SCARLEAN: Silence

France, Metal (Autoproduction, 2022)

Avec Soulmates, son premier album paru il y a un peu plus d’un an, Scarlean avait fait forte impression. Proposant un metal hybride, mêlant des sonorités classiques et modernes, puisant autant dans le heavy metal que dans le neo, Scarlean revient avec un album tout aussi original, puissant et varié. Silence nous offre 9 titres taillés dans le roc et forgés dans le rock. Rageur, vindicatif, l’ensemble est agrémenté de guitares hypnotiques, de breaks plus légers et l’ensemble est simplement attirant. Quelques passages s’inspirent – vocalement – du punk mais l’ensemble est plutôt un patchwork d’influences et d’envies. Et ça marche franchement bien! Avec Silence, Scarlean confirme son grand potentiel et se positionne comme un vrai challenger de la nouvelle scène metallique française. A suivre de près!

Interview: SCARLEAN

Scarlean / Photo promo

 

Interview SCARLEAN : entretien avec Alex (chant). Propos recueillis par téléphone, le 27 mars 2020.

 

Metal-Eyes : Pour commencer Alex, comment se passe ton confinement ?

Alex : Bien… Comme tout le monde. On voudrait sortir un peu plus, mais, bon…

 

Metal-Eyes : Pour commencer, peux-tu me raconter l’histoire du groupe ?

Alex : On peut dater les débuts du groupe vers 2012. Geo nous a rejoints et c’est à partir de là qu’on a vraiment commencé à trouver notre son. On a enregistré un premier album, Ghost, en 2016, en autoproduction, et fait quelques scènes. Puis le line-up a changé, puisque Olivier nous a rejoints à la basse et Fabien à la batterie. Entre temps, on a rejoint Mystyk prod et on a pu ressortir Ghost en 2018 qui a été distribué par Season Of Mist, ce qui nous a donné une autre exposition.

 

Metal-Eyes : Ça a changé quoi pour vous ?

Alex : Déjà, le soutien d’un label. Avoir un label, ça change beaucoup de choses. Déjà, on a eu une exposition plus importante. Et puis la distribution par Season Of Mist, ça signifie que l’album se trouve sur tout le territoire, dans les FNAC, à l’étranger aussi. Nous, seuls, on ne peut pas faire ça ! Ensuite, comme je te disais, Olivier et Fabien nous ont rejoints en 2018, on a composé assez rapidement et enregistré le nouvel album en 2019.

 

Metal-Eyes : Cette nouvelle section rythmique, ça apporte quoi de plus à Scarlean ?

Alex : Ça apporte beaucoup ! On est sur la même longueur d’indes, même si on a des goûts différents. Ils sont tous les deux arrivés avec leurs idées, leurs envies, on s’est très bien entendus à tout point de vue rapidement. Et là, avec Soulmates, je crois que nous avons vraiment trouvé notre voie. Mais note que Fabien n’a pas enregistré la batterie sur cet album, c’est Eric Lebailly, qui a été le batteur d’Adagio, qui s’en est chargé. Ce qui a permis à Fabien de se concentrer sur l’enregistrement, d’apporter son oreille à l’ensemble.

 

Metal-Eyes : Ce qui répond à ma question suivante, en fait. C’est cet apport de la section rythmique qui constitue la plus importante évolution entre vos deux albums…

Alex : Oui, c’est évident. L’apport de Fabien et d’Olivier a été plus qu’important. On s’entend vraiment bien et les influences musicales de chacun trouvent leur place dans Scarlean.

 

Metal-Eyes : Ce qui signifie que chacun a son mot à dire dans le processus d’enregistrement ?

Alex : Oui, tout le monde participe. Tu peux trouver des traces de metal, de hip-hop ; de trip-hop, de hardcore… Si ça fonctionne, c’est bon. Tu sais, j’écoute de tout, à partir du moment où la musique que j’écoute me parle, si elle me touche, ça me va. Et quand on compose, c’est pareil. On a pu mettre un peu de toutes les influences de chacun, et je pense que nous irons encore plus loin sur le prochain album !

