
Interview PRAETOR. Entretien avec Noémie (gtr) le 16 juin 2025
The spiral of addiction, votre nouvel album est paru il y a quelques semaines. Que pourrais-tu m’en dire pour me convaincre de filer l’acheter dès la fin de cet entretien ?
Déjà, as-tu déjà écouté le premier album ?
Le premier qui était un album de hard FM ? Oui, je l’ai écouté…
(Rires) Tout à fait ! Donc, puisque tu l’as écouté… Ce nouvel album est différent du premier – on reste sur les mêmes bases, des influences thrash old school avec des influences plus modernes – mais autant sur le premier album j’avais composé la plupart des morceaux, ici c’est Hugo qui a composé la majorité des morceaux. On a tous les deux des styles, une manière d’aborder la musique, différents. Cet album est dans la continuité du premier avec une belle évolution. Hugo a une approche de la composition différente parce qu’il a déjà en tête toutes les harmonisations qu’il veut. J’ai un style qui reste simple et efficace, en 4/4, très rock dans la construction des morceaux. Hugo a une approche un peu plus… « prog », on va dire, mais on reste dans du thrash. Je sais que les deux termes mis côte à côte peuvent surprendre…
Oui et non, certains ont démontré que c’est faisable, je pense, au hasard, à un certain … And justice for all…
Ben voilà, Hugo est un énorme fan de Metallica, et ça s’entend sur son chant et sur sa manière d’envisager les morceaux. Il y a, comme sur le premier album, 10 morceaux, une durée équivalente avec quelques changements. On a tenté de nouvelles choses sans changer du tout au tout.
Alex m’expliquait lorsque nous avions échangé pour le premier album que tu arrivais avec les riffs des morceaux, que vous en discutiez et que Hugo ajoutait ses idées et ses paroles. Donc là, si je comprends bien, le changement principal c’est que tu es arrivée avec moins de matière et c’est lui qui est à l’origine des titres ?
C’est principalement Hugo qui a composé, sachant que quand il compose, il envisage déjà les deux guitares, la batterie, il a déjà ses idées de chant… Le travail de composition se fait un peu différemment.
Puisqu’il a ces trames en têtes, arrive-t-il avec les textes des chansons ou écrit-il les paroles en fonction de la musique ?
C’est lui qui t’en parlerait le mieux, mais parfois il sait déjà de quoi il a envie de parler. D’autres fois, il compose le morceau et écrit après. Il a les mélodies mais les paroles viennent ensuite, parfois il change les paroles, ou les sujets qu’il souhaite aborder… Au niveau des paroles, cet album est un peu plus personnel au niveau des sujets abordés.
J’allais y venir, justement. Le titre de l’album, The spiral of addiction est très parlant… Est-ce lié à des expériences personnelles d’un ou plusieurs membres du groupe ou à des témoignages extérieurs ? Qu’y a-t-il derrière ce titre ?
Le morceau The spiral of addiction est le premier qui a été composé pour cet album. Il a même été en partie composé avant que le premier album ne sorte. Hugo voulait dès le début que ce soit le nom de l’album et avoir un artwork qui soit en rapport. Ce n’est pas non plus un fil rouge, ce n’est pas un concept album qui ne parlerait que d’addiction, loin de là ! Par contre, il y a cette idée qui revient régulièrement, sans parler d’une expérience en particulier. C’est lié à plein de choses…
Il y a certaines choses qui me marquent sur les deux albums, notamment au niveau des pochettes qui sont toutes deux en noir et blanc…
Oui. En fait, la première pochette devait être en couleurs mais on s’est rendu compte qu’elle était mieux en noir et blanc. Là, on a travaillé avec un autre artiste qui travaille au crayon. La pochette, il l’a dessinée sur papier avant de tout numériser. Il travaille avec du noir, du blanc, ce côté très crayonné… Du coup, nos deux albums sont e noir et blancs, pas les mêmes teintes… Ça ne veut pas dire qu’on imagine tous nos albums en noir et blanc, mais au final, on trouve que c’est assez chouette.
Il y a un côté un peu malsain à ce dessin, qui évoque aussi le titre… Comment est-ce que tu décrirais la musique du groupe à quelqu’un qui ne vous connait pas ? On a évoqué le thrash, mais ce n’est pas tout…
Si je devais nous décrire, ce serait « énervé », « énergique » et « hargneux ». C’est ce qui décrit le mieux notre musique. Notre point fort, c’est la scène, on fait de la musique pour ça. Enregistrer des albums, c’est bien, mais ce n’est pas ce qui nous fait le plus rêver. Notre vrai point fort, c’est notre énergie sur scène, énergie qui est liée à nos morceaux.
