WITCHORIOUS

France, Doom (Autoproduction, 2024)

Entrez. Entrez dans un univers sonore aussi sombre qu’oppressant, celui de Witchorious, formation francilienne qui a vu le jour (sans doute en pleine nuit sans lune) en 2019. Le trio composé du guitariste chanteur Antoine Auclair, de Lucie Gaget (basse et chant) et de son frère Paul à la batterie, propose un premier single en 2020 avant de proposer son premier album éponyme en 2024. Un nom qui associe Witch (sorcière) et Notorious (notoire) donne déjà une bonne idée du genre musical dans lequel le groupe a choisi d’évoluer. La lecture des crédits indique qu’un certain Francis Caste était au manettes de l’enregistrement au mixage, un gage a priori de qualité. Le trio propose une palette de chansons au chant écorché, aux rythmes lourds comme une masse, à la rage féroce… Ce premier album, s’il souffre, comme tant de groupes français, d’un anglais guère compréhensible (allez, un effort de tous ferait sans doute entrer notre belle nation parmi les sérieux prétendants au trône du metal international au lieu de nous cantonner dans la case « ridiculus » de Martin Popoff!), bénéficie d’une mise en son parfaitement en accord avec la musique. Witchorious a totalement intégré ses influences, de Black Sabbath à Possessed, en passant par Electric Wizard ou encore Cathedral. Un album évidemment recommandé aux amateurs du genre et aux curieux, les dépressifs, quant à eux, passeront leur chemin. Witchorious nous offre un premier album des plus prometteurs, alors, on attend la suite, qu’elle soit scénique ou discographique. Un groupe à suivre.

EVE’S BITE: Blessed in hell

France, Heavy metal (M&O music, 2024)

Formé à Saint Etienne en 2014 par le guitariste chanteur Olivier Jourget, Eve’s Bite publie 2 Ep (Dive into the vice en 2015 et Holy waters en 2017) avant de voir sa section rythmique jeter l’éponge en 2018. Il faudra à Olivier de la patience, deux années de patience, avant de compléter sa formation aujourd’hui composée de Anthony Coniglio à la seconde guitare, Nicolas Matillon à la basse et Laurent Descours à la batterie. Deux années puis un covid… mais rien ne semble vouloir entamer la volonté du leader dont le groupe revient aujourd’hui avec un album complet, Blessed in hell. Amoureux du heavy 80’s, foncez! Car si les influences sont évidentes – au hasard, Iron Maiden, Judas Priest, Metallica, Megadeth, Motley Crue, Ratt, sans parler de Skid Row (ce chant à la Sebastian Bach qui manque cependant parfois d’un peu de précision mais quand même…), voire même l’influence d’un Existance de plus en plus en vue – elles sont parfaitement intégrées à un ensemble entrainant. Ce Blessed in hell monte en puissance, fait taper du pied et secouer la tête. Alors s’il y a quelques défauts (une ballade pas forcément nécessaire, un chant parfois mal maitrisé, des arrangements qui pourraient être mieux arrangés), si les Stéphanois ne réinventent rien, on se laisse facilement prendre au jeu de Eve’s Bite. C’est frais, ça déménage et on n’en demande pas plus. De l’envie et du plaisir.

DEEP WITHIN

USA, Metal (M&O music, 2024)

Fondé à Los Angeles en 2020, Deep Within développe son concept visuel et musical avant de s’engager sur les routes et d’entrer en studio pour nous proposer aujourd’hui ce premier album auto-nommé. Dès le morceau d’ouverture, Fractured, le ton est donné: les Américains proposent un heavy metal burné, doté de riffs efficaces qui fait s’agiter les crinières jusqu’à… jusqu’à ce qu’intervienne ce qui fait office de chant. Une voix rageuse, hurlée proche du black metal parfois qui rentre dans le tas et dans le lard. Mais bientôt, Deep Within interpelle et surprend en variant ses plaisirs: dès On coming storm, le groupe propose une variété de chants, débutant ici avec ces voix typique du heavy US mélodique moderne avant de s’orienter vers du black que rencontre une voix féminine claire et bienveillante, transformant sa musique en un metal hybride, pêchu et riffu à souhaits. On retrouve ci et là des traces d’Evanscence, d’Iron Maiden ou encore d’Amon Amarth, des montées en puissances efficaces et de purs moments de headbanging et neckbreaking (Ground, Time machine, Valhalla, Strong arm ou encore le morceau éponyme) ou d’autres plus simplements joyeux et festifs (Devil’s den). Ce premier essai, réussi, est une invitation à taper du pied et se révèle efficace de bout en bout. Belle découverte!

