MAUDITS: Précipice

France, Metal instrumental progressif (Source Atone records, 2024)

Nous avions pu découvrir Maudits avec leur précédente publication, un Ep partagé avec Saar paru en 2022. Le trio instrumental « revient » aujourd’hui avec ce Précipice vertigineux de bout en bout. « Revient » car cet album a subi, comme beaucoup d’autres, les affres de la pandémie et a vu sa sortie repoussée. Ce fut, au final un bien pour cette œuvre complexe car Maudits a pu retravailler ses ambiances, les améliorer, les perfectionner. A la base formée par le guitariste Olivier Dubuc, le bassiste Erwan Lombard et le batteur Christophe Hiegel viennent s’ajouter des instrumentiste qui, chacun, apportent une couleur et une émotion supplémentaires et complémentaire à cet album. On retrouve ainsi le violoncelliste Raphael Verguin à la touche grave, le pianiste Emmanuel Rousseau (également au mellotron, aux claviers et au… (euh… c’est quoi?) minimoog) qui apporte un peu de fraicheur et le claviériste et (re « euh… c’est quoi?« ) au Rhodes. Si l’ensemble semble d’approche facile, les structures sont complexes et travaillées sans pour autant jamais être alambiquées. Une petite heure durant, Maudits nous offre des morceaux à tiroirs et nous entraine sur les chemins d’une évasion aux multiples croisements dont tous proposent une destination envoutante. C’est sans doute le mot clé de cet album qui se veut envoûtant et enivrant du début à la fin. Il n’y a pas un instant plus faible ou moins attirant qu’un autre, tout est séduisant. Oh, Maudits nous réserve quelques échappées brutales, mais c’est pour mieux nous rattraper ensuite. On plonge dans ce Précipice avec bonheur et certitude, celle de se laisser entrainer dans cet univers musical bienveillant et éblouissant.

ROCK IN REBRECH 13: Le report

Un mois de mai maussade, une météo peu clémente… Fort heureusement, les « spécialistes » annoncent un léger mieux pour ce 25 mai, première des deux journées du Rock in Rebrech, 13ème du nom qui, une fois encore, accueille quelques jolies voitures. Contrairement à l’an passé, il n’y a pour cette nouvelle édition que des groupes français. Trois groupes sont attendus sur la scène principale, et pas des moindres puisque nous découvrirons les Orléanais de La Jarry qui seront suivis des Princesses Leya et des Toulousains de retour aux affaires, Sidilarsen.

Deux changements de taille sont à noter par rapport à l’édition 2023: No Mad Musik, l’asso organisatrice, a décidé de ne plus faire appel à des food trucks et se charge de toute la boisson et la nourriture. Bonne pioche, la queue ne disparaissant presque pas. Egalement, afin de distraire le public toute la soirée, un camion scène a été ajouté face à la scène principale pour recevoir, entre chaque groupe, les copains de PrimsA qui offrent ainsi une permanence musicale très orienté hard rock 80’s.

Si les préventes ne sont pas mirobolantes, la soirée attirera finalement un public dense – on parle de près de 1.200 entrées – et familial – de nombreux spectateurs sont venus en famille initier les plus petits aux joies de la musique live.

Las… Le temps vire encore au gris et de grosses gouttes de pluie se mettent à tomber… fort heureusement le temps d’un petit quart d’heure à peine. Pas suffisamment longtemps cependant – heureusement ! – pour transformer le terrain en patinoire boueuse.

PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13

PrismA, que nous avions découvert live lors du récent CrickFest, est aujourd’hui présent pour animer les changements de plateaux de la scène principale. Démarrant avec un problème technique – la pluie a fait son oeuvre – il faut réinitialiser les claviers dont aucun son ne sort. Mais une fois partis, le groupe nous propose, au cours de ses 3 interventions, un beau panel de son savoir faire qu’on retrouve sur ses récentes productions, dont le plus qu’enjoué album Way of life. Ce sont en tout une bonne quinzaine de morceaux que PrismA nous offre ce soir, avec quelques inquiétudes pour les cordes vocales de Philippe Sanfilippo, le chanteur, visiblement transi de froid… Reste que le hard rock très 80’s proposé par le groupe reçoit un accueil chaleureux d’un public à la fête.

PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13
LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13

Les locaux de la soirée investissent la scène pour une bonne heure de ce rock hard ultra vitaminé et festif. Si j’ai entendu parler de La Jarry, jamais je ne me suis penché sur les compos du groupe que je découvre ce soir. Clairement, je suis emballé par ce que j’entends et vois. Les quatre se donnent à fond, entrainant le public (gentiment interpelé dès le second titre par un « ça va les alcooliques? ») avec lui.

LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13

La Jarry propose un rock aux fortes intonations punkisantes et aux textes engagés (J’habite en France, On n’a pas le choix). Benoit Pourtau a le contact très facile avec le public, l’invitant à se rapprocher de la scène (« Allez, venez plus près les bourges! ») ou le faisant participer à plusieurs reprises (Babylone, On n’a pas le choix) et fait même monter qui le souhaite sur scène pour l’accompagner sur J’sais pas danser.

LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13

Un premier concert festif qui met en appétit et qui se termine avec l’annonce du lancement d’une longue tournée de presqu’un an. On vous souhaite de vous éclater, Messieurs, et de vous retrouver bientôt on stage!

LA JARRY @ ROCK IN REBRECH 13
PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13

Après un changement de plateau – toujours animé, nous l’avons dit, par PrismA, et qui voit l’espace buvette/restauration ne pas désemplir – les « quatre petites princesses » comme ils se surnomment eux même (cf. l’interview à venir) envahissent l’espace scénique. Princesses Leya attire un public familial et de tous âges – il y a même des bébés heureusement casqués – qui se masse devant la scène. Avec le groupe musico-théâtral humoristique, on sait qu’on va passer un bon moment, mais cette foule, est-ce le nom du groupe, le côté décalé des sketches, la présence de l’humoriste Dédo ou simplement la musique qui la fait se masser devant la scène?

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Quoiqu’il en soit, la bande est en forme et balance la sauce dès Analphabet. Puis, rapidement, le groupe entre dans le vif de sa pièce: le public ne comprend rien, ça énerve Dédo qui s’engueule avec le guitariste chevelu Antoine Schoumsky qui, lui, cherche à temporiser et, dans un accès de colère, le chanteur finit par lui arracher sa perruque. Ambiance… Bon, en même temps, on a le public qu’on mérite, hein! Même celui de Sèvre Babylone surtout en reprenant le hit intemporel et universel de Lorie, C’est le week end

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Puis le groupese trouve secoué, propulsé dans une faille spatiale, et se retrouve dans un monde nappé de rouge. Une voix sort d’outre monde, celle de… Satan? « Non, ça c’est mon nom de scène. Je m’appelle Philippe« . Le diable Philippe charge les Princesses Leya d’aller remétalliser le monde et les envoie dans différents univers parallèles. Le scénario est posé, devenant ainsi prétexte à dérouler le show.

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Nos heros parviennent à lutter contre et convertir les Kangourous garou, organisent une orgie géante ou chacun Baise tout seul, luttent contre une forme de Boulime cannibale et parviennent même à convertir tout le public aux joie d’un wall of death – quoique, en prononçant ces mots, certains s’éloignent de la zone de clash – qui se transforme en un joyeux pogo.

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Toujours plein d’humour, le groupe se dispute sur l’écologie, s’invente des noms de scènes – AbbaCDC, Pateratp – s’adresse régulièrement au public embarqué dans cette folle aventure avec le groupe, public surnommé « l’équipage »

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

Univers après univers, les Princesses Leya réussissent leur mission, mais il reste cependant à remonter à la source, celle du Big bang. Pour ce faire, Dédo doit surfer sur le public qui le porte aux confins de l’espace et le ramène, sain et sauf, mission accomplie, au point de départ. Oui, mission accomplie! Philippe est content, et en plus, c’est son anniversaire. En guise de cadeau, il veut une interprétation de Boys boys boys de Sabrina, hit intemporel et intergalactique qui devient Balls balls balls… avant que tous, groupe et équipage, ne soient renvoyés dans le monde « normal » remétallisé. Princesse Leya nous a offert un vrai bon moment de détente, et même si certains trouve qu’il y a trop de « blabla », c’est bien une comédie musicale et pas un concert auquel nous avons eu droit. Un moment d’évasion intersidéral.

PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13
PRINCESSES LEYA @ ROCK IN REBRECH 13

La nuit est tombée, les familles commencent à rentrer, d’autant plus que Sidilarsen est prévu de monter sur scène à… 23h30. Autant dire que je crains de voir le public déserter plus tôt que souhaité les lieux avec l’humidité qui s’installe. Cependant, hormis les enfants pour qui l’heure du dodo est venue, il reste du monde pour accueillir les Toulousains dont la scène est en train d’être mise en place, tandis que, à l’opposée, une longue file attend patiemment de pouvoir se procurer le merch des Princesses et que PrimsA continue d’animer cette inter session avant de remercier le public venu nombreux.

PRISMA @ ROCK IN REBRECH 13
SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Sidilarsen s’est fait rare depuis 2019, mais la sortie de son nouvel album, Que la lumière soit, justifie sa venue ce soir. Les dates commencent à s’afficher en nombre et la bande à Didou et Vyber espère bien pouvoir défendre longtemps ce disque déjà remarqué, en tout cas, être sur les routes jusqu’en 2025.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

A l’image de la pochette de son album, le groupe tout entier se réunit, en cercle, au milieu de la scène baignée de rouge. Puis les hostilités commencent avec la nouveauté Intox, suivie des désormais classiques Retourner la France et Guerres à vendre qui, déjà retournent le public.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

On remarque que la scène est sobrement décorée, les écrans qu’utilisait le groupe sur les côtés ont disparu au profit de simples estrades de chaque côté du kit de batterie. Une batterie tenue et frappée par Marvyn, le dernier arrivé qui, malgré son jeune âge et son petit gabarit cogne comme un diable et comme s’il avait toujours été là.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Malheureusement, est-ce par choix ou par contrainte, Sidilarsen joue presque en permanence à contre jour. Très peu éclairé en façade, c’est souvent un jeu d’ombre chinoise auquel le public a droit, malgré des lumières contrastées, vives et variées. Mais les 5 se donnent entièrement, allant chercher le public qui, en grande partie, connait déjà les nouveaux morceaux présentés ce soir (Adelphité, Du sang sur les fleurs, On revient sur Terre et Luminaria) et reprend avec entrain les plus anciens morceaux.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Si chaque album n’est pas ce soir représenté, les God’s got guns, On va tous crever et autres Back to basics voient le public accompagner avec force le groupe très en forme, avant que, là encore de manière classique, Sidilarsen ne ferme le ban avec La morale de la fable et l’incontournable Des milliards. Oui, Sidi est en forme et il ne fait guère de doute qu’on entende beaucoup parler d’eux cette année.

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

Malgré un temps grisâtre, une humidité presque constante et des horaires assez tardifs – une idée à explorer pour la prochaine édition: démarrer, en cette période encore scolaire, une heure plus tôt, surtout pour vraiment profiter de la tête d’affiche – le public est venu en nombre. Paradoxalement, la journée du 26 mai, gratuite, a attiré beaucoup moins de monde que ce samedi, pourtant payant. C’est rassurant pour l’avenir du Rock In Rebrech’, petit festival de province qui monte et monte tranquillement!

SIDILARSEN @ ROCK IN REBRECH 13

SLAVE TO SIN: Control and beliefs

France, Electro metal (Ep, M&O, 2024)

Soyons clairs: Slave To Sin est au metal ce que Metallica est à la techno. Le point commun, cependant, reste la volonté d’énergie et de puissance. Avec Control and beliefs, la formation lyonnaise démarre en trompe-l’oreille. Car Fake, première version, est un titre baigné de guitares rageuses, avec ce riff et cette rythmique hypnotiques. On pousse un peu plus loin avec What do you believe in?, morceau beaucoup plus électro aux guitares reléguées au second plan. Pourtant, la pêche est bien présente, tout comme sur Control qui traite de notre éternelle fausse croyance, celle qui nous persuade de pouvoir, à tort, tout contrôler. Hoping someday, plus soft vient clore le propos avant le bonus, la version electro de Fake. A quelques riffs saturés près, on est loin du metal. Très loin. Pourtant, Slave To Sin développe une forme d’énergie contagieuse qui donne envie de taper du pied. Et ça, ça donne envie d’en savoir plus. Mais sur le site web du groupe, on parle de musique et de projets, d’autres choses que de l’histoire du groupe… Etonnant.

Interview: SLAVES OF IMPERIUM

Interview SLAVES OF IMPERIUM. Entretien avec Matthew Barry (guitare lead) le 13 mai 2024

Comme c’est la première fois que nous parlons, commençons par la question la plus originale, décalée et rock’n’roll qui soit : Slaves Of Imperium c’est quoi, c’est qui, vous venez d’où ? Ça a été monté quand et pourquoi ?