Est-ce que ça signifie que vous composez vos morceaux en pensant d’abord à ce qu’ils donneront sur scène, et si vous sentez que ça ne va pas passer, vous mettez le titre de côté ?
Pas vraiment… On ne s’est jamais vraiment posé la question parce que nos morceaux sont énergiques… La question, on se la pose plus par rapport au choix des morceaux qui vont le plus fonctionner en live, sur la façon dont on créé nos setlists pour garder tout le temps cette énergie. Mais au moment de la composition, on ne se pose pas cette question. On se demande surtout si c’est assez bien ou pas.
Si vous vous rendez compte qu’un titre ne fonctionne pas comme vous le souhaitiez, vous le retirez de la setlist, j’imagine ?
Oui, mais c’est assez difficile d’analyser l’impact des morceaux… Pour la sortie de cet album, on a fait une tournée en Europe et on a essayé de voir ce qui fonctionnait, ce qui fonctionnait moins bien, au niveau de l’agencement des morceaux, etc. Et c’est assez difficile parce que d’un soir à l’autre, en fonction des publics, on n’a pas forcément les mêmes retours. Ça se fera avec le temps… Pour le premier album, on arrive à voir un peu les morceaux qu’on peut mettre de côté et ceux qu’on doit absolument intégrer à la setlist. Pour ce second album, c’est encore un peu difficile mais, oui, on ajuste en fonction de la réaction du public.
Maintenant, si tu devais ne retenir qu’un seul titre de cet album pour expliquer ce qu’est Praetor aujourd’hui, ce serait lequel ?
Alors… J’ai envie de dire Carefully selected qui est assez brutal. Tout l’album n’a pas ce niveau de brutalité, mais ce titre représente assez bien l’esprit du groupe. Forcément, ce n’est qu’un morceau sur les dix mais c’est l’esprit du groupe et ce qu’on a envie de transmettre.
L’ensemble de l’album est assez rapide, ça ne doit pas être facile de trouver des moments de respiration en concert…
Non, en effet. On parlait des setlist. Forcément, c’est en fonction de ce qui marche bien ou moins bien, mais aussi de quel morceau peut être enchainé à tel autre. Il y a aussi les deux questions de Alex à la batterie et Hugo au chant, parce que, pour l’un comme pour l’autre, il y a une exigence physique… Alex, on le voit jouer, mais Hugo, il met une telle énergie dans son chant qu’il a besoin de moments pour récupérer. Ils n’hésitent pas à nous dire que, non, là ils ont besoin de récupérer et qu’on ne peut pas enchainer certains titres. Quand on a envie d’enchainer des moments d’énergie à chaque concert, d’éviter de trop prendre de moments de repos, on sait qu’à tel moment on peut faire une pause de 10 secondes pour se rafraichir, qu’avec tel autre on peut enchainer directement.
Quelles sont vos prévisions de concerts ?
On repart en juillet pour une dizaine de dates en Espagne et au Portugal, sur des festivals et des concerts, et après, on a pas mal de dates – 3 à 4 concerts par mois – en France, en Allemagne, en Belgique aussi. On a un peu plus de concerts en France, c’est vrai que jusque-là, on ne jouait pas trop en France, mais il y a quelques dates qui arrivent…
Vous êtes un groupe franco-luxembourgeois, ce serait bien aussi de jouer un peu en France (elle rit) ! Maintenant, certains ont visé l’étranger avec succès… C’est important aussi.
Oui, c’est important, et on le voit, qu’on a un public à l’étranger. Quand on regarde nos statistiques – où on est écoutés, où les clips sont visionnés – on a du public à l’étranger. On l’a constaté sur cette tournée, on a joué dans des pays où on n’avait jamais joué avant, en Italie, en Hongrie, et des gens nous attendaient. On sait qu’il faut qu’on joue plus en France, et on y remédie !
Est-ce que Metal East a un rôle à jouer sur l’impact du groupe à l’étranger ?
Grace à Metal East on est distribués à l’étranger. Pour le reste, c’est le fait de jouer, d’utiliser les réseaux sociaux, il y a un vrai travail de promotion qui est conséquent, et ça, c’est nous qui nous en chargeons. Il faut jouer, jouer, jouer, et trouver des moyens de se faire écouter, en jouant et en allant à la rencontre d’un public.
Quels sont justement les retours médiatiques que vous avez eu pour The spiral of addiction ?
Pour le moment, on a des retours qui sont bons, voire très bons. La plupart soulignent l’évolution entre les deux albums. Certains préfèrent le premier, d’autres le second album, mais c’est assez classique. Nous, on est très fiers de ce qu’on a produit et on va continuer sur cette lancée.