LAST QUARTER: For the hive

France, Doom (Autoproduction, 2024)

C’est lourd, c’est lent, ça s’intitule For the hive et c’est le nouvel Ep des Parisiens de Last Quarter. Il y a de la mélancolie tout au long des 4 titres de ce premier essais du groupe formé en 2018. On se retrouve dans l’univers d’un Black Sabbath déprimé et dépouillé, de sonorités profondes et d’un chant langoureux. Un ensemble qui commence à se faire explosif au milieu du troisième titre, Next morning. Mais l’ensemble reste résolument plus doom que metal, sombre, intriguant et oppressant. We’ll be just fine, qui vient conclure ce disque – dont on ne peut que reprocher un chant dans un anglais presqu’incompréhensible – de façon plus joyeuse, avec sa basse slappée et ses riffs enjoués, même si le propos devient plus noir et rageur. Je verrai bien Last Quarter investir une certaine Temple à un certain festival, l’esprit est en tout les cas là.

MESSALINE: Braconniers du silence

France, Hard rock (Brennus, 2024)

A ma connaissance, Braconniers du silence est le premier témoignage live des Burgiens de Messaline (bon, oui, j’ai dû chercher comment s’appellent les habitants de Bourg en Bresse…) Et il ne s’agit que d’un Ep. Enregistré le 30 août 2023 au Parc des Oiseaux de Villards les Dombes lors du festival les Musicales, ce live propose 5 titres (dont deux inédits) revisités et retravaillés à la guitare acoustique (deux en fait), donnant un résultat plus folk que hard rock. Le public connait déjà, tout du moins les amateurs de Messaline, Les 3 stryges, L’aimante religieuse (qui parle d’une nonne nymphomane) et Le jardin des délices qui sont tous trois extraits du dernier album studio de la troupe, Vieux démons, paru en 2022. Les deux inédits traitent pour l’un de l’alchimiste français Nicolas Flamel (Maistre Flamel) et l’autre de Geisha avec toutes les références possibles à la culture japonaise, des katanas aux mangas. Malgré l’omni présence des guitares acoustiques, l’ensemble est enjoué, chaleureux, plein d’entrain et groovy. Eric Martelat, chanteur et maitre d’ouvrage, porte bien son surnom de Chatos tant il communique avec le public, mais il maque dans son ton un peu de cette énergie qui va chercher et transformer son auditoire. Reste que ce dernier est réceptif à cette musique joyeuse et le fait savoir avec force applaudissements. Messaline, s’il a toujours été un groupe de hard rock, a également plus que souvent développé une approche progressive dans sa musique, et cela se ressent ici par la structures des morceaux et l’esprit d’un Ange qui flotte un peu partout. Il ne s’agit certes pas d’un concert de rock, mais bien du témoignage d’un groupe qui sait se réinventer. Prochaine étape, espérons le, un live explosif et moins sage!

HEADS UP: The way of the cure

France, Punk rock (M&O music, 2024)

Avec sa illustration d’un maxi burger géant à la poursuite de 4 énergumènes, on se dit d’emblée que Heads Up n’a rien de très sérieux. Et, une fois l’intro de The way of the cure passée, on replonge dans ce punk rock US festif et enjoué. L’esprit de The Offspring et de Sum 41, voire de la série Friends, plane en effet tout au long de ces 10 chansons qui font taper du pied. Ok, on est en terrain connu, celui d’une musique calibrée pour faire s’agiter les pieds lors d’un spring break, celui d’un rock déconneur et pas prise de tête. Alors on pardonnera volontiers cet accent franchouillard (quoique… pas sûr que ça n’irrite que moi). On identifie en effet immédiatement l’origine du groupe. Car, oui, Heads Up est une formation française, un combo qui a grandi avec les références précitées, et qui, bien que ne réinventant rien, s’en donne à cœur joie. On tape du pied mais est-ce suffisant pour vraiment percer? Il ne fait cependant aucun doute que Heads Up entraine son public dans son délire une fois sur scène, car sa musique est taillée pour.

