TOYBLOÏD live – avec Slurp (Terrasses du Trabendo, Paris, le 23 septembre 2020)

Les réseaux sociaux fonctionnent bien… Toybloïd en profite pour organiser, avec l’aide de Super Sonic, un concert gratuit, en extérieur, sur les terrasses du Trabendo – en gros, le parvis extérieur de la salle parisienne. La météo annonce l’arrivée de l’automne et de la pluie, mais qu’importe! Depuis trop longtemps privés de concerts, les 250 personnes autorisées viennent braver les éléments qui se déchaînent vers 19h30. Une pluie battante pousse les présents, nombreux, sous les barnums répartis ici et là, protégeant la scène, le bar et les stands de merch. Le plus grand abrite naturellement une petite scène sur laquelle se trouve batterie, sono et quelque lights. Deux règles ce soir: la jauge limitée à 250 personnes (tant mieux, la nouvelle tombe ce même soir d’une nouvelle interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes…) et l’obligation de porter le masque. Premier constat: avec la pluie, le public est massé sous les tonnelles – tchao les distanciations sociales – et, bière aidant, les masques tombent vite. Trop nombreux sont les visages visibles. Il faudra attendre que le trio féminin Slurp monte sur scène pour que, sur demande de la guitariste chanteuse, le public daigne replacer les masques… Elle jouera gentiment avec par la suite, en introduisant les chansons d’amour, invitant à… « mais c’est pas pratique avec les masques, alors, dansez! »

Slurp

Mais puisque nous sommes là pour ça, parlons musique. Slurp ouvre le bal avec un rock pop lorgnant parfois du côté du punk US, festif et joyeux. Les filles sont de très bonne humeur, et le set proposé est tout aussi jovial et dansant. Le chant anglais est parfaitement maîtrisé, le propos semble assez engagé. Incontestablement, la musique de Slurp donne envie de bouger et de danser.

Slurp

Voici un coup de coeur, un groupe à revoir dès que possible pour le fun et l’entrain – je retiens notamment le côté « déconne » de la batteuse qui joue avec la cloche de la batterie plutôt qu’avec sa charley, ce qui entraîne une jolie crise de rire avec la bassiste). Son set se termine par un boeuf avec les filles de Toybloïd (donc les 2/3 du trio, je vous laisse compter) avant un changement de plateau rapide.

Slurp

A peine une demi-heure plus tard, la tête d’affiche investit la scène. On sent le trio concentré, avec cette envie de convaincre et de vaincre. Rappelons ici que, comme tant d’autres, Toybloïd a dû annuler le concert à la Maroquinerie, concert censé célébrer la sortie de son nouvel album, Modern love. L’organisation de ce concert gratuit, ce soir, a tout d’une forme de revanche, d’autant plus avec les nouvelles restrictions annoncées par le gouvernement.

Toybloïd

Si Madeleine (basse) est très mobile et dansante, Grégoire (batterie), son visage pailleté et ses ongles bleus, puissant et efficace, Lou (guitare et chant) semble très concentrée et appliquée. Sérieuse même. Bien sûr, le groupe a envie d’en découdre et de braver les éléments, mais, il manque ce soir un petit quelque chose. L’esprit ne semble pas totalement à la fête. C’est quand même une soirée étonnante…

Toybloïd

Notons que l’ambiance générale est quelque peu limitée – c’est en tout cas mon ressenti à ce moment – par le non respect des distances et, notons le également, certaines personnes qui retirent volontiers leurs masques ne facilitent pas les choses – ni les masques, ni le fait de les retirer. La pluie n’invite pas non plus à prendre ses distances et pousse même au rapprochement. N’empêche, la musique du trio, un rock dynamique qui tire vers une certaine forme d’irrévérence punk, ça ne laisse pas de marbre. Et ça fait du bien d’entendre de la musique amplifiée, de voir des musiciens se donner autant que possible et présenter leur nouveau disque avec pas moins de 11 morceaux qui en sont extraits (il ne manquent que Queer et Donna).

Toybloïd

Au final, même si la suite du concert permet à chacun de se montrer plus à l’aise et détendu, c’est un concert en demi teinte que je retiens. La faute au Covid? Aux masques? Au non respect du port de ces derniers? Une ambiance de fête, pourtant, cherche à trouver sa place. On a tous envie d’y retourner à ces concerts… Pourvoir dire « j’y étais et j’y retourne ». Alors, oui: ce soir, j’ai assisté à un concert. C’était… bizarre, et étonnant.

Interview: TOYBLOÏD

Interview TOYBLOÏD: entretien avec Madeleine (basse et chant). Propos recueillis par téléphone, le 1er juillet 2020

Metal-Eyes : si mes informations sont bonnes, Toybloïd s’est formé en 2007. Vous vous êtes formés où ?

