Interview: SATAN JOKERS

Interview SATAN JOKERS. Entretien avec Renaud Hantson (chant). Propos recueillis au Dr Feelgood des Halles, à Paris le 14 février 2018

 

 

Metal-Eyes : Si tu veux bien, commençons par parler de ton nouvel album, Symphönic Kömmadöh : pourquoi as-tu choisi ce format de best-of de Satan Jokers dans des versions symphoniques ? Ça a été fait avant par d’autres groupes, ce n’est plus vraiment actuel, ce qui, aussi, peut aider…

Renaud Hantson : Oui, mais attention : on est le premier groupe francophone à le faire. Aucun autre groupe de rock ne l’a fait avec un orchestre symphonique. Mon acceptation de ce projet vient d’une rencontre, avec quelqu’un qui s’appelle Florent Gauthier. Cette rencontre, elle a eu lieu à Aix en Provence après un concert de Satan Jokers dans un club, le Korrigan, à Luynes. Florent vient de Marseille, il vient me voir après le concert pendant lequel il m’a entendu dire : « je continuerais Satan Jokers si j’ai une idée brillante et lumineuse ». Il vient me voir et me dit : « Bonsoir, je m’appelle Florent Gauthier, je vais te faire du Renaud Hantson : ne prend pas mal ce que je vais te dire mais… ton idée brillante et lumineuse, c’est moi ! » Je le regarde et lui dit que, oui, j’aurai pu l’écrire cette phrase, parce que j’aime bien, avec ce groupe, jouer l’arrogance, ce côté mégalo de Satan Jokers qu’on entretient depuis 83, ce que je ne suis pas réellement, pas plus que d’autres artistes. Avec ce groupe-là, on aime bien jouer à ça. Je le regarde et il me dit « je te propose de faire un album avec un orchestre symphonique. Je suis arrangeur classique, prof de conservatoire, et j’ai envie d’écrire des scores pour 40 musiciens. Et je connais ta carrière par cœur ! » Moi, comme je suis à 5 verres de pinard, le concert étant fini, je lui demande son téléphone et lui dit que je le rappellerai le lendemain de Paris. Et on a parlé une heure et quart. Mon expérience, de la vie, et des hommes, de la nature humaine, font que je savais qu’il ferait ce qu’il disait. Je savais qu’il serait à la hauteur, au niveau d’amener le projet jusqu’au bout.

Metal-Eyes : Le projet, il est là, aujourd’hui. Comment avez-vous sélectionné les chansons ?

Renaud Hantson : A table, avec du vin, à nouveau ! Michael Zurita fait aussi partie d’un de mes autres projets qui s’appelle Furious Zoo (je lui tend un des albums) ; yes, exactement, même si celui-là date un peu, et il y en a de meilleurs. Florent est venu nous voir à Dourdan avec une idée assez précise des titres qu’il voulait faire. Je suis tombé d’accord à peu près avec tout. On a dû, Mike et moi, ajouter deux ou trois chansons pour compléter le tableau. On a proposé ça aux autres membres du groupe et ça a roulé tout de suite ! On a commencé à croire au projet quand il nous a envoyé – même si au départ on s’est moqué de lui parce qu’il nous avait envoyé ça fait avec un synthé ! – entre 30 et 40 parties instrumentales auxquelles on n’a rien compris ! Quand j’ai vu Pascal Mulot, le bassiste, Aurel, le batteur et Mike commencer à douter, je leur ai dit « non, justement, c’est là que ça devient intéressant parce qu’il y a du danger. Il faut croire en ce mec parce que je crois qu’il est aussi fou que nous, donc, il faut y aller ! » Après, il y a eu un moment de flottement parce que l’orchestre qu’il avait choisi au départ l’a planté – Pau ou Toulouse, je ne sais plus.

