Interview Eight Sins. Entretien avec Arnaud (guitare), Loic (chant) et Mike (basse) le 28 juin 2024 au Hellfest (Clisson)
Pour commencer, une question toute simple : quel est votre retour de votre prestation de ce matin ?
Arnaud : C’était… mortel…
Mike : C’était incroyable…
Loïc : On a ouvert la Warzone à 11 heures, et c’était… incroyable !
Vous avez réveillé la Warzone.
L : Exactement, on leur a mis un bon coup de trique ! Le public était mortel. Magnifique ! Une warzone pleine, donc…
A : Et un public fou, aussi ! Ils ont fait des doubles circle-pits… Merci le Hellfest, c’était incroyable !
Pour vous, c’est une expérience unique, alors ?
Tous : Ah, ouais, c’est sûr !
L : C’était les montagnes russes de l’émotion. Surtout à peine réveillés !
A : On s’est levés à 6 heures…
Vous n’êtes pas arrivés directement de Grenoble ?
A : Non, on est arrivés mercredi.
(A Loïc) : Comment tu as appelé Grenoble ?
L : « La cuvette de chiottes de la France ». Géographiquement, c’est une cuvette, on est entre les montagnes, donc, c’est notre petite blague, on l’appelle la « cuvette de chiottes » entre nous. Mais c’est des toilettes sèches parce qu’on a un maire écolo (rire général) !
Ceci étant, après cette belle presta, quels sont les retours que vous avez eu depuis la sortie, il y a quelques mois, de votre album, Straight to Namek ?
L : On s’était parlé au téléphone à ce moment, et on a eu de bons retours depuis. Le fait qu’on soit là aujourd’hui te prouve qu’il a plutôt tapé là où il fallait. On a plein de festivals prévus, ça bouge beaucoup… De beaux retours !
La suite de cet album est déjà en préparation ?
L : Bien sûr ! On a déjà des compositions prêtes, ça va arriver tranquillement. On y va tranquillement, à notre rythme, parce que ça ne sert à rien de se presser. Chi va piano va sano !
Quand on manie à ce point l’humour sur scène, comme vous l’avez fait ce matin, ça demande beaucoup de travail, de réflexion en amont ?
Mike : Là, tu sais à qui t’adresser (il désigne Loïc)…
Vous avez bien joué le jeu, aussi…
L : C’est mes potes ! On est vraiment un groupe d’amis !
M : On est bon public aussi !
L : C’est mon caractère, je suis quelqu’un de rebondissant, dans tous les sens du terme : rebondi et rebondissant ! Ils me laissent faire, je ne sais pas comment te dire : c’est pas un truc qu’on travaille plus que ça, c’est juste nous… Si on se recroise tout à l’heure, je te raconterai aussi plein de conneries, j’arrive pas à m’en empêcher. C’est peut-être une maladie (rires).
Et au boulot, ça donne quoi ?
L : Ben, heureusement que je fais du tatouage, parce que je peux rigoler avec mes clients. Mais si je devais travailler pour une banque… Je suis un calvaire pour ma collègue de travail – que je fais beaucoup rire et que j’embrasse. C’est compliqué de travailler dans la même salle que moi, mais on se débrouille.
Allez, quelques questions Hellfestives : si vous étiez chacun un animal, vous seriez quoi ?
L : J’aime bien ces questions chelou… Un pangolin. Un genre de pomme de pin mais qui bouge !
A : Et qui refourgue des virus !
L : C’est pas pour les virus, c’est parce que c’est le chainon manquant de la vie, le truc il est chelou. Moi aussi !
M : Comment tu m’appelles, Loïc ? Le suricate ? Parce que j’observe tout… Ça me faisait chier au début mais je crois que ça me va bien, en fait !
L : Il est là, sur son petit terrier… Il scrute…
A : Je sais pas, la bête du Gévaudan…
Un diable de Tasmanie…
L : Ouais, c’est plus un diable de Tasmanie, Arnaud ! En tout cas, c’est un animal !
Si vous étiez un roman ? On passe aux choses sérieuses…
L : Je vais pas te dire Roman Polanski, ça va m’attirer des ennuis…
M : Un Romans sur Isère !
L : Putain, il me l’a piquée ! On a un consortium d’humoristes ! Je crois que je serai un truc que j’ai lu quand j’étais gamin, sur les momies, qui m’avait passionné, je l’avais lu en une heure de temps. Sans doute Victor Hugo, je ne sais plus…
M : Je le dis sinon je vais oublier : je pense que je serai Bilbon le Hobbit.
L : Ouais, c’est un gars de la nature…
A : Tu vois sa barbe ? Il a la même aux pieds…
M : Je suis un peu Gandalf en version comique…
L (à Arnaud) : Et toi, quel roman ?
A : Moi ? Je sais pas lire, alors je ne peux pas répondre à cette question (rires)…
Là, c’est un peu plus dans l’esprit du groupe : si vous étiez un héros non pas de BD mais de manga ?
L : Ah, ça restreint mon choix, du coup !
M : Moi, je serai Vegeta, un personnage de Dragon Ball Z. L’anti héros, en fait…
L : Je serai aussi dans Dragon Ball, je serai Boo, parce que c’est le gars sympa, il mange tout, il est drôle… Et toi ?
A : One Piece, obligé : je serai Sanji.
Et si vous étiez un film ?
L (sans réfléchir) : je serai Priscilla, folle du désert. Mon film préféré pour les meilleures punchlines du monde ! C’est une histoire de transformistes sur les routes en Australie, et à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, c’est pour recaler quelqu’un. C’est phénoménal ! Du talent à l’état pur.
A : Jurassic parc. Ca m’a tellement marqué quand j’étais gosse…
L : Depuis, il a un kif sur les reptiles…
M : Moi, je serai l’alarme fatale, la parodie de L’arme fatale. Incompréhensible et drôle à la fois.
Si vous étiez un plat alimentaire ?
L : Oh, putain…
A : Un tajine ?
L : Non, pas un tajine, c’est pas mon truc… Ce que je préfère, c’est les ribs. Je dis ça, parce qu’on les voit pas mes ribs, mes côtes, je suis jaloux !
M : Je serai un rougail saucisse, parce que c’est ma spécialité. Ma femme confirme. Pimenté à souhait !
A : Mais faut nous inviter ! Moi, je dirai un Bo Bun, parce que j’adore ça, j’adore la bouffe asiatique !
Une boisson ?
A : Un Jack Daniel’s
L : Un Bloody Mary, bu à la paille. A siroter en soirée, au calme, avec une paille et une ombrelle !
On m’en a filé un, un matin, croyant que j’avais une gueule de bois en me disant « ça va te soigner ».
L : Ça t’a soigné ?
Non… J’avais pas de gueule de bois !
M : Je serai une limonade, référence à Afro Samourai, pour ceux qui connaissent. J’adore la limonade…
Un objet ?
L : Une cuvette de chiotte… Pour voir des visages toute la journée…
A : Une table… Parce que je suis con comme une table, il parait !
M : Un (Note : un truc pas compréhensible à l’enregistrement)
L : Parce qu’il travaille le bois comme personne… Il a touché ma poutre…
Un pays ?
A : La France… J’aime bien la bouffe française aussi.
L : Moi je serai neutre, je serai la Suisse. Parce que c’est joli et ils ont plein de thunes !
M : Je crois que je serai le Guatemala, par ce que… c’est le premier pays qui me vient à l’esprit…
Un monument ?
L : La tour Perret à Grenoble. C’est un peu comme la tour de Sauron, il ne manque que l’œil qui flambe. C’est une belle tour de notre ville.
A : Un monument… Le pont de la Bourg à Bourgoin Jallieu (Note : aucune trace de ce pont trouvée, sans doute une appellation locale ?)
M : je ne sais pas… Un truc transparent…
L : Une vitre ! Il a pas d’idée…
Une devise ?
L : On peut la faire à trois, celle-là : Beers and moshpit (ils approuvent)
Mais pourquoi la bière ?
M : Parce que tu ne vas jamais dans un moshpit sans ta bière.
L : Tu pogotes et tu la renverses. Après, tu vas en acheter une autre. C’est ça, l’économie de festivals, ils le font exprès !