ELECTRIC SPANISH: Obstacles

France, Rock (Ep autoproduit, 2024)

Qu’attendre de sérieux d’un groupe qui se nomme Electric Spanish, hein? Fondé en 2022 par le duo de guitaristes chanteurs Carlos Alfonso, originaire de Porto Rico et Emmanuel Medioni, Electric Spanish déboule avec Obstacles, un Ep rempli de cette dynamique fraicheur ensoleillée. Tout au long des 6 titres de ce disque, le duo fait preuve d’une variété d’influences et d’envies, de joie de vivre et d’amour du rock. On trouve aussi bien des traces du heavy blues chaleureux de Thin Lizzy (Black jacket) que d’entrain à la Pulp fiction (Electric Spanish qui se termine sur de faux airs de musique de club de vacances) ou des aspirations funky de dance club avec un chant de crooner (Strangers). Une belle variété qui insuffle à ce disque cette énergie entrainante qui donne irrésistiblement envie de bouger. Middle class, dans un esprit plus pop rock est sans doute le morceau que je trouve le moins convainquant, tandis que le « plaintif » Dear Jenny retrouve cet entrain initial. Enfin, le bien nommé Different song nous replonge dans les années 60 – on imagine volontiers Eddy Mitchell déclamer le texte sur l’introduction – avant de s’orienter vers le soft rock. Avec ce premier essai, les Espagnols électriques se positionnent comme de très sérieux challengers de la scène rock hexagonales. Un bel essai qu’il faut maintenant transformer.

SAXON: Hell, fire and damnation

Heavy metal, Angleterre (Silver lining, 2024)

Productif et régulier, c’est le moins qu’on puisse dire de Saxon, qui pourrait pourtant commencer – depuis quelques temps – à songer à une retraite bien méritée. Mais les Anglais menés par l’indéboulonnable Biff Byford sont plus en forme que jamais et le prouvent une nouvelle fois avec Hell, fire and damnation. C’est désormais un fait connu de tous, Paul Quinn a décidé de quitter le groupe, en tout cas de cesser ses tournées qui l’épuisaient pour se consacrer aux enregistrements studios de Saxon. Il a depuis été remplacé par un vétéran de la scène metal, Brian Tatler, fondateur du mythique Diamond Head, guitariste de la même génération et avec la même culture musicale que Biff. Tatler a cependant plus apporté à ce nouvel album que prévu, l’approche de la tournée commune avec Judas Priest obligeant Saxon a accélérer la réalisation de ce disque dont la production a été confiée à un certain Andy Sneap, producteur émérite et, tiens donc, également guitariste live au sein de… Judas Priest. Parlez de familles recomposées… Mais revenons à Hell, fire and damnation, le 24ème album studio (26ème si l’on compte les 2 albums de reprises Inspirations) qui démarre par une sombre et inquiétante intro (The prophecy) avant d’attaquer pied au plancher avec le morceau titre dont le refrain sera incontestablement repris en chœur par le public en concert. Visiblement inspiré par des thèmes historiques (à commencer par la pochette qui, comme le titre, évoque l’Enfer de Dante), Saxon déploie un arsenal de puissance porté par des riffs aussi féroces que modulés. Le plus calme Madame Guillotine avec son break qui rappelle les premiers jours du groupe précède un Fire and steel speedé qui voit un Biff chanter avec une rage folle, avant que le plus heavy Something in Rosewell, ses sonorités électro en intro et son esprit légèrement décalé en fasse le titre « ovni » de l’album. Saxon explore diverses périodes de l’histoire mondiale, passant ainsi de la révolution française à l’empire mongol (le rapide et aérien Kubla Khan and the merchant of Venice), les premiers pirates de la radio anglaise (Pirates of the airwaves) qui ont permis à toute une jeunesse (dont Biff lui même « just a teenage boy underneath the covers listening to the radio ») de découvrir nombre de nouveautés rock et qui ont suscité des carrières en passant par Guillaume le Conquérant (1066) et les sorcières de Salem (Witches of Salem). Saxon se montre ici plus en forme que jamais avec un album de pur heavy, puissant et mélodique dont on ne peut que vanter l’exemplarité tant y trouver un défaut est difficile. Le contenu musical est aussi inspiré que la pochette (qui relève vraiment le niveau de la précédente…) Biff, qui vient de célébrer ses 73 ans est dans une éblouissante forme vocale, et ses compagnons de route plus affutés que jamais. On admirera le travail aussi rentre dedans que tout en finesse du batteur Nigel Gloker, la puissance du bassiste Nibs Carter et la réelle complicité guitaristique entre Brian Tatler et Doug Scarratt qui, ensemble forment non pas un groupe uni – ce qu’ils sont – mais une vraie machine de guerre. Un groupe à ne pas manquer à Lyon et au Zénith de Paris, ni même au Hellfest où Saxon nous offrira, enfin, son show Castles and Eagles – avec promesse de faire revoler le Fuckin’ pigeon.

