RUSTHEAD: Gear up

France, Hard rock (M&O, 2024)

Rock and roll! Rusthead débarque avec Gear up, un album 100% pur hard rock n roll qui lorgne totalement et sans complexes du côté d’Angus and co. La guitare craque comme une certaine SG, le groove imparable des riffs évoquent toute la période Bon Scott mais pas que. Formé en 2018 à Cherbourg, Rusthead aime le pub rock australien d’AC/DC, The Angels ou Rose Tattoo autant que le rock énervé made in USA, avec, par instants, de belles intonations sudistes. Loin d’être rouillé, le quatuor développe une énergie communicative, et les 9 titres de ce nouvel album, même s’ils n’inventent rien, sont tellement enjoués qu’ils sont taillés pour la scène. Un groupe sérieux qui ne se prend pas au sérieux (cf. la vidéo de I’m not a slave). A quand une tournée, les gars (et la fille)?

MAUDITS: Précipice

France, Metal instrumental progressif (Source Atone records, 2024)

Nous avions pu découvrir Maudits avec leur précédente publication, un Ep partagé avec Saar paru en 2022. Le trio instrumental « revient » aujourd’hui avec ce Précipice vertigineux de bout en bout. « Revient » car cet album a subi, comme beaucoup d’autres, les affres de la pandémie et a vu sa sortie repoussée. Ce fut, au final un bien pour cette œuvre complexe car Maudits a pu retravailler ses ambiances, les améliorer, les perfectionner. A la base formée par le guitariste Olivier Dubuc, le bassiste Erwan Lombard et le batteur Christophe Hiegel viennent s’ajouter des instrumentiste qui, chacun, apportent une couleur et une émotion supplémentaires et complémentaire à cet album. On retrouve ainsi le violoncelliste Raphael Verguin à la touche grave, le pianiste Emmanuel Rousseau (également au mellotron, aux claviers et au… (euh… c’est quoi?) minimoog) qui apporte un peu de fraicheur et le claviériste et (re « euh… c’est quoi?« ) au Rhodes. Si l’ensemble semble d’approche facile, les structures sont complexes et travaillées sans pour autant jamais être alambiquées. Une petite heure durant, Maudits nous offre des morceaux à tiroirs et nous entraine sur les chemins d’une évasion aux multiples croisements dont tous proposent une destination envoutante. C’est sans doute le mot clé de cet album qui se veut envoûtant et enivrant du début à la fin. Il n’y a pas un instant plus faible ou moins attirant qu’un autre, tout est séduisant. Oh, Maudits nous réserve quelques échappées brutales, mais c’est pour mieux nous rattraper ensuite. On plonge dans ce Précipice avec bonheur et certitude, celle de se laisser entrainer dans cet univers musical bienveillant et éblouissant.

BOWMEN: Mission IV

Allemagne, Hard rock (Fastball music, 2024)

Des guitares qui fusent, un chant clair et joyeux, des mélodies entrainantes… Tout est ici réuni pour que l’amateur de hard rock classieux et classique fasse un bond en arrière tout en restant les pieds ancrés dans son époque. C’est la recette que nous proposent les Allemands de Bowmen sur leur quatrième album, Mission IV. La mélodie est au cœur du propos musical, travaillée par des guitares aussi tendres qu’acérées. Bowmen, ce sont de vieux briscards (Markus Escher au chant et à la guitare, Jan Wendel à la guitare, Stefan Pfaffinger à la basse et Christian Tilly Klaus à la batterie) qui savent parfaitement concocter des chansons qui font mouche, quelque part entre hard rock et AOR, en y ajoutant une légère touche énervée façon grunge. Le groupe propose ainsi des titres riffus et énergiques (Demons, Said or done, Brocken man), d’autres plus foncièrement hard rock US (Fight the tide), de la tendresse (Hold me now, en version heavy ballad et repris dans une superbe version acoustique qui colle des frissons en fin d’album, Memories), lorgne parfois du côté de certains Australiens – on pense à ce riff répétitif et hypnotique sur Palace of the king qui évoque Thunderstuck. Les influences sont totalement assimilées, Bowmen ne cherchant jamais à imiter qui que ce soit et créant son propre univers sonore, d’une très belle efficacité, à l’instar de ce Rocket man enlevé et son irrésistible basse ultra groovy qui vient faire s’agiter les pieds sur le dance floor à mi parcours ou qui distribue des baffes en-veux-tu-en-voilà avec Black angel. Bowmen démontre une fois encore, si cela devait être nécessaire, que l’Allemagne du heavy rock ne se limite pas aux grands anciens qu’il est ici inutile de nommer. Aller, on en remet une couche pour énergiser la journée!

