T.E.M.P: Affres de paix

France, Fusion (M&O, 2024)

Originaire du Val d’oise, T.E.M.P. (Tribal Engine for Meta Players) propose un metal fusion direct aux textes engagés. Le groupe crache sa colère à la manière d’un Reuno (Lofofora) ou d’un Nicko Jones (Tagada Jones) avec un groove qui évoque Faith No More. La majeure partie des 12 titres rappelle l’esprit expéditif du punk et du hardcore en ne dépassant que peu souvent les 3’30. Affres de paix est un album rageur et rugueux, et le son, organique, donne un aspect encore plus « dans ta face ». On peut toutefois regretter le manque de finesse ou, au contraire de brutalité franche qui donnerait envie de vraiment se démonter les cervicales, mais ça tabasse sec malgré tout. Cependant, s’ils ne réinventent en rien le genre, les gars de T.E.M.P. se font plaisir et c’est bien là le principal.

FAR AWAY: Solastalgia

France, Metal (M&O, 2024)

Solastalgia est le second essai des Français de Far Away, une bande de potes qui évoquent à travers leur musique leurs inquiétudes écolos. L’état de la planète semblent être devenue leur source s’inspiration principale tout au long des neuf titres de ce nouvel album. Après une intro mélancolique, le groupe s’engage dans une voie beaucoup plus hargneuse. Les guitares rugueuses, la voix rageuse qui hurle rapidement sa colère se mélangent à une alternance de calme retrouvé et de tempête incontrôlée. On se retrouve plongé dans une sorte de metalcore progressif aux élans aussi fulgurants que les retours au calmes peuvent être brutaux. Si Far Away n’invente rien de bien neuf, il exprime assez sainement et directement sa colère et son inquiétude quant à l’état de notre monde actuelle, celui que les générations passées laissent à leur petits enfants, les enfants fainsant ce qu’ils peuvent mais semblant bien souvent peu, très peu, écoutés… Brutal, frontal tout autant que désabusé, Solastalgia saura séduire le public avide de sensations metalcore.

Z FAMILY:Chapter III: The dark awakening

France, Metal/Rock (M&O, 2024)

Z Family a été formé par le guitariste Yves Terzibachian, le fameux « Z », qui, après avoir formé The Coyote Desserts, fit un passage au sein des brutaux Dagoba. Il retrouve par la suite le batteur des Coyotes, Benjamin Surrel, avec qui il se lance dans l’aventure Z Family en 2015. Après ses deux premiers chapitres, Z Family met le pied sur le frein avant de revenir aujourd’hui avec Chapter III: The drak awakening, un album composé de 7 titres qui explorent, à l’instar de la pochette, divers univers musicaux. On passe du heavy US moderne à des ballades douces et tendres (Lost in the shadow – 28/01/2005 qui clôt le CD. Une palette variée qui évoque aussi bien le heavy taillé pour les radios (le morceau titre) ou les rythmes martiaux chers à Powerwolf et consorts (Fractured et son intro acoustique qui m’évoque Queensrÿche). Z Familly lorgne même du côté de la new wave (Edge of the world) et, naturellement, de ses principales influences qu’on retrouve tout au long de l’album. Si celles-ci vont de Korn à Alice In Chains, Z Family ajoute une touche de stoner, une grosse dose de groove et crée des ambiances aussi spatiales qu’entrainantes.

KLOGR: Fractured realities

Italie, Metal (Autoproduction, 2024)

Quatrième album pour les Italiens de Klogr… Après Keystone paru il y a déjà une éternité – en 2017, un autre univers… – Fractured realities semble vouloir remettrele quatuor sur le devant de l’actualité. Au delà d’une pochette qui évoque à la fois Led Zeppelin avec ses quatre symboles et la SF catastrophiste avec cette planète au bord de l’explosion, le groupe nous propose un contenu musical qui alterne entre metal progressif et grunge, le tout savament produit. Rusty, guitariste, chanteur et producteur, est toujours aux commandes et a concocté un son digne de séduire les plus exigeantes stations radio d’outre-Atlantique. Klogr propose une variété de styles et d’ambiances qui, dans un écrin lustré, invitent à se plonger dans l’univers sonore du groupe. Et quand Rusty propose de commencer par Whale fall, le dernier titre pour imaginer ce que Klogr est capable de proposer, il a entièrement raison tant ce morceau diffère du reste de l’album sans pour autant dénoter. Il y a de la puissance et de la séduction tout au long de Fractured realities, et quand bien même cet album ratisse le public le plus large possible, il s’adresse aussi bien aux amateurs de jolies mélodies, de puissance sonores qu’à l’auditeur amateur de nouvelles sensations.

