ABOUTMEEMO: Zugzwang

Irlande, Rock (M&O, 2023)

Étonnant album que celui-ci… Déjà le titre – Zugzwang – peut se traduire de deux manières (somme toute similaires) : le mot allemand signifie être au pied du mur, mais le terme est également utilisé aux échecs pour désigner un coup contraint. Et l’artiste se nomme About Meemo. La lecture des crédits du CD indique que l’album a été « enregistré pendant la difficile période de 2022/2023 (…) La pire période de ma vie. Mais je suis encore debout ». Disque défouloir, exutoire? Le gaillard nous offre une introspection tout en douceur. Malgré l’avertissement qui pourrait laisser supposer un album sombre, ce Zugzwang s’avère en réalité plein de vie, et de chaque titre émane une lumière. Cet album est simplement rock et évoque parfois U2 ou Pink Floyd, mais l’ensemble reste très personnel. Sans être forcément joyeux, ce disque ne sombre jamais dans la plainte facile et gratuite et cherche bien plus l’optimisme et la résilience que le vide et l’oubli.

SANDSTONE: Epsylon Sky

Irlande, Metal (Limb music, 2021)

Quatrième album des Irlandais de Sandstone, Epsylon sky propose 8 morceaux (plus 1 bonus sur la version CD) à la fois complexes et accessible. Epsylon sky se révèle rapidement un album ambitieux et plein de surprises. Malgré un chant parfois un peu forcé, le groupe fondé en 2003 (son premier album n’est sorti que 6 ans plus tard) puise dans le rock tendance heavy (I know why et son refrain entêtant, Worn soul), dans la pop énergique (Cuts to you), le proche du doom (Dies irae, un titre décidément à la mode!), et se laisse influencer par des sonorités jazzy (Silouhette drawn) ou les beaux sentiments (la douceur de Critical), parfois en mêlant différents genres (Fractured time qui navigue entre heavy et pop). Sandstone nous propose donc un album varié et attirant, même si pas toujours d’un accès très aisé. Il faut plus d’une écoute pour se l’approprier, certes, mais c’est très bien foutu et le groupe mérite d’être plus exposé. Devons-nous évoquer ce clin d’œil de la pochette: une créature portant un masque humain lui même orné d’un masque qu’on ne connait aujourd’hui que trop bien? Non, bine sûr…

Interview: MOLY BARON

Interview MOLY BARON : rencontre avec Gary (chant, guitare) et Raphaël (batterie). Entretien mené le 24 octobre 2017 au Hard Rock Cafe, Paris.

metal-eyes: Moly Baron a été formé en 2015 à Paris avec des musiciens français et un chanteur guitariste irlandais. Quelles ont été les moments importants dans la vie du groupe depuis ses débuts ?

Gary: En 2014, j’ai lancé ce projet depuis ma chambre, en réalité. Il y a eu quelques démos, dont la plupart des chansons figurent sur l’album, et je me suis mis en quête de musiciens. J’ai trouvé Steven, le guitariste, puis Seb, le bassiste, et il y a 6 mois, nous avons découvert Raph, qui a été le plus difficile à trouver. Trouver un bon batteur est compliqué, tous sont musiciens de session, n’importe quel bon batteur fait des sessions… C’est difficile de trouver un batteur de ce niveau.

metal-eyes: Ce qui est un beau compliment pour Raphaël.

Gary: Oui, bien sûr ! Il y a eu deux grandes réalisations jusqu’à aujourd’hui : finir cet album, ce qui nous a demandé à peu près 3 ans – nous avons tous un boulot au quotidien. Ensuite, être capable de chanter sur cet album. Je ne suis pas chanteur, je n’ai jamais eu l’intention de chanter. Il a fallu tellement de temps pour trouver un chanteur que je m’y suis mis.

metal-eyes: Ce qui signifie que trouver un bon batteur est plus facile que de trouver un bon chanteur ?

Gary: Euh… probablement, oui. J’ai donc chanté, ce qui a été une grande découverte. Nous avons donc fait cet album et c’est extraordinaire de le savoir publié. La seconde vraie réalisation est d’avoir joué à l’Elysée Montmartre en ouverture des Psychedelic Furs. J’étais si nerveux ! C’est à peu près tout, dans la mesure où on n’est exposé que depuis 5 ou 6 mois…

metal-eyes: Raphaël est dans le groupe depuis seulement 6 mois ce qui explique que vous ne soyez que 3 sur le CD et 4 sur votre site web.