Amaconda – l’orthographe est ici volontaire – est le quatrième album des Belges de Tim’s Favourite. Né au début des années 2000, le quatuor (Jan Pauwels à la guitare et au chant, Tim Pauwels à la guitare, Wolf D’haese à la basse et Ele De Backer à la batterie) puise son inspiration partout où il en a envie. Le résultat est un condensé de Metallica, de Tool, de Prong, de Messhugah et d’autres encore. Trois albums sont ainsi proposés (Noises from the dark room en 2003, Geometry for the selfish herd en 2009 et We, the willing en 2018) avant que ne nous soit offert ce Amaconda qui déboule en janvier 2024. Nous passerons sur la production qui ne rend pas hommage à la musique – trop sèche avec trop peu de rondeurs (j’ai pris le temps d’écouter l’album sur différents lecteurs avec les mêmes conclusions). Les 11 titres de l’album sont cependant pleins de volonté et varient les plaisirs. On a seulement parfois l’impression d’écouter un patchwork d’idées collées sans forcément de liant. Sur fond de riffs puissants qui se veulent hypnotiques, le chant évoque tour à tour James Hetfield ou Kurt Cobain. On a les références, certes, mais là encore, il manque une touche de personnalité qui ferait passer cet album à un autre niveau. Tim’s Favourite définit sa musique comme du « zen metal »… C’est plutôt du « brutal zen » (bel oxymore, n’est-ce pas?) que nous propose le groupe, un metal hybride qui ne parvient pas à m’interpeler vraiment. Même si certains passages sont intrigants et quelque peu barrés, je reste sur ma faim. Sans doute l’oreille extérieure et la vision plus globale d’un producteur serait elle utile pour faire passer le groupe à un autre niveau, car les bases, elles, sont là, l’envie de proposer du matériel différent aussi.
Il y a des surprises comme ça… Verso s’était présenté au public en 2020 avec la publication d’un premier Ep, Inéluctable et revient aujourd’hui avec Éclats, son premier album paru juste avant l’arrivée de l’été. Originaire des Hauts de France, le combo se distingue de plusieurs manières. Tout d’abord, c’est une mère, Sardinas (chant clair) et son fils, RoyalG (chant enragé, guitares et synthés) – dans la vraie vie Frédérique et Gauthier Delbarre – qui en sont les fondateurs. Musicalement, ensuite, Verso proposant un rock dans l’ensemble doux et attirant, parfois aux relents new/cold wave, très souvent brutalisé par des apports proches, vocalement tout du moins, du black metal – on ne trouve cependant pas ici de blast beat ni de guitares ultra speedées. La dualité entre ombre et lumière, douceur et rage, donne un résultat dans l’ensemble intriguant et attirant. Accompagné par le bassiste Vincent Vieville et le batteur Sylvain Lenne, la formation se distingue également par l’ajout de violons tenus par Constance Eve et Yvain Delahousse (également à la viole d’amour) proposant ainsi un univers musical très coloré. Quelques fulgurances guitaristiques rappellent cependant qu’il s’agit bien d’un groupe de rock énervé (Eternel, Ad vitam, Kikazaru, Cicatrices) mais l’ensemble reste très accessible pour peu que l’on apprécie le chant extrême et enragé, celui-ci étant toujours contrebalancé par la douceur maternelle vocale. En explorant divers univers, sans se poser de limites, Verso propose une musique riche, variée, parfois proche de la BO de cinéma (Hallucinations et ses cordes qui pleurent) ou du doom lumineux (je sais, c’est un oxymore…) un groupe dont on parlera certainement dans les années à venir…
En attendant les sorties de la rentrée, Metal-Eyes va mettre à profit cette période estivale pour estivale proposer quelques séances de rattrapage et parler de quelques albums qui valent le détour. Commençons donc avec les thrasheurs punkisants de Rocket Fuel, groupe formé en 2018 à La Hague. Un an après sa naissance, le quatuor publie un premier Ep, Too big too early une première carte de visite présentant diverses facettes du groupe. Aujourd’hui remanié, le groupe se compose de deux membres fondateurs – le chanteur guitariste Richard Wegman et le batteur Remy Jeremy – qui se sont adjoints les services du guitariste Olaf Büscher et du bassiste chanteur Johan Mieremet, et propose son premier album complet, Under the blades. Si le titre peut rappeler une chanson de Twisted Sister, on est loin, très loin de l’esprit musical des Américains. Rocket Fuel évoque beaucoup plus une rencontre entre le punk festif de Sum 41 ou The Offspring, de la rage et la puissance de Killswitch Engage ou Rise Against, la furie thrash de Slayer ou Metallica avec le sens de la mélodie entrainante de Disturbed. Le chant mélange la hargne d’un Phil Anselmo à une envie puissante volontaire et déterminée. Rocket Fuel ne réinvente certes rien mais le groupe met tant de cœur dans ses compositions qu’il entraine l’auditeur sur les chemins des pogos et du cassage de nuque. Avec ses 11 titres qui ne laissent pas un instant de répit, Under the blades pose les bases de très belles promesses. A suivre.
A ses débuts en 2013, Mean To You était un groupe. Originaire du Luxembourg (je crois bien qu’il s’agit là de ma première chronique d’un groupe de ce petit pays plus connu pour le métal précieux de ses banques que pour celui musical qui accompagne nos journées), le groupe a implosé en 2016, laissant seul aux commandes le bassiste Mulles qui a décidé de continuer l’aventure en solo. Il occupe donc depuis de tous les postes de Mean To You et publie un premier Ep, Strong, en 2021 avant de proposer fin 2023 ce nouvel essai, What we could have been. Deux Ep aux titres qui peuvent résonner comme une forme de conviction pour l’un et de regret pour l’autre… Le multi instrumentiste regarde cependant plus devant lui et propose 6 titres puissants, forgés dans un metal moderne, explosif. Il n’y a pas un instant de temps mort, et l’on sent un musiciens influencés par le metal moderne des années 90/2000. Apparemment accompagné d’un second chanteur, le mariage des voix apporte une variété de couleurs aux compositions. De Trivial fantasy à Don’t look back en passant par Right now, Straight ahead ou Care (clairement, d’autres messages se cachent derrière ces intitulés…), l’ensemble bénéficie d’une production généreuse. S’il manque peut-être parfois d’une certaine maturité – j’ai l’impression par instants d’écouter l’album d’un jeune groupe qui n’a pas encore totalement trouvé son identité sonore – Mulles maitrise parfaitement l’art de riff qui tape fort et vient casser quelques cervicales. Ca charcute comme il faut, ça tabasse sévère et on se laisse rapidement emporter dans cette déferlante sonore de rage contrôlée.
Loin d’en être à leur coup d’essai, les Belges de Dyscordia reviennent, quatre ans après leur troisième album, avec The road to Oblivion, un album composé de 8 titres forgés dans un metal moderne. Mêlant avec bonheur des sonorités rugueuses à des tonalités plus soft, le groupe explore aussi bien le heavy metal dit traditionnel qu’il s’aventure aux limites du metal progressif. Tout au long des The Passenger, Oblivion (et son chant aux limites du black), de l’instrumental Interlude ou de The demon’s bite, Dyscordia, sans renier son identité musicale, égrène discrètement ses influences – qui vont d’Iron Maiden (via quelques cavalcades rythmiques) à Soen (quelques lignes de chant me rappellent Joel Ekelöf), en passant par Metallica ou Dream Theater, c’est dire la variété musicale du combo – au travers de guitares rapides et furieuses – au nombre de trois: Stefan Segers (qui growle aussi), Guy Commeene et Martjin Debonnet – et de fondations rythmiques puissantes forgées par le bassiste Wouter Nottebaert et le dernier arrivé, le batteur Chevy Mahieu. bien que puissant et déterminé, le chant de Piet Overstijns aurait mérité d’être mieux mis en avant par la production, par ailleurs moderne et efficace. Malgré cette faiblesse, The road to Oblivion a tout pour faire s’agiter les crinières et taper du pied. On comprend bien que Dyscordia, au fil des ans, ait su séduire le public de festivals aussi prestigieux que le PPM fest ou le Grasspop Metal Meeting. Il faut maintenant franchir les frontières du Bénélux, les gars!