RED GORDON: Nothing less than everything

France, Metalcore (Autoproduction, 2024)

Un titre qui sonne comme celui d’un album de Motörhead, ça donne envie d’en savoir plus, non? Après une intro sous forme de message d’erreur (404.exe), Red Gordon entre dans le vif du sujet avec un Useless screamé et puissant. Ceux qui comme moi préfèrent le chant au hurlement s’interrogeront quant à la suite mais voilà… Tout au long de Nothing less than everything, les Français de Red Gordon sèment des petites graines en explorant divers horizons. Entre un Inner repeat au riff répétitif aussi obsessionnel qu’efficace et un Suffer claim tout aussi heavy que malsain, le groupe nous montre diverses facettes de ses inspirations musicales. Volontairement ou non, Quizzical mind évoque parfois, en effet, un Motörhead quelque peu (euphémisme?) énervé et nous prend à contre-pied avec Like a virus qui démarre tranquillement avant de monter en rage et en puissance. Le chant sait aussi varier les plaisirs, alternant entre calme et tempête, chant clair et hurlé. Si l’ensemble reste ancré dans cet esprit metalcore moderne, Red Gordon sait aussi explorer d’autres sonorités apportant curiosité et intérêt à son album. A suivre…

STUBBORN TREES: The stronger the wind…

France, Stoner rock (Autoproduction, 2024)

On ne va pas vous faire l’insulte de vous expliquer que le nom du groupe vient directement de cette catégorie d’arbres quelque peu rebelles qui poussent peu importe où en repoussant ou contournant les obstacles qui se dressent sur leur chemin… Non, ça, on ne le fera pas parce que ce qui nous (hein? pardon? Comment ça: « tu l’as fait quand même »?)… Reprenons. Ce qui nous intéresse, écrivais-je donc avant cette interruption, c’est The stronger the wind… un premier album signé des Français de Stubborn Trees, déjà auteurs de deux Ep (Stubborn trees en 2020, Roots en 2021). Toujours ancré dans les inspirations liées à mère nature, Stuborn Trees nous propose une exploration de ses diverses sources d’influences au travers de 11 titres qui oscillent entre gros hard rock avec des riffs dignes d’un jeune Black Sabbath et folk énervé. Dès Waiting for…, le groupe expose une palette de couleurs musicales avec une jolie variété tout au long de l’album. Quelques grognement viennent ici illustrer la colère de Mère Nature, quelques claviers apportent ailleurs une douceur enrobée de bienveillance. Sans rien réinventer, l’alliance des styles, du heavy rock vintage au grunge, en passant par une touche de folk et un peu d’extrême, donne à ce disque une jolie dimension. Totalement DIY – même la pochette dont on imagine qu’elle représente le maillage anarchique et totalement contrôlé de racines est dessinée par Laurie Prévot (Chant et basse) et Yann Eléouet (chant et guitare) – tous deux accompagnés par le guitariste Julien Le Page et le batteur Camille Barsamian – ce premier album est une carte de visite assez prometteuse.

VISAVIS: The art of collapse

France, Metal (M&O, 2024)

Il y a quelques années, j’avais craqué sur War machine, album autoproduit paru en 2018 marquant le retour des gars de Tulle, déjà responsables d’un premier essai en 1995, So special. Ce retour, Visavis le réitère aujourd’hui, 6 ans après (je crois avoir vu passer une autre production vers 2021, mais ils prennent leur temps quand même!) avec un Ep, The art of collapse. Il faut croire que le rouge est la couleur de prédilection de Visavis, un rouge vif comme le contenu musical de ce mini album. Les 6 titres de cette galette sont forgés dans ce metal lourd, pachydermique parfois et, surtout, toujours entrainant. On tape du pied et on secoue la tête dès l’introductif We don’t care. La suite, de l’hypnotique morceau titre à We’re not dead, passe par diverses couleurs du metal, à la fois moderne par sa production puissante et soignée et vintage avec ses consonnances punk que ne renierait pas un jeune Mötorhead. Ca passe vite, trop vite, et on espère seulement que le le groupe prendra enfin le temps de sillonner les route de France pour conquérir le public et ne pas nous faire attendre encore de longues années pour proposer une suite à ce bigrement efficace The art of collapse.

