INNER AXIS: Midnight forces

Allemagne, Heavy metal (Fastball music, 2024)

Quelle surprise lorsque le facteur sonne chez moi pour me remettre, contre signature, ce pli carré et plat! Ca fait des années que je n’ai pas reçu un album vinyle… Inner Axis fut formé dans la ville de Kiel, en Allemagne, en 2008. Le groupe enregistre deux albums : Into the storm en 2011 et We live by the steel en 2017 et revient aujourd’hui avec un troisième album, Midnight forces. Tout au long des dix titres, le groupe évolue dans un registre heavy metal tendance power/epic metal. Si l’illustration de couverture évoque la SF de Blade Runner, le contenu musical est clairement inspiré de ce heavy metal épique allemand des années 90. Si je pense à Blind Guardian, la musique m’évoque également Iron Maiden ou, dans certains refrains fédérateurs, Night Ranger. Helloween également, dans une moindre mesure, me vient à l’esprit. Tout au long des 10 titres, les guitares fusent dans des riffs et des solis exemplaires, soutenus par une rythmique efficace. Seul le chant m’irite quelque peu, manquent de puissance et de détermination. Le reste, cependant, montre un groupe au top de son efficacité. Ok, on sourit parfois aux aspect totalement cliché du genre (le ton sur lequel est scandé « Cobra never dies » sur Strike of the cobra mais avec des « Cobra cobra cobra strike » hyper fédérateurs) et on se rend bientôt compte des thèmes qui ont inspiré Inner Axis: les grands classiques du cinéma d’aventure, de SF, d’épouvante et historique (Evil dead, Spartan war cry, Master and commander…) On remarque surtout ces solis d’une rare efficacité sur I am the storm, Midnight hunter heavy et enjoué, Burn with me… Inner Axis revient donc avec un album puissant et efficace et très bien produit. On peut espérer que le groupe trouve son public, mais faudra-t-il attendre encore 6 ans avant une suite?

KARKARA: All is dust

France, Rock psychédélique (Autoproduction, 2024)

Complètement allumé et déjanté! Entre l’illustration de la pochette, véritable invitation à entrer dans un univers psychédélique d’une époque révolue, les sons de laser de combats contre (ou avec?) les extra-terrestres, la plainte d’un éléphant qui se serait pris la trompe dans une porte qui grince et couine en se refermant, des évocations pas si lointaines d’un Hawkwind ou d’un Black Sabbath, des références à une époque hippie où la musique se composait et s’écoutait sous l’emprise de substances diverses, les Toulousains de Karkara nous entrainent tout au long de ce All is dust, dans un univers aussi envoûtant qu’hypnotique. Les 6 titres à rallonge et à tiroirs de ce troisième album sont pensés comme les différents chapitres d’une histoire et ne répondent à aucun code autre que celui de l’efficacité. Car malgré ces aspects en effet complétement déjantés, chaque son de cet album participe à la construction d’un univers à part. Même le chant, ici torturé, là mystique, ici encore perturbé, rien ne laisse de marbre. Karkara nous invite dans une épopée spatio-temporelle planante et grisante tout à le fois. Superbe!

SLAVES OF IMPERIUM:New waves of cynicism

France, Thrash/Black (M&O music, 2024)

Les esclaves de l’empire… Slaves Of Imperium est un groupe fondé en 2019 en Bretagne, entre Vannes et Lorient qui a déjà publié un premier album, Observe. Analyse. Sanitize. en 2022. Si ses influences vont de Machine Head à At The Gates, si le groupe propose des structures directes et dans ta face, des riffs ultra tranchants et efficaces, une rythmique qui martèle sa mère, il est impossible de ne pas faire le lien entre ce thrash/death et le Black metal d’un Behemoth ou d’autres dans de nombreux passage des vocaux. Ce chant, hargneux et déterminé, qui se fait parfois clair (Beating session, Aftermath, Equation of the void et plus) est étrangement, par instants, limite juste et proche de la rupture dans un esprit mélancolique et torturé. Slaves Of Imperium semble toutefois déterminé et son propos musical ne laisse guère de doute quant à ses intentions. C’est brutal, certes, certains soli évoquant surtout le heavy metal classique. Ceux qui me connaissent le savent, je suis loin d’être fan ultime de metal extrême. Pourtant, ici, serait-ce un bon signe?, je suis arrivé au bout de l’album sans envie d’interrompre son écoute. Même si ça bourrine sévère, il y a une variété de tempi et d’influence suffisamment vaste pour que que chacun puisse trouver ses marques et ses repères. SOI nous offre même une version acoustique du morceau titre de son premier album pour clore ce nouvel essai, cette version m’évoquant directement Solitude de Candlemass. Seul point de frustration: le livret indique les compositeur et auteur, mais on ne trouve rien, ni sur le dit livret, ni sur internet (FB, linktr.ee, site du label…) quant au line-up actuel… On est en France, hein…

