TAGADA JONES: Trnt – best of 1993-2023

France, Rock/Hardcore (At(h)ome, 2024)

Que de chemin parcouru par les Bretons en trois décennies! De confidentiel, à force de tournées, d’albums toujours de meilleure qualité, d’un engagement clairement revendiqué doublé d’un esprit festif, de concerts explosifs et fédérateurs, Tagada Jones le quatuor punk/hardcore est devenu une des valeurs sûres du rock énervé français. pour fêter ça, nous en parlions il y a peu avec Fred Duquesne, producteur (et guitariste de Mass Hysteria), Tagada Jones a décidé de réenregistrer certains de ses titres les plus emblématiques. Ce Trnt – best of 1993-2023, est un rapide résumé de la carrière de Niko et ses comparses qui permettra aux plus anciens fans d’avoir une relecture de ces chansons et aux plus jeunes de mieux connaitre ce passé qui a mené les Rennais là où ils sont aujourd’hui. Si les albums les plus récents sont mis en avant (plusieurs extraits de La peste et le cholera et A feu et à sang), certains, sans doute plus « obscurs » et moins populaires, manquent à l’appel, mais peu importe. Car en revisitant, parfois accompagné des Bidons de l’An Fer (Le dernier baril, Vendredi 13, Nation to nation, Mort aux cons), chacun des 15 morceaux prend une autre dimension, dégageant tout autant de puissance et d’énergie. Si c’est la set-list qui nous attend lors de la tournée à venir, ça va dépoter et pogoter grave! Tagada Jones est aujourd’hui un des piliers incontournables du Rock français, et ce Trnt – best of 1993-2023 est là pour nous le rappeler. Superbe.

PRINCESSES LEYA: Big bang therapy

France, Rock (At(h)ome, 2023)

Deux ans après L’histoire sans fond, les Princesses Leya reviennent avec Big Bang therapy. Reprenant le principe de son délirant précédent album, le quatuor nous délivre un mélange de morceaux variés et de sketches théâtralisés. Cette fois, les Princesses doivent sauver l’humanité… C’est la mission qui leur est confiée par une entité extra-terrestre. Pour ce faire, on croise, au gré des titres, un Kangourou garou un peu dealer, un Spider cochon qui n’a rien demandé, des Simpson revisités, on parle de l’ignorance (Analfabet), de la solitude du métrosexuel (Baise tout seul), l’arrogance des complotistes de tous horizons… Des textes toujours drôles et travaillés au couteau (cette définition des marginaux!) sur fond musical varié. Car, oui, les 4 sont de redoutables instrumentistes et le démontrent avec des chansons qui puisent naturellement dans le metal sous de nombreuses formes mais explorent également la musique latino popularisée par manu Chao (Sèvres-Babylone), la musique de clubs de vacances (Jojoba), le disco (Vasectomie), le punk indé français des années 80/90 (Complotriste)… Si on peu trouver un moment un peu moins enlevé à mi parcours, l’ensemble reste plus que bien fait, entrainant et, surtout, fait s’afficher un large sourire sur le visage de l’auditeur. Et derrière ce sourire, quand on se penche sur les thématiques abordées, il est clair que les Princesses Leya on un message très sociétal, voire engagé, à faire passer. Un vrai bon moment de détente qu’on espère bientôt retrouver sur les routes!

DROPDEAD CHAOS: Underneath the sound

France, Metal (At(h)ome, 2023)

Né en pleine crise sanitaire, en 2020, donc, pour ceux qui ont la mémoire courte ou défaillante… – Dropdead Chaos est un collectif dont les membres sont issus de formations aussi diverses que Trepalium, les Tambours du Bronx, Smash Hit Combo, Betraying The Martyrs ou encore Black Bomb Ä. Du lourd et du direct, donc, mais aussi des influences variées qui vont du hardcore/post hardcore à l’électro en passant par des sonorités tribales, certaines hip hop et d’autres purement heavy avec un trait d’union: le groove du punk festif made in USA. Avec son premier album, Dropdead Chaos se place directement dans la cour des grands. Underneath the sound – et son illustration qui m’évoque le superbe roman de John Grisham, L’allée des sycomores – est un condensé de puissance, d’efficacité et de rage sur fond sonore invitant à faire la fête. Car, oui, si l’énergie et le beat sont omni présents, si Renato se permet d’exploser ses cordes vocales, si les rythmiques de Jacou (passé de la batterie à la basse, semble-t-il), si… bref, tout ici est réuni pour proposer une variété qui se fait rapidement bien plus qu’attirante. On retrouve même ci-et-là quelques traces de Red Hot Chilli Peppers qui aurait fornicoté avec Linkin Park. Dropdead Chaos nous offre un premier album simplement brillant. Varié, puissant, différent et unique à la fois, un de ces albums qui n’hésite pas à lier hip hop et metal, rage et beat, des univers finalement pas si éloignés. Et quand on parvient à ce résultat, l’excellence n’est jamais loin.

