LOFOFORA: Coeur de cible

France, Rock énervé (At(o)me, 2024)

En ces temps troublés, l’arrivée d’un nouvel album de Lofofora est tout sauf une surprise. Notre monde offre un terrain idéal de thèmes d’inspirations autant littéraires pour le toujours très engagé chanteur Reuno et musicales pour Daniel Descieux (qui nous tricote des riffs bien plus fins que la brutalité du propos ne pourrait le laisser penser) ainsi que Phil Curty et Vincent Hernault qui, à la basse et à la batterie, nous concoctent des rythmiques aussi rentre-dedans et directes qu’entrainantes. Avec sa pochette rouge sang (frais, le sang… une pochette dont on avait eu un aperçu lors du dernier Hellfest) et son cœur percé de ces inventions de violence humaines, Coeur de cible nous entraine, au travers de 11 nouveautés en ces terres de fusion lofoforiennes énergiques et engagées, voire enragées. Si on a naturellement l’impression de naviguer en terrain bien connu, Lofo nous laisse parfois croire à des reprises retravailler de ses propres titres. Les paroles de Konstat 2024 (avec un K comme Kalash?), par exemple, m’évoquent par instants Les choses qui nous dérangent. Logique, me direz-vous, car comme évoqué plus haut, les temps se prêtent à ce type de réflexion depuis tellement longtemps que l’on ne peut que faire un constat qui se répète, à l’envi. Comme à son habitude, le groupe puise dans différents styles qu’il mélange et malaxe pour en faire sa propre mixture sur laquelle Reuno vient cracher sa colère. Avec le temps on aurait pu penser que Lofo perde en colère, mais non, bien au contraire. Engagé un jour, engagé toujours, c’est ce qui colle le mieux au Lofofora 2024. Coeur de cible est une réussite de bout en bout, rien moins.

EKO: Déficit d’humanité

France, Metal (M&O, 2024)

La rage en français, ça a du bon… EKO, qui existe depuis 2015 et a connu moult changements avant de nous proposer ce Déficit d’humanité, un album révolté qui dit ce qu’il a à dire. Musicalement, les 11 titres évoquent – naturellement pourrait-on penser – Rage Against The Machine, mais le groupe puise également du côté de Living Colour, Fishbone, Bad Brains et autre groupes de ce que l’on désignait comme fusion, ce metal qui inclut hip hop, phrasé rap et irrévérence punk. Textuellement, on pense à nos groupes revendicatifs, Trust ou No One Is Innocent ou Mass Hysteria en tête. Des comparaisons certes faciles mais Eko apporte sa propre personnalité. Le groove omni présent ne laisse jamais indifférent et qu’on soit d’accord ou non avec les paroles, on ne peut qu’admirer la détermination directe d’Eko à faire passer son message. Un constat de la situation actuelle d’un monde en perdition et empli d’inhumanité. Sur scène, ça doit dépoter sévère!

WELCOME-X: Vol. 2

France, Fusion (Le Triton, 2021)

Ce sera donc un doublé! Welcome-X, avec son premier album, était parvenu à créer un genre indéfinissable, alliant rock, metal, jazz, prog… dans une fusion musicale envoûtante. Avec ce Vol. 2, le groupe explore les mêmes sentiers mais en allant plus loin. Normal: le groupe, puisqu’on peut désormais parler de groupe, se connait mieux et, conséquence logique, fonctionne mieux ensemble. Déjà que le premier essai était une réussite… Alors, oui, le bassiste fondateur Phil Bussonnet reste le principal compositeur et le chanteur fondateur Sam Kün l’unique auteur, mais chacun des musiciens apporte sa touche. Thomas Coeuriot, le second guitariste, signe le morceau de clôture, le brillant instrumental 32GE (si ce n’est déjà fait, allez découvrir la signification de ce titre dans l’interview publié plus tôt). Le reste met en avant la voix unique et variée de Sam qui, de nouveau, alterne entre douceur et rage, puissance et retenue tout au long de ces titres aussi lourds qu’aériens. Welcome-X nous propose ni plus ni moins un des albums les plus envoûtants, originaux, riches et variés de l’année. Impossible de rester de marbre à l’écoute de cette fusion et de ce mélange de genres, mixture alambiqués, certes, mais dont le flot s’écoule aussi aisément qu’une rivière dans son lit – avec parfois ses remous et rapides, cela va sans dire! Il y a de la majesté dans cet ensemble qu’on espère pouvoir partager bientôt sur scène. Superbe de bout en bout, bravo!