BRUCE DICKINSON: The Mandrake project

Angleterre, Heavy metal (BMG, 2024)

The Mandrake project ou chronique d’un succès annoncé… Depuis des mois déjà, c’est toute la planète metal qui s’émeut à l’idée de la sortie du nouvel album solo de Bruce Dickinson. Une promo comme seuls les plus grandes stars – et le chanteur d’Iron Maiden fait incontestablement partie de ces privilégiés – peuvent se la permettre, une promo soigneusement pensée et faite pour exciter les foules. Un battage fait de pubs dans la presse, tournée des radios, rencontres avec les (« des », le nombre de rencontres étant limité) fans pour des séances de dédicaces, production d’une version collector pour l’occasion… Comme si la promo officielle ne suffisait pas, même les fans les plus hardcore s’y mettent, se faisant le relai du décompte avant la sortie, des résultats des ventes, des témoignages lors de ces rencontres organisées… Bref une promo jusqu’à l’overdose qui pose une question: il est où le loup? Car oui, avec autant de remue-ménage, on peut avoir des a priori quant au résultat final de cet album que les fans auront attendus près de 20 ans. Certes, son retour au sein du giron Maiden l’a plus qu’occupé, mais force est de reconnaitre, à l’écoute de cet album, que ça valait le coup d’attendre. Une nouvelle fois, Bruce collabore avec Roy Z, qui tient ici guitare et basse et avec qui il compose la plupart des titres. D’emblée, on comprend que Bruce cherche à s’éloigner de l’univers purement heavy metal de la vierge de fer. Il nous propose un album au relents cinématographiques avec des chansons taillées pour le 7 art. La variété des genres, allant du heavy rock au metal symphonique, voire à l’acoustique est rafraichissante et interpelle plus qu’à son tour. L’émotion mise en scène est palpable, et Dickinson module et varie ses intonations avec un bonheur qu’on ne trouve plus forcément dans son autre groupe, même si certains moments évoquent naturellement Maiden. The Mandrake project s’en distingue cependant largement au travers de cette œuvre impressionnante et plus que réussie. Alors oui, voici un disque qui méritait bien un peu de tapage et on attend maintenant de retrouver le légendaire chanteur sur scène – un Olympia puis un Hellfest en bien meilleure position que British Lion…

POLARYS: Cosmic singularity

France, Heavy metal (Autoproduction, 2024)

Les Parisiens de Polarys se font rares… Après The Va’adian chronicles, un premier album puisant dans la SF paru en 2013, après 2 singles sortis de temps à autres, le groupe revient avec ce Cosmic singularity, un simple EP de 5 titres… « Simple », mais les titres sont longs, touffus et vraiment travaillés. La superbe pochette (signée Slo) donne le ton: Polarys évolue dans cet univers SF et propose un metal épique, puissant et enjoué. Comme un message au public à reconquérir, Back to war introduit cette galette en proposant divers tableaux, à la fois déterminés, inquiétants et épique. Le chant grave du guitariste Douchan est entrainant à souhaits. Le morceau éponyme démarre avec une évocation de Metallica avant d’aller explorer des sonorités plus spatiales et orientales. Certains sons me font même penser chant des baleines avant que le titre ne reparte en trombe avec une réelle efficacité. L’instrumental The long dark permet à la formation de proposer diverses ambiances dans des tiroirs aussi bien heavy que progressif. Deux termes qui résument l’esprit de Polarys qui ne cède pas à la facilité, varie les plaisirs comme sur le très enlevé Trapped in the hub, un des singles paru en… 2017 ou le plus que martial The warrior’s pledge. Il y a des coins à explorer et des découvertes tout au long de ce trop court Cosmic singularity dont on n’espère qu’une chose: qu’il soit le disque de la remise en forme, celui qui annonce un retour ou un redécollage.

Histoire d’une légende: JUDAS PRIEST (1ère partie)

Quinze ans déjà… Quinze années que Judas Priest a annoncé prendre sa retraite et, contrairement à tant d’autres, n’a finalement jamais arrêté nous offrant en 2024 un nouvel album studio – Invicible shield – et une nouvelle tournée, dont trois étapes sont prévues en France : le 5 avril à Lyon, le 8 à Paris et le 23 juin pour clore le Heavy week end de Nancy. Mais revenons quinze ans en arrière. Epitaph… C’est le nom qu’avaient décidé de donner les Metal Gods, à leur « tournée d’adieux en 2009. Vous vous en souvenez ? Oui, car cette « tournée d’adieux » n’avait d’adieux que le nom et le Priest a été, depuis back à de nombreuses reprises… Non seulement les Anglais « mettaient-ils un terme à leur carrière » mais, avec un nom pareil, on pouvait croire qu’ils avaient décidé de définitivement enterrer le mythe après quarante ans de bons et loyaux services. D’autant plus que le 20 avril 2009, Judas Priest postait sur son site www.judaspriest.com une nouvelle plus que surprenante : KK Downing, le guitariste co-fondateur du groupe, avait alors décidé de prendre sa retraite et de quitter le groupe. Une décision aussi soudaine qu’inattendue, d’autant plus surprenante qu’il ne semblait pas y avoir de réelle explication. Dont acte. Un départ brutal sans même des adieux live aux fans qui l’ont soutenu toutes ces années. Judas Priest n’a cependant pas tardé à lui trouver un remplaçant en la personne de Ritchie Faulkner, jeune guitariste alors âgé de 31 ans, présenté par le groupe comme plus que talentueux, et qui « va mettre le feu sur scène » dès le concert d’ouverture de cette nouvelle tournée, le 7 juin 2009 à Tilburg, en Hollande.

