Interview: TEMPT FATE

Interview TEMPT FATE. Entretien avec Pierre-Louis le 29 novembre 2023.

Le dernier album de Tempt Fate est sorti il y a déjà quelques temps… Pourquoi n’en assurer la promo que maintenant ?

Oui, il est sorti en septembre sur le label Almost Famous. La promo a un peu commencé avant, mais surtout, on a un peu trainé et pris du retard sur l’enregistrement, et le mix et la suite ont été décalé, comme le reste du planning qu’on avait prévu. On a reçu les CD tardivement, fin aout. On avait prévu la release lors du festival Metal on the beach qu’on organise. Ensuite, il a fallu qu’on s’organise avec Roger (Wessier, WTPI) qui a pu distribuer les CD et organiser les interviews. On a quand même eu pas mal de chroniques entre septembre et octobre, et ça continue. Là je suis à Paris pour la promo, où on joue demain, donc on a profité de faire d’une pierre deux coups.

De mon côté, je découvre Tempt Fate avec ce nouvel album, Holy deformity. Je crois savoir qu’un premier album était sorti en 2018, Human trap. Cependant, peux-tu nous raconter l’histoire du groupe ?

Ça va faire 10 ans en 2024 que le groupe existe. On a sorti un Ep en 2014/2015, quelques morceaux, mais entre temps, on a pris d’autres chemins. Ce n’était pas tout à fait la même musique qu’on proposait, c’était du blast mais pas vraiment ce qu’on voulait faire. Il y a eu l’album, puis un autre Ep, Hold on, en 2021. On a sorti quelques singles aussi et Holy deformity en 2023. Le line up a aussi un peu bougé entre 2018 et 2023. Il reste trois membres d’origine : j’ai monté le groupe avec le batteur, Quentin, et Simon, le chanteur.  Le line up actuel existe depuis environ 4 ou 5 ans. Avant le Covid.

Comment décrirais-tu la musique de Tempt Fate pour inciter quelqu’un qui ne vous connait pas à vous écouter ?

Alors… ça dépend : si cette personne est déjà branchée un peu metal, il y a quelques codes qui vont lui parler. Si c’est quelqu’un qui ne connait rien au metal, il y aura un peu plus de travail (rires). Pour quelqu’un d’un peu initié, c’est du death metal avec différentes teintes par morceaux. Ça navigue entre le brutal – dans le sens où il y a des tempos très élevés, ça blaste beaucoup – et les côtés plus mélodiques. On essaie de proposer une recette qui est la nôtre, piochée dans nos influences…

Comment tu la décrirais cette recette, justement ? Mets moi en appétit !

Ah, ah ! Comment je la décrirais ? Que je te mette en appétit ? Alors, je vais venir sur les basiques primordiaux de la vie : tu vois un beau feu de cheminée, un bon verre de rouge – mais, tu n’en bois pas trop quand même parce qu’après tu vas devoir boire de l’eau ! – et à la fin tu ajoutes un peu de sucré pour faire glisser le tout…

Alors, le sucré, je ne l’entends pas trop dans votre musique… Je ne suis pas le plus grand amateur de metal extrême et de death, et c’est vrai que quand j’ai écouté l’album, c’est… « c’est du brutal », comme diraient les Tontons flingueurs…

Ah oui ? Pour moi, le sucré, c’est peut-être mon côté nostalgique, un peu ténébreux qui me fait dire ça… On n’est pas des méchants. Et comme je sais ce qu’on a écrit, je me dis « oui, bon quand même, c’est pas si violent ! » Pour me rassurer, quoi (rires) !

Quelles sont selon toi, en dehors des changements de line-up, les évolutions principales de Tempt Fate entre vos deux albums ?

Tout (rires) ! Tout dans le sens où le premier album, je l’ai majoritairement écrit seul. Il y a des parties qui ont été réarrangées et réécrites, mais à 80/90%, je l’ai écrit seul. Ça entraine pas mal de faiblesses dans la composition, et j’ai appris plein de choses depuis. Cet album, au-delà de la qualité du son, était assez à mon goût. Il y avait un manque de cohérence entre les morceaux, des breaks pas forcément bien amenés…. Ce sont des éléments dont on a tenu compte, même si on aime les choses déstructurées, mais il faut savoir les amener musicalement. On a voulu mettre plus de liant dans le nouvel album qui, selon moi, est beaucoup plus mélodieux, avec plus de riffing et un travail beaucoup plus aboutit en termes d’harmonies. Ça, on le doit clairement à Jean-Philippe qui est arrivé dans le groupe avec un niveau de guitare qui dépasse très largement le mien. Il est arrivé avec beaucoup d’idées, on a appris à travailler ensemble et le résultat est là. Comment structurer tout ça pour aller à l’essentiel. Après, il y a eu tout le travail sur le son pour avoir un album qui se tienne. Qu’on aime ou pas, le son est bon, le produit est fini, on ne se pose pas de questions : ça sonne ! on a enregistré les cordes à la maison – c’est moi qui m’en suis occupé – la batterie a été enregistrée chez Nicolas Constant qui a un studio ici dans le Tarn, et le tout a été mixé et masterisé chez Thibault Bernard qui a fait un super boulot. Il connait bien ce genre de musique et je savais qu’il serait en mesure de nous proposer quelque chose qui marche bien. C’est assez conventionnel, peut-être, il n’y a pas beaucoup de prises de risques sur le son, mais on ne voulait pas se rater sur certains niveaux pour proposer un produit fini, carré et qui soit cohérent, avec un côté un peu plus sérieux.