Metal-Eyes : Et vous vous êtes retrouvés avec l’orchestre phocéen…

Renaud Hantson : Oui, qui est une escroquerie parce que c’est lui qui l’a monté de toutes pièces ! En fait, il y a 20 musiciens d’un côté, ses 8 chefs de pupitre d’un autre et 10 musiciens qui doivent être des élèves à lui. Donc on a bien le quota de 38-40 musiciens qu’il faut pour monter un orchestre symphonique. C’est ce que je te disais tout à l’heure : je savais qu’il le ferait. S’il n’est pas là, je ne peux pas faire l’album. Il a coproduit l’album avec moi, je ne veux pas m’engager dans des frais avec des mecs qui n’existent pas, mon ingénieur du son ne sait pas enregistrer un orchestre symphonique, alors « tu gères ta partie ». Et il l’a fait.

Metal-Eyes : Peut-on profiter de ce best-of pour revenir sur la carrière de Satan Jokers ? Pour rappel, le groupe est issu de Jartelles qui, en 1980, change de nom. En 1983 parait Les fils du metal, votre premier album, dont sont extraits Quand les héros se meurent et Les fils du metal. Quels sont tes souvenirs de cette époque où tu travaillais avec d’autres musiciens puisqu’il y avait Stéphane Bonneau…

Renaud Hantson : Pierre Guiraud au chant, Stéphane Bonneau à la guitare et Laurent Bernant – paix à son âme – à la basse avec qui j’ai monté le groupe. Il est une des raisons principales pour lesquelles certains journalistes de rock estiment que Satan Jokers a inventé la fusion metal.

Metal-Eyes : A l’époque, d’ailleurs, vous êtes vite entrés dans le trio de tête avec Trust, Warning, comme un certain trio anglais avec, également, 3 styles différents.

Renaud Hantson : Oui, quoique Satan Jokers et Warning avaient des points communs, on était un peu des frères siamois. Il y avait aussi Sortilège, Stocks…

Metal-Eyes : Un peu après, avec plein d’autres.

Renaud Hantson : Oui. Cette époque, ce n’est pas les meilleurs souvenirs, mais quand même, d’excellents souvenirs. Les tensions n’existent pas encore, pas comme en 85 où chacun commence à… Si tu veux, même si je suis à la base de beaucoup de choses, des mélodies, beaucoup de textes, c’est une écriture collective. Si je ne rencontre pas Stéphane Bonneau, je ne fait pas Les fils du metal, je n’écris pas Quand les héros se meurent ; c’est grâce à lui qu’on commence à se barrer vers des trucs nouveau. Avec Stéphane, on a le bon guitariste alors que pendant 2 ans on a galéré à virer des mecs tous les 3 mois ! Pierre n’était pas un chanteur, il n’était pas prêt, n’était pas bon techniquement, mais il était un grand showman, et je savais que c’est lui qu’il fallait. J’ai défendu cette idée jusqu’au bout, c’est lui le meilleur showman de l’époque ! Et je voulais un mec qui soit capable de monter dans les aigus, façon Rob Halford, ce dont je n’étais pas capable à l’époque. Oui, je partageais le chant avec lui, mais comme Coverdale et Glenn Hugues, qui étaient nos héros. Mais on n’était pas prêts. Vocalement, ej suis bien meilleur aujourd’hui. Mais c’est ce groupe qui a fait ces 3 albums.

Metal-Eyes : Justement, en 1984 il y a Trop fou pour toi qui change un peu de registre…

Renaud Hantson : On est passés au hard FM… On a cru que ce serait une grande idée.

Metal-Eyes : Qu’est-ce qui vous a fait passer à ça, justement ?

