Interview: PRINCESSES LEYA

Entretien avec (de gauche à droite sur la photo) Dédo (chant), Cléo Bigontina (basse), Xavier Gauduel (Batterie) et Antoine Schoumsky (Guitare, chant),. Propos recueillis au Rock In Rebrech 13 le 25 juin 2024

On n’a pas tous les jours rendez-vous avec une altesse royale. Alors quand elles sont quatre d’un coup, on sait qu’on va passer un bon moment. Avant d’enflammer le public du Rock In Rebrech, les Princesses Leya nous ont accordé une audience à leur image : fun et décalée.  

On connait l’un (Dédo) en tant qu’humoriste, l’autre (Antoine Schoumsky) comme acteur et doubleur, mais quelles sont les activités hors Princesses Leya des deux autres ?

Cléo : Je suis bassiste, des Princesses Leya et d’autres projets aussi.

Xavier : Je suis producteur de spectacles vivants, plutôt dans l’humour.

Tu produits les deux messieurs ici présents ?

Xavier : Entre autres, oui.

Antoine : En fait, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés. Monsieur était mon tourneur quand je faisais mon seul en scène, je faisais le comique à une époque, et maintenant Xavier s’occupe du spectacle de Dédo. A un moment, on a tourné ensemble sous le nom des Insolents et c’est Xavier qui s’occupait de nous.

Les Insolents… Pourquoi les Princesses Leya, alors ?

Xavier : On cherchait un nom un peu féminin dans ce monde de metal, un peu trop masculin, et un soir, par hasard… enfin, « par hasard »… Quand Carrie Fisher est morte, j’ai envoyé un texto à Dédo en suggérant Princesses Leya…

Carrie Fisher est morte ???

Xavier : Ouais, je suis désolé. Fin de l’interview ! (Rire général)

Antoine : C’était il y a 7 ans en plus…

Dans l’univers des Princesses Leya… D’ailleurs, on dit Les Princesses Leya ou Princesses Leya ?

Antoine : C’est comme on veut. On est quatre princesses, quatre petites princesses…

Petites ?

Antoine : On fait pas 2m15, on n’est pas NBA non plus…

Xavier : Pas encore…

Antoine : On est des princesses de taille moyenne. Mais c’est long à dire. « Petites princesses » c’est mignon, « de taille moyenne », c’est chiant…

Cléo, comment es-tu arrivée dans ce groupe de trois mecs ?

Cléo : Ben… Parce que je suis bassiste et, du coup, ils cherchaient une bassiste, et j’ai passé une audition. Que j’ai a priori brillamment remportée puisque, en plus, je suis encore là, sept ans plus tard…

Xavier : Parce qu’il n’y avait que toi, aussi…

Cléo : C’est vrai.

Dédo : Elle aurait pu la louper en étant seule quand même…

Vous avez un peu d’actualité puisque, il y a quelques temps déjà, est sorti votre dernier album, The big bang therapy sur lequel on retrouve le côté décalé qu’on avait découvert sur le premier album. En revanche, c’est un album beaucoup plus musical, avec moins de sketches. Qu’est-ce qui vous a poussés à vous orienter plus sur la musique que sur les sketches ?

Antoine : Quand on a commencé avec le spectacle, on ne l’envisageait pas comme un groupe de musique mais vraiment comme un spectacle comme on a l’habitude de faire, un peu théâtral. Le premier album est arrivé un peu à cause du Covid, qui a mis un gros coup d’arrêt à nos activités, comme pour beaucoup de gens. Comme on est assez pro actifs, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire. On s’est dit qu’on pouvait sortir un album des chansons du spectacle parce que beaucoup de gens nous le demandait à la fin. C’est après ce premier album, L’histoire sans fond, qu’on s’est dit que finalement on pouvait se comporter comme un vrai groupe. On a eu la chance d’être assez rapidement repérés et mis en lumière par le milieu metal – on a fait le warm-up Hellfest et des trucs comme ça. Au début, on n’assumait pas trop ce positionnement d’être « un vrai groupe » parce qu’on est un groupe parodique…

Vous n’assumiez pas quoi ? le « vrai » ou le « groupe » ? (Rire général)

Antoine : Un peu des deux…

Dédo : Il a raison, c’est venu de ça principalement. Et on a aussi fait une synthèse de ce premier album et de cette première grosse tournée où on s’est dit qu’il y avait peut-être un autre équilibre à trouver entre les parties théâtralisées et les parties musicales. Du coup, on a mis un peu plus de musique sur le deuxième album, et, à force, on s’est dit qu’on pouvait « assumer » un peu plus de composer des vrais morceaux. On n’est pas là, on l’espère en tout cas, que pour les blagues, on est aussi là pour la musique.

Composer de la musique, c’est une chose, écrire des sketches, c’en est une autre. Lier les deux dans l’esprit de Princesses Leya, encore autre chose. Comment vous y prenez-vous dans votre process non pas de composition mais d’écriture pour pouvoir lier les deux ?

Antoine : Pour nous, c’est les deux. On écrit des histoires, à côté on est scénaristes aussi. Tu écris une histoire sauf qu’au lieu de placer un dialogue, tu passes en mode chanson. Mais c’est le même principe. On écrit pour avoir cette théatralité, une rupture de rythme avec les blagues… C’est un autre ton…

Dédo : Les morceaux ont une certaine thématique, et par moment, on l’installe avec des passages un peu plus scénarisés, mais c’est assez fluide. Là, dans le spectacle, on se balade de dimension en dimension pour essayer de metaliser le monde et on a trouvé un lien logique entre les chansons pour articuler ça autour d’une histoire.

Justement, il y a une histoire de base, comment envisagez vous vos délires spatiaux pour les adapter sur scène.

Antoine : On l’envisage en fait comme une comédie musicale, c’est le terme qu’on employait au début. C’est un terme, tu meux tout mettre dedans, on n’est pas Kamel Ouali (rire général)

Xavier : Là tu as ouvert la porte !

Antoine : Faut pas nous embarquer sur Kamel Ouali !

Pourquoi donc ?

Antoine : Non, non, on peut faire des jeux de mots qui nous embarquerons jusqu’à jeudi prochain ! On est plus sur les comédies anglo-saxonnes, à Londres où c’est joué en live. Ils ont une culture pop rock qui est très présente. Je suis très intéressé par ces spectacles-là, leur scénographie…

Dédo : C’est vraiment pensé comme une comédie musicale ou une pièce de théâtre, en tout cas pour la partie « sho ». On l’a fait assez naturellement. Parfois, on illustrait l’histoire avec un semblant de scénario qui se dessinait et le groupe se retrouve avec différents éléments qui nous arrivent au fur et à mesure, et il y a une résolution scénique.

Antoine : Et ça reste simple, on n’a pas besoin de mettre trop d’artifices sur scène, trop de jeux de lumières.

Cléo : Déjà, il y a zéro décor, on est vraiment dans une configuration concert.

Zéro décor, mais il y a des tenues, un peu de visuel…

Antoine : Oui, mais ça tient vraiment plus sur le propos et sur ce qui nous arrive.

Dédo : Le véritable changement sur ce second show, c’est qu’on a un personnage extérieur qui interagit avec nous par le biais d’une voix. C’est le vrai changement par rapport au premier spectacle.

Simplement pour vous faire comprendre, je préfère le préciser, que j’ai attentivement écouté votre album…

Antoine : Ah ! Ça fait plaisir…

Je repends une phrase : « Vous aurez du succès et vous pourrez jouer dans des endroits dont vous ne rêviez même pas ». Euh… Rebréchien ?

Antoine (très sérieux) : Mais c’est dans la liste.

Des endroits dont vous ne pouviez pas rêver… (rire général)

Dédo : C’était impossible d’en rêver, c’est au-delà de nos rêves ! Parce qu’on ne pouvait même pas l’imaginer !

Antoine : Non.

Cléo : Impossible…

Xavier : C’est trop beau pour être vrai, en fait.

Le beau, tu le mets entre guillemets ?

Xavier : Non, non : B.O.

Il y a d’autres endroits comme ça aux quels vous ne pensiez même pas et qui se trouvent sur la liste des lieux de vos concerts ?

Cléo : C’est vrai, il y en a…

Antoine : On va retourner à la Ferté sous Jouarre, au Fertois fest 2024. J’en avais déjà entendu parler, donc je l’avais dans ma tête, je me disais « j’espère qu’un jour… » (tous approuvent).

Dédo : 2024 !

Antoine : Et je leur ai apporté du bonheur quand je leur ai annoncé : « Vous savez quoi ? On va jouer… à la Ferté sous Jouarre ».

Quelle a été votre réaction à tous, en entendant ça ?

Dédo : Moi, j’ai pleuré deux jours… deux jours d’affilée de… de toutes les émotions possibles. Déjà, il a juste dit « on va jouer à la… » J’ai commencé à pleurer… Ca m’a pris aux gorges… Oui, j’ai plusieurs gorges… Deux jours. Il m’a fallu deux semaines pour reprendre mes esprits.

Je suis obligé de rebondir là-dessus…

Dédo : Ouais.

Tu as plusieurs gorges…

Dédo : Ouais.

Profondes ?

Dédo : Nan. Tu as un problème, toi, tu fais des allusions !

Xavier : J’ai même pas entendu, moi…

Dédo : Quand on était à table, tout à l’heure, il avait des propos équivoques…

Moi ?

