Interview: MYRATH

Rencontre avec Elyes (Myrath), propos recueillis 23 juin au Divan du Monde de Paris

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Metal-Eyes : Elyes, tu es à la fois claviériste et manager de Myrath. Pas trop compliqué de faire les deux à la fois ?

Elyes : Pour moi, ça me semblait naturel de tenir ces deux rôles. Et, il y a aussi le producteur, Kevin Codfert, avec qui on fait les choses à deux. Ce n’est pas compliqué, c’est comme si on prenait soin d’un bébé.

Metal-Eyes : Ce soir, vous donnez votre premier concert en tête d’affiche à Paris, ville où vous avez déjà joué mais en première partie. Ce soir, le concert affiche complet. Comment tu te sens à deux heures de ce concert ?

Elyes : La pression monte… Je vais être franc avec toi : on attendait cette date et on a eu la confirmation juste après notre concert avec Symphony X. « Allez, maintenant, il faut passer à la vitesse supérieure ! » C’est bien, la date tombe juste après le HellfesT, le Download et aussi après le brevet, et je viens d’avoir les infos qui confirme que c’est sold out. Et ça fait chaud au cœur.

Metal-Eyes : Quels sont les souvenirs que tu as des concerts parisiens de Myrath ?

Elyes : Celui qui m’a le plus marqué était celui de Symphony X. Parce que, pour la première fois, on sentait qu’il y avait un public derrière nous. Le public était venu, naturellement, pour Symphony X, mais l’album venait de sortir et les gens chantaient aussi avec nous. Nous étions vraiment surpris : quelques jours après la sortie, le public chante avec nous. C’est cool…

Metal-Eyes : Parlons de Legacy, votre dernier album en date. Il y a eu d’excellents retours un peu partout. Qu’est-ce qui le distingue du reste de votre discographie, semlon toi ?

Elyes : Ce qu’il s’est passé pendant les 5 ans qui le séparent de Tales of the sand, c’est que pour ce dernier, on a tourné pendant 3 ans et demi. Partout, tout autour de la planète. On a joué en Inde, en Europe, en Amérique, en Afrique, quelques pays du Maghreb, en Asie. Mais juste après, il y a eu la révolution en Tunisie, ce qui nous a freinés un peu. Créer de la musique quand ton pays souffre, c’est pas sympa. Je vis ici, en France, mais j’ai de la famille en Tunisie,. Quand ils me racontaient comment ça se passe… On n’a pas le courage ni les émotions pour créer de nouveaux morceaux. Il y a aussi un autre événement qui nous a marqués, c’est le décès de notre ex-manager, qui était le père de Malek. Il n’était pas un simple manager, il était notre père. C’est grâce à lui que le groupe est vivant. C’est lui qui nous a donné les moyens d’avoir un local en Tunisie pour répéter, c’est lui qui a tracé les débuts du groupe… Avec ces événements là, il était difficile de reprendre la composition. Sur Legacy, nous avons laissé les émotions parler. On s’est laissés aller, on ne calculait pas, comme pour les autres albums. Celui-là, c’était 100% notre vécu. Même les thèmes abordés parlent de révolution, décès, de la perte… et le titre Legacy, est un hommage à la Tunisie, à toute révolution, tout peuple qui se bat pour ses droits. Même la pochette : on a essayé de donner une image de la Tunisie, de notre culture, de ce pays très ouverts à beaucoup de formes de culture. On a mis la main de Fatma, un signe judaïque connu dans le nord du Maghreb, et dans le détail, il y a le drapeau tunisien, les oliviers, les signes de paix… Tout ça symbiolise la Tunisie, notre état d’esprit.

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un titre de Legacy pour décrire ce qu’est aujourd’hui Myrath, ce serait lequel ?

Elyes : Je pense que ce serait Believer. On a fait le clip de ce titre – d’ailleurs je tiens à remercier nos fans car c’est grâce à eux que nous avons pu le réaliser. On a fait la campagne de crowndfunding, il nous fallait 10.000€, on en a reçus 14. C’était un premier test pour voir ce qu’est le groupe et au final, on a beaucoup de fans qui nous soutiennent dans le monde. Ça nous a scotchés, on ne s’attendait pas à une telle surprise. Alors, ce sera Believer parce que c’est un titre accessible à tout le monde, mais celui qui représente le plus Myrath c’est Nobody’s life parce qu’on trouve des paroles en anglais et en Tunisiens. Juste une précision : en Tunisie, on ne parle pas l’arabe, mais bien la langue tunisienne, qui est un mélange entre l’anglais, le français et l’amazir. Il y a tout, de la musique nord africaine, tunisienne, du metal, bien sûr, power ou symphonique.

Metal-Eyes : Myrath est un groupe tunisien

Elyes : Franco-tunisien. Il y avait Piwee à la batterie, maintenant, c’est Morgan, mais il y a aussi Kevin Codfert qui est, on va dire, un sixième membre du groupe. Un membre caché mais un membre à part entière. Sans négliger le reste de l’équipe, Perrine, Nidhal qui font un énorme travail pour développer le groupe.

Metal-Eyes : Quelle perception le Maghreb et la Tunisie ont-ils aujourd’hui du metal ?

Elyes : J’aimerai bien souligner ceci : certains font l’amalgame avec d’autres pays. On est chanceux d’être en Tunisie, on a déjà fait la révolution. La révolution, ça veut dire se battre pour nos droits. Avant même la révolution, on pouvait donner des concerts, répéter, jouer du rock, du metal. On avait d’ailleurs fait des petites scènes. Alors, on n’a pas de Hellfest, mais on a quand même fait venir Robert Plant, Adagio, Epica, Symphonie X… Il y a une scène metal active, même si ce n’est pas tous les mois ou deux mois. Mais ce n’est pas tabou… Le problème c’est qu’il n’y a pas de subventions, de structures. On a des musiciens de talents, mais il n’y a personne pour prendre soin d’eux. Forcément, on n’a pas la Sacem, même si c’est en train de se développer. On est en train de faire le point sur la sécurité, et ils sont en train de focaliser sur la culture. Ça commence à prendre de l’ampleur. Encore une fois, on est très chanceux en Tunisie, on a une liberté d’expression énorme. Bien sûr, il y a quelque préjugés, comme ici en France, ou ailleurs, aux States, partout.