Gary: Exactement. Raph est arrivé après. Quand on a enregistré l’album, j’ai programmé toute la batterie, tout y était, mais ça ne semblait pas naturel. J’ai donc cherché un batteur de studio, que j’ai trouvé à Nashville. Je lui ai envoyé toutes la programmation et il a tout rejoué. Raph a un style différent, et pour moi il est bien meilleur que ce batteur de session : il est plus lourd, a un feeling différent.

metal-eyes: Pour moi, la musique de Moly Baron mélange la mélodie du rock avec la lourdeur du metal, l’émotion, la mélancolie du blues. Comment décririez-vous la musique de Moly Baron, et qu’y mettez-vous ?

Gary: C’est assez difficile d’être objecif avec ta propre musique… Je pourrais la décrire en citant des noms de groupes. Nous incluons un peu de Metallica, dont j’ai toujours été fan, U2 aussi, tu peux entendre du vieux  Muse, du blues rock à la Thin Lizzy, Led Zeppelin… Un mélange de tout ça. C’est un peu incohérent mais pour certains, c’est assez sympa de changer de registre. Tous ces groupes que j’ai cités, et Rage Against The Machine, Red Hot Chili Peppers… sont de grosses influences. Mais j’imagine que si tu mélanges tout ça, le résultat est assez original aussi. Je crois qu’on a le son de Moly Baron.

metal-eyes: Ca sonne aussi familier à mes oreilles que différents, parce que toutes ces influences sont présentes. Je n’ai pas pris le temps de lire les paroles. De quoi parlez-vous, même si un titre comme Fear is better business than love parle de lui-même, ne parlez-vous que de ce qui se passe  dans le monde ?

Gary:  Je n’écris jamais les paroles avant, et je ne voulais pas sonner comme quelqu’un de prétentieux qui a un « important message ». J’ai vraiment écrit en fonction de ce qui me parlait : les élections américaines l’an dernier, c’était dingue… L’abus de pouvoir des grandes corporations, des médias qui diffusent leurs messages, à gauche comme à droite, ce qui est vraiment décevant. La seule manière d’avoir de l’information, de la vraie information, est d’aller sur le net trouver des médias indépendants. La plupart des gens ne font pas cet effort, allument simplement la télé, regardent les chaines nationales comme la BBC ou CNN, sans se rendre compte que c’est de la propagande d’Etat. J’ai écrit en fonction de l’époque et des événements que je vivais, et ça se ressent aussi dans la pochette, un peu dingue. Tout traite de perdre sa conscience, son esprit critique.

metal-eyes: Un fait qui remonte loin…

Gary: Ca a toujours été… George Orwell et 1984. Le morceau Incognito est quelque peu basé sur 1984, c’est la dernière chanson que nous ayons composée. Je devenais dingue, il fallait qu’on termine ce truc ! Je ne sais pas comment décrire ça : je me sentais comme emprisonné à la fin !

metal-eyes: Tu parles de George Orwell, qu’en est-il de Ray Bradubury et Fahrenheit 451, le fait de brûler des livres, détruire la culture ?

Gary: Tu sais ? C’était le nom de ma dernière entreprise, « 451 » ! (rires) C’est en rapport, mais loin de moi l’idée de marcher sur les plates bandes de quelqu’un avec un message… Ce qui s’est produit avec cet album était naturel, ça s’est fait comme ça. Peut-être que l a prochaine fois je parlerais d’environnement ou je ne sais quoi…

metal-eyes: Raphaël, comment as-tu intégré le groupe ? Tu peux répondre ne français, si tu le souhaites

Raphaël: Non, je vais répondre en anglais (note: l’interview se déroule en anglais et Raph, batteur français, répond en anglais de bout en bout. Bel effort et bel esprit !) Depuis que j’ai 14 ou 15 ans, j’ai toujours cherché à jouer au sein d’un groupe parce que c’est le meilleur moyen de s’améliorer musicalement. C’est mon rêve : j’ai vraiment envie de devenir musicien. Je n’ai jamais eu l’opportunité de rencontrer d’autres musiciens. Mes amis n’écoutent généralement pas de metal via des sites web et annonces. Il y a 6 ou 7 mois, j’ai vu sur un site l’annonce de Moly Baron qui était si professionnelle, j’ai su que je voulais jouer avec ce groupe, c’était un vrai défi. Je les ai contacté, on a fait une audition et j’étais assez stressé car je n’ai jamais joué avec un clic ou des samples. Je me suis lancé et il semble qu’ils aient apprécié mon style !