Dédo : Oui, oui…

Mais ça n’a pas été enregistré ! (Rire général) Sur le dernier album, si vous deviez chacun ne retenir qu’un seul titre…

Cléo : Oh, non ! Trop dur !

(Rire général suivi d’un joyeux bordel) Attends, laisse-moi finir !

Cléo : Non, non…

Est-ce que je vous interromps, moi ?

Cléo : Non, c’est vrai. Je suis désolée…

Donc, si vous deviez chacun ne retenir qu’un titre pour expliquer ce qu’est l’esprit de Princesses Leya aujourd’hui, ce serait lequel ?

Antoine : Big bang. Parce que l’album est une exploration du pourquoi l’univers part en couilles et que dans chaque univers où on va on ne trouve que des gens fracassés ou débiles, on se dit  qu’il faut trouver la raison pour laquelle l’humanité évolue toujours merdiquement, et il faut aller à la source : au big bang.

Xavier : Moi ce sera… Je ne me souviens plus de la question

Je reformule : si tu devais choisir un titre de l’album pour expliquer à quelqu’un ce qu’est l’esprit du groupe, ce serait laquelle ?

Xavier : Ah ! Alors ma préférée…

Pas forcément ta préférée, celle qui vous représente le mieux.

Xavier : Alors, je vais laisser la parole à Cléo et à Dédo, je réfléchis pendant ce temps…

Cléo : Je dirai Analphabet, ça résume bien le délire du groupe…

Antoine : Il y a un peu de débilité là-dedans, aussi…

Vous vous rendez compte que, si on change l’orthographe du mot on en change tout le sens, étymologiquement ? Analphabète, il y a An – dépourvu de- alphabet. En remplaçant le ph par un f, on a « anal », pas besoin d’explication, la note fa et « bête », idiot. Donc, « un imbécile qui fait de la musique avec son cul »…

Antoine : Ah, c’est un point de vue…

Dédo : C’est d’ailleurs ce qu’on aime, que chacun se fasse son interprétation. Il n’y a pas d’explication dans tout ce qu’on fait, mais si les gens trouvent ça incroyablement malin et intelligent, avec plaisir !

Mais tout ce que vous faites est incroyablement malin et intelligent !

Xavier : Oh, c’est gentil…

Cléo : Mais il dit ça parce qu’on est là

Exactement ! Cléo, pourquoi Analphabète ?

Cléo : Parce que je pense que ça représente bien le côté second degré du projet, on ne se prend pas la tête. On sait qu’on est des gens intelligents et qu’on peut rigoler de ces choses-là…

Vous êtes intelligents.

Cléo : Ouais.

Et vous avez cette intelligence, celle de l’autodérision.

Cléo : Complètement…

Dédo : Je vais en choisir une autre alors… Kangourou Garou, je pense, pour les mêmes raisons : il y a une thématique décalée et c’est un peu metal, ça part aussi sur autre chose musicalement, d’autres influences. Ça mélange plusieurs genres, plusieurs thèmes…

Cléo : Eh, mais moi, là je suis d’accord, en fait !

Xavier…

Xavier : Alors, je dirais Boulimie cannibale pour la simple et bonne raison que c’est ma préférée de mon groupe préféré, Princesses Leya

Cléo : Oh, c’est mignon…

Tu ne serais pas un peu fayot, toi ?

Xavier : Ecoute… Je laisse en décider les superbes personnes qui vont lire ton superbe article.

Quels sont les projets à venir pour Princesses Leya ?

Antoine : Il y a une tournée avec Ultra Vomit en novembre…

Ultra Vomit/Princesses Leya… on n’est pas du tout sur le même registre d’humour.

Antoine : Quand on a commencé, c’est là où on peut un peu se prendre la tête, on cherche des sujets. Il y a beaucoup de choises qui ont déjà été explorées dans le scato , les gros nichons et compagnie. On s’est demandé si cet humour-là viellii bien, on n’est plus tellement adolescents même si jeunes dans la tête. On veut réussir à faire un mix de paroles qui parlent de faits de société mais de manière légère. On essaie de ne pas trop aller vers un humour qui est déjà très bien fait par d’autres personnes.

Comment travaillez-vous ces sujets ? Est-ce que chacun arrive avec une idée de thème à aborder ? On pense à l’analphabétisme, mais aussi à la misère sexuelle dans Baise tout seul…

Antoine : On n’en débat pas… Ça vient tout seul, même si, naturellement, ça nous est déjà arrivé de travailler des chansons qui ne rentre pas avec le reste…

Qu’est-ce qui fait que ça va passer ? C’est d’abord votre ressenti ?

Cléo : Ça joue aussi, oui…

Antoine : C’est d’abord les compos. Ce n’est pas tant les thèmes que ce qu’on en fait. Quand on arrive avec des thèmes, on développe les paroles, parce qu’on a tel scénario. Entre la V1 et la version qu’on a enregistrée, il y a un grand écart.

Dans votre type de délire, il y a aussi la scène. Y at-t-il des morceaux que vous avez retirés parce que, contrairement à ce que vous imaginiez, ils ne fonctionnent pas si bien que ça ? Le public n’est pas aussi réceptif.

Dédo : On a essayé de voir quelle serait notre setlist préférée, et on a articulé le spectacle autour de ça. Mais je ne pense pas qu’il y ait un morceau spécifique qui ne passe pas…

Antoine : Il y a ce nouvel album, donc il faut quand même faire un mix entre les deux albums : il y a un bon nombre de nouveau titres, mais il a fallu nous demander ce qu’on gardait de l’ancien album. On sait que ces trois chansons là fonctionnent très bien, donc on les garde… Maintenant, avec le nouveau spectacle, on est beaucoup plus proche du concert que d’un spectacle musical, et on prend ce tournant de mettre la musique plus en avant que le théâtre. C’est plus une question de rythme : un spectacle doit avoir des moments d’émotion, ça part fort, il y a des moments de pause, ça repart…

Dédo : Trouver une homogénéité dans la setlist. Il faut faire en sorte d’équilibrer les moments calmes et ceux qui bourinent un peu plus.

Y-a-t-il des thèmes qui n’ont pas leur place dans Princesses Leya ?

Antoine : Non… Comme je le disais, la blague pour la blague, empiler des blagues et des jeux de mots, ce n’est pas ce qui nous intéresse. On aime bien l’idée d’un concept. S’il y a un troisième album, il faut qu’il y ait une histoire derrière.

Dédo : Le but, ce n’est pas d’être moralisateurs. Si on arrive à avoir un second degré de lecture, on est très contents. Il y a des gens qui choperont le truc, d’autres, pas du tout.

Xavier : Ca se trouve, le troisième album sera totalement absurde, il parlera des fourmis ou d’autre chose…

Ah ! Ca plaira à Bernard Werber !

Xavier : Il y aura toujours des gens pour voir quelque chose.

Antoine : C’est ce qui est rassurant : même si dans une chanson on n’avait rien à dire, il y aura quelqu’un pour nous demander : « mais qu’avez-vous voulu dire ? »

Quelle pourrait être la devise de Princesses Leya aujourd’hui ?

Antoine : Oh, la devise… (désigannt Xavier) C’est lui le spécialiste des devises…

Xavier : Ben… moi, j’aurai dis que c’est l’euro. La devise avec laquelle on nous paye…

Antoine : Je vais laisser les intellectuels y réfléchir…

Dédo : J’ai pas de devise… J’en ai jamais eue…

Xavier : Quel mytho…

Dédo : Ah, bon ? C’est quoi ?

Xavier : « Si c’est noir, c’est beau »

Dédo : Ah bon ? C’est le proc non ?

En même temps, Xavier est habillé tout en noir…

Cléo : Parce qu’il est fan de Dédo… (rires) Mais c’est vrai : pourquoi on n’a pas de devise ?

Antoine : Parce qu’on n’est pas un pays, on n’est pas un hymne, on n’est pas un sport…

Mais vous êtes un groupe ! Alors, avant de monter sur scène, est-ce que vous avez un rituel entre vous ?

(un joyeux bordel de quelques seconde où tous parlent en même temps)

Antoine : Attends : si tu veux de la résilience, fais un groupe de metal !

Développe…

Cléo : Ouh, là ! Mais nous on sait !

Dédo : Moi, je traie une vache avant chaque concert.

On va aller en chercher une dans le champ d’à côté…

Dédo : Mais c’est prévu…

Xavier : Moi j’enquille et je fais du fromage. Un fromage à pâte dure. On ouvre la fromagerie dans pas longtemps…

Cléo : Ben moi, j’aime bien le fromage…

J’aurai pas dû poser cette question…

Xavier : Vite trayé, vite affiné…

Souhaitez-vous rajouter quelque chose pour terminer ?

Antoine : Pardon ?

Je reprends : do you want to add something before we end the interview?

Antoine: Oh, you mean “a last word”? (Avec l’accent canadien) Je voudrais parler au public français de Rebrechien… Extraordinaire…

Cléo : Amazing…

Dédo : We love Rebrechien… We deeply love « Reb the dog »…

Vous avez visité un peu Rebréchien ?

Antoine : Oui, on a fait le tour. J’ai fait 20 mètres ! Un dernier mot ? Vive le steak à Kidiland (rire général) !