« Le monde a changé… » Les mots qui introduisent le premier volet du Seigneur des anneaux sont ici adaptés. Parce le Hellfest, aussi, a changé et change. D’année en année, le plus grand festival français de musiques extrêmes poursuit sa transformation et le monstre mue et évolue. Les changements sur le site, s’ils se font moins notables sont pour autant tout aussi remarquables. pour le plaisir des yeux et des oreilles, Metal-Eyes a sillonné le site de long en large, de fond en comble. En 4 jours, ce sont plus de 80 km parcourus, une paire de baskets HS, quelques 36 concerts couverts – avec, pour je crois la première fois depuis longtemps, toutes les scènes visitées, avec notamment un record pour la Warzone – trois saisons vécues en l’espace de ces 4 journées, des averses de dingue mais pas assez longues cependant pour que le site ne se transforme en terrain boueux. Et surtout, des rencontres, des retrouvailles, des découvertes à gogo. Un Hellfest intense et usant, mais c’est aussi ça! Comme il est impossible de tout relater ici, je vous invite à m’accompagner dans mes humbles souvenirs de ce dernier week-end en enfer!
Commençons cependant, comme il se doit, par les sources d’insatisfaction… Bien que l’orga ait annoncé une fréquentations de 240.000 festivaliers, on a bien souvent l’impression de côtoyer plus de 70.000 personnes par jour. Il n’y a pas qu’à simplement rajouter les invités, les médias ou les bénévoles, mais bien, semble-t-il, du public. En plus de ça, le journal régional s’en fera le relais, entre les files d’attentes pour aller se soulager la vessie – le Hellfest avait déjà bien travaillé le sujet, mais cette année, force est de constater, les longues files d’attentes en témoignent, qu’il y a eu un cruel manque de WC – et le fait de ne plus se voir proposer de « petits » formats de boissons – on oublie les 25cl au profit unique des pintes – une relation de cause à effet? – joue sans doute en ce sens. On notera également une sorte d’aspect plus « touristique » de la population. Certains pouvaient, à tort, reprocher, il y a quelques années au Hellfest d’être une sorte de Disneyland metal, on ne peut que constater qu’aujourd’hui on s’en rapproche de plus en plus, même dans un esprit post apocalyptique. Même si l’arrivée annoncée de la Gardienne des ténèbres, gigantesque création des machines de Nantes attire les regards, on ne peut que constater – déplorer diraient certains – le côté too much du Hellfest cuvée 2024, d’autant plus avec les annonces faites par Ben Barbaud à la fin du week end – Muse ou Coldplay pourraient y avoir leur place. Que le Hellfest soit plus populaire est une bonne chose, mais on a parfois l’impression que l’esprit originel de défenseur des musiques extrêmes a cédé le pas au profit du dieu marketing et/ou capital. Le Hellfest est devenu une marque commerciale à part entière, soit, mais lorsqu’elle se décline autant – pas un supermarché qui ne propose des dizaines de produits dérivés, principalement des boissons, de la bière au whisky, mais également des jeux, des aromates épicés… – on peut se demander où est passé l’esprit aventurier des débuts. La rançon du succès passe sans doute également par là.
Parmis les satisfactions, il y a ce constat que, enfin, Altar et MS1 ne jouent pas en même temps, ce qui permet une meilleure écoute. Logiquement, l’alternance se fait en respectant un rythme MS1/Temple et MS2/Altar tant que cela est possible, à savoir en journée. Egalement, les ombreux points d’eau sont facilement accessibles et permettent donc de s’hydrater comme il le faut.
Il n’empêche, la machine Hellfest propose une affiche variée qui, même si elle m’emballe moins cette année, a de quoi séduire tous les publics amateurs de musiques amplifiées, du plus mainstream au plus spécialiste .
Jeudi 27 juin
Le Hellfest commence désormais tranquillement le le jeudi après midi. Les portes ouvrant vers 14h, je fais tranquillement la route depuis Orléans pour trouver place au parking et récupérer sans pression mon accréditation. Le temps de dire un rapide bonjour aux quelques copains déjà présents, je file assister au premier concerts. Un coup d’oeil au Sanctuaire, l’espace merch officiel du Hellfest m’incite à ne pas prendre place dans le queue – il y en a déjà pour trois heures d’attente, alors qu’on circule très facilement du côté des espaces merch des artistes. Bien que The Sanctuary soit une superbe initiative, il semble nécessaire de repenser cet antre afin de fluidifier la circulation du public et faciliter ses achats. Sans doute peut-on imaginer un second temple?
Maintenant, les concerts. Sur la Mainstage 1, on a pu se défouler avec Slaughter To Prevail qui a démonté le public témoin d’exactions sans pareil. Quoique… Kerry King et sa troupe ont expliqué à l’ensemble du public n’en avoir rien à faire d’une retraite et revient aux affaires avec force conviction. Brutal et direct, le show de « l’ex »-Slayer a mis tout le monde d’accord. C’est peu dire que le gang ait mis le feu tant la pyro était de mise. Impressionnant retour!
Megadeth a aussi su se placer en maître incontesté du thrash classieux, mais, ayant vu la nouvelle formation de maître Dave Mustaine une semaine à peine plus tôt, j’ai préféré aller assister à un autre concert (ce que je ferai également pour Extreme et Tom Morello pour les mêmes raisons).
Du côté des tentes, malgré un propos musical explosif, j’ai trouvé Immolation très concentré et attentif à son sujet. Seuls quelques instants se sont révélés plus fulgurants pour un concert que d’aucuns pourraient qualifier de sobre.
Ce ne fut pas le cas des Mexicains de Brujeria qui, visiblement très attendus, ont donné une prestation des plus explosives d’un death grind aux relents simplement brutaux.
Il en est allé de même avec les très attendus Japonais de Crystal Lake qui ont proposé leur metalcore à un public des plus denses venu en nombre envahir la warzone. Circle pits et slams de rigueur ont émaillé ce concert haut en couleurs.
J’ai, cette année, quelque peu déserté la Mainstage 2. Une programmation attirante sur d’autres scènes explique en partie cette désaffection, mais un « détail » m’a quelque peu convaincu de m’en éloigner: désormais, la scène se situe à plus de 3m de hauteur et y faire des photos s’avère peu intéressant. Des bustes, des instruments coupés, une distance et un éloignement peu propice au plaisir de l’image. J’ai ainsi renoncé à assister aux concerts de Savage Lands – pourtant à découvrir – de Steel Panther – on sait à quoi s’attendre – Rhapsody Of Fire, malmsteen, Accept, Bruce Dickinson, Saxon, Frank Carter ou encore Corey Taylor. Mais les concerts auxquels j’ai pu assister, sinon photographier, valaient le détour.
A commencer par Landmvrks qui, même si je ne suis pas sensible à la musique, a simplement tout démonté et retourné le public avec une prestation explosive de bout en bout. C’est simple: la sécu a vraiment commencé à travailler avec Landmvrks qui a vu une nuée de crowd surfers se diriger vers la scène.
Dropckick Murphys ne fut pas en reste, le rock punkisant et festif des Américains étant naturellement taillé pour la scène. Impossible de résister à cette folle envie de guincher! Même Al Barr, le chanteur a le regard ébahi en voyant un spectateur surfer sur la foule dans son fauteuil roulant. Déjà au contact du public, le chanteur tout souriant va le saluer et lui taper la pogne. ce n’est que le début d’un concert festif et explosif, celui qui clôt en beauté cette première journée.
Vendredi 28 juin
Le vendredi débutera sous Altar avec une première claque infligée par Karma Zero. Le public est déjà présent, et se prend lui aussi un bon coup derrière la tête.
Je file sur MS1 retrouver les Français de 7Weeks qui donnent une jolie prestation devant un public encore épars – bon… quelques milliers de personnes à 11h du mat, on est souvent preneur. Axant son court set sur ses derniers morceaux, le trio séduit comme il se doit.
A coté, sur Main 2, ce sont les Espagnols d’Ankor qui délivre un set aussi enjoué que puissant. Le groupe mixte, qui existe depuis le début des années 2000, fait une belle impression et remporte incontestablement de nombreux suffrages.