SLAVE TO SIN: Control and beliefs

France, Electro metal (Ep, M&O, 2024)

Soyons clairs: Slave To Sin est au metal ce que Metallica est à la techno. Le point commun, cependant, reste la volonté d’énergie et de puissance. Avec Control and beliefs, la formation lyonnaise démarre en trompe-l’oreille. Car Fake, première version, est un titre baigné de guitares rageuses, avec ce riff et cette rythmique hypnotiques. On pousse un peu plus loin avec What do you believe in?, morceau beaucoup plus électro aux guitares reléguées au second plan. Pourtant, la pêche est bien présente, tout comme sur Control qui traite de notre éternelle fausse croyance, celle qui nous persuade de pouvoir, à tort, tout contrôler. Hoping someday, plus soft vient clore le propos avant le bonus, la version electro de Fake. A quelques riffs saturés près, on est loin du metal. Très loin. Pourtant, Slave To Sin développe une forme d’énergie contagieuse qui donne envie de taper du pied. Et ça, ça donne envie d’en savoir plus. Mais sur le site web du groupe, on parle de musique et de projets, d’autres choses que de l’histoire du groupe… Etonnant.

CHAKORA: Fractured fate

Allemagne, Stoner (M&O, 2024)

A l’image de la pochette, il n’est pas forcément nécessaire d’être totalement sobre pour plonger dans le propos de ce Fractured fate, album quelque peu allumé signé Chakora. Le quatuor allemand nous propose en effet un album totalement psyché, aux sonorités volontairement 70’s. On plonge dans un univers sonore qui évoque autant Hendrix que Hawnkwind ou encore un jeune Motörhead. Le chant, embrumé et rugueux se fait par instant plus « moderne » dans le sens hurlé et enragé du terme. Débuter avec une doublette composée de Jesus et de Muddy Waters n’a sans doute rien d’accidentel mais en tout cas, les jalons sont posés: du rock vintage, déjanté aux guitares aussi rugueuses que mélodieuses. Tout au long des 10 titres de cet album, Chakora nous entraine dans des univers datés -on a parfois l’impression que les musiciens se livrent à des joutes improvisées – tout en y incluant avec bonheur des touches exploratoires et contemporaines. La rage est telle qu’on peut aisément comprendre ce qui motive cette destinée fracturée… Une expérience hors du temps.

INTRUSIVE THOUGHTS: Dysphorie

France, Rock (Before collapse records, 2024)

Les dys… Ces maladies liées à certains dysfonctionnements neurologiques telles que la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie… Voici que l’on peut rajouter la Dysphorie, soit un « trouble de l’euphorie »? C’est en tous cas ce mot qu’ont retenu les Parisiens de Intrusive Thoughts, groupe formé en 2021, aujourd’hui composé des fondateurs Audric Auffray (basse) et Clément Bordiga (batterie), duo auquel se sont joints le guitariste Raphaël Perez et la chanteuse Sakina Hmito. Les quatre nous proposent un rock varié, juvénile et sérieux, inspiré du rock alternatif et du grunge des années 90. Les 10 titres alternent entre puissance et douceur, développant une énergie entrainante. Le chant de Sakina, dont l’anglais est parfaitement maitrisé, peut être doux comme il peut se faire plus hargneux, à l’instar des mélodies – ce passage du calme à la débauche à la fin de The pill ! Avec ce premier album, Intrusive Thoughts se place sur la ligne de départ des groupes espoirs – pas étonnant pour les lauréats du tremplin Phénix Normandie 2022. Malgré son jeune âge, Intrusive Thoughts présente tous les atouts d’un futur grand du rock français, exportable qui plus est! A découvrir et soutenir d’urgence !

SWARM: Omerta

France, Metalcore (Autoproduction, 2024)

Omerta… Un mot qui évoque la guérilla et le règlement de compte entre gangs mafieux… Pourtant, le nouvel album de coreux de Swarm semble bien loin de ces considérations, donnant plus l’impression, dans ses textes, de vouloir poser un regard sur l’humain, la société et le monde actuels. Un regard introspectif, aussi, sans pour autant porter d’étendard politique. Un constat violent qui démarre après Alsamt, une intro épurée aux sonorités orientales. Après… Mis à part Dead inside, temps calme de l’album, Swarm tabasse comme si sa vie en dépendait. Speed et rageur (Step by step, Clink and come end, Sorrow dies twice), le groupe explore avec bonheur diverses facettes d’un metal rugueux à la A7X ou autres Hatebreed avec quelques évocation d’un RATM, version guitares sans trop de rap. Toujours au taquet, le groupe se fait également particulièrement speed (My inner) ou syncopé (cette intro de Make your move!) sans oublier ses origine hexagonales avec ce premier paragraphe interrogateur de Soul square. Avec Omerta, Swarm continue de graver son sillon, de tracer sa route, brutalement et avec beaucoup de conviction.