Interview: WELCOME-X

Interview WELCOME-X : entretien avec Sam Kün (chant). Propos recueillis par téléphone le 5 juillet 2021

Photo promo

Metal-Eyes : On s’est rencontrés la première fois au Hard Rock cafe en janvier 2019 pour la sortie du premier album que j’avais qualifié de « barré » (il rit). Qu’avez-vous fait depuis, avant Covid ? Il s’est passé une bonne année entre la sortie du premier album et l’arrivée de la pandémie…

Sam : On avait commencé à le défendre sur scène, on a eu quelques dates, des festivals, mais on a été arrêtés en plein élan par l’arrivée du Covid… On a continué à écrire. Cet album s’appelle Vol. 2 parce qu’il est dans la continuité du premier. En fait, les morceaux étaient déjà pensés, et certains étaient même déjà écrit au moment de la sortie du premier album. La plupart des morceaux étaient composés avant le confinement. Covid free, si tu veux (rires) ! Pas un album de confinement. On a juste eu à aller en studio. Le processus n’a pas été impacté par le Covid.

 

Metal-Eyes : Si on prend un peu d’avance, ça sous-entend que votre prochain album ne s’appellera pas forcément Vol. 3…

Sam (il rit) : Alors, je vais te dire… On a composé plusieurs morceaux dont un qui n’apparait ni sur le Vol. 1 ni sur le Vol.2 et qui est dans la continuité. Donc il apparaitra forcément sur le volume 3…

 

Metal-Eyes : Vous avez 7 titres plus un instrumental. On retrouve la même folie que sur le premier. On ne peut pas parler de fusion, les choses sont assez distinctes, et comme tu l’as dit, c’est dans la continuité du premier album. Qu’avez-vous mis dans ce nouveau disque et comment se distingue-t-il du premier album ?

Sam : Déjà, il y a une personne qui est venu enregistrer cet album, Martin Antiphon (Note de MP : analysez l’étymologie de ce nom – « Contre le son » –  Un merveilleux non-sens, sinon un oxymore, pour quelqu’un chargé de la réalisation sonore et du mixage) qui s’est chargé de la prise de son de tous les instruments, qui a tout mixé, donc c’est une oreille extérieure à nous. Il a mis sa patte sur l’album, et c’est déjà beaucoup. Il y a aussi le fait qu’il y ait un nouveau batteur, Julien Charlet. Après, l’album a été enregistré presque en conditions live – les instruments ont été enregistrés ensemble, moi j’ai enregistré mes voix juste après – on était tous les 5 en studio pendant 6 jours. Voilà les différences par rapport au premier et, en plus, on était tellement contents de pouvoir se retrouver, tous, en studio, que tu sens peut-être une sorte d’explosion…

 

Metal-Eyes : La différence principale c’est donc d’avoir travaillé avec une oreilel extérieure et un nouveau membre ?

Sam : Tout à fait.

 

Metal-Eyes : Il y a la même variété que ce que l’on trouvait sur le premier album sans que ce soit une redite. Il y a quelques moments qui me marquent comme la partie introductive de Thalacyne blues, très courte avec des intonations qui évoquent à la fois AC/DC et du doom, une rage vocale sur Inevitable collapse. Qu’avez-vous voulu mettre dans cet album ?

Sam : Il est construit en trois parties, en fait. Une première partie très rentre dedans avec les deux premiers titres, et cette respiration au milieu avec Everesting light prelude, Sent of Sakura et Everesting light part II, qui sont en fait un même morceau, un peu plus aérien, et une troisième partie plus brut et mélodique, assez années 90 qui se termine par un instrumental.

 

Metal-Eyes : Vous avez aussi, sur les photos promo, développé un look assez terreux…

Sam : Ben écoute… C’est comme ça qu’on est tous les jours (il explose de rire) !

 

Metal-Eyes : Le livret aussi est assez riche, même s’il est petit. Qui en est à l’origine ?