Je me laisse ensuite tenter par les Japonaises de LoveBites – et me surprends à penser que, depuis deux jours, je n’ai sans doute, et tant mieux, jamais vu autant de femmes sur les scènes du Hellfest. Toute de blanc habillées, les jeunes femmes présentent cette grande, très grande différence d’avec leurs consœurs de Baby Metal (passées la veille sur MS2) de vraiment jouer de leurs instruments. Une belle découverte visuelle sinon musicalement mémorable. Ce sera – malheureusement ou pas – ma dernière MS 1 du jour.
Je dois déserter le site et ne reviens que pour le set de Lofofora. Comme à son habitude, Reuno est enragé et, en ce week end électoral, n’hésite pas – le contraire eut été surprenant – à lancer messages et consignes. Mais, voilà que la scène est investie par deux femen, mini jupes et seins à l’air, armées de fumigènes et d’une banderole, scandant de longues minutes durant que « l’enfer c’est vous, nous c’est MeToo« . Une intervention planifiée qui casse le rythme du concert des Français, tous s’étant retirés de scène laissant les filles faire leur show – peu convainquant selon moi.
Les interviews commencent et je reviens sous Temple pour découvrir les Allemands de Kanonenfieber, formation spécialisée dans la première guerre mondiale dont les musiciens sont en uniforme et masqués. Un décor de tranchées, de barbelés et un canon qui tonne ajoutent un intérêt visuel au death/black du groupe visiblement attendu.
Je zappe volontairement Steel Panther dont le show ne réserve guère de surprise sauf pour ceux qui découvrent le groupe live. Je leur préfère Satyricon qui remet aussi les pendules à l’heure sous Temple. On ne rigole pas à cette heure de la journée!
Après avoir couvert leur concert à Orléans, je ne pouvais rater le show de Shaka Ponk. Certains disent que Frah et sa bande n’ont rien à faire au Hellfest, Shaka leur démontre le contraire! La foule qui se masse devant la MS2 prouve bien l’intérêt public que suscite le groupe! Dommage seulement qu’il faille être sur liste pour les shooter… Je décide de m’apporcher de la scène et se frayer un chemin se fait en jouant des coudes. une foule remonte dans l’autre sens, mais, arrivé devant les barrières, je comprends pourquoi: les crowd-surfers n’arrêtent pas d’arriver par vagues entières, donnant un sacré boulot à la sécu, cette foule quittant les lieux le sourire aux lèvres. Comme toujours, le chanteur saute dans le public, se faisant porter par lui – on notera le final pour lequel deux cubes l’un sur l’autre lui servent de plongeoir sous les yeux ébahi d’un agent de sécurité qui semble se dire « nannn… il ne va pas faire ça?!? » – tandis que sa complice Sam va le narguer avec ses gentilles provocs. Sans conteste une des meilleures performances du week-end!
Le temps de remonter le courant, Machine Head est déjà sur scène devant un public tout acquis à sa cause. Visiblement, Flynn met le feu et retourne MS1, mais je n’assiste au concert que de loin… Dommage, Machine Head semblant plus qu’en excellente forme.
Samedi 29 juin
J’aime aller voir les groupes que je vais rencontrer… Même s’il y a parfois des ratés, je me lève tôt pour aller voir Darken. Las, le groupe ouvre la journée du samedi sous la pluie ce qui a sans doute calmé les (h)ardeurs de certains festivaliers. En plus, la tête d’affiche de ce soir a installé un gigantesque demi cercle… Metallica veut se rapprocher de son public mais impose une grosse distance aux autres groupes… Darken ne se laisse pour autant pas démonter et donne un set thrash et direct.
Mon regard est attiré par un duo qui, sous Temple, semble attirer les regard et attise ma curiosité. La journée s’annonce folk aujourd’hui et je découvre Eihwar aux tonalités nordiques et à la musique simplement envoutante. Les Français séduisent et marquent quelques points avec une prestation élégante.
Direction la Warzone pour aller soutenir The Dead Krazukies, là encore en belle forme. On sent les basques à l’aise et visiblement ils n’ont qu’une chose en tête: des circle pits et des wall of death, jeux auxquels le public se prête volontier dans la bonne humeur. Ce genre de punk là est fait pour mettre le feu à cette scène, et le pari est gagné.
Les Néo-Zélandais d’Alien Weaponry ont déjà fait connaissance avec le HF en 2022 et ne s’en laissent pas compter. Débutant leur set avec leur traditionnel Haka, ils ne se laissent pas impressionner par la-dite scène et investissent à loisir l’espace de Metallica pour aller chercher le public.
Matthieu, transfuge de Skald, a monté son propre projet pagan viking avec son épouse, Christine. Le duo se partage le chant au coeur de Hrafngrimr (ça se prononce Raven Grimer, facile, non?), un groupe dont l’originalité, outre les instruments « sur mesure » est de comporter en son sein deux danseuses dont la gestuelle illustre chacun des titres et des musiciens provenant de divers groupes, dont Mus d’Arkan. Les chansons, justement, aériennes et légères, entraine l’auditeur dans ces univers nordiques. Encore une formation plus que séduisante évoluant dans un univers décidément très en vogue.
C’est avec plaisir que je retrouve Anvil, pile au bon moment, Lips nous offrant son légendaire solo de guitare avec godemichet. Le trio est en forme et délivre un set fun et apprécié du public qui semble apprécier les facéties du bassiste édenté Chris Robertson.
Enfin! Oui enfin! pourrais-je dire Car Black Stone Cherry reste un de rares groupes que je n’ai pas encore eu l’occasion d’acclamer sur une des scènes du Hellfest. mené par un autre Chris Robertson au chant et à la guitare, le groupe est lui aussi en forme et profite du soleil pour délivrer un set qui résume bien sa carrière. Steve Jewell, qui remplace Jon Lawhorn à la basse depuis son départ, a trouvé ses marques et s’est parfaitement intégré au groupe. Toujours aussi explosif, Ben Wells saute comme un cabris, arpentant la scène de long en large tandis que le batteur John Fred Young s’agite derrière ses fûts, bien éloigné du public. Un set un peu trop court, mais ce sont aussi là les règles d’un festival. Vivement un retour en salle!
Ce samedi est la journée la plus chargée en matière d’interviews. Une fois les premières faites, je préfère retourner vers la Warzone pour découvrir, enfin, le cultissime Didier Wampas Psycho Attacks. Une chemise de touriste exotique sur le dos, le gaillard propose un set fun et n’hésite pas non plus à se faire porter par le public aux anges. Rien de très sérieux dans sa musique, le groupe propose un set simplement fun et quelque peu irrévérencieux.
Je découvre ensuite, sur cette même scène et sous la pluie qui revient, Nekromantix, groupe au look piqué à Marlon Brando ou James Dean, proposant un rock vintage énergique joué avec une contrebasse forgée dans un cercueil par des musiciens peu sérieux (le batteur qui vient se poser devant la scène pour se laquer la banane…) maitrisant cependant leur sujet.
Malgré la pluie qui se fait dense, la file de photographes et la foule qui prend place devant la Valley indique que Mr. Bungle est attendu. Si Mike Patton est attendu comme jamais, la troupe compte également en ses rangs de fines gâchettes: Scott Ian et Trey Spruance aux guitares, Trevor Dunn à la basse et Dave Lombardoo à la batterie pour un cocktail musical déjanté et envoutant. On ne s’y trompe pas, et la pluie n’empêche ni le public de rester, ni le groupe de s’éclater.