CHARCOAL: Rocks

France, Heavy rock (Ep, M&O, 2024)

Comment ça riffe! Charcoal, c’est la réunion de 4 passionnés de hard/heavy rock couillu qui n’a pour seul objectif que de faire s’agiter les tignasses et taper du pied. Alors – vous me connaissez – hormis l’anglais incompréhensible, les 6 titres de cet Ep, simplement et justement intitulé Rocks, embarquent l’auditeur sur les US highways autant que dans les banlieues crades d’un Londres qui n’est plus avec une bande son totalement et volontairement inspirée du heavy rock de la fin des années 70 ou du hard US de la première moitié des 80’s. C’est vif et vivant, et l’ensemble rend un bel hommage à tous les grands du genre, de Motörhead à Thin Lizzy ou AC/DC en passant du côté des Mötley Crüe, Ratt, Faster Pussycat… Les références aux grands anciens sont d’ailleurs évidentes rien qu’à la lecture des titres: Thin lady Lizzy, Fat bottom girl, Same old dance, même pas un jeu de pistes! Sans jamais se prendre trop au sérieux, Charcoal propose un rock des plus sérieux, et s’en amuse (preuve en est la vidéo pas du tout sérieuse de One night of rock n’roll). On met les potards à 10, on balance la sauce avec des guitares graveleuses, une double à la Animal Taylor, un chant rocailleux forgé à coup de clopes… On laisse le groove et l’énergie positive faire le reste.

DEMANDE A LA POUSSIERE: Kintsugi

France, Doom/Sludge (My kingdom music, 2024)

Pour leur troisième album, les Franciliens de Demande A La Poussière se sont offerts un petit lifting avec l’arrivée d’un nouveau chanteur, Simon Perrin, qui tient également la guitare. Ce Kintsugi – soit « l’art du beau dans l’imperfection, la sublimation de ses blessures pour renaitre de ses cendres » – plonge l’auditeur, dès les premières notes de Inapte, dans les tréfonds d’une âme emplie de désespoir. Ne cherchons pas ici de lumière, le propos musical, lourd, lent et oppressant, et le chant, torturé et dépressif, lui ont simplement empêché tout accès tout au long de la presque heure que dure l’abum. Kintsugi est une œuvre qui interroge, qui pousse à trouver au fond de soi cette force et cette volonté d’aller au-delà des « facilités » d’un certain mal-être. C’est violent plus que brutal, en tout cas, ça secoue intérieurement, et c’est totalement sombre, sans aucun compromis. Amis dépressifs, passez votre chemin… Les autres, plongez dans cette noirceur interrogative.

WOLFEN RELOADED: The ghost from within

Allemagne, Hard rock (Fastball music, 2024)

Formé au début des années 2010, Wolfen Reloaded (en réalité une nouvelle version d’un Wolfen, groupe fondé dans les années 80) publie son premier album Changing time en 2018 et revient à la charge aujourd’hui, 6 longues années plus tard, avec The ghost from within, un album de 10 titres. Présenté comme un groupe de rock progressif, on a plus l’impression, dès Rise of the machines d’avoir à faire à un groupe de metal pur jus plus inspiré par un jeune Metallica que par Dream Theater. Point de structure complexe ou de morceaux à tiroirs ici, Wolfen Reloaded nous propose une jolie collection variée de titres rock à tendance heavy. Les guitares saturées et rapides – tenues par Wolfgang Forstner – évoquent parfois le Queensrÿche de la grande époque et accompagnent une rythmique solide (Thomas Rackl à la basse et Manuel Wimmer à la batterie) tout au long de ce premier morceau. N.W.O (New world order) confirme cette direction avec des envolées saillantes. Seul le chant manque parfois quelque peu de puissance, mais l’ensemble est solide. Point of no return s’oriente vers des territoires plus rock US, entrainants et joyeux – le chant de Christian Freimoser collant ici parfaitement au genre. Wolfen Reloaded varie les plaisirs tout au long de cet album avec des titres rapides (les deux premiers cités, Ghost from within…) et d’autres plus mid tempo (Poison in your veins, Hurricane) voire soft (la ballade Broken) ou plus foncièrement rock (King of fools, Dangerous minds). L’ensemble est efficace, plutôt bien produit (on regrette seulement le manque de rondeurs et de chaleur par instants), Wolfen Reloaded déclinant ses diverses influences en y apportant toute son envie, forgeant sa propre personnalité à force des mélodies entrainantes et de riffs efficaces, allant à l’essentiel sans jamais tomber dans le piège de la démonstration, se créant ainsi une certaine identité musicale.