne va pas tarder.

C’est un album qui s’appelle Legends et qui contient 9 titres. Quelles sont-elles, ces légendes et qu’est-ce qui vous a poussés à faire un album autour de ces légendes ?

Il y en a plusieurs… En fait, Brice (guitares) s’occupe des compositions et nous soumet les morceaux. Quand il nous les soumet, on les écoute plein de fois pour voir ce que ça nous inspire. Là, Laurène, notre chanteuse qui s’occupe des textes, a proposé ces thèmes-là. On a tous trouvé que ça collait bien à la musique et on a gardé toutes ces thématiques.

Laurène est allée chercher ces légendes pas toutes très connues où ?

Elle est bretonne d’origine, avec une culture celte assez forte, culture qu’on retrouve dans la plupart des morceaux, à part le Draugar qui lui vient de chez les vikings. Ce personnage viking, on le retrouve dans une grande série qu’on a vue il n’y a pas longtemps dans laquelle on parle des marcheurs blancs (NdMP : il s’agit bien sûr de Game of thrones)

Avez-vous changé votre façon de travailler sur cet album, notamment parce que vous avez accueilli un membre supplémentaire : Henri, second guitariste.

On n’a pas fondamentalement chané la façon de travailler. Le seul truc que la présence d’un nouveau guitariste, dans la préparation de l’enregistrement, il a fallu que les deux guitaristes se mettent d’accord entre eux pour savoir exactement qui fait quoi. Brice se sent beaucoup plus confortable sur de la rythmique et Henri se sent mieux en lead. Donc la façon de s’organiser est venue assez spontanément. A part ça, le mode de travail est resté le même : Brice se charge des compositions, chacun échange et propose de changer des choses lorsqu’il pense que c’est nécessaire, la chanteuse définit les thèmes et les textes, et ensuite, on met tout ça dans le même bol pour voir ce qui se passe quand on mélange tout ça. Au fil des petits arrangements, on va enregistrer pour proposer ce qui, on l’espère, va vous plaire.

Brice s’occupe de la grande majorité des compositions. Orkhys présente aussi la particularité d’avoir une harpe. Comment ces arrangements sont-ils envisagés ? Brice pense-t-il d’office aux passages de harpe, Laurène propose-t-elle de l’inclure à tel ou tel moment ou est-ce un travail de groupe ?

Brice s’occupe de 99% des compositions, et il inclut aussi la harpe quand il pense que ça sert le morceau. Il cherche à construire quelque chose et si dans un morceau il y a besoin de la harpe, il compose la ligne de harpe. Parfois, il propose des choses qui sont difficilement jouables à moins d’avoir douze bras et, à ce moment-là, il y a une refonte de ces passages pour que ça fonctionne. Le principe de composition c’est ça : il compose des morceaux, nous les soumets et nous, on fait des propositions de changement si on estime que c’est nécessaire ou techniquement impossible à jouer. On part de là pour voir comment on va structurer les textes et la structure de l’album.

A part l’arrivée de Henri, le second guitariste, il y a une autre différence avec le premier album : vous avez inclus un titre en français. Pourquoi ce choix ?

Laurène, quand on préparait ce morceau, elle a senti que, sur ce morceau, c’est le chant en français qu’il devait y avoir. Au niveau de la prononciation de la langue, de son rythme, de ses sonorités, c’est ce qui collait, ce qu’elle percevait. Et je trouve que sa perception était juste, ça fonctionne bien.

Vous avez testé en anglais ?

Non, parce qu’on sentait que ça ne s’y prêtait pas du tout.

Comment analyserais-tu l’évolution d’Orkhys entre vos deux albums ?

Je pense que nous avons progressé au niveau précision et de la maturité des compositions. On a plus facilement trouvé notre place, et notre  rôle dans la structure. On a su tirer des enseignements de ce qu’on considérait être des petits travers, des petites erreurs sur le premier album. Ça n’est peut-être rien pour quelqu’un qui écoute l’album, mais nous, on se dit « ah, oui, il y a ce truc qu’on aurait pu faire comme ça. » Alors on a retravaillé tous ces éléments sur le nouvel album pour qu’on ne retrouve pas ces mêmes erreurs dans nos interprétations.