Je rentre de la Valley pour aller me protéger dans un espace VIP ultra blindé – l’espace presse a fermé ses portes comme tous les jours à 22h précises – y découvrir l’ami Erwan affalé qui a raté le groupe qu’il attendait pourtant avec l’impatience d’un gamin excité, et, comme de nombreux autres, patiente le temps que la météo se calme. Dans quelques minutes, Metallica sera sur scène et la foule commence a déserter le VIP pour aller braver les éléments. Oui, il est temps d’aller rendre hommage aux patrons, mais il s’avère rapidement compliqué de se faufiler assez près pour pouvoir vraiment voir ce concert. Alors j’écoute. De loin, et je regarde un peu ces écrans partagés qui ne laissent guère voir grand chose. Creeping death ouvre le concert avec détermination, et la suite est prometteuse. Mais quel intérêt de regarder des écrans? Je décide alors de quitter les lieux alors que les Horsemen annoncent leur désormais traditionnelle reprise: ce soir, il s’agit de… L’aventurier (Bob Morane) d’Indochine, groupe que je n’ai jamais aimé mais je ne peux que m’incliner devant le fait accompli: Metallica parvient sans peine, malgré une interprétation foireuse, à faire chanter en chœur 60.000 spectateurs, et ça, c’est fun. Las, la fatigue de la journée l’emporte et je rentre me coucher, renonçant à regret au concert de Saxon…
Dimanche 30 juin
Dimanche, dernier jour… Je commence la journée avec Sang Froid dont l’album proche de la new wave m’avait séduit et que je dois rencontrer un peu plus tard dans la journée. Un concert étonnant qui permet aux musiciens d’échapper à leur quotidien plus violent (certains viennent de Regarde Les Hommes Tomber).
Direction MS2 pour assister à un concert étrange… Rapidement, je me demande ce que Hotwax fait là, ne parvenant pas à saisr l’intérêt de leur présence à Clisson. Un esprit à la L7, des clins d’oeil au punk féminin? J’ai sans doute raté quelque chose et je n’accroche pas.
C’est donc sans regrets que je retourne sous les tentes, cette fois sous Altar, pour voir Deficiency, groupe que je suis depuis quelques temps mais que je n’ai pas encore vu live. Le moins qu’on puisse dire est que les Français connaissent également leur affaire et dépotent autant que possible.
Après avoir erré sous les tentes, je me dirige vers MS pour voir les foldingotes de Nova Twins qui, avec leur funk groovy et metallique, et leur look un peu moins improbable qu’on aurait pu s’y attendre, séduisent la petite foule présente. Amy Love et Georgia South emportent tout sur leur passage dont de nombreux suffrages publics. En cinq ans – elles se sont déjà produites ici même en 2019 – les « jumelles » ont évolué pour le mieux et le prouvent aujourd’hui encore.
Je file ensuite sous Altar où Karras remplace au pied levé Caliban. Comme me le dit un collègue photographe, à défaut de shooter Yann avec Mass Hysteria, on peut le photographier avec Karras, on fait donc du « Mass Karras »! Ce n’est pas le genre de la maison et le trio défonce tout pendant les 45′ qui lui sont allouées, entrainant avec lui un public aux anges.
Nous étions quelques uns à attendre avec impatience le passage des soeurs Wilson à Clisson… Et quelques uns à regretter que Heart annule sa venue. Alors, OK, Blues Pills est une valeur sure mais ne saurait remplacer les Américaines. Pourtant, comme toujours, les Suédois, menés par la toujours énergique Elin Larson, proposent un heavy rock groovy à souhaits qui, là encore, emporte le public dans un tourbillons dansant, sous le soleil qui plus est!
Il reste quelques interview à faire, et la journée avance… Je prend enfin le temps d’aller faire un tour au Metal market pour y discuter de nouveau avec Saad Jones, l’écrivain m’annonçant s’attaquer enfin à son quatrième roman. un peu de lecture pour 2025? Espérons le. Je fini par quelques emplettes et file ensuite shooter ce qui sera mon dernier groupe de cette édition: Rival Sons, là encore très attendu par le public. Si les regards se portent comme toujours sur Jay Buchanan, chanteur aux pieds nus à la voix d’or, et son complice guitariste Scott Holiday, c’est un groupe tout sauf rival qui joue ce soir. Si certains ont fait part de leur étonnement quant au choix de faire jouer Rival Sons sur la Valley, les Américains assurent cependant ici une tête d’affiche remarquable. Auraient-ils cependant fait aussi bien sur une Main Stage? Pas sûr, alors prenons ici ce qu’il y a de bon, et de meilleur à prendre.
Alors que je me dirige tranquillement vers la sortie, je saisi quelques instants de Foo Fighters . Pas assez cependant pour me faire une idée, suffisamment toutefois pour sentir le groupe délivrer un set propre et directement rock. Mais il est temps pour moi de reprendre la route. Alors que je chemine en direction de la voiture, je repasse dans mon esprit les instants forts de cette édition 2024 et les points à améliorer… Si l’ambiance générale a changé, pas forcément en mieux, j’ai pu passer beaucoup plus de temps avec les copains du monde entier – France, Espagne, Australie, Angleterre… – que d’habitude et faire de belles rencontres. Mais une fois encore, les kilomètres parcourus sont usant, et la dernière journée s’est avérée plus difficile que les années précédentes. Mais, une fois encore, le Hellfest, c’est aussi ça. Alors que les places de l’édition 2025 sont déjà parties, attendons maintenant les premières annonces pour la prochaine édition qui se tiendra du 19 au 22 juin 2025 – et dont l’ensemble des pass 4 jours ont, en ce 9 juillet, trouvé preneurs en moins de… 90′. Le Hellfest aligne décidément record sur record!
Le Heavy Week End… Une affiche de rêve que nous propose Gérard Drouot Productions une semaine avant le grand pèlerinage annuel des métalleux de l’autre coté de la France. Un festival qui se veut plus soft, et bien moins éreintant puisqu’on nous promet que le Zénith de Nancy n’aura qu’une seule scène, permettant ainsi au public de pouvoir profiter pleinement de chacun des 11 concerts de ce week end.
Contrairement à nombre de Zéniths de France, celui de Nancy présente la particularité d’être modulable. Ainsi, en retournant la scène, une ouverture à son arrière permet d’accueillir, en configuration mixte (gradins et fosse) environ 15.000 personnes dans un véritable écrin de verdure. Le Heavy Week End se veut ainsi un festival à taille humaine. Las, a peine trois semaines avant le coup d’envoi, de nombreuses places restent libres. La conjonction prix du billet – un peu cher, 111€ le jour en fosse – et le Hellfest la semaine suivante a sans doute freiné les potentiels festivaliers. Résultat, GDP annonce, le 10 juin, un nouveau tarif exceptionnel en fosse de… seulement 21€ par jour, ce ci « pour fêter l’été ». Une réduction de 80% qui vise, naturellement, à la remplir, cette fosse, mais un nouveau tarif qui pourrait aussi, on peut aisément l’imaginer, faire bondir ceux qui ont acheté leur(s) place(s) au prix fort. Sera-ce suffisant pour attirer plus de monde et éviter que les géants du métal ne jouent face à un parterre vide? La promotion disparait cependant rapidement, une opération éclair qui n’a sans doute pas assez duré.
Après une longue route sous une pluie battante – la météo annonce cependant des accalmies- c’est le soleil qui accueille notre arrivée à Nancy. Le temps de poser mes affaires, et me voici parti en direction du Zénith. La route est limitée à une voie, ce qui rend la circulation dense mais également fluide. L’accès aux parkings est aisé.
J’ai le plaisir de retrouver bon nombre de copains d’un peu partout, dont certains que je n’ai pas vus depuis des lustres. L’ambiance générale est détendue tant au niveau du public que chez les autres intervenants – ou presque. Mais c’est sous un ciel grisonnant, devant un parterre dégarni et des gradins encore peu remplis que les New Yorkais de The Last Internationale investissent la scène. Nous avions pu découvrir le groupe lors de son passage au Hellfest en 2022 et la prestation avait emballé le public. Las, ce groupe fondé par la chanteuse Delila Paz et le guitariste Edgey Pires il y a maintenant plus de 15 ans va avoir le plu sgrand mal à dynamiser un public épars et peu réactif malgré les remarques qu’égrène Delila (faisant référence à Tom Morello qui dit que « ça n’a pas besoin d’être bruyant pour être heavy » ajoutant « mais ce serait bien que vous fassiez plus de bruit quand même » ou encore « c’est le festival le plus calme que je connaisse »…) Même quand Delila évoque Nina Simone, la gigantesque chanteuse de jazz américaine, elle ne reçoit que quelques retours polis… Et pourtant, la brune chanteuse possède une voix suave et puissante…
Pas encourageant comme attitude, mais il en faut plus pour décourager le groupe qui affiche son humeur du moment – un drapeau palestinien sur le côté de la scène et la peau de grosse caisse flanquée d’un Cease fire en lettres capitales. Pour terminer le concert, Delila se saisit de la basse tandis que son bassiste s’installe aux claviers pour une fin simplement rock et énergique. Une mise en bouche sympathique maisun public pas encore très chaud.