Sam : C’est Paul, Paul Emagalaï. Il avait déjà travaillé avec nous sur le premier album. On a cette pochette un peu sobre… La première était très brute, métal, là le bleu fait penser au lit d’une rivière, il y a des éléments qu’on aime beaucoup, et l’intérieur tu découvres ce qui illustre les morceaux. On a fonctionné de la même manière : il venait nous voir en répète, on lui fournissait les morceaux et il nous a proposé ces croquis. Il a tout fait à la main, avant de numériser et de coloriser.

 

Metal-Eyes : Et ça colle bien à l’esprit visuel que vous développez depuis le début. Puisqu’on parle du visuel, il y a une dédicace au dos du CD « à James ». De qui s’agit-il ?

Sam : Il s’agit de James Mac Gaw qui a été guitariste de Magma pendant très longtemps, avec qui Philippe (Bussonnet, basse) a beaucoup travaillé. C’est un de ses amis d’enfance. James était là depuis les débuts de Welcome-X, il nous a toujours soutenus, est venu nous voir en répète. Il aurait dû participer au deuxième album mais sa maladie a été diagnostiquée et il nous a quittés. C’est un peu un autre membre à part entière de Welcome-X même s’il n’a jamais joué avec nous. Je conseille à tout le monde d’aller écouter James Mac Gaw, que ce soit avec One Shot ou avec Magma, il a toujours été fantastique.

 

Metal-Eyes : Il y a beaucoup de choses sur votre album. Comme tu l’as expliqué, il y a trois parties distinctes. Ces ambiances, vous en parlez entre vous ?

Sam : On n’en parle pas du tout… Philippe s’occupe des compositions, je m’occupe des paroles et chacun apporte sa patte ensuite, mais il y a un ressenti naturel qui se fait sur scène. S’il y a quelque chose qui ne passe pas, on mettra le morceau à la trappe. Philippe connait par cœur le jeu de guitare de Joe et de Tom, donc il leur propose des parties de guitare qui leur correspondent. On se connait tellement par cœur, on aime tellement jouer ensemble que les choses viennent naturellement. C’est du ressenti.

 

Metal-Eyes : Est-ce qu’on peut considérer, comme nous en avions parlé pour le premier album, que ça se fait dans un esprit de jam continuelle ?

Sam : Oui, d’une certaine façon, mais… Il y a le côté improvisation sans improvisation. Bizarrement, c’est étrange, mais tout est écrit… C’est un peu paradoxal d’avoir ce côté ressenti de liberté et d’improvisation, mais c’est aussi comme ça qu’a été conçu le groupe. On s’est connus en jammant. Joe, le guitariste, est un bluesman, c’est ancré, c’est en lui…

 

Metal-Eyes : Un chose que j’ai remarquée : sur le premier album, pas un titre ne durait moins de 6’. Là, la moitié des morceaux n’atteint pas les 5’. Vous avez voulu le pied ? Il y a ce temps calme au milieu avec des titres de 3’ environ…

Sam : En fait, comme je te le disais, ces trois morceaux n’en font qu’un, que nous avons découpé sur l’album pour une question pratique. Mais sur scène, tu retrouveras Sent of Sakura et Everesting part II en un seul et même morceau.

 

Metal-Eyes : Finalement, il ne reste que 5 titres plus un instrumental…

Sam (il rit) : voilà ! Un instrumental qui a été composé par Tom (Thomas Coeuriot), qui est notre titre d’intro sur scène.

 

Metal-Eyes : Parlons en un peu : cet instrumental, 32GE, est très sabbathien, très doom, je trouev (il confirme). Il y a cette lourdeur indéniable qui correspond aussi à votre esprit. Mais 32GE, c’est quoi ?

Sam : Ah ! Alors, c’est comme ça qu’il l’a appelé au départ, ce qui était provisoire, mais c’est resté comme ça. 32GE, c’est le symbole chimique du germanium, qui est un composant qu’on retrouve dans les pédales de fuzz, pédales qu’on retrouve et qui a servi à faire ce morceau-là. On a décidé de garder ce titre parce qu’on voulait avoir cette résonnance de guitare, avec ce riff qu’on entend au départ et qu’on retrouve à la fin. Pour nous, c’est quelque chose de très organique, donc on a gardé ce côté « élément ».

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de ce Vol 2 pour expliquer ce qu’est Welcome-X aujourd’hui à quelqu’un qui ne vous connait pas, ce serait lequel ?