Renaud Hantson : J’en suis un peu responsable. Rien n’est jamais acquis dans la carrière d’un artiste, et on a eu la présomption de penser que le fait de s’arrêter à 92-94.000 albums vendus – ce qui était énorme pour l’époque, c’était presque disque d’or – était acquis. Ce qui est faux. Le public voyait en nous un nouveau Judas Priest ou un truc proche de Metallica, enfin, un truc violent, fusion, mais méchant, avec des textes « bariolés », qui parlent de sexualité, et on part vers un hard plus propre, connoté américain, où je rajoute des synthés avec Laurent. En fait, on vend moins, et les journalistes crient au génie mais le public suit moins. Incompréhension totale…

Metal-Eyes : Est-ce que cela peut être dû, on est en 1984, à toute cette vague française qui arrive ? Il y a Axe Killer, Devil’s records, et tous les groupes comme Blasphème, Vulcain, Sortilège qui commencent à s’imposer sur le marché…

Renaud Hantson : C’est pas eux qui nous ont fait du tort, c’était complémentaire tout ça ! C’est juste que c’était… trop tôt. Satan Jokers, ça a souvent été « too much, too soon ». On était trop tout : arrogant, à la Van Halen, on se la pétait faussement, avec des déclarations tapageuses, des looks de scène très virevoltants…

Metal-Eyes : Oui, il y avait de la couleur !

Renaud Hantson : Oui, et avoir voulu faire des chansons plus pop, plus « radio », c’était une erreur de calcul. On revient sur III à un album violent,

Metal-Eyes : Un mini album sorti en 1985.

Renaud Hantson : Un mini album 6 titres, et je prends la direction des opérations. À l’époque, Polygram – nous on était sur Vertigo, qui était le label de Black Sabbath, Rush, Def Leppard… ça rigolait pas, quoi ! – croyait que c’était une bonne idée pour que les disques se vendent de vendre moins cher avec moins de chansons. Ah bon ? Alors nous, ce qu’on a fait, c’était de choisir les chansons les plus longues afin de bourrer les faces, donc on avait 6 titres qui duraient la longueur d’un album de l’époque. Là, je prends la direction des opérations, je commence à écrire seul, sans les gars du groupe parce qu’on se voyait de moins en moins, les premières tensions apparaissent… A mon avis, avec Les Fils du metal, c’est le meilleur album du groupe, de cette première mouture. Pas parce que j’en suis responsable mais parce que je pense qu’on est sur le pic d’un truc, on est en train d’inventer quelque chose. C’est là que la fusion apparait, avec des passages instrumentaux, façon Magma, Rush, des trucs un peu compliqués, naïfs aussi. Mais ça ne le fait pas… Par contre, on fait des concerts !

Metal-Eyes : Ca ne le fait pas, mais pourtant, vous assurez la tête d’affiche du premier soir du France Festival, qui paradoxalement réuni la fine fleur du metal français et marque la fin de cette époque.

Renaud Hantson : 80 groupes et…

Metal-Eyes : Non, il n’y en avait que 24…

Renaud Hantson : Non, il y avait 30 groupes par jour, il y avait la seconde scène…

Metal-Eyes : Deux scènes, oui, mais moins de 30 groupes en tout.

Renaud Hantson : … Je confonds de festival, je confonds avec le Hellfest !

Metal-Eyes : On est d’accord ! Je ne veux pas me mettre Renaud Hantson à dos, mais vous n’avez pas encore fait la tête d’affiche du Hellfest !

Renaud Hantson : Non, non, du tout… Il y avait combien de groupes en tout ?

Metal-Eyes : De mémoire, 24, sur 2 jours, à Choisy-le-Roi. Et ça a marqué la chute du metal français.

Renaud Hantson : La fin d’une époque… Je crois que, à part Vulcain, tout le monde arrête.

Metal-Eyes : Comment tu l’as vécue cette bérézina ? Parce que vous avez été emporté dans le lot…

Renaud Hantson : J’en suis un peu responsable parce que j’avais dit aux mecs que c’était mon dernier concert à part Grenoble qu’on faisait 15 jours après, avec Trust et Sortilège. Je leur ai dit que si, avec 24 groupes on ne fait qu’à peine 2.000 personnes, alors que le même jour Deep Purple faisait 16.000 à Bercy, c’est qu’il y a un problème. On était tous d’accord. J’en parle à Nono et il dit pareil…

Metal-Eyes : Satan Jokers disparait, tu t’engages dans une aventure solo et avec Furious Zoo.

Renaud Hantson : Je démarre ma carrière solo en 86, et Furious Zoo n’apparait qu’en 92 avec Thibault Abrial.