BUKOWSKI

France, Metal (At(h)ome, 2022)

Il aura fallu 4 ans à Bukowski pour donner un successeur à Strangers, son précédent album paru en 2018. certes, la pandémie est passée par là mais elle a su offrir plus de temps de réflexion et de composition à nombre de musiciens. Cette période de « pause forcée » aura surtout permis au groupe consolider son line-up avec l’intégration, en 2019, de Romain Sauvageon à la batterie. Mais le 16 octobre 2021, le petit monde du rock apprend la disparition brutale de Julien Dottel, bassiste et co-fondateur du groupe – avec son frère Matthieu (chant et guitare). Forcément, la sortie un an plus tard, le 23 septembre 2022 de ce nouvel album prend une autre tournure. Une pochette noire avec un crayonné représentant Julien les bras croisés (le tatouage « Buko » sur son cou ne laisse aucune place au doute), une couronne sur la tête, un album portant le seul nom du groupe lui donnant ainsi une tonalité tant d’hommage que de nouveau départ, ce qu’il est. Car Bukowski ne réinvente pas la musique du groupe, comme Crossroads, le premier extrait offert, le démontre. Ce titre est un hommage à Julien mais l’album ne sombre jamais dans la déprime. Au contraire, le rock de Bukowski est vivant et énergique, les 11 titres alternant entre rage et férocité, explorant parfois des horizons moins familiers, presque progressifs dans certaines constructions, et surprend même avec ce Arcus chanté dans la langue de Molière. Bukowski c’est l’album d’un nouveau départ tout en restant dans la continuité, et ça marche du tonnerre!

LOFOFORA: Vanités

Hardcore, France (At(h)ome, 2019)

Après un Simple appareil venu comme un moment d’accalmie, une parenthèse entre deux colères, Lofofora remet les potards au maximum et laisse exploser sa rage. Vanités pose une nouvelle fois un regard sévère et juste sur nos sociétés modernes au travers de 11 titres enragés. Reuno est au mieux de sa forme vocale et son engagement humain et humanitaire s’en ressent tout au long de ce disque coup de poing. Faut dire que ce que vit notre monde aujourd’hui a tout pour ne pas calmer sa colère ni freiner son inspiration. De l’économie aux migrations, de la politique aux égoïsmes de plus en plus individualistes, le chanteur à la voix rauque laisse exploser sa colère. Il n’est cependant pas seul, Daniel Descieux apportant son lot de riffs tranchants, hurlants et tout aussi explosifs tandis que la rythmique tenue par l’inchangeable bassiste Phil Curty et le batteur désormais bien en place Vincent Hernault tient en place l’ensemble avec une solide assurance. Vanités reste dans la veine de ce que Lofo sait si bien nous offrir et c’est ainsi qu’on les aime. Ne changez rien!

AQME: Requiem

France, Metal (At(h)ome, 2019)

Formé en 1999, Aqme nous offre un neuvième album studio avant de définitivement tirer sa révérence. Requiem est donc le chant du cygne d’un des fleurons de la scène hexagonale, un de ces groupes qui fit renaître l’espoir, baignant sa musique entre rock mélodique et brutalité directe. Il y a deux ans, pourtant, Aqme semblait vouloir, avec un album sans titre, repartir à zéro. Mais le message est clair: quand on chante dès l’introductif Entre les mains « il n’y a plus personne pour y croire », tout est dit. La rage de n’avoir pu devenir plus qu’un éternel espoir?  C’est, vous l’aurez compris, une étrange sensation que de rédiger quelques lignes au sujet de ce que l’on sait être la fin. Les titres, d’ailleurs, ne sont pas le fruit du hasard: Enfer, Un adieu, Illusion, Sous d’autres cieux… Tout est fait pour noyer l’espoir d’une possible survie.  Alternant entre groove et puissance, chant doux et enrager, Aqme signe ici ce qui sera sans doute retenu comme une de ses plus belles productions. Efficace de bout en bout, varié, ce disque sera défendu sur scène au cours d’une tournée au long cours, tournée d’adieu qui, sans nul doute, fera salle comble.