DARCY: Tout est à nous

France, Punk (At(h)ome, 2024

C’est sans aucun doute possible l’époque qui le veut. Les Rennais de Darcy sont de retour avec Tout est à nous, un troisième album où la colère du quotidien cède le pas aux cris de la révolte qui gronde. Forgé dans le moule contestataire cher à leurs glorieux ainés que sont Lofofora ou, plus proches encore musicalement, Tagada Jones. Le fond est insoumis, revendicatif, rageur. La forme est rugueuse, directe et sans concession. L’esprit contestataire omniprésent a été mis en son par un autre révolté notoire, Fred Duquesne (à ses heures perdues également guitariste et producteur de Mass Hysteria), et l’ensemble est sévèrement burné. Les onze titres défilent brutalement comme une manif qui tourne mal. La colère d’Irvin – son chant enragé a pris de la puissance – et palpable tout au long des Poings en l’air, La bagarre, Ce soir, ça va chier et autre Plus rien à foutre. Clairement et ouvertement engagé, Darcy frappe fort avec ce nouvel album au titre oh combien contradictoire car totalement capitaliste: Tout est à nous résonne comme une envie de déposséder l’autre pour posséder soi-même… C’est pourtant le cri de toutes les manifs anti-capitaliste que l’on entendra encore, malheureusement, bien longtemps: « tout est à nous, rien n’est à eux ». Un album puissant, un message fort et engagé, une musique explosive… Tout est réuni pour mener Darcy aux sommets de la scène punk rock metal hexagonale.

SYNPHOBIA: Shades

France, Metal progressif (Autoproduction, 2024)

Il y a des surprises comme ça, qui t’interpellent. Synphobia (la phobie du pêcher? Non, ce serait avec un « i »!) débarque dans me paysage metallique français avec ce premier album, Shades, bourré d’influences metal et prog. La formation francilienne est composée de Sébastien Ducharlet (guitare et chant), Arnaud Koscianski (guitare), Paul-Emmanuel Bastit (basse), Jean-Christophe Guillard (batterie) et Marie Koscianski-Ducharlet (claviers – ça ressemble à une histoire de famille, un peu, non?) Au travers de 8 titres, Synphonia explore des univers clairement progressifs avec des compos à tiroirs. Le groupe cherche à créer des tableaux aux ambiances sonores variées où se mêlent tendresse et désespoir, ombre et lumière. Les influences semblent assez évidentes, allant de Dream Theater à Cradle Of Filth, en passant par Iron Maiden ou encore Rush. Après avoir lancé Sand avec une intro martiale qui évoque la SF de Dune, on retrouve comme bien souvent une forme de colère vocale. Le chant, d’ailleurs, se veut aussi varié et, malgré quelques faiblesses, voire faussetés en chant clair (sur, entre autres, Circus), parvient à reproduire cette palette musicale. Il y a, tout au long de Shades, de bonnes idées (les parties orientales de Orphan of the damed et son joli refrain, l’intro étouffante du bien nommé Breathe, la douceur du piano sur Through the bars, titre qui monte en puissance) mais l’ensemble, toutes ces bonnes idées qui se mélangent un peu trop, manque parfois de liant, transformant certains passages en fourre-tout. Il y a pourtant de la matière et du savoir faire chez Synphonia, et l’on ne peut que se dire qu’il va falloir garder une oreille attentive aux prochaines productions de cette jeune formation. A suivre…

TRANK: The maze

France, Heavy rock (M&O, 2024)

Mais comment se fait-il qu’une formation aussi talentueuse que Trank reste encore autant dans l’ombre? Après avoir découvert le groupe en 2021 avec The ropes, un premier album simplement époustouflant, les voilà qui reviennent avec The maze, tout aussi exceptionnel. Au travers de 11 titres, Trank explore divers horizons musicaux, tous aussi entraînants que variés. Car jamais le groupe ne se répète, démarrant avec le très électrique Adrenalin pour terminer avec l’envoûtant The morning after. Au passage, les musiciens s’offrent de petites escapades du côté du punk (Chameleon) dans lequel une vérité est énoncée (« I am what I am told » – « je suis ce qu’on me dit d’être » – qui semble dénoncer le manque de libre arbitre ou d’esprit critique de la société actuelle), explore des aspects qu’on pourrait étiqueter « heavy new wave » (Pray for rain) avec toujours ces fils conducteurs que sont la diversité musicale des sources d’inspirations (dont Pink Floyd dont le groupe reprend Hey you), l’originalité et l’excellence – tant dans l’interprétation que dans la production, irréprochable, grasse, gourmande et généreuse à la fois. Trank a cette capacité à composer des morceaux taillés pour les foules, ce rock fait pour retourner des stades tout entiers. Jamais vulgaire, toujours efficace – d’autant plus que Michel chante dans un anglais parfaitement maitrisé et compréhensible – classieux même, The maze a tout pour mener Trank vers les sommets internationaux . Si seulement on (les majors internationales) daigne lui accorder un peu plus qu’une oreille distraite… On tient peut-être ici un futur géant du stadium rock. Celui qui, comme ils l’écrivent dans leur bio, « fait sauter les foules ET réfléchir ».