THERAPHOSA: Transcendance

France, Metal (Autoproduction, 2020)

Après un Ep remarquable, le trio francilien Theraphosa revient avec un album complet. Transcendence, produit par l’incontournable Francis Caste, un gage de qualité, démarre avec Stigmata of the purest pain, un titre lent doom, au chant torturé qui alterne entre gouffre profond et sombre et clarté sérieuse. La suite explore divers univers, parfois rock, à d’autres moments proches du prog. Lire la suite

Interview: THERAPHOSA

Interview THERAPHOSA : entretien avec Matthieu (basse). Propos recueillis par téléphone, le 11 mai 2020

Theraphosa by Denis Goria – photo promo

Metal-Eyes : Vous êtes originaires de Chelles, en région parisienne et avez déjà enregistré deux Ep, en 2012 et en 2018. Peux-tu compléter votre histoire ?

Matthieu : C’est bien ça. Theraphosa est né en 2007. La formation n’a pas changé depuis, elle est composée de Vincent, mon frère, à la guitare et au chant, moi, à la basse et aux chœurs et du batteur, Martin. On a toujours joué en banlieue parisienne. On a effectivement sorti 2 Ep, Inject the venom en 2012 et un autre en 2018, et nous sortons aujourd’hui notre premier album.

 

Metal-Eyes : Quels ont été les grands marqueurs pour le groupe ?

Matthieu : Pour le moment, je ne pense pas que nous ayons de grands marqueurs.. Si, peut-être en 2016, lorsqu’on est allé enregistrer notre deuxième Ep à Helsinki. C’est grace au photographe Denis Coria : en enregistrant dans un studio, l’ingé son connaissait Denis avec qui il nous a mis en contact. S’en est suivie une collaboration et lorsque l’on voulait enregistrer notre premier Ep, il nous a mis en contact avec Jan d’Amorphis.  C’est ainsi que nous sommes allés l’enregistrer à Helsinki. C’était notre premier réel contact avec la sphère professionnelle de la musique, et ça a été très formateur.

 

Metal-Eyes : Parlons un peu de votre musique : comment pourrais-tu définir la musique de Theraphosa pour quelqu’un qui ne vous connais pas ?

Matthieu : Je dirais qu’elle est sombre et élégante, marquée de mélodies qui évoquent un tiraillement entre le bien et le mal, l’ombre et la lumière, et que le tout baigne dans une atmosphère religieuse.

 

Metal-Eyes : « Religieuse » dans le sens pieu du terme ou dans le sens spirituel ?

Matthieu : On peut y voir les deux. Personnellement, j’y vois un sens pieu, mais vous pouvez y voir le côté spirituel. Avec Vincent, nous essayons de trouver un socle commun à nos deux visions, mais aussi à celle de ceux qui nous écoutent. Qu’ils soient croyants ou non, quelle que soit leur religion, d’ailleurs

 

Metal-Eyes : Quelles sont vos influences ?

Matthieu : Elles sont assez variées… Notamment du Ghost. Vous pouvez retrouver dans certaines lignes de chant et de chœurs cette ambiance que sait créer Ghost.

 

Metal-Eyes : Que peux-tu me dire de ce premier album complet ?

Matthieu : On a enrichi notre musique, on y a ajouté des influences classiques. Aussi bien romantiques que sacrées ou liturgiques. Au niveau des thèmes abordés, on a approfondi notre réflexion de sujets qu’on avait déjà abordés, notamment la transcendance. Bien sûr, et c’est un thème récurrent dans Theraphosa, on traite de la condition humaine. The curse of Cronos, par exemple, traite du temps et de la relation que l’homme entretien avec le temps. C’est un album je pense assez spirituel. Cet aspect, je pense qu’il sera récurrent, voire qu’il définira le groupe.

 

Metal-Eyes : Alors quelle est la part de la religion, de la spiritualité dans le groupe ?

Matthieu : Personnellement ? Je suis croyant, catholique pratiquant, mon frère, lui, est athée, profondément athée, comme le batteur. On peut très bien le ressentir sur ce premier album. Les influences de la musique sacrée, le côté liturgique que peut avoir le groupe. Pour ce qui concerne les thèmes abordés, la transcendance est un très bon exemple car il s’agit d’une notion théologique. Mais elle a été reprise par des philosophes athées. Dans ce cas, on parle « d’immanence ». Ce sont deux notions opposée, mais qui convergent vers la même finalité : le dépassement de soi, de sa condition. D’un point de vue moral, physique et intellectuel. Ce sont ces différences que nous avons dans le groupe qui, je crois, enrichissent ces notions que nous abordons. Bien sûr, quand vous faites de la musique, vous êtes vecteurs d’un message. Et nous faisons en sorte que ce message ne pose pas de problème aux membres du groupe.

 

Metal-Eyes : Donc sans pratiquer de prosélytisme quel qu’il soit ?

Matthieu : Exactement. On essaye d’avoir un double sens dans nos paroles. Parfois, certains morceaux sont plus orientés que d’autres, plus teintés de notions religieuses, d’autres plus athées. Mais il y a un double sens et nous espérons que chacun peut y trouver ce qu’il souhaite.

 

Metal-Eyes : Comment analyserais-tu l’évolution de Theraphosa entre votre Ep et ce nouvel album ?