LOVELORN DOLLS: Deadtime stories

Belgique, Gothique (M&O, 2024)

Once upon a time… Une intro sombre qui évoque cette crainte d’éteindre la lumière avant de dormir, cette peur de voir sortir des monstres de sous notre lit d’enfant, le tout inspiré et allégé par des tonalités qui évoquent Evanscence. Si les Belges de Lovelorn Dolls n’en sont pas à leur coup d’essai, ce Deadtime stories arrive de longues années après Darker ages, paru en 2018. Ok, une crise sanitaire est passée par là, remettant beaucoup de certitudes en cause mais quand même, 6 ans, c’est long! Sans doute le duo composé de la chanteuse Krystell et du multi instrumentiste Bernard en a-t-il profité pour apporter un peu de lumière dans cet univers musical qui évoque les univers de Tim Burton ou de la famille Adams. Mais rapidement l’ensemble musical devient joyeux et presque lumineux. Les accents pop viennent contre balancer des guitares certes rugueuse mais le chant bienveillant, chant que se partagent les deux musiciens, apporte cet mise en lumière qui rend le propos plus rock entrainant que purement gothique. Il y a bien sûr quelques passages plus rentre dedans – le heavy moderne Death or glory, le plus heavy pop Beautiful chaos – mais l’ensemble reste toutefois plus joyeux qu’autre chose. Loin de la mélancolie, Deadtime stories, très agréablement mis en son, s’écoute avec plaisir de bout en bout.

RUSTHEAD: Gear up

France, Hard rock (M&O, 2024)

Rock and roll! Rusthead débarque avec Gear up, un album 100% pur hard rock n roll qui lorgne totalement et sans complexes du côté d’Angus and co. La guitare craque comme une certaine SG, le groove imparable des riffs évoquent toute la période Bon Scott mais pas que. Formé en 2018 à Cherbourg, Rusthead aime le pub rock australien d’AC/DC, The Angels ou Rose Tattoo autant que le rock énervé made in USA, avec, par instants, de belles intonations sudistes. Loin d’être rouillé, le quatuor développe une énergie communicative, et les 9 titres de ce nouvel album, même s’ils n’inventent rien, sont tellement enjoués qu’ils sont taillés pour la scène. Un groupe sérieux qui ne se prend pas au sérieux (cf. la vidéo de I’m not a slave). A quand une tournée, les gars (et la fille)?

MAUDITS: Précipice

France, Metal instrumental progressif (Source Atone records, 2024)

Nous avions pu découvrir Maudits avec leur précédente publication, un Ep partagé avec Saar paru en 2022. Le trio instrumental « revient » aujourd’hui avec ce Précipice vertigineux de bout en bout. « Revient » car cet album a subi, comme beaucoup d’autres, les affres de la pandémie et a vu sa sortie repoussée. Ce fut, au final un bien pour cette œuvre complexe car Maudits a pu retravailler ses ambiances, les améliorer, les perfectionner. A la base formée par le guitariste Olivier Dubuc, le bassiste Erwan Lombard et le batteur Christophe Hiegel viennent s’ajouter des instrumentiste qui, chacun, apportent une couleur et une émotion supplémentaires et complémentaire à cet album. On retrouve ainsi le violoncelliste Raphael Verguin à la touche grave, le pianiste Emmanuel Rousseau (également au mellotron, aux claviers et au… (euh… c’est quoi?) minimoog) qui apporte un peu de fraicheur et le claviériste et (re « euh… c’est quoi?« ) au Rhodes. Si l’ensemble semble d’approche facile, les structures sont complexes et travaillées sans pour autant jamais être alambiquées. Une petite heure durant, Maudits nous offre des morceaux à tiroirs et nous entraine sur les chemins d’une évasion aux multiples croisements dont tous proposent une destination envoutante. C’est sans doute le mot clé de cet album qui se veut envoûtant et enivrant du début à la fin. Il n’y a pas un instant plus faible ou moins attirant qu’un autre, tout est séduisant. Oh, Maudits nous réserve quelques échappées brutales, mais c’est pour mieux nous rattraper ensuite. On plonge dans ce Précipice avec bonheur et certitude, celle de se laisser entrainer dans cet univers musical bienveillant et éblouissant.

ROCK IN REBRECH 13: Le report

Un mois de mai maussade, une météo peu clémente… Fort heureusement, les « spécialistes » annoncent un léger mieux pour ce 25 mai, première des deux journées du Rock in Rebrech, 13ème du nom qui, une fois encore, accueille quelques jolies voitures. Contrairement à l’an passé, il n’y a pour cette nouvelle édition que des groupes français. Trois groupes sont attendus sur la scène principale, et pas des moindres puisque nous découvrirons les Orléanais de La Jarry qui seront suivis des Princesses Leya et des Toulousains de retour aux affaires, Sidilarsen.

Deux changements de taille sont à noter par rapport à l’édition 2023: No Mad Musik, l’asso organisatrice, a décidé de ne plus faire appel à des food trucks et se charge de toute la boisson et la nourriture. Bonne pioche, la queue ne disparaissant presque pas. Egalement, afin de distraire le public toute la soirée, un camion scène a été ajouté face à la scène principale pour recevoir, entre chaque groupe, les copains de PrimsA qui offrent ainsi une permanence musicale très orienté hard rock 80’s.

Si les préventes ne sont pas mirobolantes, la soirée attirera finalement un public dense – on parle de près de 1.200 entrées – et familial – de nombreux spectateurs sont venus en famille initier les plus petits aux joies de la musique live.

Las… Le temps vire encore au gris et de grosses gouttes de pluie se mettent à tomber… fort heureusement le temps d’un petit quart d’heure à peine. Pas suffisamment longtemps cependant – heureusement ! – pour transformer le terrain en patinoire boueuse.

PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13

PrismA, que nous avions découvert live lors du récent CrickFest, est aujourd’hui présent pour animer les changements de plateaux de la scène principale. Démarrant avec un problème technique – la pluie a fait son oeuvre – il faut réinitialiser les claviers dont aucun son ne sort. Mais une fois partis, le groupe nous propose, au cours de ses 3 interventions, un beau panel de son savoir faire qu’on retrouve sur ses récentes productions, dont le plus qu’enjoué album Way of life. Ce sont en tout une bonne quinzaine de morceaux que PrismA nous offre ce soir, avec quelques inquiétudes pour les cordes vocales de Philippe Sanfilippo, le chanteur, visiblement transi de froid… Reste que le hard rock très 80’s proposé par le groupe reçoit un accueil chaleureux d’un public à la fête.

PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13
LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13

Les locaux de la soirée investissent la scène pour une bonne heure de ce rock hard ultra vitaminé et festif. Si j’ai entendu parler de La Jarry, jamais je ne me suis penché sur les compos du groupe que je découvre ce soir. Clairement, je suis emballé par ce que j’entends et vois. Les quatre se donnent à fond, entrainant le public (gentiment interpelé dès le second titre par un « ça va les alcooliques? ») avec lui.

LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13

La Jarry propose un rock aux fortes intonations punkisantes et aux textes engagés (J’habite en France, On n’a pas le choix). Benoit Pourtau a le contact très facile avec le public, l’invitant à se rapprocher de la scène (« Allez, venez plus près les bourges! ») ou le faisant participer à plusieurs reprises (Babylone, On n’a pas le choix) et fait même monter qui le souhaite sur scène pour l’accompagner sur J’sais pas danser.

LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13

Un premier concert festif qui met en appétit et qui se termine avec l’annonce du lancement d’une longue tournée de presqu’un an. On vous souhaite de vous éclater, Messieurs, et de vous retrouver bientôt on stage!

LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13
PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13

Après un changement de plateau – toujours animé, nous l’avons dit, par PrismA, et qui voit l’espace buvette/restauration ne pas désemplir – les « quatre petites princesses » comme ils se surnomment eux même (cf. l’interview à venir) envahissent l’espace scénique. Princesses Leya attire un public familial et de tous âges – il y a même des bébés heureusement casqués – qui se masse devant la scène. Avec le groupe musico-théâtral humoristique, on sait qu’on va passer un bon moment, mais cette foule, est-ce le nom du groupe, le côté décalé des sketches, la présence de l’humoriste Dédo ou simplement la musique qui la fait se masser devant la scène?

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Quoiqu’il en soit, la bande est en forme et balance la sauce dès Analphabet. Puis, rapidement, le groupe entre dans le vif de sa pièce: le public ne comprend rien, ça énerve Dédo qui s’engueule avec le guitariste chevelu Antoine Schoumsky qui, lui, cherche à temporiser et, dans un accès de colère, le chanteur finit par lui arracher sa perruque. Ambiance… Bon, en même temps, on a le public qu’on mérite, hein! Même celui de Sèvre Babylone surtout en reprenant le hit intemporel et universel de Lorie, C’est le week end

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Puis le groupese trouve secoué, propulsé dans une faille spatiale, et se retrouve dans un monde nappé de rouge. Une voix sort d’outre monde, celle de… Satan? « Non, ça c’est mon nom de scène. Je m’appelle Philippe« . Le diable Philippe charge les Princesses Leya d’aller remétalliser le monde et les envoie dans différents univers parallèles. Le scénario est posé, devenant ainsi prétexte à dérouler le show.