Sam : Ah, c’est difficile… Pour quelqu’un qui ne nous connait pas ? Je dirais Thylacine blues parce que c’est sans doute celui dans lequel tu retrouves tous les éléments, ou alors ça pourrait être…

 

Metal-Eyes : Non, non, un seul, Sam ! Ne jouez pas l’enfant, un seul titre !

Sam (il se marre) : Ok, je ne joue pas … Ce sera Thylacine blues, alors.

 

Metal-Eyes : Ce n’est sans doute pas pour rien qu’il est placé en début d’album… Une dernière chose : quelle pourrait être la devise de Welcome-X aujourd’hui ?

Sam : Notre devise ? C’est toujours « bienvenue dans l’inconnu, bienvenu à tout le monde ». On ne se met pas de barrière, alors ne vous en mettez pas non plus, soyez curieux, entrez et écoutez. Ce n’est pas du jazz, du rock, ce n’est pas avant-gardiste, c’est ouvert à tout le monde. On n’a pas de route prédéfinie, on prend celle qu’on veut, alors, faites la même chose.

WELCOME-X

France, Fusion (Autoproduction, 2019)

Quand on compte dans ses rangs Philippe Bussonnet, bassiste actuel de Magma, et le chanteur Sam Kun de Flesh and Dust – focièrement plus heavy – on ne peut que proposer un genre musical décalé. Welcome-X allie tout au long de son premier album éponyme, du jazz, du rock, du metal dans une savante fusion déjantée, allumée et… indéfinissable. Les 7 morceaux sont longs – pas un en dessous de 6′ – et nous entraînent dans un univers sonore étrange, parfois oppressant et mélancolique. Le chant de Sam Kun  est varié, ici profond et grave, là enragé, là encore presque crooner. Les guitares de joseph Champagnon et Thomas Coeuriot, rock, directes et totalement planantes (rahh, ces parties sur Finders keepers), ajoutent à la lourdeur recherchée tout au long des Meltdown et autres Behold your karma ou, au contraire, à la douceur mélancolique d’un Late great planet earth. Welcome-X semble ne s’imposer aucune limite, et si cet album est difficile à suivre d’une traite, son contenu intrigue et hypnotise. Un monde à s’approprier tranquillement, certes, mais une fois qu’on est dedans, difficile d’en sortir.

Interview: WELCOME X

Entretien avec Philippe (basse) et Sam Kün (chant). Propos recueillis à Paris, Hard Rock Cafe, le 22 janvier 2019

Metal-Eyes : Une question simple, directe : Welcome-X, c’est quoi ?

Philippe : C’est un groupe de rock’n’roll, à la base. C’est une idée qu’on a depuis longtemps, qui a pris forme il y a un peu plus d’un an.

Metal-Eyes : Le « on », c’est qui ?

Philippe : Sam et moi. On est les initiateurs de cette chose là.

Metal-Eyes : Qu’est-ce qui a déclenché, pour tous les deux, l’envie de monter ce groupe ?

Philippe : On a tous les deux une grosse sensibilité pour le rock au sens large, du metal au blues, en passant par le rock des années 60. On s’est retrouvés avec des goûts communs et une volonté commune de monter ce groupe. Quand on a commencé à travailler sur les compos, il s’est avéré qu’on avait une optique complémentaire qui fonctionnait très bien. Quelque part, ça a été très facile.

Metal-Eyes : Et vous vous êtes rencontrés comment ?

Sam : Je travaillais dans les bars jazz à Paris, le Caveau des Oubliettes, où on recevait pas mal d’artistes, jazz, blues. Philippe venait jammer, il y avait beaucoup de musiciens, moi, j’allais beaucoup chanter, aussi. On a fait des bœufs ensemble et on s’est dit qu’un jour, il faudrait qu’on fasse quelque chose.

Metal-Eyes : Donc vous vous êtes rencontrés via l’alcool…

Sam (il explose de rire) : C’est exactement ça ! Ouais !

Metal-Eyes : Welcome-X est composé de Welcome qui veut dire « bienvenue ». Mais le X… Quelle est la signification du nom du groupe ?