Ah ouais… C’est une grosse question (rires) !

Je t’ai posé toutes les questions de l’interview en une seule !

C’est bien. Alors… Slaves Of Imperium s’est formé en 2019 à partir de deux autres groupes de la scène bretonne. On était tous dans d’autres groupes avant et on s’est rencontrés sur les scènes locales. On avait la volonté de créer quelque chose qui nous correspondait plus que ce qu’on faisait.

Vous étiez dans quels groupes tous ?

J’étais dans un groupe de reprises hard rock, Backstage, on tournait sur les scènes du Morbihan principalement. Cédric (Sébastian, chant), David (Péné, guitare rythmique) et Kristen (Gachet, batterie) étaient dans un groupe de metal symphonique, Inimorality. C’était sympa, mais ça ne nous convenait plus. On a monté Slaves Of Imperium ensemble pour subvenir aux besoins créatifs de chacun. Malheureusement… on a choisi le meilleur moment pour former un groupe, juste au début du Covid. Les concerts, c’était mort, donc on en a profité pour composer. Le premier album est sorti en 2022, le nouveau, New waves of cynicism est sorti le 15 mars. Il était déjà composé, un tiers ou à moitié, avant la sortie du premier album.

J’imagine que vous avez aussi pu tirer profit de cette situation afin d’avancer sur la cohésion du groupe et la composition…

Oui, ne serait-ce que d’apprendre à se connaitre musicalement. Au départ, les compos étaient basiques, histoire d’apprendre à jouer ensemble. Mais par la suite, une fois qu’on se connait un peu mieux, on compose des choses qui nous correspondent un peu mieux.

Le groupe a naturellement dû évoluer (il confirme). Quand j’écoute l’album, ça n’a rien à voir avec les styles dont tu parlais avec vos anciens groupes. Comment décrirais-tu la musique de Slaves Of Imperium à quelqu’un qui ne vous connait pas ?

C’est une musique qui est composée et mise au service de l’émotion qu’on veut véhiculer, avec des thèmes, des textes qu’on veut mettre en avant. On n’a pas de style… Enfin, si, il y a une base qui est plutôt death/thrash metal, du fait de nos influences respectives. Moi, j’écoute plutôt du thrash ou du death, Raphaël (Fournier, basse) écoute du black et du prog, on a tous nos influences… Pour autant, on ne cherche pas à rester dans un style spécifique, ce qui sort, c’est naturel.

Quels sont les thèmes « littéraires » que vous abordez ?

On a une influence qui est assez littéraire en effet. Notre chanteur, quand on lui demande quelles sont ses influences en musique, il va citer des écrivains… Les deux albums sont une suite logique, en fait : dans le premier album, on analyse les émotions de l’être humain, et on les décortique. Dans le second, on va encore plus loin et on regarde ce qu’il se passe dans notre cercle familial, privé. Et on se rend compte qu’il y a des horreurs abominables qui se passent parfois juste en bas de chez soi… et personne n’en parle, on ne s’en rend pas compte. On fait le lien avec ces deux albums entre l’humain et ce qui peut lui arriver de pire.

Le premier album c’était Observe. Analyze. Sanitize. qui est sorti il y a maintenant deux ans. Comment analyserais-tu l’évolution, humaine et musicale, du groupe entre ces deux albums ?

L’évolution humaine est logique : on commence à composer alors qu’on ne se connait pas… On se connaissait un peu, mais pas au niveau d’aujourd’hui. Plus on travaille ensemble, plus on sait ce qu’il faut faire pour que ça corresponde à chacun, et que ça intègre les envies créatives de chacun. Musicalement… Le premier album est, on peut dire, plutôt simple dans son approche. Justement parce qu’on ne se connaissait pas suffisamment. On avait un thème, des morceaux qui était composés un peu chacun de son côté. J’en avais composé avant même de monter ce groupe, Cédric aussi. On a mélangé tout ça comme on a pu. New waves of cynicism a été composé ensemble, avec l’expérience de chacun.

Donc c’est de ce côté qu’il faut chercher l’évolution, chacun ayant pris part à la composition et ayant pu donner son avis.