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Nos heros parviennent à lutter contre et convertir les Kangourous garou, organisent une orgie géante ou chacun Baise tout seul, luttent contre une forme de Boulime cannibale et parviennent même à convertir tout le public aux joie d’un wall of death – quoique, en prononçant ces mots, certains s’éloignent de la zone de clash – qui se transforme en un joyeux pogo.

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Toujours plein d’humour, le groupe se dispute sur l’écologie, s’invente des noms de scènes – AbbaCDC, Pateratp – s’adresse régulièrement au public embarqué dans cette folle aventure avec le groupe, public surnommé « l’équipage »

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Univers après univers, les Princesses Leya réussissent leur mission, mais il reste cependant à remonter à la source, celle du Big bang. Pour ce faire, Dédo doit surfer sur le public qui le porte aux confins de l’espace et le ramène, sain et sauf, mission accomplie, au point de départ. Oui, mission accomplie! Philippe est content, et en plus, c’est son anniversaire. En guise de cadeau, il veut une interprétation de Boys boys boys de Sabrina, hit intemporel et intergalactique qui devient Balls balls balls… avant que tous, groupe et équipage, ne soient renvoyés dans le monde « normal » remétallisé. Princesse Leya nous a offert un vrai bon moment de détente, et même si certains trouve qu’il y a trop de « blabla », c’est bien une comédie musicale et pas un concert auquel nous avons eu droit. Un moment d’évasion intersidéral.

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13
PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

La nuit est tombée, les familles commencent à rentrer, d’autant plus que Sidilarsen est prévu de monter sur scène à… 23h30. Autant dire que je crains de voir le public déserter plus tôt que souhaité les lieux avec l’humidité qui s’installe. Cependant, hormis les enfants pour qui l’heure du dodo est venue, il reste du monde pour accueillir les Toulousains dont la scène est en train d’être mise en place, tandis que, à l’opposée, une longue file attend patiemment de pouvoir se procurer le merch des Princesses et que PrimsA continue d’animer cette inter session avant de remercier le public venu nombreux.

PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13
SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Sidilarsen s’est fait rare depuis 2019, mais la sortie de son nouvel album, Que la lumière soit, justifie sa venue ce soir. Les dates commencent à s’afficher en nombre et la bande à Didou et Vyber espère bien pouvoir défendre longtemps ce disque déjà remarqué, en tout cas, être sur les routes jusqu’en 2025.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

A l’image de la pochette de son album, le groupe tout entier se réunit, en cercle, au milieu de la scène baignée de rouge. Puis les hostilités commencent avec la nouveauté Intox, suivie des désormais classiques Retourner la France et Guerres à vendre qui, déjà retournent le public.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

On remarque que la scène est sobrement décorée, les écrans qu’utilisait le groupe sur les côtés ont disparu au profit de simples estrades de chaque côté du kit de batterie. Une batterie tenue et frappée par Marvyn, le dernier arrivé qui, malgré son jeune âge et son petit gabarit cogne comme un diable et comme s’il avait toujours été là.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Malheureusement, est-ce par choix ou par contrainte, Sidilarsen joue presque en permanence à contre jour. Très peu éclairé en façade, c’est souvent un jeu d’ombre chinoise auquel le public a droit, malgré des lumières contrastées, vives et variées. Mais les 5 se donnent entièrement, allant chercher le public qui, en grande partie, connait déjà les nouveaux morceaux présentés ce soir (Adelphité, Du sang sur les fleurs, On revient sur Terre et Luminaria) et reprend avec entrain les plus anciens morceaux.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Si chaque album n’est pas ce soir représenté, les God’s got guns, On va tous crever et autres Back to basics voient le public accompagner avec force le groupe très en forme, avant que, là encore de manière classique, Sidilarsen ne ferme le ban avec La morale de la fable et l’incontournable Des milliards. Oui, Sidi est en forme et il ne fait guère de doute qu’on entende beaucoup parler d’eux cette année.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Malgré un temps grisâtre, une humidité presque constante et des horaires assez tardifs – une idée à explorer pour la prochaine édition: démarrer, en cette période encore scolaire, une heure plus tôt, surtout pour vraiment profiter de la tête d’affiche – le public est venu en nombre. Paradoxalement, la journée du 26 mai, gratuite, a attiré beaucoup moins de monde que ce samedi, pourtant payant. C’est rassurant pour l’avenir du Rock In Rebrech’, petit festival de province qui monte et monte tranquillement!

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

BOWMEN: Mission IV

Allemagne, Hard rock (Fastball music, 2024)

Des guitares qui fusent, un chant clair et joyeux, des mélodies entrainantes… Tout est ici réuni pour que l’amateur de hard rock classieux et classique fasse un bond en arrière tout en restant les pieds ancrés dans son époque. C’est la recette que nous proposent les Allemands de Bowmen sur leur quatrième album, Mission IV. La mélodie est au cœur du propos musical, travaillée par des guitares aussi tendres qu’acérées. Bowmen, ce sont de vieux briscards (Markus Escher au chant et à la guitare, Jan Wendel à la guitare, Stefan Pfaffinger à la basse et Christian Tilly Klaus à la batterie) qui savent parfaitement concocter des chansons qui font mouche, quelque part entre hard rock et AOR, en y ajoutant une légère touche énervée façon grunge. Le groupe propose ainsi des titres riffus et énergiques (Demons, Said or done, Brocken man), d’autres plus foncièrement hard rock US (Fight the tide), de la tendresse (Hold me now, en version heavy ballad et repris dans une superbe version acoustique qui colle des frissons en fin d’album, Memories), lorgne parfois du côté de certains Australiens – on pense à ce riff répétitif et hypnotique sur Palace of the king qui évoque Thunderstuck. Les influences sont totalement assimilées, Bowmen ne cherchant jamais à imiter qui que ce soit et créant son propre univers sonore, d’une très belle efficacité, à l’instar de ce Rocket man enlevé et son irrésistible basse ultra groovy qui vient faire s’agiter les pieds sur le dance floor à mi parcours ou qui distribue des baffes en-veux-tu-en-voilà avec Black angel. Bowmen démontre une fois encore, si cela devait être nécessaire, que l’Allemagne du heavy rock ne se limite pas aux grands anciens qu’il est ici inutile de nommer. Aller, on en remet une couche pour énergiser la journée!

SLAVE TO SIN: Control and beliefs

France, Electro metal (Ep, M&O, 2024)

Soyons clairs: Slave To Sin est au metal ce que Metallica est à la techno. Le point commun, cependant, reste la volonté d’énergie et de puissance. Avec Control and beliefs, la formation lyonnaise démarre en trompe-l’oreille. Car Fake, première version, est un titre baigné de guitares rageuses, avec ce riff et cette rythmique hypnotiques. On pousse un peu plus loin avec What do you believe in?, morceau beaucoup plus électro aux guitares reléguées au second plan. Pourtant, la pêche est bien présente, tout comme sur Control qui traite de notre éternelle fausse croyance, celle qui nous persuade de pouvoir, à tort, tout contrôler. Hoping someday, plus soft vient clore le propos avant le bonus, la version electro de Fake. A quelques riffs saturés près, on est loin du metal. Très loin. Pourtant, Slave To Sin développe une forme d’énergie contagieuse qui donne envie de taper du pied. Et ça, ça donne envie d’en savoir plus. Mais sur le site web du groupe, on parle de musique et de projets, d’autres choses que de l’histoire du groupe… Etonnant.

KAVE FEST 2024: Entretien avec l’orga

Interview Kave Fest. Entretien avec Sélim, organisateur. Propos recueillis le 24 mai 2024

Le Kave Fest a lieu dans un peu moins d’un mois, du 21 au 23 juin prochain. Même si la promo a déjà commencé, ce n’est pas un peu tard pour en parler sur nos médias ?

En fait, non. On s’est rendu compte que le mois le plus crucial en termes de promo, c’est le dernier mois. Le passage à l’achat se fait le dernier mois, donc, non, je ne trouve pas que ce soit spécialement tard. On a beaucoup de promo ciblée, que nous faisons nous même en amont, mais quitte à se donner à fond, il vaut mieux faire la promo un mois avant et toucher des gens qui n’ont rien de prévus ce week end et vont se dire « ok, c’est bon ! J’y vais ! »

Dans la mesure où c’est la première fois que nous discutons, peux-tu nous rappeler l’histoire du festival ?

