THE RAGING PROJECT: Future days

France, Prog (Autoproduction, 2024)

Future days… Les jours à venir. La pochette qui illustre cet album est à la fois sombre et lumineuse: d’une forêt dévastée par les flammes apparait une lumière, comme une lueur d’espoir. The Raging Project a vu le jour à Besançon en 2007. D’abord appelé Project Rage, le duo fondé par Ivan Jacquin et Lionel Fevre propose une sorte d’electro metal et publie un Ep 5 titres avant de disparaitre des écrans radar jusqu’à aujourd’hui. Ivan a décidé de remettre le couvert et s’est entouré d’une multitude de musiciens – on notera notamment la présence du progueux Jean-Pierre Louveton (Nemo, Wolfspring, JPL) et de la chanteuse Ingrid Denis (Jirfiya) ainsi que la participation aux claviers de Derek Sherinan (ex Dream Theater, Sons Of Apollo…). Ivan Jacquin est le maitre de cet ouvrage incontestablement progressif dans l’âme, un prog léché qui tend parfois du côté plus metal du genre. Chanter à la fois en anglais et en français, s’il doit ouvrir les frontières, n’est pas forcément toujours le meilleur choix: si le français est totalement compréhensible, c’est loin d’être le cas pour l’anglais… On notera même que deux titres font l’objet d’une double interprétation, une version dans chacune des langues (Colère / Wrath, Even if I bleed / Même si je saigne)Mais ce point mis à part, il y a du cœur mis à l’ouvrage, tant dans les compositions aux structures musicales savamment réfléchies que dans les thèmes abordés: l’humanité et sa soif de pouvoir, et pose la question de l’intérêt pour des observateurs extérieurs de venir nous sauver de nous mêmes…

OG.EZ.OR: The green light

France, Cyber/électro metal (Autoproduction, 2024)

Rappelez-vous, 2019: Metal Eyes vous invitait à découvrir Mind machine: a new experience, un album de cyber metal signé Entropy Zero. Une pandémie plus tard, le groupe nantais devient Og.Ez.Or (NdMP: j’imagine que le EZ de la signature correspond au groupe précité, alors, que sont ces OG et OR?) , propose un metal tout aussi cyber et électro basé sur la SF. Il publie un premier album en 2022, Distortion process, avant de revenir chatouiller nos oreilles avec The green light. Après une mise en bouche aérienne et planante, l’album se lance dans des explorations battues par un rythme stroboscopique que ne renieraient ni Rammstein ni Herrschaft, Punish Yourself, Shâargot et consorts. L’ensemble est hypnotique et, malgré des fulgurances metalliques, Og.Ez.Or a tout pour enflammer les dancefloors de boites de nuit ou les soirées electro tant prisées par nos municipalités. Avec, en plus, un look à l’avenant, le trio a de quoi proposer bien plus qu’un concert: une expérience sonore et visuelle hors du temps. Ok, je sors (oué, je sais, mauvais et facile jeu de mots…)? Non, on y est, on y reste ! Au fait… Ne cherchez pas le morceau titre, il figure sur le précédent album et avait fait l’objet d’un long clip. Plongez-vous plutôt dans cet hypnotique The green light.

DEAD TREE SEEDS: Toxic thoughts

France, Thrash (M&O, 2024)

Les voici enfin de retours, nos thrashers fous de Dead Tree Seeds! Leur nouvel album, Toxic thoughts, pourrait se résumer ainsi: ça thrashe sévère! Et l’on aurait envie de répondre, genre Rostand: « Ah, non, c’est un peu court, jeune homme! On aurait pu dire… Oh, diable! Bien des choses en somme. En variant le ton: Poétique: « Aimez vous tant les furieux Slayer qu’un hommage vous leur rendez en une heure? » Prévenant: « D’inspiration je ne vous donne tort tant le chant évoque Kreator ». Dramatique: « Aucun vent ne peut de ce pas pousser l’esprit si présent de Metallica ». On pourrait continuer ainsi longtemps tant ce Toxic thoughts rend un chaleureux hommage à nos grands anciens sans jamais bassement les imiter. Car il y a tout au long de cet album une vraie personnalité, une puissance sans égal qui déboite en cadence maxilaires et cervicales. Tu te prends ces 10 titres – 9 plus l’intro – en pleine face sans jamais, ou presque, pouvoir reprendre ton souffle. Fort heureusement, Dead Tree Seeds nous offre un instant de répit avec une ballade judicieusement placée à mi-parcours. Hein, quoi? Une ballade, mais ça va pas la tête, non? Ce qui se rapproche le plus d’une ballade c’est une partie plus proche des instrumentaux des débuts de Metallica, certes, mais ballade? Ca va pas, non? Dès les premiers accords, DTS chope l’auditeur à la gorge et ne relâche jamais la pression. Ca tabasse sec et sévère et ça démonte sa mère ! Amateurs de thrash old school, foncez, vous ne serez pas déçu.