Philippe : Justement : le X représente une inconnue. Au sens mathématiques, ou au sens humain, X étant tout le monde et n’importe qui, sur la planète entière. Le Welcome-X a 2 signification, selon le point de vue : du notre, c’est ce que l’on découvre en faisant notre musique ensemble. Musique qui fini par exister d’elle-même et qui nous échappe. Donc on découvre ce qu’on est en train de faire avec un grand plaisir. Un peu comme un explorateur. « Bienvenue à ce que l’on est en train de découvrir », cette aventure qu’on est en train de vivre. D’un autre point de vue, ça signifie « bienvenue à tous ceux qui veulent participer à cette aventure », ceux qui ont la sensibilité pour écouter ça, qui ont certaines sensibilité pour y trouver du plaisir musical, à qui ça peut réchauffer le cœur, peut-être.

Sam : C’est vraiment bienvenue à tout le monde, c’est pour ça qu’on n’a pas envie d’avoir une étiquette de style : le spectre est très large.

Metal-Eyes : Moi, si j’ai une étiquette à mettre c’est « barré » (rire général). On va y revenir.

Philippe : C’est une grosse étiquette !

Sam : C’est vraiment ouvert à tout le monde…

Philippe : Et puis, il y a un petit jeu de mots : si on le découpe autrement, ça peut devenir Well, qui veut dire « bien » et Comics…

Metal-Eyes : Je découvre le groupe et ce qui est mis en avant, c’est bien évidemment ta présence, Philippe, bassiste de Magma. Vous venez de deux univers musicaux différents mais complètement barrés. Sur le papier, il y a un univers assez jazz fusion, un autre un peu plus metal. J’entends dans ton chant, Sam, quelques influences extrêmes (il approuve), d’autres à la Rage Against The Machine (il approuve aussi). Qu’avez-vous mis dans cet album ?

Philippe : On a mis notre propre goût, nos goûts au sens large. On voulait que ça nous plaise, que ça nous excite à jouer cette musique. Après, je pense qu’on a chacun une culture musicale très large. En ce qui me concerne, j’écoute toutes sortes de musiques  des années 50 à aujourd’hui, et je ne me suis pas fixé de barrières dans le sens où je n’ai pas voulu, en tant que compositeur, faire une musique qui ressemble à untel ou untel. Il y a trop de choses qui me plaisent et tellement différentes que je ne voulais pas me rapprocher d’un pôle plutôt que d’un autre. Je me suis vraiment fié à mon instinct et mo goût pour élaborer la base des compositions, et ensuite, Sam a posé sa voix, ça a commencé à prendre forme. Il n’y avait pas de cahier des charges, pas d’objectif autre que ça nous plaise. Qu’on soit heureux de le faire, de le faire avec d’autres, que jour après jour on puisse se faire plaisir.

Metal-Eyes : Le premier album m’a emporté dans un univers étrange, parfois assez oppressant, parfois mélancolique… Vous ne vous fixez pas de limites, mais quelle est votre intention musicale ?

Sam : C’est ça, ce que tu viens de dire : procurer des émotions. Qu’elles soient comme ce que tu as ressenti là, mais ça peut être plein d’autres choses : le côté heureux, voyage. C’est ça, c’est ce qui nous nourris. On me dit parfois que « ça m’a fait penser à ça, j’ai telle image dans la tête »… Ca c’est cool, ça veut dire qu’on a fait notre taf, qu’on t’a emmené ailleurs

Metal-Eyes : Il y a un aspect assez osé aussi, quand on regarde la durée des titres de ce premier album… Il y a le côté fusion, progressif, un peu jazz de Magma qui explique ça, c’est beaucoup moins fréquent dans le rock. Là aussi on voit que les barrières tombent. Il n’y a aucune intention de passage sur des radios « traditionnelles »

Sam : On n’a pas pensé à ça, ni au style, ni à la durée, ni au fait qu’on puisse passer ou pas en radio. En fait, les morceaux se sont imposés d’eux-mêmes. Après, on se retrouve avec des pièces qui font telle ou telle durée, mais ce n’est pas quelque chose qu’on a cherché à contrôler.