Metal-Eyes : Et Satan Jokers réapparait en 2005 avec le best of live, qui est une compilation de différents concerts.

Renaud Hantson : Oui, oui !  Une compilation de cassettes que j’ai remasterisées avec Anthony Arcon qui est un ingénieur du son de génie, et ça rappelle que être méticuleux peux être très utile dans la musique.

Metal-Eyes : C’est-à-dire ?

Renaud Hantson : C’est-à-dire que je suis très collectionneur et méticuleux dans le rangement de ce qui est musical. J’avais gardé de côté des cassettes en pensant qu’un jour, ça pourrait me servir. Des cassettes… Des cassettes audio avec la console de mixage qui donnait un son pourri. On remixe ça avec Antony et à l’arrivée je lui dit « mais ça sonne de la mort ! » Alors on a fait deux trois escroqueries dans l’album, parce qu’il y a quelques maquettes, mais on pouvait pas faire autrement parce qu’on ne les avait pas en public. Mais, comme c’étaient des maquettes enregistrées en live…

Metal-Eyes : Après il ya eu cet album un peu à part, aussi, Hardcore colelctors.

Renaud Hantson : Qui est beaucoup moins bien, parce que c’est toute les chutes que je n’ai pas utilisées sur le Live, toutes les « merdes », on va dire, plus des inédits. Donc, le seul intérêt de cet album, c’est ces maquettes inédites qui devaient être le Furious Zoo… euh, le Satan Jokers 4.

Metal-Eyes : Il y a également l’apparition des musiciens qui vont t’accompagner plus tard.

Renaud Hantson : Oui, alors… Mais dis donc, t’es très rencardé ! Olivier Spitzer qui était au départ rythmique dans la reformation de Satan Jokers…

Metal-Eyes : Et qui était un ex-Stators…

Renaud Hantson : Oui, exactement. Stéphane réappariat dans ma vie, et il y a Pascal Mulot, qui est déjà là. Stéphane ne veut pas faire partie de l’aventure. Je lui dit que Mulot m’a convaincu de remonter Satan Jokers…

Metal-Eyes :Donc l’idée ne vient pas de toi, mais de Pascal Mulot ?

Renaud Hantson : Non, moi j’ai toujours dit que… Tu sais, pour Satan Jokers, je fais du Renaud Hantson, donc comme Mc Cartney l’avait dit pour Lennon « je ne remonterai les Beatles que lorsque John Lennon ne sera plus mort ». Ben moi, j’ai dit que je ne remonterai Satan Jokers que lorsque Laurent Bernat ne sera plus mort…Il est mort juste avant. En fait, j’ai téléphoné à son père avant de m’attaquer à ça (le Best of live) qui me dit « Renaud, c’est formidable que tu fasses ça. Je joindrais bien Laurent, mais ça va être difficile là où il est… Laurent est mort il y a deux ans ». En fait, je ne réalise pas, je fini les mixages, les dernières retouches et je rentre chez moi et là… Je fonds en larmes pendant 6 heures. Je dis à mon ex : « Laurent est mort… » Et je répète cette phrase pendant 4 heures. Au moment où je m’en rends compte, je me rends compte aussi du temps qui passe ; c’est avec lui que j’ai commencé la musique en professionnel, et… J’ai pas beaucoup dormi… tout à l’heure on m’a parlé de France Gall et ça m’a mis un petit coup de blues, et là, Laurent, ça m’en met un autre…

Metal-Eyes :Je ne pouvais pas parler de Satan Jokers sans parler de Laurent non plus. On arriveà 2009 alors que Satan Jokers est remonté. 2009, c’est une grosse année pour le groupe puisqu’il y a une grosse tournée, un nouvel album qui marque le renouveau du groupe, SJ2009… Quels sont tes souvenirs pour ce disque ?

