PADDANG: Lost in Lizardland

France, Stoner (Le Cèpe Records, 2025)

Voilà une intrigante étrangeté… Paddang, trio formé à Toulouse en 2020, déboule avec un second album, Lost in Lizardland, barré de bout en bout (le premier, Chasing ghosts date de 2023). Clairement, il faut les suivre les gars! Ils nous entrainent sur les trace de Moros, sorte d’involontaire héroïne qui se réveille dans un monde radicalement différent de celui que l’on connait et qui se met en quête de quoi exactement? Les 8 titres puisent autant dans le psychédélisme des années « acide et amphèts » chères à Hawkwind ou King Crimson que dans les plus récentes périodes aujourd’hui nommées stoner. Les sonorités spatiales – et spéciales – côtoient quelques fulgurances audacieuses. Le résultat est un ensemble varié qui étonne toujours. Lost in Lizardland nécessite plusieurs écoutes pour être totalement digéré, mais s’écoute en une traite avec plaisir. une jolie découverte.

LISATYD: Still

France, Stoner (Ep autproduit, 2025)

Après une intro planante, Loop, le morceau d’ouverture de Still, le nouvel album des Français de Lisatyd (acronyme de Life Is Shit And Then You Die, titre du premier Ep) s’enfonce dans les méandres éthérés d’un heavy stoner et psychédélique avec des sonorités extra terrestres. D’impros contrôlées en délires noisy, les six titres de ce nouvel Ep entraine l’auditeur dans un univers hors du temps. Grungy et crunchy, certes, souvent hypnotique et jamais dépourvu de mélodies, le quatuor sait lier efficacité, rugosité et densité. On remarquera l’évolution naturelle du groupe qu’on avait pu découvrir avec un première production en 2023. Si Lisatyd pouvait alors dérouter, il interpelait, aussi. On appréciait déjà, en effet, le côté décalé et planant de ses créations, deux paramètres à prendre une nouvelle fois en compte, la maturité du travail en commun en plus. Simon Garette (chant et guitare), John Babkine (guitare), Clément Verhaeghe (basse) et Angela Dufin (batterie) mettent chacun en commun leurs expériences acquises au sein d’autres formations d’univers variés. Etonnant et réussi.

YOJIMBO: Cycles

France, Stoner (Autoproduction, 2025)

Si Cycles est le premier album des Strasbourgeois, Yojimbo – un rapport avec le film de Kurosawa? – a toutefois une petite histoire derrière lui. Formé en 2019, le quartet se lance dans un rock stoner teinté de touches progressives et publie un premier Ep éponyme en 2019. Et enchaine les concerts. Aujourd’hui, ce premier album nous montre un groupe qui maitrise son sujet et tout au long des 7 titres explore des univers variés. Si certaines influences sont évidentes – des riffs à la Black Sabbath early days, Queens Of The Stone Age – Yojimbo développe sa propre identité sonore et se lance dans des passages qu’on pourrait croire improvisés et qui nous renvoie aux plus belles heures du genre, celui d’un Blue Öyster Cult affiré ou d’un Pentagram. Un très jolie découverte à conseiller.

CHTULUMINATI: Tentacula

Pays- Bas, Stoner/Psyché (Autoproduction, 2025)

Des morceaux à rallonge, des guitares lourdes, des riffs hypnotiques, une voix au bord de la rupture quand elle ne flirte pas, rarement, avec la rage du black metal ou, plus souvent, la profondeur du folk/pagan… Pas de doute, Chtuluminati joue sur les terres d’un heavy rock psychédélique qu’on nomme aujourd’hui stoner. Sur les six titres que comporte Tentacula, son second album, quatre dépassent allègrement les 9′ – et un seul, Transformation, sorte d’intermède incantatoire, ne dure qu’1’12. Chtuluminati nous entraine dans des contrées aussi attirantes qu’inquiétantes sur fond de guitares obsessionnelles, lascives et rugueuses, de rythmes lourds et parfois décousus. Cependant, l’ensemble se tient parfaitement, interpelle et intrigue. Il y a dans cet album des influences variées, allant sans surprise de Black Sabbath à Hawkwind, en passant par le côté aérien de Pink Floyd ou celui plus sombre de Pentagram ainsi que de petites escapades en terres black. Si l’ensemble se veut volontairement oppressant, Tentacula tient parfaitement ses promesses, l’auditeur se trouvant piégé dans les tentacules de la bête. Une bête qui, sans surprise, évoque l’univers Lovecraftien, aussi horrifique (cette déconstruction sonore sur Mantra vient clore les débats) qu’attirant (Cthrl qui pose le décor, sorte de sables mouvants, dans lesquels on s’enfonce au fil des titres sans parvenir à s’en extraire). Tentacula est un album qui mélange les codes, et parvient à mêler des ambiances a priori contre nature. Mais ça fonctionne plus que bien. Pour un second album, la bande montée par le chanteur Devi Hisgen, fondateur et unique membre du projet Marquis, ancêtre de Chtumuminati – Rami Wohl (guitare), Stefan Strausz (basse) et, dernier arrivé, Seth van de Loo (batterie) – parvient à repousser les limites du genre avec des titres aussi longs qu’ambitieux.