Le Kave Fest, c’est une histoire assez drôle, est né dans mon jardin ! On est une asso issue d’Ile de France – j’ai grandi à Chatou toute ma vie – et j’ai la chance d’avoir un jardin assez grand. A l’âge de 19 ans, j’étais batteur dans un groupe, et on s’est dit qu’on allait faire un festival. Au lieu d’aller dans les petits clubs et les bars et autres salles parisiennes emblématiques, je me suis dit qu’il y avait plus de capacité d’accueil dans mon jardin que dans ces clubs, que ça nous couterait 0 €, ce serait en open air, et on pourra vendre la bière et d’autres trucs. Du coup, on a organisé un mini festival en 2016 avec 150 personne. On gérait tout, à la fois la scène, la bière, la sécu, on a loué des toilettes… On a fait ça proprement. Le projet a grossi en 2019 puisqu’on a reçu 450 personnes dans le jardin ! A partir de là, on s’est dit que, dans un jardin, ça faisait beaucoup de monde ! On s’est demandé comment trouver le même esprit qu’à la maison – ce qui faisait le succès de l’évènement, c’était le côté très convivial et bon enfant, mes parents étaient dans le staff, mes potes du lycée aussi. Toutes les personnes qui nt bossé sur ce projet sont mes proches, je les connais très bien – et on a commencé à s’intéresser au château. On a rencontré le maire de Gisors de l’époque, qui était fan de metal et, en 2020, il nous a mis à disposition le château. Alors, 2020, 2021, les éditions ont été annulées à cause du Covid, mais malgré ces deux années d’absence, on a pu faire une édition dans le château de Gisors sur 2 jours avec 800 personnes par jour, donc 1.600 spectateurs. C’était le début de l’aventure : à partir de là, je me suis professionnalisé – je suis devenu chargé de production pour d’autres festivals et autres – et on a commencé à rentrer dans d’autres dimensions d’événements avec relations avec la Préfecture, etc. C’est donc là que l’histoire du Kave Fest version château est née. L’histoire veut que ça ait commencé de manière très familiale et conviviale, le crew est toujours le même depuis le jardin… Le gars qui tenait mon bar a l’époque aujourd’hui il fait « resto-bar » et il a un bar avec 12 barmen en front avec 12 tireuses à bière alors qu’à l’apoque, c’était une tireuse dans mon jardin ! Donc c’est tous ensemble qu’on a fait un pas en avant et qu’on a créé ce festival.

Ce sera l’édition numéro combien ?

Dans le château, ce sera la troisième. La septième si on compte celles de Chatou, mais j’ai du mal à les compter parce qu’il y a vraiment un gap en termes de travail et de production. Ce n’est plus pareil du tout. Il n’y a pas les mêmes enjeux, d’un point de vue financier ce n’est pas la même chose. La seule chose qui soit restée, c’est l’énergie. On travaille toujours pour avoir un festival dont l’ambiance est familiale et conviviale.

Comment sélectionnez-vous les groupes qui seront à l’affiche ?

On a une éthique : on veut un festival qui soit le plus éclectique possible, on veut avoir tous les sous genres de metal et de rock aussi, en tout cas, le plus possible. Vu qu’on a qu’une seule scène, alors qui dit sous genre différent dit artistes qui, chacun dans son genre, restent accessible. Je prends l’exemple de Sceptic Flesh : c’est un groupe de death mélodique qui a aussi des codes de heavy moderne dans ses sonorités. C’est un groupe qui reste accessible pour quelqu’un qui écoute Alphawolf ou du metalcore, par exemple. On construit l’affiche à partir de tous ces sous genres mais avec cette accessibilité et la capacité d’un public à se retrouver à écouter un peu de tout. C’est le premier élément, celui de la direction artistique. Le deuxième élément, c’est tout simplement le coté budgétaire. A partir du moment où on a réussi à booker nos têtes d’affiche, qu’on a négocié avec eux, qu’on a de bonnes offres, qu’on a pu négocier avec les bookers… Dès que nos têtes d’affiches sont posées, on va chercher les groupes intermédiaires, forcément moins chers, mais toujours avec l’idée d’avoir tous les sous genres à l’affiche. Si on réussi à négocier un Plini – qui n’est pas venu en France depuis un bail et qui est quand même une tête d’affiche costaude par rapport à notre taille -on sait qu’on va avoir une TA un peu prog. Donc on sait qu’on va devoir aller chercher des groupes un peu différents pour couvrir tous les genres. On cherche à avoir une complémentarité dans l’affiche.

Donc, contrairement à certains autres festivals très orientés vers un seul genre, folk, extrême ou autre, le Kave Fest cherche la variété. Il y a effectivement une belle variété de genres à cette affiche. Il y a un nom qui m’amuse bien, c’est Amical Tendencies, j’imagine que c’est un tribute ?

(il rit) Ouais ! Amical Tendencies, ce n’est pas un tribute, c’est un DJ set. En clôture de festival, le samedi soir, il va reprendre un peu tout, de l’électro au metal, ce qui permettra un lâcher-prise en fin de journée.

Aujourd’hui, quelle est la capacité d’accueil du Kave Fest ?

On n’aime pas avoir les yeux plus gros que le ventre, donc la première année on s’est limités à 800 personnes par jour. En 2023, on est montés à 1.200 personnes par jour, et on a fait sold out. Là, l’objectif est un peu plus gros, mais réalisable : 2.000 personnes par jour, donc 6.000 en tout.

Sachant que vous avez rajouté une journée…

Oui, on a rajouté une journée. L’avantage du château, c’est que c’est un « bac à sable », on peut en faire ce qu’on veut à partir du moment où on l’aménage intelligemment. La vraie capacité, sur le plan sécuritaire et structurel, c’est 3.500 à 4.000 personnes par jour. Nous, on ne veut pas remplir cette jauge parce qu’on n’en a pas la capacité, ce serait nous tirer une balle dans le pied. On y va petit à petit, et aujourd’hui, on en est à la moitié de la capacité du château, à 2.000 personnes par jour.

Ce qui permet de conserver un esprit familial…Pour quelle raison avez-vous rajouté une journée supplémentaire qui, de plus, est gratuite ?

Parce que ça tombe le week end de la fête de la musique. Pour être très honnête, ça s’est fait un peu par hasard : on savait qu’on allait passer à 3 jours à un moment, mais pas cette année. Mais avec les jeux olympiques… La flamme olympique passe au château de Gisors le 6 juillet, ce qui est notre week end habituel, le premier week end de juillet. On essaie de se placer stratégiquement par rapport au Hellfest, qui a décalé son week end au dernier week end de juin, et le week end du juillet, dernier un peu viable avant que les gens ne partent en vacances, c’est aussi la fête nationale, donc le château est pris par la ville… Le seul moment disponible était le week end des 22 et 23 juin. Le 21, c’est la fête de la musique, alors on a proposé à la ville de nous aider, financièrement, structurellement, pour intégrer une proposition gratuite de rock et de metal au public local. La ville nous a totalement soutenus, nous a aidés avec la communauté de communes, le département, on a reçu des aides pour cette journée-là. Très simplement, la ville a pris en charge la billetterie potentielle de a journée de vendredi pour pouvoir la rendre gratuite pour tous.

Pour participer à cette journée gratuite, il faut s’inscrire quelque part ? Ce qui vous permettrait d’avoir des prévisions de visites, ou alors vous allez recevoir tout le monde au fil de l’eau ?

On a une inscription automatique avec l’achat du pass 3 jours – qui est moins cher que 2 journées puisqu’il est à 66 euros contre 36 euros la journée. Sinon, on va le faire au compte-gouttes parce que le vrai public cible, c’est le public local qui a envie de découvrir le rock et le metal. Les curieux vont avoir envie d’aller au château de Gisors, certains n’auront peut-être pas de culture metal, mais dans les villes de provinces, les gens bougent beaucoup pour la fête de la musique. Nous, on veut s’inscrire dans cette idée-là : les gens arrivent au château, s’ils veulent entrer et rester une heure, deux heures ou la journée, ils sont bienvenus.

Pour des gens qui ne connaissent pas le metal, il n’y a guère que Storm Orchestra qui soit « accessible ». Des groupes comme Psykup et Novelist ça déménage !

Il y a aussi Oakman qui est plus accessible… Quoique, Novelist, avec sa nouvelle chanteuse, c’est fun aussi, plus simple d’écoute pour quelqu’un qui ne connait pas le metal. Il y a des riffs vénères, mais c’est plus accessible, et Psykup reste très énergique aussi mais avec un esprit décalé.

Dans les affiches passées, quels sont les 3 groupes que tu es très content d’avoir eu à l’affiche ?

Alors, c’est parfait, il y en a 3 que j’ai en tête ! Même s’il y a plein de groupes qui m’impressionnent. Mais il y en a 3 qui ont une histoire particulière : le premier c’est Landmvrks qu’on a signés en 2020 avant le Covid, avant qu’ils n’explosent. Ils ont quand même accepté de jouer le jeu en 2022. Ils ont fait la tête d’affiche alors qu’ils avaient bien grossis. Là, il y a un « petit flair », et je suis assez content d’avoir été fan et de les avoir repérés avant qu’ils n’explosent et de les avoirs eus quand ils ont grossis. Myrath… Je suis tunisien d’origine, et c’est un groupe de cœur qui fait référence à mes racines, je les ai découverts là-bas… C’est le plus gros groupe qu’on a reçus, il y avait une prod, un cracheur de feu sur scène, donc il y avait aussi des enjeux sécuritaires. Et Diablo Swing orchestra. On est les premiers à les avoir fait venir en France après 10 ou 12 ans d’absence. Je les écoutais au lycée et je savais qu’il y avait un vrai public qui les attendait. Même eux étaient surpris ! et la rencontre humaine était très sympa.

Et cette année, il y a un groupe que tu es particulièrement fier d’avoir signé ?

Pff… Si je dois en citer 3… Évidemment, Plini. Ils sont Australiens, c’est un groupe qui a une renommée mondiale plus qu’internationale. Fierté personnelle aussi avec Thrown (NdMP : je crois…) qui est un peu comme Lanmvrks un groupe que j’ai repéré relativement tôt et qui est en train de péter, et Ankor, un groupe espagnol avec une chanteuse. C’est rare un groupe aussi prometteur avec une chanteuse. Je suis très content de les avoir cette année parce qu’on ne sait pas si ce sera encore possible dans 3 ou 4 ans…

Quelles sont les valeurs que le Kave Fest veut mettre en avant ?