Exactement. Du coup, le résultat est beaucoup plus varié, contrasté, dynamique… lourd et sombre, aussi. C’est vrai que le premier album avait une base thrash bien présente, tandis que là, on n’hésite pas à briser les codes de notre genre pour mettre la musique au service de l’émotion qu’on veut véhiculer. Si on estime que le morceau, les paroles seraient mieux mis en avant avec une orchestration ou des arrangements autres que ce qu’on retrouve de manière classique, on le fait. C’est là-dessus qu’on a évolué. D’une part, c’est ce qui nous fait plaisir, et d’autre part, c’est ce qui rend notre musique intéressante, donc on va continuer dans ce sens. On n’a pas encore composé de morceaux pour un troisième album, mais on a déjà le thème, les textes sont quasiment terminés, on a des bouts de riffs… On ne va pas tarder à se mettre au travail et on ira encore plus dans ce sens, ne pas hésiter à incorporer d’autres influences, d’autres style que simplement du thrash et du death metal.

Avec quelques touches de black aussi, notamment dans le chant qui peut être très agressif…

Tout à fait, c’est un peu la patte de Raphaël, notre bassiste. C’est ce qu’il aime, le black !

Tu parlais du fait de constater ce qui peut se passer sur nos paliers. Au-delà de l’évolution musicale, tu peux envisager que vous puissiez pousser votre analyse de notre société actuelle encore plus loin ?

Justement, c’est ce qu’on cherche à faire. Je pense qu’à chaque fois qu’on avancera, on ira un petit peu plus loin à ce niveau. Le concept du troisième album est dans cette veine, on va chercher à aller plus profondément encore. On n’apporte pas des réponses, on est que des êtres humains, on s’interroge… Après chacun est libre d’interpréter les choses à sa manière. Quand on trouve un thème intéressant, on veut simplement le pointer du doigt, le montrer… « hé, oh… il se passe ça ».

Vous voulez montrer ce qu’il se passe. Etes-vous, individuellement, engagé dans des actions, les uns et les autres ?

Non, on ne peut pas dire qu’on soit engagés. On entend des histoires qui nous choquent… Les thèmes qu’on aborde, ce n’est pas des choses qu’on a forcément vécues individuellement, mais ce sont des histoires qu’on entend et qui nous font mal… Je ne sais plus quelle était l’idée de départ mais on se rend compte, avec le temps, que quand on compose la musique, c’est l’émotion qu’on ressent quand on apprend ce qui peut arriver près de chez nous qui est traduite, c’est le carburant de notre musique. Elle sort grâce à ça.

Il y a sur l’album un titre en français, Sarmat. Quelle était votre volonté en incluant ce morceau ?

Au départ, quand on a commencé à composer, notre chanteur a écrit directement en anglais. Ce n’est pas sa langue natale, mais tous les titres du premier album ont été composés de cette façon. Il s’est rendu compte par la suite que le fait d’écrire d’abord en français et qu’on traduise tous ensemble ensuite ouvrait beaucoup plus de portes au niveau du vocabulaire. Quand on a écrit Sarmat et qu’on l’a lu, on s’est dit que ça sonnait super bien en français. C’est une traduction qui aurait pu se faire, mais on aurait perdu quelque choses… Donc, on l’a laissé en français, et pourquoi pas, d’ailleurs ? On est un groupe français, alors, qu’est-ce qui nous empêche de le faire ? On souhaite quand même rester principalement en anglais car ça ouvre plus de portes à l’international. On restera là-dessus mais pourquoi pas, sur les prochains albums, avoir un ou deux morceaux en français. Il y en a déjà un qui est prévu parce que le thème le demande…

Ce qui signifie que Slaves Of Imperium a aussi des ambitions internationales (il confirme). Un groupe de rock, c’est aussi la scène, quels sont vos projets pour défendre cet album ?

Là, on vient tout juste de rentrer d’une tournée européenne, qui correspondait à la date de sortie de l’album. Le prochain objectif est de défendre l’album en France. Mais, entre la production de l’album, sa sortie et la tournée européenne, on n’a pas vraiment eu le temps de se projeter sur la fin d’année. On vient de rentrer, on se pose et on va organiser quelque chose en France pour la fin d’année, début d’année prochaine.

Vous revenez de tournée. Vous avez tourné où et avec qui ?

On l’a organisée seuls, cette tournée, on n’a pas accompagné d’autres groupe en tant que première partie. On a joué avec des groupes locaux : on est partis de Paris, on est ensuite allés à Berlin, Prague, Cracovie, on a fait trois dates en Roumanie, on a fait la Slovaquie, la Slovénie, l’Italie… tout ça en 15 jours trois semaines… On a fait, je crois, onze concerts d’affilée !