Matthieu : Du point de vue musical, je trouve que le style de Theraphosa se précise, qu’il a évolué vers quelque chose de plus riche et complexe. Je pense qu’il commence à prendre sa vraie forme. Dans nos relations et nos méthodes de travail, là aussi, les choses ont évolué par le fait que le batteur et moi nous prenions plus part au processus de création, musique et écriture. Nous avons dû développer un processus de travail principalement pour l’écriture. Je n’interférais pas avec ce qu’écrivais mon frère, je ne regardais que une fois terminé. Pour cet album, nous produisons chacun des textes que nous nous présentons, nous jugeons ceux que nous considérons de bonne qualité, ceux avec des notions de ce qu’on aimerait aborder. Ensuite, nous on voit s’il y a des retouches à faire, des choses qui ne représentent pas notre façon de penser et on fait avec.

 

Metal-Eyes : Donc il y a plus une ouverture à la discussion entre vous là où, avant, c’était imposé ?

Matthieu : C’était de fait imposé parce que Martin et moi, n’avion pas le même bagage musical que mon frère. Il avait deux ans de musique derrière lui, et nous, rien. Naturellement, il a pris en charge la composition et l’écriture. Il avait une maturité que nous n’avions pas. On est restés comme ça, naturellement. Maintenant, nous avons tous vieilli, accumulé un peu d’expérience et nous souhaitons participer plus au processus de création. Vincent n’y voit aucun inconvénient.

 

Metal-Eyes : Y a-t-il des thèmes que vous ne souhaitez pas aborder, qui n’ont pas leur place au sein de Theraphosa ?

Matthieu : Comme ça, il n’y pas de thème qui me semble inabordable. C’est surtout la façon dont on en parle et le message final. Je vais te donner un exemple : sur Morning star, mon frère tenait à dépeindre la noirceur de l’humanité, ce en quoi, je suis d’accord, car les faits sont là, l’homme a une part d’ombre en lui, et il est le principal créateur de ses souffrances. Seulement, je tiens à y laisser une note d’espoir. Mon but n’est pas de dépeindre la noirceur de l’humanité, de dire que l’homme est mauvais et nous liguer les uns contre les autres, mais plutôt dire que nous sommes tous gris, l’être humain est tout en nuances et qu’il faut l’accepter, accepter la réalité du conflit pour accéder à cette transcendance et accepter la réalité, trouver le moyen d’obtenir ce que l’on désire. Si, les sujets qui pourraient être interdits : ceux qui imposent Dieu ou qui l’insultent. En tant que croyant, je ne peux pas laisser faire ça. Et Vincent, qui n’est pas croyant, ne peut pas laisser un message « missionnaire ». Ce sont des terrains dans lesquels on ne s’aventurera pas dans Theraphosa, ceux qui atteignent directement nos idéaux. On peut en parler, on le fait très régulièrement entre nous, mais pas dans le groupe.

 

Metal-Eyes :  Vous n’êtes ni un groupe chrétien, ni anti chrétien, pro ou anti religieux, donc…

Matthieu : Exactement.

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de votre album pour expliquer à quelqu’un qui ne vous connais pas ce qu’est Theraphosa, ce serait lequel ?

Matthieu : Ah… C’est un choix assez difficile. J’opterais pour The curse of Cronos. Parce qu’il évoque la condition humaine, sa condition par rapport au temps. C’est un thème récurrent au sein du groupe, donc vous pouvez avoir une idée de ce que le groupe peut aborder comme sujets. Musicalement, il y a beaucoup d’influences : le refrain qui est assez technique rythmiquement, assez pop aussi, dans mon rythme de basse. Dans le pont, il y a des références aussi bien classiques que black metal. Ce titre, avec tous ces mélanges, est assez progressif. Je pense que ce titre peut être le héros de l’album.

 

Metal-Eyes : Y a-t-il un titre que tu attends de jouer avec impatience ?

Matthieu : Tout à fait, c’est Dies irae. Parce que, déjà, j’ai participé à sa création. De plus, la ligne de chant est très agréable et la chanson est vraiment agréable à jouer. J’adore jouer ce morceau, donc en concert, ce sera vraiment un plaisir de la jouer et voir les réactions des gens.

 

Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise de Theraphosa ?

Matthieu : Mhh… La devise ? Pour l’instant, je ne vois pas… Si, peut-être une : ce serait cette symbolique que nous tirons de l’araignée qui est « l’élégance et la résilience »a

THERAPHOSA

France, Metal (Ep Autoproduit, 2018)

Theraphosa, pour les connaisseurs, est un type d’araignée particulièrement dangereuse.  D’où la représentation d’une arachnée blanche sur fond noir de ce second Ep du trio français venu de Chelles (le premier, Inject the venom, est paru en 2012, une éternité! D’où, sans doute, un nouveau départ en ne nommant pas ce disque.) Je ne suis pas connaisseur, donc, je me plonge dans les sonorités de ce disque éponyme qui propose 5 morceaux et découvre une prière en ouvrant le CD, une prière à la reine araignée. Serait-on tombée dans une secte aux malsains rituels? Non, simplement au cœur des aspirations et inspirations musicales d’un groupe de rock. Le premier morceau, The king of vultures est un mid tempo presque doom, intrigant et attisant la curiosité. The god within accélère le tempo et propose un riff obsessionnel et hypnotique sur fond de chant guttural, en alternance avec plus de mélodie. Les plus de 6′ passent sans qu’on ne s’en aperçoive. Puis The butcher, avec son chant clair presque a capella, nous entraîne dans un univers tout aussi heavy, au royaume du headbanging. Malgré ses guitares speedées, Obsession se distingue avec un chant presque pop, et surtout très mélodique. Leeches conclue ce disque avec ce rythme imparable, celui qui fait s’agiter les tignasses et taper du pied en cadence. Sans aucun doute un futur classique en live. Theraphosa parvient à se distinguer de ce qui se fait actuellement sur la scène metal, et rejoint les espoirs parmi les groupes français. Prometteur, tout simplement.