 

Metal-Eyes : Justement, parlons un peu de Soulmates. Tout semble en opposition sur ce disque, de la pochette – fille / homme, jeune / adulte, naturelle / maquillé, faible / fort, habillée / nu – au titre – âmes sœurs qui se tournent le dos… Qu’elles étaient vos intentions avec ce disque ?

Alex : Tu as mis le doigt dessus : nous avons voulu travailler la dualité sous tous ces aspects que tu as cités. Aussi bien dans les contradictions que dans les oppositions. Le visuel est important et on y a vraiment réfléchi.

 

Metal-Eyes : Vos influences respectives ont dû aussi nourrir cette dualité ? Comment ça s’est traduit dans le cadre de la composition de l’album ?

Alex : Complètement. Comme on est tous assez ouverts musicalement, chaque chose différente a créé beaucoup d’engouement. Quand Olivier est arrivé avec ses parties de basses slappées, très groove, on s’est regardés, on a dit « woaw, trop bien ! On va pouvoir mettre ça en avant, faire quelque chose avec ! » Michel est arrivé avec des parties de guitare un peu… différentes, innovantes, des arythmies, des choses comme ça. Quand on a maquetté, pareil… Du coup, toutes les influences, on les a digérées, on les appréciées tout au long du process de composition. Du coup, on n’a pas vraiment senti les différences. On a plus pris ça comme une richesse globale, on s’est dit que ça sortait un peu du cadre. Mais, nous, on n’a pas de cadre, on fait de la musique comme on la veut, comme on l’entend. Tant qu’elle sonne à nos oreilles, on ne se pose pas de questions. C’est pas parce qu’on fait du metal qu’on ne peut pas intégrer des choses comme le hip-hop, par exemple. Il y a des choses très bien dans le hip-hop…

 

Metal-Eyes : Et c’est quelque chose qui s’est déjà fait. Comme tu le disais, j’imagine que vous, déjà, vous devez vous faire plaisir, que votre musique doit vous parler, et ensuite, si elle touche d’autres personnes, c’est du bonus.

Alex : Complètement ! L’idée, c’est de faire de la musique avant tout pour nous. On prend ça comme un exutoire, donc c’est avant tout un plaisir. Ensuite, on ne cherche pas à rentrer dans les cases, donc on ne cherche pas à savoir ce qui marche en ce moment pour imiter. On a tous des familles, un travail, on ne vit pas de la musique, donc on n’a aucun intérêt à chercher à en vivre. Nous, ce qu’on veut, c’est que ça reste toujours un plaisir, qu’à aucun moment on ne soit restreints par des obligations de… je sais pas, de tour manager qui te dit qu’il faut aller jouer là-bas, dans une salle pourrave. On veut garder notre liberté, notre individualité musicale. Si ça plait aux gens, et c’est un peu le cas en ce moment, c’est super, parce que ça nous permet de creuser un peu plus cet univers, d’aller un peu plus loin, de nous faire plaisir sur scène, parce que, l’aboutissement, c’est la scène.

 

Metal-Eyes : Justement, un groupe de rock c’est aussi la scène. En ce moment c’est un peu compromis partout, mais j’imagine que dès que possible vous allez tourner. Vous cherchez à tourner où, et dans quel type de salles ?

Alex : Nous, ce qu’on essaie de faire, c’est de jouer dans des conditions… Déjà, on ne joue pas dans les bars. J’adore les lieux avec des jauges à 2-300 personnes parce que je trouve que ça reste à taille humaine. Tu arrives à avoir une vraie complicité avec le public, et j’aime beaucoup ça. Après, on a fait des scènes à 1000-15000 personnes, et c’est intéressant parce qu’on joue sur une grande scène, où on peut vraiment s’exprimer. Globalement, je pense que notre musique est faite pour des grandes scènes, parce qu’on a besoin de lumières et d’autres choses pour mettre en valeur notre musique. Donc ce qu’on vise aujourd’hui, c’est des premières parties dans de belles salles et des festivals. C’est vraiment notre objectif aujourd’hui.