Renaud Hantson : Un groupe bancal… Un bon album avec un groupe bancal. Bancal parce que Satan Jokers n’avait pas vocation  à avoir un guitariste rythmique, ça a toujours été un quatuor, donc un trio musical avec un chanteur. Là c’est un quintette, donc ça alourdi la dextérité de Pascal Mulot, ça alourdi les riffs de Michael Zurita, même si Olivier Spitzer est un très bon guitariste rythmique, c’est pas le problème. C’est juste que ce n’est pas ce que ça devait être… Et mauvais choix de batteur

Metal-Eyes :C’était Marc Varez ?

Renaud Hantson : Oui, il est sympa Marc, mais ce n’est pas le batteur pour Satan Jokers. Il est très bien pour jouer du Motörhead ou du Vulcain, pas ça ne correspond pas à du Satan Jokers. J’en parle avec beaucoup de sympathie d’autant plus qu’il a été mon batteur en solo pendant un an ou deux… Ils ne correspondaient pas à ce qu’il fallait pour le groupe. Dès qu’on s’est séparé d’eux, le groupe a vraiment… C’est à ce moment-là que Satan Jokers renait de ses cendres.

Metal-Eyes :Mais avant, toujours à 5, vous sortez, aussi en 2009 Fetish X…

Renaud Hantson : Oui, c’est là qu’on rencontre Aurèle qui enregistre trois titres avec nous, et là, ça bombarde, on sait que c’est lui. Moi, je sais que je vais arrêter la batterie, ça ne m’intéresse plus. J’ai engendré une génération de cyborgs comme ce mec qui sait qui je suis, qui a voulu faire de la batterie quand il a vu Starmania… Tu vois qu’il a cette culture-là, même s’il ne connait pas Satan Jokers, il se penche dessus et me dit « punaise, ça déboite ce que tu fais… » Mais ce mec, c’est un vrai cyborg, il m’assassine à la batterie !

Metal-Eyes :En plus, les techniques ont changé.

Renaud Hantson : Ouais, c’est des cyborgs, des mecs qui ont radicalisé ce que de gars comme moi faisions… John Bonham, il reste Bonham, mais aujourd’hui, il y a des mecs qui joue encore mieux, comme son fils, par exemple ! Le groupe existe à la fin de Fetish X. D’ailleurs, au moment de me séparer d’Olivier, Marc Varez étant out et en engageant Auréle, je me dis on va arrêter. Si on commence à avoir des problèmes comme ça, on arrête. Avec Aurèle, on ne se comprenait pas, au départ, il faisait un peu session man, et moi je ne comprenais pas. Aujourd’hui, on est comme les doigts de la main, mais au départ, je voulais un vrai groupe, pas de session man. Je ne voulais pas faire comme David Lee Roth entouré de super musiciens quand il a quitté Van Halen. J’avais envie de faire un vrai Satan Jokers, et en fait, on se trouve avec Addictions.

Metal-Eyes :Juste avant, en 2009, il y a aussi le Hellfest, et Axe Killer qui réédite vos deux premiers albums. Quand je disais que c’est une grosse année, il y a vraiment plein de choses qui sont arrivées.

Renaud Hantson : Oui, mais ce « plein de choses » est arrivé à plein de groupes. Eric Coubard, avec Axe Killer, il a ressorti plein de groupes, Warning, Sortilège, il a un peu surfé sur une vague nostalgique qu’il y avait à cette époque-là, et il a eu raison parce qu’on est tous nostalgiques et que la nostalgie, ça ne fait pas de mal. Ça permet de faire perdurer une culture… C’est une grosse année, tu as raison, et l’apothéose, c’est le Hellfest. Pour un groupe, quoi de mieux que le Hellfest ? Pour moi, là où les choses démarrent, c’est avec cet album, Addictions, qui est un sacre. Pour moi, c’est plus important que les Victoires de la musique ou autres Hit Parade, c’est un album qui est validé par la Mission Interministérielle de Lutte Contre les Drogues et les Conduites Addictives, avec la rencontre avec celui qui aura été mon psy et qui est devenu un frère, Laurent Karila.

Metal-Eyes : Mais juste avant, en 2010, tu lances le premier Satan Fest.