Vous avez bien bougé !

Oui, oui. On n’avait jamais fait autant de concerts d’affilée. On a commencé un peu fort !

C’était un autre rythme…

Exactement ! C’était très enrichissant d’un point de vue « musicien » mais aussi d’un point de vue humain. Ça nous apprend à travailler le live de manière beaucoup plus efficace : se mettre en place, faire les balances, monter et ramasser le matériel… C’est un bon entrainement pour la suite.

Et j’imagine que d’un point de vue humain ça permet de découvrir certaines qualités ou non qualités des uns et des autres…

Absolument, ça permet déjà de savoir si on se supporte dans un même véhicule, les uns sur les autres pendant trois semaines (rires) !

Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de New waves of cynicism pour expliquer à quelqu’un ce qu’est l’esprit de Slaves Of Imperium, ce serait lequel ?

Waow, compliqué ! Un seul titre ? C’est compliqué parce que nos morceaux sont assez variés… Je ne sais pas s’il y en a un qui nous représente suffisamment… Après, on a fait un choix sur l’album, mettre Parasites en premier, parce que c’est un morceau qui rentre dans le lard tout de suite et qui reste assez riche en matière de composition. Oui, pour faire découvrir mon groupe à quelqu’un qui ne nous connait pas je pense que je dirai Parasites, mais, vraiment, la question est difficile…

Vous démarrez depuis quelques années avec ce groupe. On sait pertinemment qu’en France, un groupe de rock ne vit pas de sa musique. Quelles sont vos activités dans vos autres vies ?

On a tous nos boulots : je suis mécanicien, Raphaël est architecte, Kristen était boulanger mais il est en train de se réorienter, david est chauffeur poids lourds, et Cédric est responsable de ligne dans une usine agro-alimentaire.

Tu disais au début de notre entretien que vous ne vous connaissiez pas quand vous avez monté le groupe. Qu’est-ce qui fait que, à un moment donné, vous avez décidé de vous retrouver, de vous réunir autour de cette nouvelle entité ?

Pour être tout à fait honnête, c’est…

L’argent !

Ouais, carrément, oui ! Tout à fait (rires) ! Au départ, c’était vraiment parce que la scène dans notre localité était limitée, et on n’avait pas la possibilité de chercher d’autres personnes avec qui monter un groupe. Il n’y a pas 50.000 personnes dans notre coin qui voulaient faire de la musique… dès lors que tu rencontre quelqu’un qui est sur la même longueur d’ondes que toi, t’es obligé de tenter quelque chose. Pas sûr que tu aies une autre possibilité de le faire après… Coup de chance, on s’est rendu compte qu’on est vraiment tous sur la même longueur d’ondes, et on a de la chance de se trouver là !

C’est un peu un choix par défaut…

Je ne dirai pas « par défaut », même si je comprends ce que tu veux dire… Musicalement on savait qu’on allait pouvoir faire quelque chose. Humainement, c’est vrai qu’on ne se connaissait pas plus que ça, et… Oui, quelque part, c’est un peu « par défaut », comme tu dis, parce qu’on n’est pas très nombreux dans notre bled…

Si tu devais penser à une devise pour Slaves Of Imperium, ce serait quoi ?

(Rires) C’est compliqué encore comme question ! Je pense que chacun répondrait différemment…

Ça tombe bien, c’est à toi que je pose cette question !

Attends, il faut que je réfléchisse là… Une devise ? Vraiment dur… Si je devais être dans la déconne, je dirais « Live fast and die drunk », mais là, on n’est pas dans la déconne… (NdMP : en même temps, les gars ont fait produire des bières à leur nom)

Quoique, quelque part, c’est assez cynique…

Oui, c’est vrai, mais c’est un délire entre nous. Ce n’est pas ce que j’aurai répondu…

Tu as encore un peu de temps pour y réfléchir alors… Parlons de la pochette de l’album : elle présente deux personnages, un squelette habillé en costume, une autre personne, assez féminine et musculeuse, qui tient un couteau… Il y a une forme de dualité entre la confrontation de la mort et de la vie, la mort éclairée et la vie dans le côté sombre, la mort qui semble assez pacifique et la vie très menaçante avec son couteau dans le dos…

C’est intéressant d’écouter ta description… Il y a beaucoup de détails qui laissent libre court à chacun de se faire son interprétation. Pour ma part, ce serait une explication plus simple : cette image, pour moi, représente parfaitement le cynisme. Le fait d’avoir cette poignée de main et d’avoir un couteau dan s le dos… On sert la main à quelqu’un mais dans le dos, il y ale cynisme, le manque de confiance, la méfiance qui est là. C’est une image qui représente pour moi parfaitement le titre. Maintenant, il y a pas mal de détails, cette pochette est assez riche à ce niveau-là.