Madeleine : Paris. On est totalement parisiens, et on y est toujours !

 

Metal-Eyes : Il y en a pas mal qui sont partis ces derniers temps… Jusqu’à présent, vous avez enregistré 2 Ep – You will scream for more en 2010 et From scratch en 2013, ainsi qu’un album, Toybloïd en 2016, et Modern love qui vient de sortir, c’est bien ça ?

Madeleine : Oui, c’est bien ça.

 

Metal-Eyes : Si on fait les comptes, on peut dire que vous n’êtes pas des foudres de travail, je me trompe ?

Madeleine : Ah, ah ! Ouais, c’est comme ça que tu le prends ! C’est vrai que ça fait 13 ans qu’on existe et qu’on n’a pas sorti grand-chose. Il a fallu près de 10 ans jusqu’au premier album parce qu’on était très jeunes, il nous fallait du temps pour nous améliorer, améliorer l’écriture des morceaux, réunir une équipe pour faire un album, et ça a été assez long. Après, c’est vrai que ça a été assez long entre les deux albums – presque 4 ans. Mais là, pour le coup, on ne s’est pas du tout tourné les pouces. Après le premier album, on a décidé de se séparer de tout le monde – manager, label – parce qu’on voulait absolument faire les choses par nous-mêmes. Forcément, ça a pris du temps de monter un label, s’occuper de plein de trucs administratifs, trouver des financements. Ça a été beaucoup de travail en plus de celui d’écrire un album. On a bossé !

 

Metal-Eyes : Comment définirais-tu la musique de Toybloïd pour quelqu’un qui ne vous connais pas ?

Madeleine : Pour moi, c’est des chansons pop avec des mélodies qui rentre bien dans la tête, des grosses guitares, des gros riffs… des chansons format court hyper classique – couplet-refrain-couplet-refrain-pont-couplet – des chansons efficaces qui marchent bien sur scène, dans ta voiture, dans ton salon…

 

Metal-Eyes : On rajoute une petite touche de punk ou pas ?

Madeleine : Bien sûr ! Punk dans la musique, dans l’esprit – on a voulu se démerder tout seuls pour tout faire.

 

Metal-Eyes : La pochette de l’album est assez provocatrice, il n’y a même pas le nom du groupe. C’est volontaire ?

Madeleine : Oui (elle rit) ! Je ne sais pas si c’est la meilleure idée du monde, mais on aimait tellement cette photo qu’on ne voyait pas du tout où on pouvait mettre notre nom dessus. C’était trop moche ! On l’a fait quand même sur le vinyle, il y a un petit sticker avec notre nom, mais sinon, la pochette c’est juste la photo. On voulait que ce soit frontal et voilà, faut tourner le CD pour savoir que c’est nous !

 

Metal-Eyes : Elle est assez provocatrice – je n’arrive pas à définir si c’est un couple hétéro ou homo. Quand on va sur votre page Facebook, j’ai l’impression qu’il y a un engagement auprès de la communauté LGBT. Je me trompe ?

Madeleine : Exactement. Il nous a fallu pas mal d’années avant de nous lancer dans cet engagement. C’est pas quelque chose qu’on voulait mettre en avant, on n’avait pas l’impression que c’était spécialement important de parler de ça et finalement, on s’est rendu compte que si, c’est important. C’est quelque chose qui n’est toujours pas du tout accepté de nos jours, donc il faut y aller, en parler. Quasiment toutes les chansons de l’album parlent de ça. C’est un engagement qui est assez récent dans la vie du groupe et je pense que ça nous fait du bien. C’ets principalement Lou avec ses textes, mais voilà, c’est parti avec de nouveaux engagements ! On a pris confiance en nous avec les années et on a des choses à dire, alors on les dit.

 

Metal-Eyes : Il y a aussi des gens qui ont encore besoin d’entendre et de comprendre certaines choses. On vit tous avec nos différences et c’est très bien ainsi.

Madeleine : Exactement.

 

Metal-Eyes : Comment analyses-tu l’évolution du groupe entre vos deux albums ? Vous avez décidé de tout reprendre en main, mais musicalement, quelle évolution ?