Ce qui a aussi permis une meilleure cohésion de groupe. Quel a été l’apport d’Henri ? Pour l’avoir vu sur scène, j’ai l’impression qu’il a une sacrée personnalité aussi !

(Rires) Ah, oui, oui ! Quand il est sur scène, il prend de la place ! Mais son jeu, qui vient surtout du death et du thrash, a permis de construire des riffs et des structures dans ces styles. Il y a un peu plus de passages black ou thrash qui n’étaient pas présents sur le disque précédent.

Le côté sombre se retrouve également sur les illustrations de vos pochettes très monochromes et sombres. J’imagine qu’il y a un choix artistique également ?

On était parti d’une page blanche… Brice avait gribouillé un arbre sur la gauche, un lac au milieu avec ce qui avait l’air de ressembler à une forme de cheval mais on n’était pas trop sûrs… On s’est dit qu’on n’allait pas mettre ça directement sur la pochette et on l’a confié à quelqu’un qui savait faire du dessin. Je pense que le résultat correspond à ce qu’on voulait : une pochette sur laquelle il y a plein de petits indices au sujet des légendes qu’on va raconter. 2Videmment, il y a les deux indices principaux au milieu de la pochette, c’est dur de les louper ! Mais il y en a d’autres sur les côtés. On avait même posté un truc sur Facebook où on disait que ceux qui trouverait tous les indices, on leur filait un disque. Personne n’a tout trouvé ! Il y a eu des personnes très proches… mais pas suffisamment.

C’est un album qui contient 9 titres. Si tu devais n’en retenir qu’un seul pour expliquer ce qu’est Orkhys aujourd’hui, ce serait lequel ?

Oh, la, la ! C’est très, très difficile…

C’est pas marrant de n’avoir que des questions faciles…

Ah… si, c’est mieux (rires) ! Je pense que je choisirai le dernier morceau, The infernal Kelpie, parce qu’il commence très gentiment, comme une ballade, et, tranquillement, il fini par s’énerver. Il y a de la harpe, quelques orchestrations, des parties plus énervées, un peu de black, un peu de thrash… C’est un mix relativement soft qui peut plaire à pas mal de monde. Et surtout, il y a dans ce morceau un des contrastes que je trouve vraiment trop bien : le chant est extrêmement doux, posé, calme, et quand on lit le texte, il n’y a que des horreurs (rires) !

On sait bien que, aujourd’hui, un groupe de rock, qui plus est de metal, en France vit très rarement de sa musique. Quelles sont vos autres activités, hors Orkhys ?

A part Laurène qui est prof de chant, prof de harpe et qui vit de la musique, tous les autres avons un job. Je fais le job extrêmement passionnant de responsable informatique. Ça fait maintenant 42 ans que j’use des claviers, et j’en ai un peu marre… Je réfèrerai faire de la musique à temps plein… Brice, lui, travaille pour une petite boutique qu’est la RATP en tant que, je crois, responsable de chantier. Henri, lui switche de job et je ne sais pas trop ce qu’il fait en ce moment, mais ça ne lui plait pas. Julien, notre bassiste est ingénieur dans une entreprise qui fabrique des machines qui servent à faire des prises de mesures.

Si tu devais maintenant penser à une devise pour Orkhys, ce serait quoi ?

Euh… « Libre quoiqu’il en coûte ». C’est d’ailleurs le thème du premier titre de l’album.

As-tu quelque chose à rajouter avant de terminer ?

Je vais dire ce que je dis souvent et que j’estime qu’on ne dit pas assez : je remercie tous les gens qui sont présents lors des concerts, qui achètent nos CD, du merch, qui parlent de nous… Sans eux, on ne serait pas là, et on leur doit le fait d’être là. Donc, oui, c’est normal de les remercier, ainsi que tous ceux qui, comme toi, prennent le temps d’échanger avec nous sur une journée comme aujourd’hui.

On prend aussi du temps sans doute parce qu’on apprécie aussi ce que vous faites…

Oui, mais ce n’est pas un dû, et ça ne coûte rien de dire « merci ».