INTRUSIVE THOUGHTS: Dysphorie

France, Rock (Before collapse records, 2024)

Les dys… Ces maladies liées à certains dysfonctionnements neurologiques telles que la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie… Voici que l’on peut rajouter la Dysphorie, soit un « trouble de l’euphorie »? C’est en tous cas ce mot qu’ont retenu les Parisiens de Intrusive Thoughts, groupe formé en 2021, aujourd’hui composé des fondateurs Audric Auffray (basse) et Clément Bordiga (batterie), duo auquel se sont joints le guitariste Raphaël Perez et la chanteuse Sakina Hmito. Les quatre nous proposent un rock varié, juvénile et sérieux, inspiré du rock alternatif et du grunge des années 90. Les 10 titres alternent entre puissance et douceur, développant une énergie entrainante. Le chant de Sakina, dont l’anglais est parfaitement maitrisé, peut être doux comme il peut se faire plus hargneux, à l’instar des mélodies – ce passage du calme à la débauche à la fin de The pill ! Avec ce premier album, Intrusive Thoughts se place sur la ligne de départ des groupes espoirs – pas étonnant pour les lauréats du tremplin Phénix Normandie 2022. Malgré son jeune âge, Intrusive Thoughts présente tous les atouts d’un futur grand du rock français, exportable qui plus est! A découvrir et soutenir d’urgence !

SWARM: Omerta

France, Metalcore (Autoproduction, 2024)

Omerta… Un mot qui évoque la guérilla et le règlement de compte entre gangs mafieux… Pourtant, le nouvel album de coreux de Swarm semble bien loin de ces considérations, donnant plus l’impression, dans ses textes, de vouloir poser un regard sur l’humain, la société et le monde actuels. Un regard introspectif, aussi, sans pour autant porter d’étendard politique. Un constat violent qui démarre après Alsamt, une intro épurée aux sonorités orientales. Après… Mis à part Dead inside, temps calme de l’album, Swarm tabasse comme si sa vie en dépendait. Speed et rageur (Step by step, Clink and come end, Sorrow dies twice), le groupe explore avec bonheur diverses facettes d’un metal rugueux à la A7X ou autres Hatebreed avec quelques évocation d’un RATM, version guitares sans trop de rap. Toujours au taquet, le groupe se fait également particulièrement speed (My inner) ou syncopé (cette intro de Make your move!) sans oublier ses origine hexagonales avec ce premier paragraphe interrogateur de Soul square. Avec Omerta, Swarm continue de graver son sillon, de tracer sa route, brutalement et avec beaucoup de conviction.

CHARCOAL: Rocks

France, Heavy rock (Ep, M&O, 2024)

Comment ça riffe! Charcoal, c’est la réunion de 4 passionnés de hard/heavy rock couillu qui n’a pour seul objectif que de faire s’agiter les tignasses et taper du pied. Alors – vous me connaissez – hormis l’anglais incompréhensible, les 6 titres de cet Ep, simplement et justement intitulé Rocks, embarquent l’auditeur sur les US highways autant que dans les banlieues crades d’un Londres qui n’est plus avec une bande son totalement et volontairement inspirée du heavy rock de la fin des années 70 ou du hard US de la première moitié des 80’s. C’est vif et vivant, et l’ensemble rend un bel hommage à tous les grands du genre, de Motörhead à Thin Lizzy ou AC/DC en passant du côté des Mötley Crüe, Ratt, Faster Pussycat… Les références aux grands anciens sont d’ailleurs évidentes rien qu’à la lecture des titres: Thin lady Lizzy, Fat bottom girl, Same old dance, même pas un jeu de pistes! Sans jamais se prendre trop au sérieux, Charcoal propose un rock des plus sérieux, et s’en amuse (preuve en est la vidéo pas du tout sérieuse de One night of rock n’roll). On met les potards à 10, on balance la sauce avec des guitares graveleuses, une double à la Animal Taylor, un chant rocailleux forgé à coup de clopes… On laisse le groove et l’énergie positive faire le reste.