A la base, on est un groupe de potes, alors je ne sais pas si on peut parler de « valeurs » pour faire un festival. On n’est pas engagés dans une vie sociale, par exemple. Par contre, on a une éthique plus que des valeurs… Une éthique écologique, on est aidés par Ecofest qui donne des conseils à des festivals, qui fait un audit pour mettre en place des process écologiques dans nos actions. Evidemment, on a une éthique féministe, dans la programmation et dans notre équipe. Je l’ai dit, on est une équipe de potes et dans la bande, il y a des filles. Elles ont des responsabilités dans l’asso et elles apportent une sensibilité différente, vraiment. Un truc « débile » auquel je n’aurai jamais pensé : une de mes responsables a simplement suggéré d’avoir des tampons au cashless afin de pouvoir dépanner les festivalières. C’est vrai que jamais de ma vie je n’y aurai pensé… On pense aux bouchons d’oreilles, on a ce qu’il faut si tu es en galère, mais on ne pense pas à ça. Et c’est important… C’est évident pour des filles mais absolument pas pour nous, et ça fait du bien, ce genre de recul… Il y a aussi le côté home-made : on travaille avec un brasseur local, pour la bière et le cidre, il y a des artisans qui sont à l’entrée du village… Ce n’est pas tant le côté patrimoine que le fait de nous entourer de gens qui aiment leurs produits et qui ont une dimension humaine, artisanale de ce qu’ils font.

Quelles sont les activités extra-musicales que le festivalier peut trouver s’il a envie de faire autre chose que de simplement participer à des concerts ?

Très bonne question, puisque cette année on a décidé de mettre les bouchées doubles sur cet aspect. On n’a qu’une seule scène, donc les changements de plateaux varie entre 25 et 35’, donc des temps morts assez importants. On a toujours voulu proposer dans ces moments des choses intéressantes. A une époque, on avait uniquement le village avec stand de tatouage, boddy wrok shop et autres et cette année on a décidé d’avoir une deuxième scène – pas encore nommée mais qui pourrait s’appeler la Basse Kour – avec une cracheuse de feu, des spectacles d’hypnose, de magie, des bardes qui font des reprises rock avec des instruments médiévaux, des chevaliers – qui étaient déjà là l’an dernier mais qui reviennent avec un show encore plus grand – du tir à la corde, des jeux… C’est ce qui fait l’ambiance familiale du festival.

Le festival dure 3 jours. Où le public peut-il dormir ?

On a un camping qui est mis à disposition par la Fermette bio de l’Epte qui peut accueillir 300 personnes. C’est également eux qui nous fournissent les aliments pour la cuisine – on ne fait pas appel à des food trucks, on fait tout nous-mêmes – et le propriétaire de la ferme nous prête son terrain. Il a construit des toilettes sèches, fait des aménagements pour accueillir 300 personnes. C’est pas énorme, mais c’est pas mal non plus, on fait camper des gens là-bas. C’est un camping qui est un peu plus « chiant » que dans la plupart des festivals metal parce qu’il y a un couvre-feu. Moi ça me va : il y a des chèvres, des canards, des animaux qui dorment la nuit. Une ferme, quoi ! Donc on interdit l’alcool, le tapage nocturne après minuit… Le metalleux ont l’habitude des campings avec apéro et la fête toute la nuit, nous, non. On a déjà eu quelques commentaires négatifs du style « on peut pas s’amuser » mais dans l’ensemble, les gens sont plutôt content d’y être. C’est un lieu qui est calme, propre, en adéquation avec les valeurs de la Fermette et des gens avec qui on travaille.

Donc pas besoin de bouchons pour dormir…

Potentiellement il y a les coqs et le chèvres (il sourit). Je conseille quand même les bouchons, même s’il n’y a pas les apéros à 3 heures du mat’ !

Tu parles de couvre-feu, quelles sont les amplitudes horaires du Kave fest ?

On fait du 17h-1h du matin le vendredi, le samedi de midi à 1 heure et le dimanche de midi à minuit, avec ouverture des portes une heure avant le début des festivités. L’avantage du château de Gisors, c’est que c’est le terminus de la ligne J. Les gens peuvent venir directement de Paris. On a calé la dernière tête d’affiche afin que les gens puissent rentrer sur Paris après le dernier concert.

Le camping a une capacité de 300 personnes. Quid des non parisiens qui ont besoin de dormir ?

Eh bien… Hôtel, il y a beaucoup de gens qui dorment dans leur voiture aussi…

Novelist revient.

Ouais !

Vous leur filez une carte de fidélité avec un troisième gratuit ?

(Rires) Du coup, c’est eux qui nous font le troisième gratuit ! On aime bien faire revenir des groupes parce que parfois il y a des rencontres et des ententes cools. On essaie de ne pas trop le faire vis-à-vis du public mais avec une nouvelle chanteuse, un nouvel album qui arrive, ça fait du bien de les avoir de nouveau. Ils sont cools, et musicalement ils ont quelque chose de nouveau à proposer. Il y a Detvar aussi qu’on fait revenir, il y en a d’autres qui reviendront aussi.

Quelle est la typologie du festivalier type du Kave Fest ?

Je les aime bien nos festivaliers… J’ai un souvenir d’une chose qui m’a marqué : en 2022, on était épuisés avec l’équipe, on était en sous-effectifs et on ne s’attendait pas à autant de monde. On a un rituel avec l’équipe : à la fin de la journée, avant le DJ Set, je fais monter toute mon équipe sur scène et on fait un remerciement général et on dit au revoir au public. Ce soir-là, on était crevés, et j’ai demandé au public de bien vouloir ramasser ses déchets, les mégots, les éco-cups… sinon, c’est à nous de le faire le lendemain… Véridique : le lendemain matin, le site était nickel. C’est ce qui est beau avec le Kave Fest : malgré le fait qu’on se professionnalise, que le festival grossisse…, on a pour objectif de rester humain, proche, convivial.

Et le profil type du festivalier : jeune étudiant, quinqua, trentenaire, tranche d’âge, sexe, CSP… ?

Alors, on est sur 65/35% d’hommes /femmes, ce qui est plutôt bien dans notre milieu, et une tranche d’âge de 25 à 35 ans. Qui dit public metal dit aussi « un peu plus âgé » alors on a aussi des quadras. Un public relativement aisé, aussi. En termes de pouvoir d’achat en tout cas, on n’est pas sur un « public rap » avec des entrées à 10 balles et des consommations réduites. On n’est pas non plus dans le public « électro bobo parisien » et des pass à 70€ la journée… On a un public qui aime bien profiter, et nous on fait en sorte de proposer des produits de qualité.

Le public metal est aussi un public de passionnés et de collectionneurs. Au-delà du merch, le vôtre et celui des groupes, y a-t-il des espaces dédiés pour les rencontres avec les artistes ? 

On essaie de manière assez… indirecte de pousser les artistes à aller profiter du festival. Ils ont bien sûr leurs loges et leur espace à part, mais on leur offre des tickets conso ^pour aller au bar. L’espace merch est aussi souvent géré par les artistes parce que sur un festival de cette taille, ils n’ont pas de gens pour s’en occuper           … Donc, oui, je dirai que la rencontre est faisable. On ne fait pas d’espace signature, etc… C’est très personnel, mais je trouve qu’on perd ce côté humain du festival… Si quelqu’un fait la queue pour avoir 5’ avec un gars, même si je comprends le plaisir de rencontrer quelqu’un dont on est fan, je trouve ça bizarre, ce n’est pas dans l’esprit du festival. Maintenant, je comprends tout à fait l’intérêt de le faire quand tu es fan. Moi, je rencontre Ozzy Osbourne, je deviens fou ! Même si ce n’est que 30 secondes…  Je préfère réussir à inciter les artistes, les mecs de Plini, d’Alphawolf et les autres, à aller prendre une bière avec le public dans le festival, passer la frontière artistes/festivaliers – ces mecs, ils aiment le son, eux aussi – et passer du temps avec le public.

As-tu des anecdotes croustillantes, as-tu eu des demandes particulières de certains artistes, des choses qui t’ont surpris ?

