ABDUCTION: Toutes blessent, la dernière tue

France, Black metal progressif (Frozen records, 2023)

Toutes blessent, la dernière tue. Une référence au temps qui passe et à cette mort qui, tôt ou tard, nous emportera tous, d’une manière ou d’une autre. C’est aussi le titre du nouvel et quatrième album des Français d’Abduction et le groupe a opéré une importante mue. Son black metal à tiroirs se fait aujourd’hui plus aéré et varié que sur ses précédentes productions. Si on retrouve naturellement les codes inhérents au genre – blast beats, guitares enragées, « chant » torturé et hurlé, bref, tout ce que je n’aime pas. Habituellement… – Toutes blessent voit Abduction s’ouvrir et explorer de nouveaux horizons. Les guitares trépidantes de Guillaume Fleury donnent envie de chantonner les airs du morceau titre ou de l’instrumental Par les sentiers oubliés, (m’)évoquent même un lointain China White de Scorpions sur Carnets sur récifs, se font douces sur Dans la galerie des glaces ou Cent ans comptés avant de devenir explosives, incisives même. Le chant de François Blanc, quant à lui, varie entre agressivité black, profondeur et gravité. L’association de ce chant et de guitares jouées à la quadruple croche étonne même sur le déjà cité Cent ans comptés et c’est là la force de cet album qui, pour le non amateur de black metal que je suis, s’écoute d’une traite. La rythmique, tenue par le bassiste Mathieu Taverne et le batteur Morgan Delly est à l’avenant, blastant ici, imposant un rythme martial là, se faisant plus aéré ou même presque groovy. Abduction surprend – et va surprendre encore – avec sa vision retravaillée de Allan, titre incontournable de Mylène Farmer, originellement paru sur Ainsi soit je… en 1989, ici non seulement revisité musicalement dans une explosive et efficace version, mais ayant également été retenu pour la réalisation d’un clip en tenue d’époque. Toutes blessent, la dernière tue est l’album d’un groupe mature qui propose une musique complexe bourrée d’onirisme et de mélancolie. Une bien belle surprise, en somme.

SIGNS OF DECLINE

France, Metal extrême (Ep, M&O music, 2023)

Quatre titres. Quatre petits morceaux se trouvent sur ce premier Ep et le diable sait que l’auditeur en sort exsangue tellement ça tabasse sec! Signs Of Decline nous offre un condensé de brutalité et de mélodie au travers de ce premier Ep qui propose des duels vocaux mêlant rage hardcore et hurlement black, parfois teintés, adoucis, d’un chant clair. Oui, il y a de la brutalité tout au long de ce disque mais au delà du hardcore ou du black/death, on trouve également des relents de heavy metal pur jus. L’ensemble est bigrement bien foutu, se laisse écouter d’une traite et on sort de l’expérience rincé, lessivé. Si Signs Of Decline s’adresse à un public averti, le curieux amateur de sensations fortes trouvera aussi de quoi se repaitre. Un groupe à suivre!

BLACK 7: The 2nd chapter

Allemagne, Heavy rock instrumental (Autoproduction, 2023)

Il y a deux ans, j’avais trouvé ce mystérieux album dans ma boite aux lettres. Quelle bonne surprise ce fut que la découverte de Black 7, le projet monté par le multi instrumentiste allemand Lars Totzke. Le genre de surprise qui te fait dire, en recevant le nouvel album « chouette! » et te donne très vite envie de pouvoir glisser le cd dans ton lecteur. The 2nd chapter démontre qu’en deux ans, le gaillard a su développer son style – ses styles, même – et se défaire de certaines influences aujourd’hui totalement assimilées et bien moins évidentes que sur son premier essai. Lars parvient à composer et proposer des titres suffisament varié pour ne jamais lasser l’auditeur. On est loin de la démonstration et bien plus dans le feeling et l’entrain. Avec The 2nd chapter, il parvient à alterner et varier les tempi, se faisant ici rentre dedans Driven, Push, Wide eruption) et là plus sentimental (For this moment, Tortured souls). Si Dark hope commence calmement, le morceau monte dans une puissance optimiste et certains passages, comme sur le quelque peu new wave électrisé Light flow, donnent tout simplement envie de chanter en chœur et de l’accompagner vocalement. Black 7 est un projet à découvrir d’urgence pour tous les amateurs de heavy rock instrumental festif, mélodique, parfois sombre ou frôlant le symphonique, mais jamais prise de tête. Pour soutenir Lars, il suffit de visiter son site avec ce lien: https://www.black-seven.net/

BRASCA: Bloodline

France, Rock (autoproduction, 2023)