PRISM A: Way of life

France, Hard rock (Autoproduction, 2023)

Le hard rock vintage, celui des 80’s, a encore de beaux jours devant lui tant il existe, en France et ailleurs, d’irréductibles inconditionnels du genre. Prism A fait partie de ceux-là. Fondé sur les cendres de Prism, le groupe orléanais (ou presque) a publié en 2020 ADN, un premier Ep de 4 titres forgés dans ce heavy rock entrainant et enjoué. Le combo revient aujourd’hui, fin 2023 en réalité, avec son premier album, le fort bien (sinon originalement) intitulé Way of life. L’album composé de 9 titres fleure bon les années 80 avec toutes ses références: du hard rock classieux avec ses guitares enjouées (Tell me why, Burn the ground, Pink mussels, Way of life), ses références aux grands du genre (Crazy night qui évoque un certain Kiss, l’indispensable ballade à mi parcours No more tears rappelle un autre certain Ozzy), son origine Made in France et ses – charmantes – fautes d’anglais (Fight all days – j’eus préféré « Fight every day »…) Si Prism A ne réinvente rien, on sent un groupe passionné qui cherche seulement, simplement, à se faire plaisir, sérieusement mais sans jamais se prendre au sérieux. Et de cette manière, le groupe a de quoi emmener l’auditeur avec lui. Nous irons avec plaisir découvrir ce que donne Prism A sur scène le 13 avril prochain à Cléry Saint André en ouverture des incontournables Sortilège. En attendant, on reprendra bien une dose de ce Way of life qui nous replonge dans nos années d’adolescence.

VENUS WORSHIP: Relapse

France, Grunge (Démo, 2024)

A peine formé en 2023, voilà que le trio parisien Venus Worship s’enferme en studio pour nous proposer un premier jet de ses aspirations rock n rollesques. Composé de Marko Simic (chant et guitare), Megan Casey (basse) et Marie Courant (batterie), le trois se lancent avec ces 5 titres proposés sur Relapse dans un rock engagé et contestataire. Féministes jusqu’au bout des ongles, dénonçant toute forme « d’injustice » (je le mets volontairement entre guillemets ce mot, tant ce qui est juste pour les uns peut sembler injuste à autrui, et inversement. Débat philosophique ouvert!), ou de discrimination, le jeune groupe n’hésite pas à l’ouvrir et le fait savoir. Dès Escape, on se trouve en terrain familier tant l’ombre de Nirvana envahi la pièce au cours de l’écoute. Musicalement efficace, le chant à la Cobain manque cependant quelque peu de rage et de détermination (c’est l’un des rares reproches, avec un son brut qui manque de rondeurs, que l’on peut trouver à ce premier essai, mais la voix de Marko s’affirmera, comme la production, avec le temps. Normalement.) La force de Relapse, toutefois, est de proposer 5 morceaux qui ne se répètent pas et qui évoquent d’autres influences que sont les Smashing Pumpkins, Alice In Chains ou autres RATM: So it’s war est tout en contrastes entre grunge et rock direct, le morceau titre est plus lent et plus oppressant que lourd, Never give up se rapproche du rock alternatif noisy tandis que MJ vient clore avec entrain ce premier essai. Une nouvelle belle promesse qui mérite d’être découverte.

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