On passe à la vitese supérieure avec Extreme, que je n’ai pas vu depuis des lustres. Comme une première fois en somme. Et le message est clair à peine Gary Cherone monte-t-il sur scène: on va avoir droit à du show tant le chanteur se tord tel un Gary latex! Clairement, on change de registre et le festival monte en puissance devant un public plus dense sinon imposant.
Le fond de scène est explicite: l’illustration de la pochette du mythique Pornograffitti indique que le groupe souhaite mettre en avant son album le plus connu. Et ça démarre avec la triplette It(‘s a) monster et Decadence dance suivi de Kid ego issu du premier album des Américains.
Nuno Bettencourt est aussi bavard que démonstratif – sans frime aucune – alignant ses riffs et soli avec une diabolique précision, Pat Badger (basse) s’appliquant sous son Stettson tandis que, plus discret, Kevin Figueiredo martèle ses futs tenant la structure.
Le public n’a d’yeux pourtant que pour la paire Cherone/Bettencourt qui se donnent comme de beaux diables, ne laissant aucun instant de répit au public (sauf un moment moins intense sur , avec qui les deux communiquent beaucoup. Après Hole hearted, Nuno annonce que voici son « moment préféré du concert: je vais pouvoir m’asseoir! Et quand tu arrives à 58 ans, s’asseoir c’est aussi bon qu’un orgasme! » Il attaque alors un impressionnant solo à l’issue duquel il est rejoint par Gary Cherone qui annonce avec gravité: « je sais que c’est sensé être un concert heavy, mais le monde a aussi besoin d’amour » pour entamer More than words que le public connait par cœur. Les téléphone se lèvent pour immortaliser l’instant et, devant moi, j’aperçois Matthieu Drouot qui filme aussi, se tournant pour capter tout le public mais… Je crois apercevoir un regard interpellé. Rapidement, l’organisation décide de faire tomber le barriérage invitant le public assis à investir la fosse, ce qu’il ne se fait pas répéter.
Cherone rappelle au public qu’ils sont en mode « festival », avec un show écourté, souhaitant cependant pouvoir revenir rapidement avec un show complet. Extreme termine son show avec l’incontournable Get the funk out et un extrait du tout récent Rise. Voila la machine Heavy week end lancée, et la suite promet d’aêtre tout aussi belle.
Ceux qui ont pu voir Scorpions ces dernières années savent que le groupe est en forme. Les Allemands sont de retour pour célébrer les quarantième anniversaire de Love at first sting, alors on sait déjà qu’on va avoir droit à une setlist de rêves.
Un nuage de fumée envahi l’espace scénique, pendant que les premières mesures de Coming home ne se fassent entendre alors que la scène est encore vide. Dans la fumée, côté cour, apparait un Klaus Meine hésitant, qui a du mal a marcher. Il rejoint le centre de la scène avant que ne déboulent avec énergie ses compères.
Après Gas in the tank, seul extrait du dernier album, Rock beleiver, Scorpions nous assène une collections de hits et de raretés (dont Crossfire, interprété pour la première fois sur toutes les dates de cette tournée ou The same thrill jamais interprété depuis 1984!).
Les lumières sont au top, les illustrations qui animent l’écran de fond de scène superbes, et les instrumentistes sont vraiment en forme, Rudolf Schenker et Matthias Jabs investissant généreusement l’avant scène.
Seul Klaus, s’il est en voix, confirme avoir pris un coup de vieux. S’agrippant au pied de micro, il se déplace lentement et, lorsqu’il s’adresse au public la voix chevrotante, il semble avoir besoin du soutien de son pied de micro, ne balançant plus – heureusement! – des baguettes par forêts entières.
La foule compacte – on remarque ce soir que même les gradins sont désormais bien fournis, bien qu’on circule aisément – est toutefois à fond derrière ses héros légendaires acclamant aussi bien les classiques que sont Make it real, The zoo, Bad boys running wild que les attendues ballades Delicate dance, Send me an angel ou la nouvelle version de l’incontournable Wind of change dont le premier couplet a été modifié, ne parlant plus de la Moscova pour dénoncer l’agression russe envers l’Ukraine.
Après The same thrill, Mikkey Dee nous assène un monstrueux solo de batterie d’une bonne dizaine de minutes qui, bien que totalement intégré à Scorpions, évoque, par le biais du juke box projeté, son glorieux passé avec Motörhead avant que Rudolf ne redéboule armé de sa guitare à fumée pour un Blackout (seul extrait de l’album éponyme) suivi de Big city nights, doublette annonciatrice de l’approche de la fin du concert.
Etonnamment, le pubic commence à quitter les lieux lorsque le groupe quitte la scène avant de revenir pour un – court – rappel. Ben oui, il manque un titre quand même… Scorpions revient pour le très attendu et incontournable Still loving you qui voit, comme toujours, les couples s’enlacer, avant une superbe interprétation de l’explosif Rock you like a hurricane venant conclure un superbe concert. Nos héros vieillissants ont encore des choses à dire, alors profitons en.
Au final, malgré une faible fréquentation globale – le public a miraculeusement grossi pour le concert de Scorpions – cette première journée a rempli toutes ses promesses. Celles d’un festival convivial, à taille humaine et permettant surtout, c’est bien le principal, de pouvoir assister à l’ensemble des concerts dans leur intégralité. Vivement demain!
Merci à Anne-Lyse Rieu et Nicolas Le Bouedec (Gérard Drout Productions) et Olivier Garnier d’avoir rendu ce live report possible.
Interview RED MOURNING. Entretien le 31 mai 2024 avec JC (chant) et Seb (basse)
Red Mourning revient deux ans après Flowers and feathers avec ce nouvel album, Acoustic. Avant que nous n’en parlions, que s’est-il passé ces deux dernières années, comment avez-vous défendu votre précédent album sur scène ?
JC : Ce cinquième album électrique, metal a été un gros jalon dans la vie du groupe. Il y a eu les concerts, le Hellfest, des clips… C’était vraiment une super réussite pour le groupe. Derrière ça, on a développé notre facette acoustique. Sur Flowers and feathers, il y avait des morceaux entièrement acoustiques et on s’est décidé à se lancer dans ce filon qui nous plaisait. On a sorti un Ep de 5 titres acoustiques, et on a décidé d’aller au bout de l’exercice. On adore cette possibilité de nous exprimer comme ça, donc on est allés au bout de cette envie.
Flowers and feathers a reçu un accueil important, tu viens de le rappeler. Pourquoi avoir voulu sortir cet album acoustique maintenant ? Vous aviez besoin de vous ressourcer, de retourner vers vos racines blues et les faire sortir du bayou ?
Seb : Non, il n’y avait pas de volonté absolue de sortir un album acoustique, mais, comme le disais JC, on a sorti un Ep, juste avant Flowers and feathers, il n’est sorti qu’en streaming. On était plutôt contents du résultat et on trouvait qu’il n’était peut-être pas suffisamment mis en valeur. On a décidé d’enregistrer 5 titres supplémentaires qu’on allait rajouter à cet Ep pour avoir un album complet. Ce qui s’apparentait jusque-là à une sorte de parenthèses dans la carrière du groupe est devenu un album à part entière, aussi importante que les autres albums. C’est une phase de Red Mourning qu’on a poussée un peu plus loin comme on avait pu le faire sur d’autres aspects sur les albums précédents, en termes de prod, par exemple. La démarche est toujours la même, il y a une volonté de nous dépasser artistiquement et de donner un sens un peu inattendu à la démarche finale.
De surprendre le public. Il s’agit en fait de deux Ep que vous avez réunis…
Seb : Disons qu’on a élargi l’Ep précédent. On n’a pas sorti un deuxième Ep, on a complété le précédent. Mais, comme je te le disais, à part le streaming et quelques plateformes, il n’avait aucune visibilité. Là, on l’a sorti en physique, un vrai CD qui le met à égalité avec les autres albums du groupe.