Le nom de Cyril Delaunay-Artifoni évoquera peut-être quelques souvenirs à certains, d’autres le découvriront avec ce premier album de Brasca… Le multi instrumentiste (il tient ici le chant, la guitare, la basse et les claviers – et s’est chargé de la production) s’est d’abord fait connaitre avec ses précédents projets, le groupe Syd Kult et son envie instrumentale avec Outsider. Brasca le voit revenir avec des envies bien plus optimistes et joyeuses que la sombre mélancolie qui berçait ses précédentes œuvres. Et c’est tant mieux, car Bloodline est un album entrainant, joyeux, qui puise son inspiration dans le rock enjoué et parfois psychédélique des années 70 autant que dans le grunge naissant des 90’s. Sur les 8 titres que contient cet album – dont un seul, Les ombres, est chanté en français – aucun ne tape à côté. L’ensemble est doté d’un son vintage efficace et, malgré certaines références assez évidentes, est toujours très personnel. Un album dont on ne se lasse simplement pas. Pardon, dont je ne me lasse pas. A découvrir.

SAINT AGNES: Bloodsuckers

Angleterre, Metalcore (Spinefarm, 2023)

Une brutalité exemplaire… Ils ne font pas les choses à moitié les Anglais de Saint Agnes et Bloodsuckers, leur nouvel et troisième album le démontre, dont une édition spéciale vient de sortir dotée de 4 titres bonus.. Tout au long des 11 titres, la bande menée par la hurleuse en chef Kitty A. Austen navigue entre metalcore et punk, flirte avec le grunge ou l’indus brutal. Saint Agnes ne passe pas par des détours improvisés, sa colère est exprimée dès les premières paroles du morceau titre et rien, ou presque, ne viendra calmer les ardeurs du gang. Les chevaux sont lâchés et ruent avec une envie frénétique de liberté. Mais Saint Agnes, ce n’est pas que de la rage et de la colère, loin s’en faut. Les variations vocales sont omni présentes, et, de la femme enfant à la femme enragée, tout y passe. Uppercut ici, tendresse là, Bloodsuckers propose une variété de tempi, d’ambiances inquiétantes et tendres à la fois. La ballade This is not the end – judicieuse respiration centrale – côtoie des Animals lourds ou des Bloodsuckers explosifs. Un cocktail aussi explosif que dangereusement attirant ou addictif. A voir en concert à Paris, aux Etoiles, le 6 février 2024 et au Hellfest le vendredi 28 juin pour réveiller Clisson depuis la MS2.

DEAD EARTH: From the ruins

Thrash/Hardcore, USA (M&O, 2023)

Comment ça envoie! Formé en 2018 à Cleveland, Dead Earth a publié un premier album, Truth hammer, en 2019. Crise sanitaire oblige, il a fallu aux Américains patienter avant de revenir armé de ce From the ruins qui thrashe de bout en bout. Dès Fear no one, le message est clair: un chant enragé, des guitares qui cisaillent et charcutent, une rythmique en béton armé et des mélodies qui vont du heavy metal traditionnel au thrash des vieux jours, l’ensemble mené par un esprit résolument hardcore. On trouve tout au long des 11 titres des influences évidentes – Slayer, Exodus, Suicidal Tendencies, Sick Of It All… – et d’autres qui le sont moins mais bien présentes – Iron Maiden, Motörhead, le punk anglais de la fin des 70’s. Dead Earth parvient à proposer des morceaux qui alternent les tempi, frappent aussi sévèrement qu’ils entrainent l’auditeur dans des recoins plus calmes (ce break quasi acoustique sur Monster est une bouffée d’air frais!) La grande force de Dead Earth est de proposer un album dont la variété des titres – et dans les titres eux-mêmes – n’essouffle pas et même interpelle. Ok, ça bourrine sévère, mais certains passages se révèlent si fédérateurs qu’on ne peut résister à cette explosion d’énergie positive. Un défouloir d’une superbe efficacité!

GURL: Maybe we’re not kids anymore

France, Rock (Ep – Autoproduction, 2023)

C’est souvent le cas: on se rencontre au lycée, on partage les mêmes goûts musicaux, on a les mêmes aspirations, alors on monte un groupe. Un cheminement classique et sans surprises qui a permis à l’année 2020 d’assister à la naissance de Gurl, trio composé du guitariste chanteur Alexis Krasowski, du bassiste Gabriel Le Révérend et du batteur Alexis Riey. Dès 2021, le trio propose son premier Ep Garden party lui permettant de partir rencontrer le public. Avec Maybe we’re not kids anymore, son nouvel Ep 5 titres, Gurl confirme son orientation rock direct et sans fioriture. Un rock inspiré autant du punk que du grunge et qui n’a pour objectif que de secouer l’auditeur. Le chant d’Alexis est à la fois torturé et franc mais souffre d’un manque d’articulation. Résultat, si on n’est pas dans le chant bubble gum des démos, on n’est pas loin du baragouinage qui vient gâcher beaucoup de choses pour les anglophones. Encore une fois, si un groupe fait le choix de l’anglais, c’est peut-être pour s’exporter, alors pourquoi ne pas mettre tous les atouts de son côté et prouver qu’on a bien plus qu’envie de faire de la musique? Car des qualités, il y en a, et pas qu’une: Gurl propose des compositions solides et entrainantes, un esprit garage/punk franc du collier, s’amuse à explorer divers thèmes liés à sa génération, le tout plus que correctement mis en son pour ce type de musique. Alors, non, vous n’êtes peut-être plus des gamins, mais pas tout à fait des adultes non plus. Un bel âge dont il faut aussi savoir profiter pour mieux passer à l’étape suivante…