Renaud Hantson : Oui, exact, et je vais te dire pourquoi : c’est en réaction à un mec qui avait monté un festival qui s’inspirait du France Festival et pendant 2 ans me dit qu’il nous veut en tête d’affiche. Et ça ne s’est jamais fait… Donc moi, je suis réactif et je me dit « ben je vais faire le mien ». On me dit qu’il en refait un à telle date, et… moi aussi, c’est con. Et l’année où je l’ai fait, il a annulé. Maintenant, c’est le début d’une longue série, on fera le 10ème l’année prochaine où on jouera l’intégralité des Fils du metal, les 35 ans de l’album.

Metal-Eyes : Ensuite, en 2011 arrive Addictions, qui est le début d’une trilogie avec Psychiatric et Sex opera. Tu t’ouvres au monde puisque tu parles, en collaboration avec Laurent Karila, de toutes tes addictions.

Renaud Hantson : Je lui ai ouvert les portes du metal, il m’a ouvert les portes des conférences et du psychiatrique ! Des conférences préventives.

Metal-Eyes : Première question : tu en es où de tes addictions ?

Renaud Hantson : Pff… J’ai fait le yoyo… Lemmy et Ozzy n’ont rien à m’apprendre… C’est pas un sujet que j’ai très envie d’aborder…

Metal-Eyes : Pourtant tu l’abordes, tu te livres entièrement avec ces disques…

Renaud Hantson : Oui… Oui, mais le problème c’est qu’un ancien addict  reste toute sa vie un ancien addict. Il faut qu’il ait une vraie force de caractère, un vraie volonté, et moi, il y a énormément de moments où les doutes de cette profession et de mon propre métier ne me mettent pas à l’aise avec moi-même, me gênent, et quand, en 20 piges le seul pansement que tu connais c’est la fuite en avant avec des choses qui te détruisent la santé, c’est très compliqué… Il y a eu plein de rechutes, plein de faux pas…

Metal-Eyes : Le fait d’en parler, de te livre de cette manière…

Renaud Hantson : C’est pas de l’exhibitionnisme, hein !

Metal-Eyes : Non, c’est avant tout préventif comme démarche…

Renaud Hantson : Oui, parce que si mes conneries à moi peuvent servir à d’autres pour se dire « je vais éviter d’aller sur ce terrain-là », la mission aura été accomplie et ce ne seront pas des années perdues. Les quelques connards qui s’imaginent que c’est un fonds de commerce ou de l’exhibitionnisme, ils n’ont rien compris, parce que c’est une vraie souffrance. Une véritable souffrance… On ne sait jamais jusqu’à quel degré on aura une propension à une addiction. Tant que tu n’es pas rentré dans un processus addictif, tu ne peux pas savoir… Ton cerveau à toi, il se rappelle qu’une entrecôte, c’est bon. Moi, mon cerveau, il se rappelle que ma première prise de coke, c’était une excitation extraordinaire. Enfin, pas la première, la cinquième, une excitation sexuelle ; même si ça marche pas, ça te fait une bite comme ça (NdMP : il montre 2 centimètres). Mais j’ai recherché cette excitation à connotation sexuelle pendant… Et mon cerveau se dit « Putain, j’ai 5 jours sans rien à faire… »

Metal-Eyes : En réenregistrant les morceaux de cette trilogie, est-ce que ça t’a replongé…

Renaud Hantson : Je n’ai pas voulu les rechanter, elles font partie des 5 chansons que je n’ai pas voulu rechanter. Je ne me sentais pas de le faire.

Metal-Eyes : Pour quelle raison ? Par peur, manque de motivation ?

Renaud Hantson : Parce que j’avais tout donné pour ces chansons avant. J’ai demandé à mon ingénieur du son si c’était gênant que je ne les refasse pas parce que je en ferais pas mieux…

Metal-Eyes : ET tu les fais, en concert ?