Comment avez-vous sélectionné les titres que vous avez repris ?
Seb : C’est le fruit de différents tests, d’essais, de pertinence par rapport au résultat en acoustique. Par exemple, Come to bury : il y a eu plusieurs versions proposées par différents membres du groupe avec des réussites plus ou moins heureuses. En fonction de ce qui était proposé et des résultats, on sélectionnait ce qui nous plaisait. Le fil conducteur, c’était de faire des morceaux suffisamment originaux et indépendant de leurs sources électriques pour en faire de vraies entités qui soient écoutées telle quelle, sans forcément faire référence à la version électrique. Si tu ne connais pas le groupe, tu peux très bien supporter de les écouter et même les apprécier.
J’aime bien le terme de « supporter » … JC, tu as quelque chose à rajouter ?
JC : Il y a le fait de surprendre le public, mais c’est aussi plus la volonté de notre part d’explorer d’autres choses, de nous challenger, de garder des bols d’air frais en faisant de nouvelles choses, des choses originales, nous réinventer plus que de dire qu’on va surprendre le public ou lui plaire. On est très content de trouver des gens qui aiment ce qu’on fait, mais on le fait avant tout pour nous. Si quelque chose ne marche pas pour nous, on le met de côté.
Tu as retravaillé ta voix aussi, JC, elle est beaucoup moins agressive, beaucoup plus blues. As-tu dû fournir un travail vocal particulier ?
JC : C’est sûr que c’est une manière de chanter totalement différente. On a travaillé en studio avec Francis Caste qui nous aide beaucoup, sur chacun de nos albums, et qui m’a beaucoup guidé et poussé à découvrir une façon de chanter que je n’avais jamais utilisée. Il me disait de moins forcer, de mettre moins de grain, de chanter moins fort… et c’est vers ça qu’on s’est orientés. Je lui suis reconnaissant parce que c’est vraiment ce que je trouve beau, et c’est une vraie nouveauté dans ma manière de chanter.
Il y a beaucoup d’émotion dans ce que tu dis !
JC : Oui, mais une émotion contenue, par petites touches, avec moins de lâcher prise. Ou un lâcher prise différent, parce que quand on hurle dans le micro, on a certaines habitudes, on peut tout lâcher, tandis que là, c’est totalement différent.
Il y a une fidélité au producteur, Francis Caste, mais également au label, Bad Reputation…
JC : Oui, on est toujours avec le même label. Eric (Coubard, responsable du label) nous est fidèles, on lui est fidèle aussi. C’est comme ça qu’on envisage la musique : la vie du groupe, c’est des collaborations avec des gens de confiance, on a aussi croisé tout un tas de gens pas forcément recommandables qu’on a abandonnés au fil des années. On bosse avec des gens qu’on aime bien et qui bossent bien…
En gros, On ne change pas une équipe qui gagne.
Ensemble : C’est ça.
JC : Et de gens humains, des gens sympas, aussi.
Un groupe de rock, c’est aussi la scène. Comment envisagez-vous de défendre ces nouvelles versions tout en en proposant des versions plus rugueuses ?
Seb : En fait, ça fait déjà deux ans qu’on travaille le versant acoustique du groupe sur scène. On a fait pas mal de concerts, dont une grosse dizaine de concerts acoustiques. On a bossé notre son, on a accordé nos instruments un peu différemment, et on arrive à quelque chose d’assez concluant. On a fait une date pour la release party au Hellfest corner qui était plutôt concluante. Jusque-là, on était dans un processus amélioratif et là on est assez satisfaits de notre prestation. On va enchainer pas mal de dates qui nous permettront de pousser encore plus loin : plus d’émotion, la voix de JC, le feeling dans les cordes et les perçus…
Est-ce que, sur scène, vous vous dites parfois que tel morceau ne fonctionne pas aussi bien que ce que vous aviez prévu et vous le retirez de votre setlist ?
Seb : Oui, bien sûr. On s’y est accoutumés au fil des années, c’est un échange avec le public et avec nous-mêmes. On se rend bien compte s’il y a des choses qui marchent ou pas. On retente, parfois on réadapte et là, pour l’acoustique, c’est pareil : il y a des morceaux qu’on a déjà écartés et d’autres qu’on met plu sen avant. On va continuer de le faire à l’avenir. La dynamique humaine d’un concert acoustique n’est pas du tout la même que celle d’un concert metal. Le rythme est différent, on peut faire des pauses et papoter… C’est comme le reste, on est tout le temps en train d’expérimenter, de découvrir de nouvelles choses, d’apprendre…
Même si cet album acoustique ne représente qu’une parenthèse dans la vie du groupe, si vous deviez, chacun, ne retenir qu’un seul titre d’Acoustic pour expliquer ce qu’est Red Mourningaujourd’hui, ce serait lequel ?
JC : J’ai mon idée… Il y a un titre que j’adore, c’est White line. J’adorais la version électrique, mais je trouve cette version acoustique très réussie. Je trouve que c’est très relativement original d’un point de vue instrumental, il y a les guitares, l’harmonica et beaucoup d’émotion.
Seb : Moi, je dirai Come to bury parce que c’est un titre qui figurait sur le premier album et c’est un morceau, en électrique, relativement sauvage, qui ne baisse pas d’intensité du début à la fin. Ce qu’on en a fait en acoustique est tout aussi intense mais avec un versant totalement différent, avec un ajout de clarinette, et c’est assez inattendu. C’est un morceau qui fonctionne très bien sur album et en live. Il y a un mariage d’harmonies vocales qui lui rend vraiment justice. Je ne sais pas laquelle des deux versions est la plus intense…
Un groupe de rock, on le sait, ne vit que très rarement de sa musique. Quelles sont vos activités dans vos autres vies ?
JC : Je vais commencer par la blague : dans le groupe, il y a un acousticien. C’est Aurélien, notre batteur.
Seb : Il y a un coach sportif, Alexandre, notre guitariste, un électricien, JC, et moi, infirmier en psychiatrie.
Des métiers assez variés…
JC : Oui, mais c’est ce qui nous permet d’assurer un minimum de finance dans ce projet assez couteux en temps, en énergie et financièrement. C’est pas avec ce que Red Mourning nous rapporte qu’on pourrait ne pas bosser…
Question classique, JC, tu y as déjà eu droit : quelle pourrait être la devise de Red Mourning ?
JC : Euh… pour vivre heureux vivons cachés ? Non, c’est ma devise personnelle. Pour le groupe, il y a une recette pour la longévité du groupe, c’est qu’on se dit franchement les choses. En devise, on pourrait dire Pour vivre heureux, disons les choses.
C’est à peu près ce que tu me disais il y a deux ans : Soyons fidèles à nous-mêmes… C’est dans le même ordre d’idées.
JC : Oui, c’est vrai, et c’est ce qui fait qu’on fait quelque chose d’un peu différent.
Seb : Pour moi, « le roseau plie mais ne casse pas » !
Souhaitez-vous ajouter quelque chose à ajouter pour terminer ?
JC : Soutenez l’Ukraine !
Je ne sais pas si on a la solution, maintenant, si tu vas sur le site, tu verras que le logo est aux couleurs de l’Ukraine.
JC : Ah super ! Merci pour eux. Je ne suis pas Ukrainien, mais il faut les soutenir.
Interview ORKHYS. Entretien avec Jean-Yves Châteaux (batterie) le 6 juin 2024.
Jean-Yves, la dernière fois que nous nous sommes vus, c’était pour votre concert au Dropkick d’Orléans. Depuis, vous avez publié Legends, votre nouvel album. Quels sont les premiers retours que vous avez eus ?
Il est sorti le 26 avril. Pour l’instant, les retours sont plutôt positifs. On a eu une chronique d’une personne qui n’a pas trouvé ça bien, il en faut aussi. D’ailleurs, c’est une chronique qu’on a partagée parce qu’on est preneurs de tout ce qui est constructif. Dans l’ensemble, ça a été bien perçu, il se vend plutôt bien. On essaie de le défendre sur scène et ça marche plutôt bien aussi (NdMP : depuis, deux dates ont été annulées indépendamment de la volonté du groupe). Le merch n’est pas encore fait – on n’a pas encore trouvé le graphisme qu’on souhaite, mais ça ne va pas tarder.