SLEAZY TOWN: Unfinished business

France, Heavy rock (M&O, 2024)

Intrigante sortie que ce Unfinished business, double album de Sleazy Town. Le groupe s’est formé à Paris en 2011, a publié un premier Ep 5 titres en 2013 (Midnight fight) et puis… Plus rien, à part des concerts qui lui permettent de forger son identité sonore. Mais discographiquement? Jusqu’à cette fin de mois d’avril qui voit débouler chez les disquaires ce Unfinished business sorti de nulle part. Clairement, il y a des affaires qui sont restées en plan ces 10 dernières années, et les amateurs de gros hard rock US vont être aux anges. Car dès les premières mesures de Machine gun rodeo, le groupe nous ramène à cette époque – bénie diront certains – qui vit tout Los Angeles se transformer en repère de musiciens permanentés au savoir faire redoutable. Ici, on pioche autant du côté des géants du hair metal (Mötley Crüe, Poison, Ratt, Great White, GNR…) que des monstres du hard et du heavy rock. Parmi les influences de Sleazy Town, on citera au hasard AC/DC, Iron Maiden, Aerosmith, Thin Lizzy ou Motörhead. Le groupe fait partie de cette génération qui a parfaitement intégré les codes du genre en y apportant sa touche personnelle et passionnée. La voix rocailleuse et chaleureuse de Andy Dean accompagne les riffs furieux et enjoués de JJ Jaxx, tandis que la basse de Macabre (!) et la batterie de Julian viennent renforcer cette sensation de puissance et de bien-être sonore. Il aura fallu plus de 10 ans pour que Sleazy Town sorte son premier album. Les quatre osent même sortir un double, imparable de bout en bout. 24 titres avec tout ce qui fait un grand album, sleaze et power ballad inclus. Il fallait oser, ils l’ont fait et avec quel brio ! Espérons seulement que ce buisiness laissé en plan ne soit que le démarrage d’affaires plus sérieuses encore. Rock on !

ORKHYS: Legends

France, Metal épique (Autoproduction, 2024)

Avec Legends, Orkhys pourrait bien y entrer, dans la légende. Le ton est donné, dès le morceau titre, un instrumental introductif sur fond de metal épique aux relents celtiques. Puis, titre après titre, Orkhys développe un univers varié, rapide et mélodique. Les guitares fusent tout au long de ces chansons qui toutes, traitent de personnages légendaires et méconnus. Si la section rythmique pose de solides structures, on admire aussi, c’est toujours la grande particularité d’Orkhys, le travaille de Laurène, harpiste, chanteuse et meneuse de revue de ce collectif dont on remarque la stabilité – Laurène est entourée aux guitares, des complices Brice Druhet et Henri Genty, du bassiste Julien Lancelot et du batteur Jean-Yves Chateaux). Malgré l’évidence de certaines sources d’inspiration (au hasard: Nightwish, Iron Maiden, voire The Cranberries pour le chant) Orkhys a aujourd’hui trouvé son identité sonore – ce metal épique agrémenté de la pureté médiévale de la harpe dont on note un titre chanté en français (Deirdre an bhroin) – autant que visuelle – non seulement un look travaillé mais également un design sombre et sobre. Trois ans après un premier album remarqué, Orkhys franchit un nouveau cap et nous offre un disque puissant, varié excellement produit. Vivement la scène!

EKO: Déficit d’humanité

France, Metal (M&O, 2024)

La rage en français, ça a du bon… EKO, qui existe depuis 2015 et a connu moult changements avant de nous proposer ce Déficit d’humanité, un album révolté qui dit ce qu’il a à dire. Musicalement, les 11 titres évoquent – naturellement pourrait-on penser – Rage Against The Machine, mais le groupe puise également du côté de Living Colour, Fishbone, Bad Brains et autre groupes de ce que l’on désignait comme fusion, ce metal qui inclut hip hop, phrasé rap et irrévérence punk. Textuellement, on pense à nos groupes revendicatifs, Trust ou No One Is Innocent ou Mass Hysteria en tête. Des comparaisons certes faciles mais Eko apporte sa propre personnalité. Le groove omni présent ne laisse jamais indifférent et qu’on soit d’accord ou non avec les paroles, on ne peut qu’admirer la détermination directe d’Eko à faire passer son message. Un constat de la situation actuelle d’un monde en perdition et empli d’inhumanité. Sur scène, ça doit dépoter sévère!