Philippe : D’une façon assez curieuse, au départ, je n’avais pas dans l’idée de faire des morceaux longs, un peu progressifs. L’idée c’était plutôt de faire des morceaux simples, accessibles, de façon relativement instinctive, immédiate. A priori, ce serait plutôt un format assez court. En creusant, une dois que les idées apparaissent, quand on commence à manipuler ça dans tous les sens, quand les morceaux prennent forme – parce que ça ne commence pas toujours par le début, parfois, on commence par le milieu ou la fin, le début arrive après, il n’y a pas de règle en plus. Au final, on s’est retrouvés avec des morceaux longs, de 8, 9 minutes, mais c’était un peu une surprise pour moi.

Metal-Eyes : Il y a aussi ce Behold your karma qui atteint les 10’. En écoutant l’album, j’ai l’impression que vous vous faites plaisir, d’entendre un groupe « à l’ancienne » qui se retrouve en studio, qui jamme et…

Sam : C’est exactement ça, ce qu’il se passait dans les années 70. Les premiers Black Sabbath, Purple, comme quand tu es gamin et que tu te retrouves dans ton garage. C’est le même plaisir.

Philippe : C’est vraiment ce qui s’est produit parce que la musique on l’a écrite relativement vite,en 6 mois. Après, les répétitions, quand le groupe a été monté, ça s’est fait très vite, tout le monde a participé, s’est approprié la musique, a apporté sa touche – je parle des guitariste et du batteur qui sont arrivés après…

Metal-Eyes : Donc Joesph Champagnon et Thomas Coeuriot, et Yohan Serra.

Philippe : Exactement, et comem on répétait au Triton à ce moment-là, ils nous ont proposé de faire un album au mois de juillet. Moi, je n’y avait pas pensé, je me disais qu’un album, ce serait, peut-être, pour l’année prochaine. Et en fait, le studio est fermé au mois de juillet, il a été réouvert pour ça, et on s’est dit « pourquoi pas ? » On a pris le risque et en fait, c’était une très bonne idée parce qu’il y avait encore cette fraîcheur. ET on a enregistré, comme dit Sam, un peu à l’ancienne. On n’a pas fait d’abord tel instrument puis tel autre, non : on a tout fait, ensemble, pas au clic.

Sam : On était dans la même pièce, on se regardait dans les yeux. C’est très différent de ce qui se fait aujourd’hui où t’a un mec qui arrive en studio une semaine, puis c’est au tour d’un autre. On a vraiment fait les choses ensemble.

Metal-Eyes : Le bœuf, donc…

Philippe : Ca peut s’assimiler à ça, oui : on était tous les 4 dans la même pièce – on ne pouvait pas faire la voix en même temps parce qu’il aurait fallu une cabine pour isoler les voix, mais on a fait toutes les prises instrumentales d’abord et tout était plié en une semaine.

Metal-Eyes : Il y a autre chose qui m’intrigue dans votre album, ce sont les illustrations. Elles sont barrées, elles font très comics, mais le rapport avec les chansons…

Sam : SI elles sont en rapport, il y a des clés de compréhension. Il y a un rapport avec la musique et les textes.

Metal-Eyes : Il y avait un cahier des charges ?

Philippe : Non, pas du tout…

Sam : Il a écouté les chansons, il est venu nous voir en répète, c’est un ami. Je lui ai donné les clés des paroles et il a proposé des choses, des croquis…

Philippe : En fait, il a fait un peu ce que nous on fait quand on écrit, c’est-à-dire qu’il s’est imprégné de ce qu’on était en train de faire. Il est venu en studio, il est passé souvent à la maison quand on maquettait, il a passé des soirées avec nous. Quand on a commencé à répéter, il était avec nous en studio. En fait, il était là souvent et il connait les morceaux aussi bien que nous. Pour lui, ça a été assez naturel. Quand on lui a dit qu’on allait faire un album, il nous a dit qu’il voudrait bien faire les illustrations, une par chanson. J’avais envie qu’il nous le propose, et c’était génial qu’il le fasse. Chaque illustration reprend le thème de chaque chanson.

Sam : Après, c’est avec son univers graphique. On aurait demandé à quelqu’un d’autre, ç’aurait été complètement différent.

Philippe : Sur tout ce que tu peux voir, il y a eu deux trois retouches, on lui a proposé de faire ça ou ça à la place, mais c’était vraiment très peu de choses.

Metal-Eyes : Si l’un et l’autre vous ne deviez retenir qu’un seul morceau de cet album pour illustrer ce qu’est Welcome-X à quelqu’un qui ne vous connait pas, ce serait lequel et pourquoi ?