I.S.I.8: The convolution anchor

France, stoner/électro (M&O, 2025)

Formé en 2021 à Clermont-Ferrand, I.S.I.8 déboule avec The convolution anchor, un premier album qui mélange l’électro indus de Nine Inch Nails ou Rammstein à un esprit plus rock déjanté et alternatif. Si la voix grave et profonde fait le job, l’accent anglais est, à quelques rares exceptions près, à chier (et je reste poli…) et gâche le résultat final. Les riffs sont quant à eux entrainants et donnent envie, malgré une production parfois trop faible pour le genre, de taper du pied et de secouer la tête. Il y a chez les Clermontois de la volonté et de l’envie, mais il semble urgent de travailler cet accent pour pouvoir espérer séduire les pays anglophones. Car musicalement, il y a de la matière à travailler. Allez, comme je l’ai si souvent lu: « peut mieux faire, doit persévérer »

https://youtu.be/twTVN8Cl3KE

UNCUT: Space cowboys

France, Stoner (Autoproduction, 2024)

Uncut s’est formé en 2016 dans la région poitevine et propose rapidement un rock qui se veut déjanté et qui cherche à mélanger le blues US au rock grungy des 90’s. Après avoir tourné avec Klone en 2019, le trio composé de chanteur et guitariste (« baritone guitar ») Alexy Sertillange, du guitariste Enzo Alfano et du batteur Pablo Fathi publie un premier album, Blue , en 2020 et revient aujourd’hui avec un Space cowboys quelque peu allumé. Sur fond de rythmes puissants et parfois oppressant, le groupe s’enfonce dans une forme de stoner rock avec des titres souvent allumés. Des riffs et rythmes inspirés par Black Sabbath côtoient des parties instrumentales plus directes et souvent étranges, des parties qui explorent de nombreuses possibilités. Agressifs et lourds, les morceaux souffrent cependant de ce que je considère comme deux faiblesses: un anglais difficilement compréhensible si on n’a pas le livret sous les yeux et trop de complexité dans les constructions. Et en voulant trop explorer et emprunter des chemins tortueux, Uncut m’a égaré… Le trio est soutenu par la Klonosphère, tant mieux, car le collectif a toujours été de bon conseil. Il faut en profiter. Je retenterai de mon côté plus tard…

STUBBORN TREES: The stronger the wind…

France, Stoner rock (Autoproduction, 2024)

On ne va pas vous faire l’insulte de vous expliquer que le nom du groupe vient directement de cette catégorie d’arbres quelque peu rebelles qui poussent peu importe où en repoussant ou contournant les obstacles qui se dressent sur leur chemin… Non, ça, on ne le fera pas parce que ce qui nous (hein? pardon? Comment ça: « tu l’as fait quand même »?)… Reprenons. Ce qui nous intéresse, écrivais-je donc avant cette interruption, c’est The stronger the wind… un premier album signé des Français de Stubborn Trees, déjà auteurs de deux Ep (Stubborn trees en 2020, Roots en 2021). Toujours ancré dans les inspirations liées à mère nature, Stuborn Trees nous propose une exploration de ses diverses sources d’influences au travers de 11 titres qui oscillent entre gros hard rock avec des riffs dignes d’un jeune Black Sabbath et folk énervé. Dès Waiting for…, le groupe expose une palette de couleurs musicales avec une jolie variété tout au long de l’album. Quelques grognement viennent ici illustrer la colère de Mère Nature, quelques claviers apportent ailleurs une douceur enrobée de bienveillance. Sans rien réinventer, l’alliance des styles, du heavy rock vintage au grunge, en passant par une touche de folk et un peu d’extrême, donne à ce disque une jolie dimension. Totalement DIY – même la pochette dont on imagine qu’elle représente le maillage anarchique et totalement contrôlé de racines est dessinée par Laurie Prévot (Chant et basse) et Yann Eléouet (chant et guitare) – tous deux accompagnés par le guitariste Julien Le Page et le batteur Camille Barsamian – ce premier album est une carte de visite assez prometteuse.