C’est un album qui s’appelle Legends et qui contient 9 titres. Quelles sont-elles, ces légendes et qu’est-ce qui vous a poussés à faire un album autour de ces légendes ?
Il y en a plusieurs… En fait, Brice (guitares) s’occupe des compositions et nous soumet les morceaux. Quand il nous les soumet, on les écoute plein de fois pour voir ce que ça nous inspire. Là, Laurène, notre chanteuse qui s’occupe des textes, a proposé ces thèmes-là. On a tous trouvé que ça collait bien à la musique et on a gardé toutes ces thématiques.
Laurène est allée chercher ces légendes pas toutes très connues où ?
Elle est bretonne d’origine, avec une culture celte assez forte, culture qu’on retrouve dans la plupart des morceaux, à part le Draugar qui lui vient de chez les vikings. Ce personnage viking, on le retrouve dans une grande série qu’on a vue il n’y a pas longtemps dans laquelle on parle des marcheurs blancs (NdMP : il s’agit bien sûr de Game of thrones)
Avez-vous changé votre façon de travailler sur cet album, notamment parce que vous avez accueilli un membre supplémentaire : Henri, second guitariste.
On n’a pas fondamentalement chané la façon de travailler. Le seul truc que la présence d’un nouveau guitariste, dans la préparation de l’enregistrement, il a fallu que les deux guitaristes se mettent d’accord entre eux pour savoir exactement qui fait quoi. Brice se sent beaucoup plus confortable sur de la rythmique et Henri se sent mieux en lead. Donc la façon de s’organiser est venue assez spontanément. A part ça, le mode de travail est resté le même : Brice se charge des compositions, chacun échange et propose de changer des choses lorsqu’il pense que c’est nécessaire, la chanteuse définit les thèmes et les textes, et ensuite, on met tout ça dans le même bol pour voir ce qui se passe quand on mélange tout ça. Au fil des petits arrangements, on va enregistrer pour proposer ce qui, on l’espère, va vous plaire.
Brice s’occupe de la grande majorité des compositions. Orkhys présente aussi la particularité d’avoir une harpe. Comment ces arrangements sont-ils envisagés ? Brice pense-t-il d’office aux passages de harpe, Laurène propose-t-elle de l’inclure à tel ou tel moment ou est-ce un travail de groupe ?
Brice s’occupe de 99% des compositions, et il inclut aussi la harpe quand il pense que ça sert le morceau. Il cherche à construire quelque chose et si dans un morceau il y a besoin de la harpe, il compose la ligne de harpe. Parfois, il propose des choses qui sont difficilement jouables à moins d’avoir douze bras et, à ce moment-là, il y a une refonte de ces passages pour que ça fonctionne. Le principe de composition c’est ça : il compose des morceaux, nous les soumets et nous, on fait des propositions de changement si on estime que c’est nécessaire ou techniquement impossible à jouer. On part de là pour voir comment on va structurer les textes et la structure de l’album.
A part l’arrivée de Henri, le second guitariste, il y a une autre différence avec le premier album : vous avez inclus un titre en français. Pourquoi ce choix ?
Laurène, quand on préparait ce morceau, elle a senti que, sur ce morceau, c’est le chant en français qu’il devait y avoir. Au niveau de la prononciation de la langue, de son rythme, de ses sonorités, c’est ce qui collait, ce qu’elle percevait. Et je trouve que sa perception était juste, ça fonctionne bien.
Vous avez testé en anglais ?
Non, parce qu’on sentait que ça ne s’y prêtait pas du tout.
Comment analyserais-tu l’évolution d’Orkhys entre vos deux albums ?
Je pense que nous avons progressé au niveau précision et de la maturité des compositions. On a plus facilement trouvé notre place, et notre rôle dans la structure. On a su tirer des enseignements de ce qu’on considérait être des petits travers, des petites erreurs sur le premier album. Ça n’est peut-être rien pour quelqu’un qui écoute l’album, mais nous, on se dit « ah, oui, il y a ce truc qu’on aurait pu faire comme ça. » Alors on a retravaillé tous ces éléments sur le nouvel album pour qu’on ne retrouve pas ces mêmes erreurs dans nos interprétations.
Ce qui a aussi permis une meilleure cohésion de groupe. Quel a été l’apport d’Henri ? Pour l’avoir vu sur scène, j’ai l’impression qu’il a une sacrée personnalité aussi !
(Rires) Ah, oui, oui ! Quand il est sur scène, il prend de la place ! Mais son jeu, qui vient surtout du death et du thrash, a permis de construire des riffs et des structures dans ces styles. Il y a un peu plus de passages black ou thrash qui n’étaient pas présents sur le disque précédent.
Le côté sombre se retrouve également sur les illustrations de vos pochettes très monochromes et sombres. J’imagine qu’il y a un choix artistique également ?
On était parti d’une page blanche… Brice avait gribouillé un arbre sur la gauche, un lac au milieu avec ce qui avait l’air de ressembler à une forme de cheval mais on n’était pas trop sûrs… On s’est dit qu’on n’allait pas mettre ça directement sur la pochette et on l’a confié à quelqu’un qui savait faire du dessin. Je pense que le résultat correspond à ce qu’on voulait : une pochette sur laquelle il y a plein de petits indices au sujet des légendes qu’on va raconter. 2Videmment, il y a les deux indices principaux au milieu de la pochette, c’est dur de les louper ! Mais il y en a d’autres sur les côtés. On avait même posté un truc sur Facebook où on disait que ceux qui trouverait tous les indices, on leur filait un disque. Personne n’a tout trouvé ! Il y a eu des personnes très proches… mais pas suffisamment.
C’est un album qui contient 9 titres. Si tu devais n’en retenir qu’un seul pour expliquer ce qu’est Orkhys aujourd’hui, ce serait lequel ?
Oh, la, la ! C’est très, très difficile…
C’est pas marrant de n’avoir que des questions faciles…
Ah… si, c’est mieux (rires) ! Je pense que je choisirai le dernier morceau, The infernal Kelpie, parce qu’il commence très gentiment, comme une ballade, et, tranquillement, il fini par s’énerver. Il y a de la harpe, quelques orchestrations, des parties plus énervées, un peu de black, un peu de thrash… C’est un mix relativement soft qui peut plaire à pas mal de monde. Et surtout, il y a dans ce morceau un des contrastes que je trouve vraiment trop bien : le chant est extrêmement doux, posé, calme, et quand on lit le texte, il n’y a que des horreurs (rires) !
On sait bien que, aujourd’hui, un groupe de rock, qui plus est de metal, en France vit très rarement de sa musique. Quelles sont vos autres activités, hors Orkhys ?
A part Laurène qui est prof de chant, prof de harpe et qui vit de la musique, tous les autres avons un job. Je fais le job extrêmement passionnant de responsable informatique. Ça fait maintenant 42 ans que j’use des claviers, et j’en ai un peu marre… Je réfèrerai faire de la musique à temps plein… Brice, lui, travaille pour une petite boutique qu’est la RATP en tant que, je crois, responsable de chantier. Henri, lui switche de job et je ne sais pas trop ce qu’il fait en ce moment, mais ça ne lui plait pas. Julien, notre bassiste est ingénieur dans une entreprise qui fabrique des machines qui servent à faire des prises de mesures.
Si tu devais maintenant penser à une devise pour Orkhys, ce serait quoi ?
Euh… « Libre quoiqu’il en coûte ». C’est d’ailleurs le thème du premier titre de l’album.
As-tu quelque chose à rajouter avant de terminer ?
Je vais dire ce que je dis souvent et que j’estime qu’on ne dit pas assez : je remercie tous les gens qui sont présents lors des concerts, qui achètent nos CD, du merch, qui parlent de nous… Sans eux, on ne serait pas là, et on leur doit le fait d’être là. Donc, oui, c’est normal de les remercier, ainsi que tous ceux qui, comme toi, prennent le temps d’échanger avec nous sur une journée comme aujourd’hui.
On prend aussi du temps sans doute parce qu’on apprécie aussi ce que vous faites…
Oui, mais ce n’est pas un dû, et ça ne coûte rien de dire « merci ».