Gary: Je peux raconter une anecdote ? Avant qu’il n’arrive, nous avions rencontré un de ses… pas amis mais collègues de cours…

Raphaël: En fait, j’étudie au conservatoire de Paris, e un des élèves de ma classe de batterie a aussi contacté Moly Baron. On ne se connaissait pas, et quelques jours avant l’audition, on a échangé : « oh, je vais passer une audition avec un groupe, Moly Baron. – Ah, toi aussi ? »… On n’était pas en compétition mais on a joué comme on joue d’habitude et c’est à eux de décider.

Gary: Le premier qui est venu a joué et on s’est dit « chouette, c’est lui, nous l’avons trouvé. » Nous n’avions pas encore rencontré Raph et on se disait « oh… faut qu’on aille voir cet autre gars ! On vient de trouver notre batteur… » Raph est arrivé et on s’est dit « Merde ! Il est meilleur ! » Nous étions ravis de n’avoir pas annulé !

metal-eyes: J’imagine… Quel a été, pour chacun de vous, votre premier choc musical ? Le groupe ou le musicien qui vous a fait dire « voilà ce que je veux faire ! »

Gary: Si je remonte très loin, je dirais Bon Jovi. Slippery when wet, j’adore cet album. Ensuite c’est Metallica et …And justice for all. J’adore Harvester of sorrow, Blackened… Ca m’a soufflé comme jamais ! Je me suis dit, à ce moment là : « C’est ça que je veux faire ! » Pas Bon Jovi, vraiment plus Metallica !

Raphaël : The White Stripes. Ce n’est pas compliqué mais c’est si puissant ! Le chant, les guitares, il y a tant d’énergie que j’ai été vraiment emporté. J’écoute tous leurs albums depuis que j’ai… 7 ou 8 ans.

Gary: J’imagine un gamin de 7 ans écouter The White Stripes ! Pour nous, ils sont arrivés largement après nos 7 ans ! Ils ont commencé quand ? En 98 ?

Raphaël : Michel Gondry a réalisé certains de leur clips, dont Fell in love with a girl, je ne sais pas si tu le connais, il est entièrement fait avec des Lego. Je regardais ça quand j’étais vraiment jeune, toute la journée, et… Waow ! C’est ce qui a tout déclenché.

metal-eyes: Vous prévoyez de tourner un peu maintenant que le groupe est au complet?

Gary: On a quelques concerts prévus, et le but de cette journée promo est aussi de pouvoir en faire plus. On espère, maintenant que l’album est sorti, pouvoir nous concentrer sur les festivals d’été mais aussi aller en Allemagne et au Royaume Uni, des lieux où nous devons concentrer nos efforts si nous souhaitons grandir. C’est plus compliqué en France. Si tu crois en ta musique, tu peux réaliser des choses. Mais si personne n’en parle, si personne n’écoute ce que tu fais…

metal-eyes: Si vous deviez ne retenir qu’une chanson de ce premier album pour définir ce qu’est Moly Baron, ce serait laquelle ? En tant qu’auteur et en tant que nouveau membre ?

Gary: Laisse-moi réfléchir… Sans doute… Incognito : elle a une allure rock traditionnelle avec un riff final très thrash, cette sorte de voix mélodique et ces décors sonores divers, un peu comme Brian Eno. Un peu étrange, mais il y a une belle variété dans cette chanson. Et le chant n’est pas évident. On doit garder cette chanson pour la fin de nos concerts tellement ça use ! Il y a aussi ce groove funky, et ce solo très blues. Oui, Incognito est ma chanson !

Raphaël: Une qui représente bien Moly Baron est When darkenss holds : elle mélange toutes les ambiances sombres du metal avec des parties mélodiques, de belles harmonies. Même si ma chanson préférée est Incognito. On compose de nouvelles chansons, plus agressives qu’avant.

metal-eyes: Quelle pourrait être la devise de Moly Baron ?

Gary: Notre devise ? Oh, mon Dieu ! Ouf… Aucune idée… « Rock Metal Groove Paris Dublin » ? (rires) C’est dur, mec ! C’est la question la plus difficile de la journée !

Raphaël: Aucune idée…

metal-eyes: On y reviendra… Tu viens de dire que c’était la question la plus difficile du jour, mais quelle a été la meilleure, la plus surprenante ?