Renaud Hantson : Oui, mais c’est pas pareil. Appétit pour l’autodestruction, en concert, je la sors avec une violence terrible, c’est viscéral. Ma vie sans, jai aussi gardé la  voix initiale, Substance récompense pareil, qu’est-ce que je pouvais faire de mieux dessus ?

Metal-Eyes : Donc c’est la partie symphonique qui a été rajoutée.

Renaud Hantson : Et les musiciens du groupe qui ont aussi refait leurs parties. Sur les 16 chansons, il y en a 5 où je n’ai pas refait les voix, on les a remixées, rééquilibrées différemment. C’est ce qui est bien de bosser avec un génie comme Anthony.

Metal-Eyes : Deux dernières choses parce que je sens que nous allons être interrompus bientôt : Quelle pourrait être la devise de Satan Jokers aujourd’hui ?

Renaud Hantson : La devise ? (Il réfléchit) « Certains groupes font leur truc. Nous, on le fait encore mieux ! » (rires) Mais ça fait 30 ans que je dis les mêmes conneries pour ce groupe. Mais comme c’est un vrai groupe de techniciens, on peut se permettre de dire des trucs comme ça parce qu’on peut démontrer que c’est vrai ! Mulot, quand on fait un festival, il dit un truc du genre « c’est bien ce que vous faites. C’est moins bien que nous, mais c’est bien’ ! J essais qu’il le pense en plus, ce salaud !

Metal-Eyes : Tu as passé la journée en promo. Jusqu’à maintenant, quelle a été la question que tu as préféré, la plus surprenante, étonnante ?

Renaud Hantson : LA tienne ! La devise… Mais il y en a eu beaucoup des sympas. C’est très flatteurs de recevoir et de parler avec des mecs qui ont préparé, qui se sont intéressés à l’histoire de Satan Jokers, et c’est très agréable à vivre. J’ai dormi 3 heures et tant pis. ET c’est vrai que la question qui diffère, c’est « quelle serait la devise du groupe ». On m’en a posé une dans le même genre… Donner 3 expressions qui me définiraient. Ce sont les deux questions qui étaient vraiment différentes. J’évite de faire de la redite, même si je suis obligé d’en faire un peu !

 

SATAN JOKERS: Symphönïk kömmandöh

Heavy metal, France (Brennus, 2018)

Je ne suis pas étonné… Que Renaud Hantson veuille revisiter les grands morceaux de son Satan Jokers pour en proposer des versions symphoniques semble d’ailleurs naturel. Pourquoi les grands de ce monde l’auraient-ils fait et pas les légendes hexagonales? Ce Symphönïk kömmandöh (faudra m’expliquer les trémas, un hommage à Motörhead, peut-être?) revisite ainsi 16 morceaux de la carrière de SJ, toutes époques confondues. Accompagné de son groupe actuel (Michael Zurita à la guitare, Pascal Mulot à la basse et Aurélien Ouzoulas à la batterie), Hantson fait appel à l’orchestre symphonique Phocéen (Marseille, donc) pour réinterpréter sa vie d’avant (les glorieuses années 80 avec 4 chansons) et son monde actuel, celui du dévoilement de ses addictions et de son travail psychiatrique avec le Dr Metal, Laurent Karila. Je me jette sur les deux derniers titres, les classiques parmi les classiques que sont Pas fréquentables et Les fils du metal. Verdict: la voix de Hantson est toujours puissante, et le résultat est globalement intéressant. Mais il n’est pas évident, même pour un guitariste aussi talentueux que Zurita de reproduire le travail de Stéphane Bonneau, guitariste originel du combo. Si l’apport d’arrangements classiques offre une autre couleur à l’ensemble de ces morceaux, il n’en révolutionne pas totalement l’esprit originel. La sélection des chansons de sa période « je me confie en musique » (Ma vie sans, Substance récompense, Appétit pour l’autodestruction, Club 6 sex 6, Milfs, Phobies) résume bien cette psychothérapie musicale. Même si on aurait préféré être plus surpris, cet album est un plaisir que s’est fait Satan Jokers et qui séduira sans aucun doutes les fans.