LES TAMBOURS DU BRONX: W.O.M.P

Metal, France (At(h)ome, 2018) – sorti: octobre 2018

Depuis leur naissance en 1987, les Tambours du Bronx (ce Bronx imageant leur quartier de cheminots de la Nièvre) n’ont eu de cesse d’avancer au son des rythmes créés de toutes pièces avec le matériel à portée de mains, et de pieds. Pour ce nouvel album, W.O.M.P, la formation s’adjoint les services d’un Frankie Constanza (ex-Dagoba et serial batteur par excellence notamment chez Blazing War Machine) et des chanteurs Reuno et Stephane Buriez (Lofofora et Loudblast) marquant ainsi un vrai virage vers le metal. Toujours expérimental, ce Weapons Of Mass Percussion explore en effet le metal le plus rugueux et y adjoint guitares et claviers en plus de textes engagés et enragés, en français (majoritairement) et en anglais. Malin, pour qui voudrait s’exporter tout autant que séduire à domicile. Puissants et directs, les 20 titres de cet album destructeur (au bon sens du terme) s’écoutent en tapant du pied. Superbe virage parfaitement négocié, W.O.M.P alliant expérimentation, musique industriel et metal rugueux 20 titres durant. Superbe!

LOFOFORA: Simple appareil

Rock, France (At(h)ome, 2018)

Simple appareil… Un titre qui évoque une mise à nu, et cette promesse venant de Lofofora, ça sonne plutôt bien. Une voix, une guitare, une rythmique simple… Lofofora a choisi de se livrer corps et âmes au travers de 11 morceaux dépouillés de tout artifice. Comme le dit Reuno dès l’introductif Les boites, le groupe a enlevé les doigts de la prise. Ce dépouillement n’ôte en rien la puissance des paroles et des rythmiques concoctées par le groupe qui prouve, une fois de plus, que peu importe l’interprétation, si une chanson est bonne, elle reste bonne! Reuno, dans ce fatras dépouillé de décibels explosifs, se met ici plus qu’à nu, il se met en danger, et c’est appréciables. Alors, bien sûr, ce simple appareil ne saurait être l’objet d’une tournée à lui seul, mais proposera à n’en pas douter des moments de répit au cœur de la fureur des shows de Lofo. Un interlude posé que propose un groupe qui n’a jamais renié son parcours. Un pari relevé même si certains fans seront déstabilisés par ces 11 morceaux envoûtants, au final.

AQME

Metal, France (At(h)ome, 2017)

Pour son nouvel album, annoncé un peu partout dès l’été dernier via affiches et pubs diverses, Aqme a décidé de remettre les compteurs à zéro avec un album sans titre. Comme un retour à la case départ, ce qui est étrange dans la mesure où il s’agit du second disque avec ce line-up: l’indéboulonnable duo des origine composé de la bassiste Charlotte Poiget et du batteur Etienne Sarthou (également responsable du son de ce disque), pour la seconde fois accompagnés du chanteur Vincent Peignart-Mancini et du guitariste Julien Hekking. Nouveau départ donc, pour lequel Aqme se fend d’un album superbement produit et surtout composé de 12 titres explosifs. Vocalement, Vincent a parfaitement trouvé sa place, entre rage et mélancolie. On s’amuse du choc lorsqu’il partage le micro avec Reuno (Lofofora) sur Rien ne nous arrêtera. Aqme a toujours su allier colère et groove, rage et crasse dans sa musique et franchit ici encore un nouveau pas. La variété fait plaisir à entendre: Aqme navigue entre lourdeur pachydermique et sombre mélancolie, heavy riffu et couillu et moments plus popisants. Bref, Aqme, en se renouvelant tout en restant lui-même, nous offre sans aucun doute un de ses meilleurs albums à se jour.

TAGADA JONES: La peste et le cholera

tagada jones 2017Hardcore, France (At(h)ome, 2017)

Plus de 20 ans que ça dure! Deux décennies que Tagada Jones sillonne la France à coup de rage et de coups de gueule. Engagé comme jamais, le monde actuel est source d’une inspiration et prétexte à une colère qui servent d’exutoire à Niko et sa bande. On y va, direct, franco, carré. On enrage devant la bêtise d’une humanité de plus en plus inexistante, face à un monde de plus en plus individualiste. La peste et le choléra, ce sont 12 nouvelle dénonciations et autant de constats affligés de notre monde. La guerre en Syrie, le réfugiés refoulés, la crétinerie humaine, tout y passe au son et aux textes des La peste et le choléra, Le monde tourne à l’envers, Narcissique, Pas de futur, Enfant des rues. Bien sûr, il est impossible de ne pas débuter avec un hymne à la mémoire des victimes du Batacla, des terrasses et du SDF, Vendredi 13 clamant haut et fort NOTRE liberté et soif de vivre. Partout, le riff est rageur, le chant enragé, et Tagada Jones affiche une forme exemplaire. L’état de la planète est une source intarissable pour les Bretons qui nous offrent une de leurs meilleures productions de ces dernières années. Un must  du hardcore punk qui va faire pogoter la France entière.

Note: 8,5/10