 

Metal-Eyes : Je crois que, malheureusement, les festivals, ce sera pour l’année prochaine…  

Alex : C’est aussi ce qu’on se dit, mais c’est pas grave. On continue de chercher à nous développer, à nous placer sur certaines choses. On est sur le tremplin de la MetalHead Convention à Paris, sur le Motocultor, aussi, où on est sélectionnés en finalistes.

 

Metal-Eyes : Celui-là, c’est au mois d’aout, ce qui laisse encore un peu de temps.

Alex : Voilà, et si c’est reporté, c’est pas grave, on aura au moins été là, on aura entendu parlé de nous, on aura existé à un endroit où on n’aurait pas imaginé exister… La MetalHead convention, on est assez bien placés : ça fait deux semaines qu’ils rentrent des résultats où on est dans les sélections. Ils ont une sélection de 5 genres, et ils nous ont classés dans la sélection « Djent/Prog » (rires). On est toujours dans le flow donc on va aller au bout.

 

Metal-Eyes : Il y a un autre sujet dont on doit parler, ou plutôt une personne puisqu’il s’agit de quelqu’un qui se nomme Annecke qui chante avec toi sur votre version réarrangée mais tout à fait reconnaissable de Wonderful life. Comme s’est fait cette collaboration ?

Alex : On avait décidé de faire une reprise. On a choisi Wonderful life qu’on a maquetté, et en fin de maquette, on a lancé ça en rigolant. Ça fait 25 ans que je suis fan d’Annecke, que je suis depuis son premier album, et je lance, comme ça « eh ! on pourrait faire un featuring ! Demain, j’appelle Annecke ! » Le lendemain, j’étais au téléphone avec Michel, mon guitariste et je lui dis que j’ai envie de le faire, que je vais voir si je peux trouver un mail… On sait jamais, ça pourrait le faire. De là, j’ai envoyé un mail à Stricly creative, qui est tenu par Rob Snijders, son mari qui est aussi l’ancien batteur de The Gathering et de Celestial Season. J’ai envoyé la maquette, en lui expliquant que je souhaitais faire un featuring avec Annecke… J’ai envoyé ça un peu comme une bouteille à la mer, et quelques heures après, j’ai reçu un mail me disant qu’elle adore la chanson originale et qu’elle adore notre proposition d’adaptation, donc… « on y va » ! J’ai relu le mail 30 fois (rires) en me diants que je m’étais planté quelque part, que c’était un pote qui me faisait une blague, mais non, c’e=était bien ça. A partir de là, on est entrés en studio, on a fait notre enregistrement, on lui a envoyé les bandes, elle a enregistré chez elle et 5 jours après on avait les bandes chez nous, avec sa voix posée sur le morceau. Je m’en rappelle parce qu’on était tous dans le studio et quand on a lancé la bande, il y avait un silence… d’écoute. A la fin, on s’est tous regardés en se disant « on a Annecke sur l’album ! » (rires). On est super contents de ce qu’elle a fait.

 

Metal-Eyes : En fait, ça s’est fait de la manière la plus simple qui soit. Qui ne tente rien n’a rien, vous avez osé, vous avez obtenu.

Alex : Exactement. Avant d’envoyer, j’y croyais un peu : on avait un projet qui tenait la route, une chanson pas trop mal, assez sympa. J’y croyais… On était super content, et du coup, sur le prochain album, on espère faire une autre collaboration avec quelqu’un d’autre. On a quelques idées… Le rêve absolu, serait de faire quelque chose avec Lisa Gerrard de Dead Can Dance, ce serait dingue !