Il y a donc 2 évolutions principales, l’une dans le travail plus collaboratif, l’autre dans une professionnalisation notamment au niveau du son…

Absolument !

Maintenant, si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Holy deformity pour expliquer ce qu’est Tempt Fate aujourd’hui, lequel serait-ce ? Celui qui est le plus représentatif de ce que vous êtes aujourd’hui.

Oh là, c’est chaud ! Pas forcément celui que j’aime le plus, donc… Déjà ça c’est difficile… Le plus représentatif ?

Un titre que tu ferais écouter à quelqu’un pour l’inciter à écouter le reste de l’album, en lui disant : « voilà, ça, c’est notre identité musicale ».

OK… Donne-moi deux secondes… Alors, celui-là est un peu différend des autres mais il nous représente bien : je dirais Filth of life. Il y a une espèce de mosh part, il casse des dents, il est bien structuré et il est assez brutal. Pour autant, je ne pense pas que tout l’album soit à cette image, alors je dirais peut-être plus le morceau du clip, God ends here. Il y a peut-être un peu plus de mélodie, c’est entre le death et ça tire un peu vers le black. Oui, c’est celui-là qui représente plus l’album, c’est pour ça que c’est celui qu’on a choisi pour le clip…

Il y a une forme de logique, en effet… Si tu devais penser à une devise pour Tempt Fate, ce serait quoi ?

Une devise ? « Il faut toujours suivre le plan » ! S’il y a un plan, ce n’est pas pour rien, ça évite de s’embrouiller. Que ce soit pour le rangement du camion ou pour le reste… C’est devenu une devise entre nous, si on a un plan, c’est pas pour faire n’importe quoi ! Je peux être obsessionnel, mais j’ai mes limites ! Quand on est 5, avec 5 caractères très différents, au bout d’un moment, il faut qu’on soit raccord sur des trucs, sinon on ne s’en sort pas (rires) !

Vous êtes 5 personnalités complètement différentes… C’est une question que je pose systématiquement maintenant : quels sont vos métiers dans vos autres vies ?

Alors, le batteur est prof de batterie, donc lui vit de la musique. Le bassiste est forgeron, ferronnier d’art. Le chanteur est – il ne faut pas que je me trompe sur son métier… – il est designer d’intérieur d’avions pour des sous-traitants d’Airbus. Jean-Philippe est en train de changer d’orientation, il va voir ce qu’il veut faire, et moi, je suis psychologue.

Quand le psychologue écoute votre musique, il ne se dit pas « il y a de la brutalité dans l’air » ?

Ben, c’est moi qui l’écris la brutalité, c’est moi qui compose et écrit les textes !

Je ne me suis pas plongé dans les textes, quels sont les sujets que vous abordez ?

Human trap parlait déjà de l’humain, on a continué sur Holy deformity mais en abordant plus les thèmes des angoisses. Ça parle de ce qui peut être en lien avec le corps quand ça ne tient plus, qu’est-ce qu’il se passe avec le corps quand ça s’effondre à l’intérieur. On essaie de mettre en lumière ces douleurs, une tranche de vie, pour expliquer ces traversées émotionnelles qui explique ce qu’il se passe, pourquoi ça se barre et comment vivre avec ça et s’en sortir.

C’est directement et intimement lié à ton travail. J’imagine que les patients que tu reçois ont été directement source d’inspiration, de réflexion autour de ces sujets ?

Complètement, oui. Et pour moi, c’était hyper important parce que c’est quelque chose qui me passionne et c’est un moyen d’y loger ma sensibilité, mes émotions, mon empathie. Après, pour l’album, on a pris un personnage en trame de fond, quelqu’un qui serait un peu féminin, qui traverse des choses… Des tranches de vies de personnes que je rencontre au quotidien, qui viennent me parler, et j’essaie de mettre tout ça un peu en forme. Donc, oui, ça peut être brutal.

Y a-t-il des thèmes que tu ne souhaites pas aborder avec Tempt Fate parce que tu penses que ça n’a pas sa place ?

Tu as une idée en tête ?

Il y a des gens qui ne vont pas parler de dragons, d’autres qui ne veulent pas aborder la politique parce qu’ils ne veulent pas s’engager dans cette voie, d’autres qui ne traitent pas de religion…

Ok, je comprends ta question. Je pense que tout peut avoir sa place, tout dépend de comment on aborde les choses. Le projet est avant tout musical. On veut se faire du bien, faire des rencontres, partager et découvrir des techniques musicales… Si les sujets nous parlent, on peut tout faire. Mais nous ne sommes pas un groupe qui a une visée d’engagement politique. Même la religion : le titre y fait référence, mais pour autant, on ne parle pas de religion. Ça convoque simplement la question du « sacré ». La question de l’homme, est-ce une unité ? on essaie d’aborder les sujets différemment même si ça échoue un peu à chaque fois. C’est comme quand tu veux expliquer un rêve, c’est un peu le bordel parce que la personne en face de toi, elle ne l’a pas rêvé…

As-tu quelque chose que tu souhaites ajouter pour terminer ?

Non, on a abordé pas mal de choses, et comme on a dit qu’on suivait le plan, on suit le plan (rires !)

Et le plan c’est de ne pas prendre de retard sur les autres interviews !

Exactement ! en tout cas, merci beaucoup !