Philippe : C’est quasiment impossible… Parce que tout ça, c’est comme une pièce de théâtre avec différents actes : tu peux difficilement en isoler un. Après, si on voulait vraiment, je dirais peut-être Behold your karma, parce qu’il est plus long, qu’il est écrit en plusieurs parties et qu’il est peut être un peu plus riche que les autres. Et encore… Ou alors I am life qui est complètement barré, basé sur l’improvisation, avec un canevas très léger

Sam : Un côté un peu psyché, un peu barré avec, à la fin, une explosion très metal. Maintenant, je pourrais te répondre aujourd’hui telle chanson et demain telle autre…Maintenant, le Karma, c’est quelque chose qui synthétise un peu tout ce qu’on est… I am life, c’est pareil, une espèce de montée. Dans ces deux titres là, on retrouve ce qu’on est. Pareil en live, on joue des titres qui ne sont pas sur l’album, et qui sont tous très différents les uns des autres. Très difficile d’en isoler un.

Metal-Eyes : Vous nous promettez quoi, justement, sur scène ? Il faut s’attendre à quoi ?

Sam : Ben, moi, j’espère qu’à partir du moment où on commence, tu rentres dans notre univers, de la première à la dernière note, que tu ne penses plus à rien. Emporter dans notre milieu… Welcome-X c’est ça, t’emporter sur notre planète, puis une autre. J’espère vraiment que les gens qui viendront nous voir ne penserons qu’à ça, à rien d’autre que l’expérience qu’ils sont en train d’écouter et de voir. C’ets très théâtral rien n’est écrit. Moi, je monterais sur scène chaque fois comme si c’était le premier jour que je monte sur scène.

Metal-Eyes : Et si tu le faisais comme si c’était la dernière fois que tu montais sur scène ?

Sam :  Ca aussi, comme le disait le mec de Pearl Jam, c’est génial !

Metal-Eyes : Vous avez été en promo toute la journée, séparément principalement. Quelle est la question la plus surprenante, la meilleure qu’on vous ait posée aujourd’hui ? (Sam se marre…)

Philippe : La question la plus étonnante c’était : « quelle est la question que tu ne voudrais pas qu’on te pose ? » J’ai pas su répondre ?

Sam : La plus surprenante ? « Pourquoi tu ne chantes pas en français ? »… Parce que déjà, je suis bilingue. Ensuite, en français, il y a des mots pour tout dire, c’est très cru, une langue magnifique. L’anglais te permet beaucoup plus de liberté. Peut-être qu’un jour je chanterai en japonais si le langage s’y prête…

Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise de Welcome-X ?

Philippe : « Toujours nouveau, toujours inconnu »

Sam :  « Prendre son pied ». Ne pas se lasser, prendre des chemins qu’on ne connait pas…

Philippe : C’est vraiment ce que je ressens : j’ai l’impression que ça m’échappe, et c’est une bonne impression. Quand c’est pas le cas, que j’ai l’impression que ça m’appartient – « c’est ma musique, mon riff, je le fais comme ci ou comme ça » – je m’en lasse très vite. Quand ce n’est pas le cas, que je le redécouvre chaque jour, c’est vachement excitant, vivant, et on garde cette envie de faire les choses en commun.

 

STAMP: Posthuman

Fusion, France (Ginger sounds, 2018)

Ce disque est l’ovni musical de cette première moitié d’année. La virtuosité dont font preuve les Parisiens de Stamp n’a sans doute d’égal que l’audace dont ils font preuve à proposer une musique hybride faite de rock, de musique orientale, de jazz… Bref, un savant mélange qui fait mouche. Pas de chant, seulement quelques paroles, et un univers sonore unique et, de fait, à part. Si l’on ose tout aujourd’hui, ce n’est pas souvent avec autant de bonheur. Car Stamp, tout au long de ce Posthuman, fait le lien entre saz, une sorte de luth turc, saxophone et des instruments plus traditionnellement rock que sont le trio guitare basse batterie. En choisissant de proposer des morceaux originaux et quelques extraits d’œuvres d’époques diverses comme Bienvenue à Gattaca, Ghost in the shell, Videodrome ou La mouche, Stamp nous offre un voyage sonore en terrains attirants et novateurs. Sans nul doute le groupe à suivre dans les années qui viennent.