Gary: Oh… Merde, quelqu’un m’a posé une question aujourd’hui, je n’arrive pas à m’en souvenir !

Raphaël: J’en ai une : quelqu’un m’a demandé quelle œuvre d’art, hors musique j’ai apprécié récemment. Je trouve que c’est très intéressant parce que tu peux aborder différents arts : la peinture, la culture, la littérature qui expriment des émotions que tu peux ressentir. J’ai vraiment apprécié cette question.

Gary: Il y a eu un tel déluge de questions aujourd’hui que je ne parviens pas à m’en souvenir.

metal-eyes: C’est le genre de question qui te force à repasser la journée…

Gary: Je suis sûr que dès que tu vas partir je vais m’en souvenir ! Il y a eu de très bonnes questions aujourd’hui, celle-là en fait partie. Vos questions n’ont pas été répétitives, ce qui est une bonne chose. Parfois, on répond aux mêmes choses toute la journée, mais ce ne fut pas le cas aujourd’hui. J’ai apprécié.

Raphaël: Je reviens à la devise : « Exprime tes sentiments »

metal-eyes: Merci pour cette interview, j’espère qu’on vous verra bientôt sur scène !

Gary: Oh, oui. Le 16 décembre à Paris, au Batofar, et d’autres dates suivront. Merci à toi !

MOLY BARON

Heavy rock, France/Irlande (Autoproduction, 2017)

Me voilà dans l’embarras, car voici pile le type d’album pour lequel je ne sais par où commencer. A chaque écoute je craque un peu plus, à chaque fois, je me dis « mince, ça me rappelle… Ah! quoi??? » Étonnamment, le seul groupe que j’ai mentionné sont les Espagnols de Heroes del Silencio… C’est sans aucun doute une des grandes forces de ce premier album: avoir su transformer d’évidentes influences en personnalité propre. Formé par le guitariste Gary Kelly, Irlandais depuis des années installé à Paris qui s’est entouré de jeunes musiciens français, Moly Baron propose un rock heavy, dont les racines sont ancrées dans le metal autant que dans le rock des années 80 ou le grunge des 90’s. Superbement produit, par Gary himself, cet album propose 10 chansons enlevées et envoûtantes qui entraînent l’auditeur dans un univers à la fois familier et nouveau, aussi lumineux souvent que parfois sombre. Les thèmes abordés sont inspirés de l’actualité (le très judicieux Fear is a better business than love ou The apocalypse shop) ou se font plus personnels (Dance, et ses rythmes de boites de nuit, Let’s die together). La rage est toujours présente et monte en puissance au grès des morceaux, tels Incognito. Une superbe réussite, un groupe à suivre de très, très près dont vous découvrirez les secrets dans une prochaine interview.

BLACK STAR RIDERS: Heavy fire

Black Star Riders - Heavy Fire - 2017kHard rock, Irlande/USA (Nuclear Blast, 2017)

Avec Heavy fire, en bacs le 3 février 2017, Black Star Riders franchit le cap décisif du troisième album haut la main. Si l’on reconnait immédiatement le style du groupe plus qu’influencé par Thin Lizzy – rappelons que Black Star Riders fut à l’origine monté sous le nom de Thin Lizzy afin de rendre hommage au groupe de Phil Lynott et a changé de patronyme pour enregistrer son premier album. Cette influence est non seulement parfaitement assumée, elle est également parfaitement assimilée et intégrée. Ce Heavy fire est ainsi gorgé de ce blues si particulier. Les guitares de Scott Gorham et de Damon Johnson mettent en valeur le chant puissant, suave et de plus en plus proche du chant de Phil Lynott de l’ex-Almighty Ricky Warwick, encore réchauffé par l’ajout de choeurs soul (When the night comes in, Ticket to ride). En puisant autant dans les racines du rock (Testify or say goodbye, Who rides the tiger et son chant à la Billy Idol) que de celles du hard rock (Dancing with the wrong girl, Thinking about you could get me killed, Letting go of me, final entraînant et efficace), en incluant ballade irlandaise et mid tempo (Cold war love, True blue kid), Black Star Riders passe le cap mentionné plus haut avec brio. Un album remarquable d’efficacité et de simplicité, Heavy fire doit permettre aux irlando américains de franchir un nouveau palier.

Note: 8,5/10

Site internet: www.blackstarriders.com