NOURITURE: Barbara vol. 1 – pastèque planet

France, Rock barré (ils appellent ça du « mindfunk rock ») (Autoproduction, 2024)

Un point commun existe entre la musique et la bouffe: il y a de la junk food à consommer et à jeter comme il y a des choses qu’on prend le temps de digérer. Nouriture fait partie de la seconde catégorie dans son genre de musique… Le groupe a déjà publié un premier album en 2020, Kreg’s adventure et revient aujourd’hui avec Barbara vol. 1 – planète pastèque. Ne cherchez pas… Le combo français nous entraine dans ses délires sonores aussi interpelants que barrés. « Cette œuvre dantesque défie les conventions et vous invite à un voyage au-delà de l’ordinaire » dit le communiqué de presse. Tu m’étonnes! Une étrange pochette rose fuchsia, un démarrage tout aussi étrange avec des sonorités de réacteurs de vaisseau spatial, une musique qui démarre doucement avant de monter en puissance, une narration d’histoire, un phrasé rap et du chant torturé. On imagine parfaitement cet album illustrer un film qui mélangerait des univers SF à ceux de Tarantino (Pulp Fiction et Kill Bill ne sont pas loin), du western et des mondes post apocalyptiques, dans un esprit décalé à la Mike Patton meets Living Colour et qui m’évoque parfois 6:33. Ne cherchons pas à coller une étiquette à Nouriture, la formation se laisse porter par ses envies et parvient à proposer un album aussi intrigant et riche musicalement et émotionnellement. Il y a du rock, du punk, du funk, de la new wave, de la pop, du black, de… Bref, Nouriture ne se pose aucune limites, explore, teste et valide. Barbara et ne se digère pas en une écoute mais nous entraine dans des mondes complètement barrés et envoutants.

HUMAN ZOO: Echoes beyond

Hard rock, Allemagne (Fastball music, 2024)

Il en faut de la patience ! Les fans auront dû attendre pas moins de huit longues années pour que les Allemands de Human Zoo donnent un successeur à My own god. En même temps, le groupe de hard mélodique nous y a habitués depuis son second album… Le voici donc enfin, ce Echoes beyond tant attendu! Et on peut se rassurer dès les premières mesure du bien nommé (malgré un gentillet jeu de mots) Gun 4 a while qui démarre pied au plancher. Le chant puissant et très émotionnel de Thomas Seeburger évoque souvent un certain Andi Deris mais Human Zoo se distingue cependant de Helloween avec son heavy léché et soigné superbement mis en son. Toute la première moitié de l’album entraine l’auditeur dans des contrées sonores variées, le groupe proposant une palette de couleurs différentes, alliant rock, heavy, entrain et donne envie de reprendre les refrains de To the ground, Ghost in me ou Hello hello, et fait même frissonner avec la ballade, hommage à un père aimé et disparu, Daddy you’re a star. On ne leur fait pas l’article à ces anciens, les riffs concoctés par le guitariste Ingolf Engler plus que soutenus par une rythmique solide (le bassiste Ralf Grespan et le batteur Matthias Amann) et les claviers légers et discrets de Zarco Mestrovic. Ce qui fait également la différence avec d’autres groupes, c’est l’apport du saxophone de Boris Matakovic, pour des passages qui, souvent, évoquent un certain E Street Band (celui du Boss, Springsteen). Mais, voilà… un moment de faiblesse vient quelque peu casser le rythme de l’album avec deux titres moins marquants jusqu’au très westernien Waiting ’til the dawn qui refait taper du pied de bout en bout avec sa bottleneck. Ready to rock vient presque conclure ce disque avec une belle énergie retrouvée qui allie tous les ingrédients d’un bouquet final, l’album se terminant avec une version acoustique de Forget about the past. Malgré un moment moins inspiré, Echoes beyond regorge d’énergie positive, de petites trouvailles sonores et donne simplement envie de taper du pied. Un très joli retour!