DEMANDE A LA POUSSIERE: Kintsugi

France, Doom/Sludge (My kingdom music, 2024)

Pour leur troisième album, les Franciliens de Demande A La Poussière se sont offerts un petit lifting avec l’arrivée d’un nouveau chanteur, Simon Perrin, qui tient également la guitare. Ce Kintsugi – soit « l’art du beau dans l’imperfection, la sublimation de ses blessures pour renaitre de ses cendres » – plonge l’auditeur, dès les premières notes de Inapte, dans les tréfonds d’une âme emplie de désespoir. Ne cherchons pas ici de lumière, le propos musical, lourd, lent et oppressant, et le chant, torturé et dépressif, lui ont simplement empêché tout accès tout au long de la presque heure que dure l’abum. Kintsugi est une œuvre qui interroge, qui pousse à trouver au fond de soi cette force et cette volonté d’aller au-delà des « facilités » d’un certain mal-être. C’est violent plus que brutal, en tout cas, ça secoue intérieurement, et c’est totalement sombre, sans aucun compromis. Amis dépressifs, passez votre chemin… Les autres, plongez dans cette noirceur interrogative.

THE RAGING PROJECT: Future days

France, Prog (Autoproduction, 2024)

Future days… Les jours à venir. La pochette qui illustre cet album est à la fois sombre et lumineuse: d’une forêt dévastée par les flammes apparait une lumière, comme une lueur d’espoir. The Raging Project a vu le jour à Besançon en 2007. D’abord appelé Project Rage, le duo fondé par Ivan Jacquin et Lionel Fevre propose une sorte d’electro metal et publie un Ep 5 titres avant de disparaitre des écrans radar jusqu’à aujourd’hui. Ivan a décidé de remettre le couvert et s’est entouré d’une multitude de musiciens – on notera notamment la présence du progueux Jean-Pierre Louveton (Nemo, Wolfspring, JPL) et de la chanteuse Ingrid Denis (Jirfiya) ainsi que la participation aux claviers de Derek Sherinan (ex Dream Theater, Sons Of Apollo…). Ivan Jacquin est le maitre de cet ouvrage incontestablement progressif dans l’âme, un prog léché qui tend parfois du côté plus metal du genre. Chanter à la fois en anglais et en français, s’il doit ouvrir les frontières, n’est pas forcément toujours le meilleur choix: si le français est totalement compréhensible, c’est loin d’être le cas pour l’anglais… On notera même que deux titres font l’objet d’une double interprétation, une version dans chacune des langues (Colère / Wrath, Even if I bleed / Même si je saigne)Mais ce point mis à part, il y a du cœur mis à l’ouvrage, tant dans les compositions aux structures musicales savamment réfléchies que dans les thèmes abordés: l’humanité et sa soif de pouvoir, et pose la question de l’intérêt pour des observateurs extérieurs de venir nous sauver de nous mêmes…

OG.EZ.OR: The green light

France, Cyber/électro metal (Autoproduction, 2024)

Rappelez-vous, 2019: Metal Eyes vous invitait à découvrir Mind machine: a new experience, un album de cyber metal signé Entropy Zero. Une pandémie plus tard, le groupe nantais devient Og.Ez.Or (NdMP: j’imagine que le EZ de la signature correspond au groupe précité, alors, que sont ces OG et OR?) , propose un metal tout aussi cyber et électro basé sur la SF. Il publie un premier album en 2022, Distortion process, avant de revenir chatouiller nos oreilles avec The green light. Après une mise en bouche aérienne et planante, l’album se lance dans des explorations battues par un rythme stroboscopique que ne renieraient ni Rammstein ni Herrschaft, Punish Yourself, Shâargot et consorts. L’ensemble est hypnotique et, malgré des fulgurances metalliques, Og.Ez.Or a tout pour enflammer les dancefloors de boites de nuit ou les soirées electro tant prisées par nos municipalités. Avec, en plus, un look à l’avenant, le trio a de quoi proposer bien plus qu’un concert: une expérience sonore et visuelle hors du temps. Ok, je sors (oué, je sais, mauvais et facile jeu de mots…)? Non, on y est, on y reste ! Au fait… Ne cherchez pas le morceau titre, il figure sur le précédent album et avait fait l’objet d’un long clip. Plongez-vous plutôt dans cet hypnotique The green light.