ABOUTMEEMO: Zugzwang

Irlande, Rock (M&O, 2023)

Étonnant album que celui-ci… Déjà le titre – Zugzwang – peut se traduire de deux manières (somme toute similaires) : le mot allemand signifie être au pied du mur, mais le terme est également utilisé aux échecs pour désigner un coup contraint. Et l’artiste se nomme About Meemo. La lecture des crédits du CD indique que l’album a été « enregistré pendant la difficile période de 2022/2023 (…) La pire période de ma vie. Mais je suis encore debout ». Disque défouloir, exutoire? Le gaillard nous offre une introspection tout en douceur. Malgré l’avertissement qui pourrait laisser supposer un album sombre, ce Zugzwang s’avère en réalité plein de vie, et de chaque titre émane une lumière. Cet album est simplement rock et évoque parfois U2 ou Pink Floyd, mais l’ensemble reste très personnel. Sans être forcément joyeux, ce disque ne sombre jamais dans la plainte facile et gratuite et cherche bien plus l’optimisme et la résilience que le vide et l’oubli.

SAXON: More inspirations

Angleterre, Rock/Hard rock (Silver lining, 2023)

A peine deux ans après Inspirations, Saxon revient – est revenu, l’album étant sorti en mars dernier – avec une nouvel album de reprises, More Inspirations. Les Anglais ne misent certes pas sur ce disque pour remporter de l’or mais cherche simplement à se faire plaisir en reprenant ce qui, naguère et aujourd’hui encore, peut être considéré comme des standards ou des classiques du Rock avec un grand R. La première partie de l’album revisite ainsi The Animals (We’ve gotta get out of this place) ou The Sensational Alex Harvey Band (The faith healer). Le moins qu’on puisse dire est que Saxon interpelle avec sa version et c’est bien tout l’intérêt de ce type d’exercice. La suite est puisée dans un registre plus « dur » puisqu’on retrouve, en vrac, The Who (The subsitute), Alice Cooper (From the inside), Kiss (Detroit rock city), une superbe version du Man on the silver moutain de Rainbow, mais aussi Cream (Tales of brave Ulysses), Nazareth (Razaranaz) ou un clin d’oeil aux belles cylindrées avec ZZ Top et sa Chevrolet. En se faisant simplement plaisir, Saxon permet aussi à ses fans de (re)découvrir certains des classiques entrés dans l’histoire du rock. Sans prétention mais tellement rafraichissant, cet album ouvre-t-il la voie à une troisième source d’inspirations?

SANG FROID: All-nighter

France, Cold wave (Frozen records, 2023)

Amoureux de rock sombre et gotique, entrez. Entrez et venez découvrir Sang Froid. Tout au long de All-nighter, son premier album, le groupe nous invite à pénétrer son univers sombre, à l’accompagner dans un monde qui guidera et hantera vos nuits blanches et semées de doutes… Au travers de 8 titres, le trio explore des univers aussi obscurs que ternes et froids. Le chant et les arrangements évoquent les meilleures heures de la new wave – je pense notamment à Orchestral Manoeuvres in the Dark ou, dans une moindre mesure, Tears For Fears. La voix de TC est grave et profonde, le débit lent apporte cette touche de gravité à l’ensemble (sauf sur Nightline, un instrumental…), un ensemble bercé de sonorités électro et hypnotiques çà et là bousculé par de furieuses guitares. All-nighter est, comme son nom l’indique, un album pour noctambules, ces nuits où l’on se retrouve seul avec soi-même, moment privilégié de réflexions pas toujours agréables. Mais ce disque parvient plus à donner envie d’agir que de sombrer dans une mélancolie qui pourrait devenir destructrice. Il y a de la lumière, même dans les lieux les moins éclairés. Que donne le groupe sur scène? Il sera à découvrir, notamment au Hellfest 2024 (dimanche 30 juin en début de matinée, sous la Temple ). Un concert en plein jour pour les All-nighters? Un contraste intriguant…