ZEAL & ARDOR: Stranger fruit

Fusion negro spiritual/Black metal, USA (Radicalis music, 2018)

Vous l’avez sans doute découvert avec Devil is fine ou plus récemment au travers de l’interview que nous a consacrée l’âme du groupe: Zeal & Ardor c’est le projet de Manuel Gagneux, américano- helvétique qui, joueur, a lancé un défi: celui de créer une chanson à partir de deux styles musicaux a priori incompatibles. Et bim, quand quelqu’un lui propose « Negro spiritual et Black metal », le gaillard s’exécute. Le résultat se fait remarquer au delà de ce que Manuel aurait pu imaginer, relayé, entres autres, par Rolling Stone. Et le voici qui propose aujourd’hui un troisième album, Stranger fruit. Composé de 16 titres, ce nouveau disque voit Zeal & Ardor faire un pas de plus dans la direction du succès. Car même un « insensible » comme moi à la folie vocale du black metal y trouve son compte. Manuel nous plonge en pleins bayous de Louisiane, au milieu des champs de coton ou de tabac de Géorgie ou de Caroline du Nord ou du Sud, en plein cœur de ces lieux où les noirs, esclaves, chantaient leur peine dans ce qui est devenu le negro spiritual, puis le blues. L’album démarre « tranquillement » avant de monter en puissance, en rage et en colère. Les hurlements black, alliés à la folie rythmique du genre traduisent cette souffrance avec brio. La mise en son, minimaliste, facilite également ce voyage géographique et temporel. Maintenant que Manuel Gagneux s’est entouré d’un groupe, on va pouvoir voir son oeuvre prendre forme sur scène. A commencer par celle du Hellfest puisque Zeal & Ardor est plus que bien placé sur l’affiche de la Temple. Rendez-vous est pris!

Dernier concert de WILD DAWN: St Jean de Braye, le 31 mars 2018 (avec Irya et No One Is Innocent)

Il y a quelques semaines, Wild Dawn avait annoncé cesser ses activités et mettre un terme à sa carrière après un quatrième album et un ultime concert. C’est la salle des fêtes de Saint Jean de Braye, à côté d’Orléans, qui accueille la troupe, censée jouer entre Irya et la tête d’affiche annoncée No One Is Innocent. Pourtant, c’est bien Wild Dawn qui se retrouvera en tête d’affiche. La raison? Vous la découvrirez bientôt, au cours de l’interview que les gars aux chemises à carreaux ont accordée à Metal Eyes. Et elle est pour le moins surprenante…

C’est donc Irya qui ouvre les hostilités. Les Orléannais proposent un metalcore rugueux et leur concert est visuellement surprenant: le bassiste Djow a les pieds illuminés de bleu et le batteur, Cebrou, est vêtu d’un peignoir de boxeur. Les trois autres musiciens sont comme à la ville. Etonnant choix, selon moi, alors que les deux autres groupes de la soirée ont, à l’instar de nombreuses autres formations,  développé une identité visuelle. Lire la suite

LOFOFORA: Simple appareil

Rock, France (At(h)ome, 2018)

Simple appareil… Un titre qui évoque une mise à nu, et cette promesse venant de Lofofora, ça sonne plutôt bien. Une voix, une guitare, une rythmique simple… Lofofora a choisi de se livrer corps et âmes au travers de 11 morceaux dépouillés de tout artifice. Comme le dit Reuno dès l’introductif Les boites, le groupe a enlevé les doigts de la prise. Ce dépouillement n’ôte en rien la puissance des paroles et des rythmiques concoctées par le groupe qui prouve, une fois de plus, que peu importe l’interprétation, si une chanson est bonne, elle reste bonne! Reuno, dans ce fatras dépouillé de décibels explosifs, se met ici plus qu’à nu, il se met en danger, et c’est appréciables. Alors, bien sûr, ce simple appareil ne saurait être l’objet d’une tournée à lui seul, mais proposera à n’en pas douter des moments de répit au cœur de la fureur des shows de Lofo. Un interlude posé que propose un groupe qui n’a jamais renié son parcours. Un pari relevé même si certains fans seront déstabilisés par ces 11 morceaux envoûtants, au final.