Madeleine : Mmh… Pour moi, ce qui a le plus évolué, c’est principalement la production. Le premier, il a été enregistré dans un super studio à Londres, tout en analogique, pas d’ordinateur, à l’ancienne, et c’était ultra intéressant de travailler comme ça parce que ça t’oblige à arriver en étant prêt. Il n’y a pas de « on verra plus tard, au mixage ». Ça a été hyper formateur, il faut être prêt, bien jouer parce qu’il n’y a rien pour te rattraper si tu te plantes. Pour le deuxième, on avait envie de faire quelque chose de beaucoup plus moderne, parce que, nos influences, c’est beaucoup de rock des années 2000. On voulait faire quelque chose de très produit, si on avait envie de mettre trois guitares, eh bien, on met trois guitares ! Et prendre le temps. Le premier, on l’a enregistré en conditions live. Celui-ci, on a pris le temps : d’abord la batterie, ensuite la basse, et ça donne un résultat totalement différent. Mais sur scène, c’est parfaitement cohérent.

 

Metal-Eyes : Vous avez aussi changé de batteur entre-temps. Que vous apporte Greg en plus, ou en moins ?

Madeleine : Eh, ben… euh… Avec Pierre, le batteur précédent, tout se passait bien, c’est lui qui a voulu partir. On était triste, mais, bon. Greg l’a remplacé, et, oui, il est rigolo parce qu’il joue vraiment le jeu. Au tout début, il était très mal sapé quand il montait sur scène, un peu punk, il s’en foutait. Nous, on lui demandait de faire un petit effort, ‘tu pourrais mettre une petite chemise sympa… » Et il s’est complètement pris au jeu, maintenant, il monte sur scène, il se met du vernis, des boucles d’oreilles… On ne lui avait jamais demandé d’aller aussi loin (elle se marre), mais il s’est vraiment pris au jeu. C’est pas son caractère de base, mais du coup, il apporte ce côté rigolo sur scène. Les gens l’adorent ce grand dadais avec son vernis et son maquillage ! Il a apporté beaucoup de fraicheur, c’est un très bon batteur, et il est ravi de jouer avec deux filles. Il nous laisse la place, il écrase dans un coin, il sait que c’est nous les patronnes ! (rires)

 

Metal-Eyes : De toutes façons, c’est sa place de batteur, derrière, au fond…

Madeleine : Ben ouais, faut pas déconner (rires).

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Modern love pour expliquer à quelqu’un qui ne vous connais pas ce que vous êtes aujourd’hui, ce serait lequel, et pour quelle raison ?

Madeleine : Alors attends, je réfléchi deux secondes… C’est une bonne question… J’ai l’impression que Shiny kid – pas parce que c’est le seul que j’ai écrit – est représentatif. Très rock, avec un refrain hyper lumineux. J’ai l’impression qu’il résume assez bien l’album.

 

Metal-Eyes : Tu parlais de concert à l’instant. J’ai vu qu’un concert est prévu le 16 septembre à la Maroquinerie.

Madeleine : Oui.

 

Metal-Eyes : Franchement, vous y croyez ?

Madeleine (elle explose de rire) : Je sais pas quoi te dire, on vient d’en parler pendant une heure. Au départ, ça devait être le 21 mai, on l’a déplacé en se disant que « septembre, c’est large » ! Maintenant… Est-ce que ce sera possible de le faire ? Légalement peut-être mais dans des conditions telles que ce sera affreux : tout le monde avec un masque, des distances… C’est le grand débat. Tout est si flou, c’est compliqué… On ne sait pas.

 

Metal-Eyes : Si tu devais penser à une devise pour Toybloïd, ce serait quoi ?

Madeleine : Tu penses à quelque chose qui existe déjà ? « Pierre qui roule n’amasse pas mousse ».

 

Metal-Eyes : Tu es musicienne, créative ou pas ?  

Madeleine (rires) : Je sais pas, ça va être dur de trouver une formulation…. Ce qui est sûr, c’est qu’avec le groupe, maintenant, on sait qu’on peut avoir confiance en nous, qu’on a des choses à dire, qu’on a envie de les dire, que les gens les entendent, qu’on a envie de créer un cadre bienveillant pour les gens qui ont envie de nous écouter. Que ce soit des filles qui pensent qu’elles n’ont pas le droit de faire du rock parce que ce sont des filles… on leur montre qu’on peut. Que si un garçon est gay, qu’il voit que ce n’est pas un problème. Ç a ne devrait pas être un combat, tout ça, ça devrait être des choses juste normales, mais, de fait, ce sont des combats qu’il faut continuer à mener.

 

Metal-Eyes : Donc, la devise, ce serait quoi ?

Madeleine : Ah, je sais pas ! Une devise… « Fais-toi confiance et fais ce que tu veux dans la vie » !