Je suis plus souvent surpris des demandes des petits artistes que des grands… Les têtes d’affiches, elles sont professionnalisées, elles savent avec quoi et avec qui elles signent. Je bosse souvent avec des bookers qui nous connaissent bien, comme Veryshow, et c’est carré. Il y a des attentes techniques, pratiques, qui vient nous chercher à l’aéroport, à quelle heure on arrive, à quelle heure on joue… Que ce soit clean, respectueux, qu’ils soient bien nourris… Ils ne me demandent jamais des quantités astronomiques d’alcool parce qu’ils ont un show à assurer. On est sur une très bonne gestion de ces artistes pro. Par contre, les plus petits groupes autogérés… Il arrive souvent qu’ils n’aient pas ces codes là et qu’ils aient des demandes… euh… ben, tu leur dis « les têtes d’affiches, on ne leur donne pas ça, alors pourquoi on le ferait pour vous ? » C’est plus maladroit qu’autre chose. Le premier point de désaccord, c’est le cachet. Parfois, tu as des artistes amateurs qui font des calculs erronés et qui te demandent des cachets à 4.000€ alors que c’est ce que tu mets pour une « semi » tête d’affiche, des groupes qui commencent à avoir une certaine notoriété. Alors pour un groupe d’ouverture… On discute, et on fini par se mettre d’accord. On peut aussi avoir des histoires de matériel technique surévalué. Parfois, il peut y avoir des exigences en matière de conso, certains veulent un open bar pour eux et pour leurs potes… Mais on parle de cas très isolés. Globalement, c’est plus de la maladresse, on discute, on leur explique et, le jour J, ça se passe toujours très très bien. On n’a jamais eu de difficulté avec des artistes. Si ! Il y a eu une histoire rigolote avec une danseuse qui n’était pas membre des groupes mais qui voulait repasser sa chemise… Elle a viré toute la table de catering pour repasser au milieu de l’espace catering parce qu’on avait oublié de mettre en place une dressing room. Une erreur de notre part, qu’on a corrigée bien sûr, mais au lieu d’en faire part à notre équipe – on aurait trouvé une table en 2 secondes – elle a viré toute la bouffe de la table…

Tu as parlé d’argent : quel est le budget d’un festival comme le Kave Fest ?

A 10% près, on est aux alentours des 200.000€. Ça varie entre 200 et 240.000 € en fonction des choses à peaufiner. Le budget est très précis sur le papier, mais il y a toujours des locations de dernière minute, des hôtels un peu différents… il y a toujours des réajustements ici et là. Et ça fait facilement 20.000 balles d’écart. Un budget qui, pour la première fois, inclus un mini salaire pour les membres du bureau. On a toujours été bénévoles, et cette année, on va reverser à tous les responsable une petite enveloppe, symbolique mais avec un budget total de 10.000 € pour les chefs d’équipe.

Le symbole du Kave Fest est un phénix. Ça vient d’où ? Le fait que le festival soit revenu à la vie après le covid, qu’il renait d’année en année ?

Tu veux la vraie histoire ? Elle n’est pas belle, mais elle est drôle… C’est une bande de potes le Kave fest, et cette bande de potes, elle est née dans la Kave du premier festival qu’on a fait dans le jardin. Une cave en pierre voutée, superbe, et on faisait toutes nos soirées dedans avec mes potes. On jouait aux jeux video, on faisait les cons et on buvait des bières. Il se trouve que la bière qu’on buvait a un phénix en logo. On s’est inspiré de ce logo de bière pour le Kave Fest – la cave avec un K, la bière un peu esprit festival et camaraderie…Il y a des gens qui nous disent qu’il faut qu’on change la « marque » du festival parce que, à part cette bande de potes, personne ne sait pour quoi ça s’appelle Kave Fest, mais j’aime bien cette histoire : une bande de potes partis de rien du tout et qui arrivent très loin.

Où en sont les ventes, un peu moins d’un mois avant le coup d’envoi ?

On en est à environ 60% de la capacité. Comme on vise les 2.000 personnes jour, on va remettre des places en vente. J’espère qu’on fera un sold-out, je le pense… Si on vend tout sur la première jauge de 1.500 personnes, on remettra quelques places en vente pour atteindre les 2.000.

As-tu quelque chose à ajouter pour conclure ?

Le Kave Fest, c’est un peu mon bébé, j’en suis très fier, et je suis mon premier public. Je pense qu’on a quelque chose de très particulier, dans l’esprit et dans l’ambiance parce qu’on un lieu extraordinaire – faut l’imaginer, quand tu arrives devant ces murailles ! – et on a une ambiance très particulière, avec cette bande de potes, les interactions avec le public… Tout le monde me le dit et je pense que lire ce que je raconte, c’est une chose, le vivre, c’en est une autre. Je vous incite tous à tenter l’expérience !

Billets en vente directement sur le site : www.kavefest.com

CHAKORA: Fractured fate

Allemagne, Stoner (M&O, 2024)

A l’image de la pochette, il n’est pas forcément nécessaire d’être totalement sobre pour plonger dans le propos de ce Fractured fate, album quelque peu allumé signé Chakora. Le quatuor allemand nous propose en effet un album totalement psyché, aux sonorités volontairement 70’s. On plonge dans un univers sonore qui évoque autant Hendrix que Hawnkwind ou encore un jeune Motörhead. Le chant, embrumé et rugueux se fait par instant plus « moderne » dans le sens hurlé et enragé du terme. Débuter avec une doublette composée de Jesus et de Muddy Waters n’a sans doute rien d’accidentel mais en tout cas, les jalons sont posés: du rock vintage, déjanté aux guitares aussi rugueuses que mélodieuses. Tout au long des 10 titres de cet album, Chakora nous entraine dans des univers datés -on a parfois l’impression que les musiciens se livrent à des joutes improvisées – tout en y incluant avec bonheur des touches exploratoires et contemporaines. La rage est telle qu’on peut aisément comprendre ce qui motive cette destinée fracturée… Une expérience hors du temps.

Interview: SLAVES OF IMPERIUM

Interview SLAVES OF IMPERIUM. Entretien avec Matthew Barry (guitare lead) le 13 mai 2024

Comme c’est la première fois que nous parlons, commençons par la question la plus originale, décalée et rock’n’roll qui soit : Slaves Of Imperium c’est quoi, c’est qui, vous venez d’où ? Ça a été monté quand et pourquoi ?

Ah ouais… C’est une grosse question (rires) !

Je t’ai posé toutes les questions de l’interview en une seule !

C’est bien. Alors… Slaves Of Imperium s’est formé en 2019 à partir de deux autres groupes de la scène bretonne. On était tous dans d’autres groupes avant et on s’est rencontrés sur les scènes locales. On avait la volonté de créer quelque chose qui nous correspondait plus que ce qu’on faisait.

Vous étiez dans quels groupes tous ?

J’étais dans un groupe de reprises hard rock, Backstage, on tournait sur les scènes du Morbihan principalement. Cédric (Sébastian, chant), David (Péné, guitare rythmique) et Kristen (Gachet, batterie) étaient dans un groupe de metal symphonique, Inimorality. C’était sympa, mais ça ne nous convenait plus. On a monté Slaves Of Imperium ensemble pour subvenir aux besoins créatifs de chacun. Malheureusement… on a choisi le meilleur moment pour former un groupe, juste au début du Covid. Les concerts, c’était mort, donc on en a profité pour composer. Le premier album est sorti en 2022, le nouveau, New waves of cynicism est sorti le 15 mars. Il était déjà composé, un tiers ou à moitié, avant la sortie du premier album.

J’imagine que vous avez aussi pu tirer profit de cette situation afin d’avancer sur la cohésion du groupe et la composition…

Oui, ne serait-ce que d’apprendre à se connaitre musicalement. Au départ, les compos étaient basiques, histoire d’apprendre à jouer ensemble. Mais par la suite, une fois qu’on se connait un peu mieux, on compose des choses qui nous correspondent un peu mieux.

Le groupe a naturellement dû évoluer (il confirme). Quand j’écoute l’album, ça n’a rien à voir avec les styles dont tu parlais avec vos anciens groupes. Comment décrirais-tu la musique de Slaves Of Imperium à quelqu’un qui ne vous connait pas ?

C’est une musique qui est composée et mise au service de l’émotion qu’on veut véhiculer, avec des thèmes, des textes qu’on veut mettre en avant. On n’a pas de style… Enfin, si, il y a une base qui est plutôt death/thrash metal, du fait de nos influences respectives. Moi, j’écoute plutôt du thrash ou du death, Raphaël (Fournier, basse) écoute du black et du prog, on a tous nos influences… Pour autant, on ne cherche pas à rester dans un style spécifique, ce qui sort, c’est naturel.

Quels sont les thèmes « littéraires » que vous abordez ?

On a une influence qui est assez littéraire en effet. Notre chanteur, quand on lui demande quelles sont ses influences en musique, il va citer des écrivains… Les deux albums sont une suite logique, en fait : dans le premier album, on analyse les émotions de l’être humain, et on les décortique. Dans le second, on va encore plus loin et on regarde ce qu’il se passe dans notre cercle familial, privé. Et on se rend compte qu’il y a des horreurs abominables qui se passent parfois juste en bas de chez soi… et personne n’en parle, on ne s’en rend pas compte. On fait le lien avec ces deux albums entre l’humain et ce qui peut lui arriver de pire.

Le premier album c’était Observe. Analyze. Sanitize. qui est sorti il y a maintenant deux ans. Comment analyserais-tu l’évolution, humaine et musicale, du groupe entre ces deux albums ?

L’évolution humaine est logique : on commence à composer alors qu’on ne se connait pas… On se connaissait un peu, mais pas au niveau d’aujourd’hui. Plus on travaille ensemble, plus on sait ce qu’il faut faire pour que ça corresponde à chacun, et que ça intègre les envies créatives de chacun. Musicalement… Le premier album est, on peut dire, plutôt simple dans son approche. Justement parce qu’on ne se connaissait pas suffisamment. On avait un thème, des morceaux qui était composés un peu chacun de son côté. J’en avais composé avant même de monter ce groupe, Cédric aussi. On a mélangé tout ça comme on a pu. New waves of cynicism a été composé ensemble, avec l’expérience de chacun.

Donc c’est de ce côté qu’il faut chercher l’évolution, chacun ayant pris part à la composition et ayant pu donner son avis.