On parlait plus tôt de l’évolution musicale du groupe. Quelle a été l’évolution d’un point de vue humain ? Le premier album était sorti en 2023, le groupe s’est formé en 2019, et a donc subi la crise sanitaire, mais quid depuis ?
On n’a pas eu de crise sanitaire mais des crises quand même, notamment de mon côté puisque j’ai subi un accident de voiture il y a bientôt un an. J’ai été conduite aux urgences avec une fracture du poignet. Je suis restée 13 mois sans pouvoir jouer de guitare et ça a modifié la façon dont on a terminé de composer l’album, notamment là où je devais composer des solos, ce que je ne pouvais pas faire puisque je ne pouvais pas jouer. C’est Hugo qui a dû enregistrer toutes mes parties de guitare, j’ai dû être remplacée sur scène pendant un peu plus d’un an, et on continue de le faire parce que je ne suis toujours pas capable de faire un concert en entier. On repart en tournée et j’ai mon double qui vient avec nous et qui fera la moitié du concert. Il s’appelle Axel Limonier, et c’est un ami de très longue date, il est très proche du groupe. Il a appris tous les morceaux au pied levé et l’impact qu’il a eu sur Praetor cette dernière année est vraiment conséquent. Il a fait la sortie de l’album avec nous, les concerts aussi et jusqu’à la fin de l’année, lorsque je serai capable de jouer seule, il continue de nous suivre. Donc, forcément, ça a impacté le groupe parce qu’il y a eu plein de modification, ça a impacté au niveau de la logistique, au niveau de l’enregistrement aussi puisque Hugo a enregistré les deux guitares… Ça a été un peu compliqué, et plein d’autres petites choses aussi. Ça fait partie de la vie, de la vie d’un groupe. On compare souvent un groupe à une famille, ben… on est là dans les choses positives comme dans les moments moins positifs.
Ce qui signifie que l’album aurait pu sortir plus tôt sans cet accident ?
Non, non, pas du tout (rires) ! On a eu deux ans entre les deux albums, ce qui est très court maintenant, sachant qu’on continuait de défendre le premier album. La composition, l’enregistrement, la post production… c’est énormément de boulot. Déjà, là, c’était intense, et la date de sortie était déjà prévue à la sortie du premier album. On avait calé cette date avant, l’enregistrement aussi, et même si je n’avais pas eu cet accident, ça ne changeait pas grand-chose…
Alors ce que tu dis signifie-t-il que vous avez déjà calé la date de sortie du troisième album ?
Non ! Justement parce que là, on s’est rendu compte que c’était une source de stress colossale, pas seulement à cause de mon accident. L’année 2024, pour les Prateor, a été compliquée pour chacun, individuellement. Au niveau personnel, et on s’est rendu compte que, quand c’est compliqué d’un point de vue perso, faire avancer le groupe c’est extrêmement difficile… En plus, quand on a sorti le premier album, on avait déjà pas mal avancé sur la composition du second. Là, ce n’est pas le cas, et on ne veut pas se mettre ce stress. On va commencer par défendre ce second album et reprendre le processus de composition, et une fois qu’on aura suffisamment avancé, on pourra envisager une période de sortie pour le troisième album.
Ce qui parait raisonnable, d’autant plus pour un jeune groupe. Et on sait que, souvent, le troisième album est celui de tous les défis, celui de la transition. On sait bien, d’ailleurs, qu’un groupe de rock, d’autant plus dans ce style de metal, ne vit pas de sa musique. Quels sont vos autres activités en dehors de Praetor ? Tu m’as dit au début que tu écris des romans, que font les autres ?
Alex est prof de batterie et coach sportif, Seb est ingénieur dans l’automobile et Hugo travaille grosso modo dans un poste de secrétariat pour une entreprise au Luxembourg.
Si tu devais penser à une devise pour Prateor, ce serait quoi ?
Euh… Ce genre d’exercice… je suis extrêmement nulle… Autant je peux trouver un mot qui nous définit, des choses qui sont importantes pour nous, autant une devise… Je n’en ai pas la moindre idée (rires) !
As-tu quelque chose à rajouter pour conclure cet entretien ?
Simplement ce que j’ai déjà dit, que nous sommes très fiers de ce second album, et c’est important d’être fier de ce qu’on produit. On voit le chemin parcouru depuis le début, on voit aussi celui qui nous reste à parcourir même s’il est forcément plus flou. Même si on sait dans quelle direction on veut aller, il n’y a pas de destination. On est contents des opportunités qu’on a, de pouvoir jouer comme on le fait, que cet album soit aussi bien reçu, par les chroniques ou le public en concerts. On va faire en sorte que ça ne s’arrête pas maintenant !