TRIGGER KING: The giant rooster Ep

France, Rock (Autoproduction, 2024)

Comme son nom l’indique, The giant rooster est un Ep. Composée de 5 titres, cette carte de visite des Rois de la gâchette, Trigger King – groupe formé à Mulhouse en 2021 – nous propose un rock à la fois épuré et plein d’émotions. Chaque titre a sa spécificité, nous replongeant dans diverses époques de rock simple et direct qu’on aime. C’est la rencontre entre le guitariste/chanteur à la voix sensuelle et suave Georges Baramki et Hugo Cladé, le guitariste aux riffs léchés et bluesy, sautillants et trépidants, qui lance ce projet auquel se joint la section rythmique (le bassiste Gilberto Izquierdo et le batteur Rémy Dutscher). Si le quatuor ne réinvente rien, il inclue tant d’âme dans ses sources d’inspirations qu’il crée son propre son. On navigue de BO de série télé des 90’s (Take me by surprise) et rock quelque peu psyché (Riding high) en passant par des sonorités plus rock US 70’s (Season in the sun), southern rock (Butterflies) ou la très jolie ballade sentimentale (Reaching for the moon), le tout chanté dans un anglais parfaitement maitrisé. Voici un disque si chaleureux et réussi qu’on a simplement envie qu’il continue encore et encore. Un de ces albums qui donnent simplement envie d’être réécouté pour le plaisir. Une réussite prometeuse qui, espérons-le, permettra à Trigger King de se placer sur le podium des futurs grands espoirs du rock international. Car, oui, il s’agit bien de ça, bien plus que de rock simplement étiqueté « français ». Un groupe à découvrir d’urgence.

BROK N FACE: Leave to live

France, Rap Metal/Metalcore (Ep, M&O, 2024)

Cinq petits titres qui bastonnent, c’est ce que nous propose BrokNFace, nouveau venu sur la scène dite Rap Metal/Metalcore mais qui n’est pas que ça. Les amateurs de Hip Hop énervé et de mangas seront aux anges à la découverte de ce Leave to live – belle philosophie que de « partir pour vivre », doux pendant de « Rester, c’est mourir un peu ». Les fans de Rise Of The North Star et consorts seront ravis de pouvoir enfin trouver un peu de concurrence car BrokNFace inclus plus que les simples références précités dans sa musique. Le chant allumé évoque parfois un Mike Patton déjanté (comment ça, c’est un euphémisme?) sur fond de guitares syncopées et de rythmiques décalées. Ou l’inverse. Ca donne l’impression d’aller dans tous les sens mais l’ensemble reste sous contrôle. Leave to live a besoin de temps pour être digéré, le groupe proposant une musique complexe qui doit se révéler brutalement sur scène. A découvrir.

DEAFCON 5: Exit to insight

Allemagne, Metal progressif (Fastball music, 2024)

Deafcon 5… En langage militaire, cela signifie que le monde est en paix, qu’il n’y a pas de mesure d’urgence. Sauf que celui qui nous concerne aujourd’hui s’écrit avec un A, transformant le « def » de « Defense » en « Deaf » qui signifie sourd. Sourds à la paix du monde les prog metalleux allemands? En tout cas, dès la pochette, on sait qu’on a à faire à des conteurs: le tracklisting au dos du CD apparait sous forme de narration. « Tout avait si bien commencé »… Exit to insight débute avec un Prologue, une explication de deux intervenants, un homme et une femme, avant que le propos musical ne débute sur les chapeaux de roue. La voix puissante et chaleureuse de Michael Gerstle entre dans le vif du sujet avec la guitare engagée et volontaire de Dennis Altmann qu’accompagnent les claviers aériens de Frank Feyerabend, tandis que Franck Schwaneberg et Sebastian Moschüring pose à la basse et à la batterie les fondements de cette architecture plus volontairement alambiquée que complexe. Car, en effet, si les musiciens sont parfaitement maitres de leurs instruments, et malgré la puissance de l’ensemble, il me semble que soit il manque une forme de liant à cet ensemble, soit il y a trop de tiroirs. On tape certes du pied, mais le passage régulier de temps puissants à moments plus légers me perd un peu. Oui, l’ensemble est bien fait, aussi personnel qu’inspiré par les grands du genre, mais je me retrouve, à mi parcours, au croisement des chemins, hésitants entre l’envie de continuer sans vraiment retenir un passage ou le désir de mettre sur pause pour mieux comprendre ce disque pourtant riche de trouvailles et plus que bien fait. Une forme d’opposition entre défense et surdité sans doute… En tout cas, Exit to insight est un album à découvrir au gré de plusieurs écoutes.