Exactement. Du coup, le résultat est beaucoup plus varié, contrasté, dynamique… lourd et sombre, aussi. C’est vrai que le premier album avait une base thrash bien présente, tandis que là, on n’hésite pas à briser les codes de notre genre pour mettre la musique au service de l’émotion qu’on veut véhiculer. Si on estime que le morceau, les paroles seraient mieux mis en avant avec une orchestration ou des arrangements autres que ce qu’on retrouve de manière classique, on le fait. C’est là-dessus qu’on a évolué. D’une part, c’est ce qui nous fait plaisir, et d’autre part, c’est ce qui rend notre musique intéressante, donc on va continuer dans ce sens. On n’a pas encore composé de morceaux pour un troisième album, mais on a déjà le thème, les textes sont quasiment terminés, on a des bouts de riffs… On ne va pas tarder à se mettre au travail et on ira encore plus dans ce sens, ne pas hésiter à incorporer d’autres influences, d’autres style que simplement du thrash et du death metal.

Avec quelques touches de black aussi, notamment dans le chant qui peut être très agressif…

Tout à fait, c’est un peu la patte de Raphaël, notre bassiste. C’est ce qu’il aime, le black !

Tu parlais du fait de constater ce qui peut se passer sur nos paliers. Au-delà de l’évolution musicale, tu peux envisager que vous puissiez pousser votre analyse de notre société actuelle encore plus loin ?

Justement, c’est ce qu’on cherche à faire. Je pense qu’à chaque fois qu’on avancera, on ira un petit peu plus loin à ce niveau. Le concept du troisième album est dans cette veine, on va chercher à aller plus profondément encore. On n’apporte pas des réponses, on est que des êtres humains, on s’interroge… Après chacun est libre d’interpréter les choses à sa manière. Quand on trouve un thème intéressant, on veut simplement le pointer du doigt, le montrer… « hé, oh… il se passe ça ».

Vous voulez montrer ce qu’il se passe. Etes-vous, individuellement, engagé dans des actions, les uns et les autres ?

Non, on ne peut pas dire qu’on soit engagés. On entend des histoires qui nous choquent… Les thèmes qu’on aborde, ce n’est pas des choses qu’on a forcément vécues individuellement, mais ce sont des histoires qu’on entend et qui nous font mal… Je ne sais plus quelle était l’idée de départ mais on se rend compte, avec le temps, que quand on compose la musique, c’est l’émotion qu’on ressent quand on apprend ce qui peut arriver près de chez nous qui est traduite, c’est le carburant de notre musique. Elle sort grâce à ça.

Il y a sur l’album un titre en français, Sarmat. Quelle était votre volonté en incluant ce morceau ?

Au départ, quand on a commencé à composer, notre chanteur a écrit directement en anglais. Ce n’est pas sa langue natale, mais tous les titres du premier album ont été composés de cette façon. Il s’est rendu compte par la suite que le fait d’écrire d’abord en français et qu’on traduise tous ensemble ensuite ouvrait beaucoup plus de portes au niveau du vocabulaire. Quand on a écrit Sarmat et qu’on l’a lu, on s’est dit que ça sonnait super bien en français. C’est une traduction qui aurait pu se faire, mais on aurait perdu quelque choses… Donc, on l’a laissé en français, et pourquoi pas, d’ailleurs ? On est un groupe français, alors, qu’est-ce qui nous empêche de le faire ? On souhaite quand même rester principalement en anglais car ça ouvre plus de portes à l’international. On restera là-dessus mais pourquoi pas, sur les prochains albums, avoir un ou deux morceaux en français. Il y en a déjà un qui est prévu parce que le thème le demande…

Ce qui signifie que Slaves Of Imperium a aussi des ambitions internationales (il confirme). Un groupe de rock, c’est aussi la scène, quels sont vos projets pour défendre cet album ?

Là, on vient tout juste de rentrer d’une tournée européenne, qui correspondait à la date de sortie de l’album. Le prochain objectif est de défendre l’album en France. Mais, entre la production de l’album, sa sortie et la tournée européenne, on n’a pas vraiment eu le temps de se projeter sur la fin d’année. On vient de rentrer, on se pose et on va organiser quelque chose en France pour la fin d’année, début d’année prochaine.

Vous revenez de tournée. Vous avez tourné où et avec qui ?

On l’a organisée seuls, cette tournée, on n’a pas accompagné d’autres groupe en tant que première partie. On a joué avec des groupes locaux : on est partis de Paris, on est ensuite allés à Berlin, Prague, Cracovie, on a fait trois dates en Roumanie, on a fait la Slovaquie, la Slovénie, l’Italie… tout ça en 15 jours trois semaines… On a fait, je crois, onze concerts d’affilée !

Vous avez bien bougé !

Oui, oui. On n’avait jamais fait autant de concerts d’affilée. On a commencé un peu fort !

C’était un autre rythme…

Exactement ! C’était très enrichissant d’un point de vue « musicien » mais aussi d’un point de vue humain. Ça nous apprend à travailler le live de manière beaucoup plus efficace : se mettre en place, faire les balances, monter et ramasser le matériel… C’est un bon entrainement pour la suite.

Et j’imagine que d’un point de vue humain ça permet de découvrir certaines qualités ou non qualités des uns et des autres…

Absolument, ça permet déjà de savoir si on se supporte dans un même véhicule, les uns sur les autres pendant trois semaines (rires) !

Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de New waves of cynicism pour expliquer à quelqu’un ce qu’est l’esprit de Slaves Of Imperium, ce serait lequel ?

Waow, compliqué ! Un seul titre ? C’est compliqué parce que nos morceaux sont assez variés… Je ne sais pas s’il y en a un qui nous représente suffisamment… Après, on a fait un choix sur l’album, mettre Parasites en premier, parce que c’est un morceau qui rentre dans le lard tout de suite et qui reste assez riche en matière de composition. Oui, pour faire découvrir mon groupe à quelqu’un qui ne nous connait pas je pense que je dirai Parasites, mais, vraiment, la question est difficile…

Vous démarrez depuis quelques années avec ce groupe. On sait pertinemment qu’en France, un groupe de rock ne vit pas de sa musique. Quelles sont vos activités dans vos autres vies ?

On a tous nos boulots : je suis mécanicien, Raphaël est architecte, Kristen était boulanger mais il est en train de se réorienter, david est chauffeur poids lourds, et Cédric est responsable de ligne dans une usine agro-alimentaire.

Tu disais au début de notre entretien que vous ne vous connaissiez pas quand vous avez monté le groupe. Qu’est-ce qui fait que, à un moment donné, vous avez décidé de vous retrouver, de vous réunir autour de cette nouvelle entité ?

Pour être tout à fait honnête, c’est…

L’argent !

Ouais, carrément, oui ! Tout à fait (rires) ! Au départ, c’était vraiment parce que la scène dans notre localité était limitée, et on n’avait pas la possibilité de chercher d’autres personnes avec qui monter un groupe. Il n’y a pas 50.000 personnes dans notre coin qui voulaient faire de la musique… dès lors que tu rencontre quelqu’un qui est sur la même longueur d’ondes que toi, t’es obligé de tenter quelque chose. Pas sûr que tu aies une autre possibilité de le faire après… Coup de chance, on s’est rendu compte qu’on est vraiment tous sur la même longueur d’ondes, et on a de la chance de se trouver là !

C’est un peu un choix par défaut…

Je ne dirai pas « par défaut », même si je comprends ce que tu veux dire… Musicalement on savait qu’on allait pouvoir faire quelque chose. Humainement, c’est vrai qu’on ne se connaissait pas plus que ça, et… Oui, quelque part, c’est un peu « par défaut », comme tu dis, parce qu’on n’est pas très nombreux dans notre bled…

Si tu devais penser à une devise pour Slaves Of Imperium, ce serait quoi ?

(Rires) C’est compliqué encore comme question ! Je pense que chacun répondrait différemment…

Ça tombe bien, c’est à toi que je pose cette question !

Attends, il faut que je réfléchisse là… Une devise ? Vraiment dur… Si je devais être dans la déconne, je dirais « Live fast and die drunk », mais là, on n’est pas dans la déconne… (NdMP : en même temps, les gars ont fait produire des bières à leur nom)

Quoique, quelque part, c’est assez cynique…

Oui, c’est vrai, mais c’est un délire entre nous. Ce n’est pas ce que j’aurai répondu…

Tu as encore un peu de temps pour y réfléchir alors… Parlons de la pochette de l’album : elle présente deux personnages, un squelette habillé en costume, une autre personne, assez féminine et musculeuse, qui tient un couteau… Il y a une forme de dualité entre la confrontation de la mort et de la vie, la mort éclairée et la vie dans le côté sombre, la mort qui semble assez pacifique et la vie très menaçante avec son couteau dans le dos…

C’est intéressant d’écouter ta description… Il y a beaucoup de détails qui laissent libre court à chacun de se faire son interprétation. Pour ma part, ce serait une explication plus simple : cette image, pour moi, représente parfaitement le cynisme. Le fait d’avoir cette poignée de main et d’avoir un couteau dan s le dos… On sert la main à quelqu’un mais dans le dos, il y ale cynisme, le manque de confiance, la méfiance qui est là. C’est une image qui représente pour moi parfaitement le titre. Maintenant, il y a pas mal de détails, cette pochette est assez riche à ce niveau-là.