AS A NEW REVOLT: Acid

France, Rap metal (Autoproduction, 2024)

Rappelez-vous, nous avions pu découvrir le metal rapé de As A New Revolt (AANR) en 2021 et pu témoigner du résultat en live lors de la prestation du duo au Hellfest. AANR revient aujourd’hui avec Acid, un album plus abouti, tant dans le son que dans les compositions, au nombre de 9. Impossible de ne pas penser à toute la vague neo metal, Korn en tête, certes, mais ce serait un peu trop réducteur. Il y a ici de la recherche de son, ce son techno/hip hop auquel se mêle la rage et la fureur d’un metal des cités. Alors, OK, on ne peut guère foncièrement parler ici de metal, mais les amateurs de puissance rapée, de sons électro et de rage vocale seront ici servis. Pas forcément mon truc, mais je me dis que quand j’arrive à la fin de ce genre d’album c’est que, au fond, il y a quelque chose…

WATERTANK: Liminal status

France, Rock (Atypeek music, 2024)

Voici bientôt 20 ans que Watertank a vu le jour du côté de Nantes… De la formation d’origine, il ne reste que Thomas Boutet, guitariste au chant torturé qui a vu son groupe plusieurs fois remodelé. Aujourd’hui entouré de Romain Donet (guitare), Willie Etié (basse) et Matthieu Bellemere (batterie), le groupe nous offre son quatrième album, un disque forgé dans un rock que certains définissent comme indépendant ou alternatif. Les guitares saturées et déterminées enrobent un chant étouffé et mélancolique sur des rythmes variés. Avec Liminal status, Watertank évoque en musique une forme de souffrance intérieure, explore des univers rock et grungy, parfois sombres, à d’autres moments rassurants. On se laisse entrainer dans cet univers sonore sans pour autant sombrer dans la déprime. Watertank nous offre un album épuré, dépouillé, au propos musical direct.

SOUFFRE: Dévotion/connexion

France, gothique (Ep autoproduit, 2024)

Voici un groupe dont la musique ne me parle guère et qui, pourtant, présente un univers sonore qui répond totalement au patronyme qu’il a choisi… Avec son premier Ep de 5 titres, Dévotion/connexion, Souffre développe un univers aussi sombre et étrange que violent. Après une intro purement gothique, Esclave heureux plonge dans un délire noisy avec un chant torturé et un break lourd et quelques influences Paradise Lost période Icon/Draconian times. Souffre aime la vitesse, et le démontre également avec Derrière le masque, avec ses impressionnantes descentes de manche et son chant sans finesse. Le morceau titre est quant à lui hyper speedé, teinté de touches électro, violent et hypnotique, un titre plein de conviction mais dépourvu de séduction… On retrouve ces aspects électro avec La mémoire de la peau qui clôt ce disque. Seul Combustion animale, au milieu de l’ouvrage semble plus raisonnablement heavy mais se met rapidement à foncer vers une forme de rage folle. Si je ne suis pas sensible à la musique du groupe, la thématique abordée, et la manière dont elle est mise en mots, interpelle. L’homme et sa souffrance, sa condition mortelle et le traitement qu’il réserve depuis toujours à sa propre espèce qui se traduisent par une forme de résilience… Souffre nous propose donc un disque loin de s’adresser à tous les publics – est-ce là seulement son intention? – un disque pour public averti et qui s’apprivoise au gré des écoutes mais un disque à la thématique actuelle et universelle.

THE HELLECTRIC DEVILZ: The devilz playground

France, Hard rock (Brennus music, 2024)

Comment prendre cet album qui, visiblement, cherche à tromper l’auditeur? Ok, la pochette donne quelques indications sur le genre de musique que pratique The Hellectric Devilz, groupe basque formé en 2017 et déjà auteur d’un premier album paru en 2020 : du hard rock burné qui lorgne vers le metal et le glam. Maintenant, la lecure des titres de ce nouveau disque, The devilz playground interpelle: dans un premier temps, ils sont logiquement numérotés de 1 à 10 mais on se rend compte que les sous-titres sont en ordre inversé… Double sens d’écoute? A tester, certainement! En tout cas, les basques nous proposent un hard rock burné théâtralisé de bout en bout. « Ladies and gentlemen, welcome… » Si l’anglais est perfectible, le groupe se fait plaisir avec ces 10 chansons qui lorgnent autant du côté du heavy rock de Motörhead période Overkill que du glam/punk irrévérencieux, du metal anglais renaissant de la période NWOBHM ou encore le thrash de la Bay area qui commence à faire son trou. Que ce soit la double grosse caisse qui bastonne, les riffs tranchants, une basse à la Steve Harris, le chant qui s’offre des envolées dignes d’un John Gallagher (Raven) ou des textes gentiment sataniques, tout est réuni pour offrir un bon moment à l’auditeur amateur de décibels et de rythmes endiablés. Sous ses airs parfois effrayants, on découvre souvent un diable séducteur. Laissez-vous tenter…