 

Metal-Eyes : Pour le moment, il faut faire vivre Soulmates. Alors si tu devais ne retenir qu’un seul titre de l’album pour expliquer à quelqu’un qui ne vous connait pas ce qu’est Scarlean, ce serait lequel ?

Alex : Pour moi, ce serait Perfect demon qui est le morceau le plus progressif de l’album, qui part de quelque chose de très suave, très doux et qui, progressivement, monte vers quelque chose de beaucoup plus violent et qui finit en apothéose sur quelque chose de presque black metal, avec un côté très orchestré, une batterie à la double pédale, des guitares en accords inversés, typique du black metal. Parce que, aussi, je trouve que le texte commence avec un couplet pour continuer avec quelque chose qui dit l’opposé du premier et je trouve qu’il rassemble pas mal de facettes : un solo, des parties metal qui rentrent dedans, des parties plus douces, plus doom. Il y a un mélange d’influences dans ce morceau qui est vraiment conséquent et qui nous ressemble le plus, je pense. Il y a un autre titre que j’adore, c’est The smell of the blood, le tout dernier, parce que en plus, il y a une chanteuse qui n’est autre que ma femme, et ça apporte autre chose, d’encore plus personnel.

 

Metal-Eyes : Si tu devais imaginer une devise pour Scarlean en 2020 – quelque chose que vous pourriez mettre sur votre prochain album – ce serait quoi ?

Alex : Une devise ? Notre devise, pour celui-là, c’était… euh … C’était quoi d’ailleurs (rires) ? Ah, oui ! C’était Puissant-Emotionnel-Original, donc la devise en 2020 ce serait « Plus puissant, plus émotionnel et plus original » ! On va creuser l’univers et creuser encore plus ces aspects.

 

Metal-Eyes :  Ca me parrait être une bonne devise.

Alex : Ouais, allez, on valide ! (rires)

 

Metal-Eyes : As-tu d’autres choses à rajouter, Alex ?

Alex : Avec le climat actuel, j’ai envie de dire « restez chez vous, ne faites pas els cons ». Il faut rester optimiste, ce ne sera que mieux quand on pourra enfin se réunir dans les salles de concerts. J’espère que ça fera réagir les gens et qu’ils se déplaceront encore plus pour la scène locale. J’en profite aussi pour remercier tous les webzines et les radios qui parlent de gens comme nous, car sans ça, on n’est pas grand-chose. Et remercier notre fan-base qui grandit de plus en plus. On est toujours étonnés par certains retours. On a récemment fait une édition vinyle de Soulmates par le crowdfunding et on a halluciné de voir qu’il yavait autant de personnes qui adhéraient au projet. On espère que ça va continuer comme ça et qu’on va faire de belles choses en 2020, 2021 et après.

 

SCARLEAN: Soulmates

France, Metal (Mystyk prod, 2019)

A l’mage de sa pochette  aussi attirante que perturbante – le contraste entre ces deux êtres à l’opposé dont on se demande lequel est le plus en souffrance – Soulmates, premier album des Français de Scarlean, ne fait pas dans la demi mesure. Puissant et direct, Next to the maker va droit au but: Alex,  chanteur à la voix douce, rauque et énergique, sait varier les intonations et moduler sa puissance. Metal à la fois moderne et plus traditionnel, Scarlean propose un album multi facettes et multi ambiances. La production et la composition pourraient permettre à cet album de franchir les frontières. Haters, direct et mélodique, Wasting my time, plus brut, proche d’une certaine forme hard core, le mystérieux Perfect demon, à la douceur hypnotisante, tout est réuni pour transformer cet essai en réussite. Bien sûr, on ne peut passer à côté de cette reprise de Wonderful life popularisé par Colin Vearncombe, titre auquel une certaine Anneke van Giersbergen pose son timbre unique. Le metal reprend ses droits dès le plus violent Treat me bad, avant qu’une variétés d’univers, doux et enragés, ne viennent teinter You will never know, proche parfois du metalcore. Soulmates est un album varié, puissant et entraînant, une introduction à un univers à part.