 

Metal-Eyes : Ben voilà, ça me va très bien. Ça fait un peu version française d’Aleister Crowley, mais je prends ! On n’a pas parlé de vos influences respectives…

Madeleine : On écoute beaucoup de choses… Lou, par exemple, est très fan de L7. Son père lui a fait écouter un CD des L7 quand elle était super jeune, moi, je n’ai pas du tout été élevée au rock de nanas… J’étais super fan de Placebo, les Clash, les Ramones, Nine Inche Nails, et tous les groupes des années 2000, Frantz Ferdinand… Après, on écoute aussi beaucoup de trucs actuels, de pop, comme Rihanna, Beyonce… Ce sont des machines de guerre de refrains efficaces et nous, on adore ça ! On aime bien l’idée d’avoir des inspirations très pop et de mettre des grosses guitares dessus.

 

Metal-Eyes : Est-ce qu’on parle de Nicolas Sirkis ? C’est l’oncle de Lou, quel soutient il vous apporte ?

Madeleine : Il a toujours été super pour nous. Je comprends que tu poses la question parce que ça a toujours été un peu délicat, est-ce qu’on en parle ou pas ? On veut pas être rapportés à ça tout le temps, mais maintenant, on a grandi et on est l’aise avec ça. Donc, oui, il a été là dès le départ avec une espèce de petit regard bienveillant mais pas du tout envahissant. Ce qui est super, c’est qu’il nous a très vite faits jouer en première partie d’Indochine. Je crois que notre cinquième concert, c’était au Zénith d’Orléans, c’est complètement délirant. Ça nous a mis un bon coup de pied au derrière pour être plutôt bons sur scène, très vite. Ça nous a donné un vrai coup de boost, grâce à lui. Après, on a joué dans je sais pas combien de Zénith, on a fait deux fois Bercy, deux fois le Stade de France, on a faits des trucs de dingues qui nous ont aidés, je pense, à être un bon groupe de scène.

 

Metal-Eyes : A trois sur scène, il faut aller le chercher le public de Bercy…

Madeleine : Ouais, en plus, à deux nanas devant… C’est une expérience de dingues. Dèjà, personnellement, je suis très très heureuse qu’il nous ait offert ça ! Ce qu’il a fait de plus pour cet album là – on est entièrement productrices de cet album, on a choisi tous les gens avec qui on a travaillé – à la toute fin, c’est qu’il nous a signés sur son label, KMS disques, qui est une filiale de Sony. Donc, l’album est distribué par Sony music, très bien, il est exposé, il y a des grandes affiches à la FNAC…

 

Metal-Eyes : Une dernière chose : vous aimez bien les ragots ?

Madeleine : Les ragots ? Ouais, pourquoi, tu en as ?

 

Metal-Eyes : Le nom du groupe joue sur les mots Toy (jouet) et Tabloid, la presse anglaise à ragots…

Madeleine : Ahhhh ! Ecoute, le nom du groupe… On l’avait à peine formé, on se connaissait à peine, et il y a eu ce jeu de mots qui est sorti entre ces deux mots pour donner Toybloïd, mais je ne sais même plus comment. Ce nom, personne ne sait le pronnoncer, personne ne sait l’écrire, on ne sait jamais trop quoi répondre quand quelqu’un nous demande ce que c’est (rires) ! Mais l’avantage, c’est que quand tu tapes le mot sur internet, tu tombes directement sur nous, il n’y en a pas 36 !

 

Metal-Eyes : As-tu une dernière chose à ajouter ?

Madeleine : Ben… Allez acheter notre album, il est disponible partout, en streaming, et allez regarder nos clips. On en est super fiers ! Pour le premier album, on a fait peu de clips et on n’en est qu’à moitié contentes, mais là, comme on a tout fait nous-mêmes, on en est très contents. Il y a déjà 4 ou 5 clips qui sont sortis, qu’on a fait avec des copains, en famille, donc oui, on en est fiers. Et on a hâte de repartir sur les routes ! C’est extrêmement frustrant de sortir un album dans ce contexte-là…

 

Metal-Eyes : Je comprends, on a tous envie de reprendre les concerts, que ce soit devant la scène, ou sur scène.

Madeleine : C’est ça ce qui va être fou, tout le monde sera au taquet, aussi bien le public que l’artiste sur scène ! Le positif, c’est que ça va regénérer des moments d’euphorie…

 

Metal-Eyes : Avec peut-être un moment de questionnement…

Madeleine : Ouais, mais je suis sûre qu’il y aura des moments super quand ça va reprendre.

 

 

TOYBLOÏD: Modern love

France, Rock (Toybloid/KMS, 2020)

Ils sont trois. Trois à se répartir les rôles au sein de Toybloïd, deux filles et un gars. Si toutes deux chantent, Lou tient également la guitare tandis que Madeleine se charge de la basse. Après le départ de Pierre, leur premier batteur, les filles recrutent Grégoire. Initialement prévue le 24 avril, la sortie de Modern love, leur nouvel album, se fait finalement le 26 juin 2020. Inutile de vous en expliquer les raisons, n’est-ce pas? Lire la suite