ODA: Bloodstained

France, Stoner/doom (Autoproduction, 2024)

La pochette de Bloodstained dit tout, ou presque: une nature morte qui évoque l’univers des frères Le Nain, décor éclairé à la bougie, on va invoquer je ne sais quoi. Lorsque résonnent les premières mesures de Children of the night, on se retrouve plongé dans un univers lent, sombre et froid. Le son, crissant et craquant, sonne et résonne comme si l’on se trouvait dans une crypte. Les guitares saturées et le chant trainant presque mélancolique de Thomas Féraud, la basse ronflante tenue par Emmanuel Brège, la batterie lourde frappée par Cyril Thommeret, tout évoque une sorte de rituel. Les participants ont consommé on ne sait quoi et parviennent à proposer des morceaux lourds proches du stoner et du doom. Une fois ce morceau d’ouverture passé – moins de 4′ – Oda nous entraine dans des décors plus étranges qu’oppressants. Avec ses 11′, Zombi suivi de Inquisitor (même lié à) dépeignent plusieurs tableaux, proposent diverses ambiances que ne renieraient pas les grands du genre. Rabid hole et sa basse ronflante, Succubus, hypnotique ou la (légère) montée en puissance de Mourning star parviennent à séduire même si Oda ne réinvente pas le genre. En revanche, le groupe nous offre un premier album prometteur qui mérite qu’on se penche sur son cas.

CHAKORA: Fractured fate

Allemagne, Stoner (M&O, 2024)

A l’image de la pochette, il n’est pas forcément nécessaire d’être totalement sobre pour plonger dans le propos de ce Fractured fate, album quelque peu allumé signé Chakora. Le quatuor allemand nous propose en effet un album totalement psyché, aux sonorités volontairement 70’s. On plonge dans un univers sonore qui évoque autant Hendrix que Hawnkwind ou encore un jeune Motörhead. Le chant, embrumé et rugueux se fait par instant plus « moderne » dans le sens hurlé et enragé du terme. Débuter avec une doublette composée de Jesus et de Muddy Waters n’a sans doute rien d’accidentel mais en tout cas, les jalons sont posés: du rock vintage, déjanté aux guitares aussi rugueuses que mélodieuses. Tout au long des 10 titres de cet album, Chakora nous entraine dans des univers datés -on a parfois l’impression que les musiciens se livrent à des joutes improvisées – tout en y incluant avec bonheur des touches exploratoires et contemporaines. La rage est telle qu’on peut aisément comprendre ce qui motive cette destinée fracturée… Une expérience hors du temps.

BARONESS: Stone

USA,Stoner (Abraxan hymns, 2023

Il y a Baroness et Baroness… Un groupe évolue, et c’est normal, et Baroness fait indéniablement partie de ceux-là. Jadis lourd, oppressant ou intriguant, la formation de John Baizley propose aujourd’hui, avec Stone, un album étonnant à plus d’un titre. Avec ses 10 morceaux (dont une intro quelque peu… ambiancée), Stone navigue de genre en genre sans jamais imposer une ligne directrice évidente. Aussi coloré et torturé que la pochette qui l’illustre, cet album s’apprivoise avec patience. C’est d’évidence ce qui en fait son intérêt et sa force. Déroutant pour les fans de l’ancien temps, novateur pour d’autres, Stone présente également la plus récemment arrivée – qu’on a pu découvrir live au Hellfest 2022 – qui pose son empreinte avec des backing discrets et nuancés et des lignes de guitares souvent étonnantes. Tout au long de Stone, Baroness explore, déroute l’auditeur, voire le décontenance. C’est à la fois la force et la faiblesse de ce disque qui nécessite bien plus qu’une écoute avant d’être apprivoisé. Le genre d’album qui hérisse avant qu’une nouvelle écoute, à froid, un appel à la curiosité, ne permette de le révéler totalement. Oui, définitivement, il y a Baroness et Baroness. Stone en montre une facette nouvelle et, par conséquent, encore inconnue du grand public. Stone fait partie de ces albums qui se révèlent totalement avec le temps.