Mais ça, c’était avant… Car depuis, Judas Priest a publié non pas un, non pas deux mais bien trois nouveaux albums studio, un live et un méga coffret collector tiré à 3.000 exemplaires dans le monde, s’est lancé dans plusieurs tournées mondiales, expliquant que « finalement, non, l’idée de Epitaph était de mettre un terme aux longues tournées mondiales pour ne plus tourner que sur de courtes périodes et ne donner que quelques concerts soigneusement choisis ». En attendant de retrouver les Metal Gods sur scène, revenons sur (maintenant plus de) cinquante ans d’histoire.

Lorsque naquit Judas Priest du côté de Birmingham en 1970, personne n’aurait osé espérer une carrière aussi longue ni aussi riche. Celle-ci, pourtant n’est pas terminée. Car ce que le groupe enterre, ce sont les longues tournées, pas les concerts ni les enregistrements d’albums. Comme beaucoup d’autres formations à la carrière plus qu’honorablement longue, Judas Priest aura connu des hauts et des bas, tant en matière de réussite artistique ou commerciale qu’en termes d’image auprès du public. Mais une chose reste certaine : c’est que Judas Priest est devenu une référence incontournable depuis ses débuts.

LES ANNEES 70

Kenneth Downing, né le 27 octobre 1951, et Ian Hill, qui vit le jour le 20 janvier 1952, se connaissent depuis leur plus jeune âge. Ils ont fréquenté les mêmes écoles et, d’une certaine manière, se sont construits ensemble, se découvrant, au cours de l’adolescence des goûts musicaux communs. C’est naturellement qu’ils décident d’apprendre à jouer d’un instrument : Kenneth choisit la guitare, Ian la basse.

Lorsqu’ils s’estiment prêts, les deux compères décident de fonder un groupe. Nous sommes alors en 1970. Ils sont rejoints à cette époque par Alan Atkins, un chanteur dont le groupe, qui se nomme Judas Priest, vient de se séparer et qui leur propose ses services.

Si les débuts du groupe se font sous l’influence du blues, Downing insiste pour que Judas Priest durcisse le ton. Sa musique devient plus rock et plus dure, et le groupe, sans batteur attitré, écume la région de Birmingham. Mais des dissensions internes, dues, entre autres raisons, à des problèmes financiers, forcent le départ de Alan Atkins. Un premier changement s’impose alors, qui va avoir un impact déterminant sur le reste de la vie de Judas Priest.

Ian Hill fréquente à cette époque une jeune fille dont le frère chante au sein de Hiroshima. Elle suggère à son amoureux d’envisager la possibilité de le recruter. Rob Halford, qui a le même âge puisqu’il vint au monde le 25 août 1951, intègre ainsi Judas Priest et embarque avec lui son batteur John Hinch.
Si la légende n’est pas encore en marche, l’aventure peut toutefois commencer. Pour cela, le quatuor intègre, suivant la suggestion de son label, un second guitariste ; le fougueux Glenn Tipton, bien que de trois ans son ainé (il débarqua sur la planète le 25 octobre 1948) qui deviendra bien vite l’alter ego de celui qu’on appelle désormais KK Downing. Judas Priest ainsi complété entre en studio afin de donner naissance, sous la houlette du producteur Rodger Bain, à Rocka rolla, son premier effort. Une tentative qui ne marque pas l’histoire de la musique, le producteur ayant usé de son influence et de sa notoriété (il a notamment travaillé avec Black Sabbath) pour écarter des chansons que le groupe utilisera plus tard : The ripperGenocide ou encore Tyrant furent ainsi sacrifiées sur l’autel de la nécessaire production. La formation tire cependant les leçons de cet enregistrement afin de ne plus commettre ce type d’erreur et mieux se fier à son jugement.

Désormais, Judas Priest se donne un rôle actif dans la production, et commence, aux côtés de Jeffrey Calvert et Max West, dès l’enregistrement de Sad wings of destinyqui sort en 1976. Pour ce disque, Alan Moore tient les baguettes, mais il sera bientôt remplacé. La maison de disques, Gull, peut se déclarer satisfaite du début de succès rencontré par l’album de ses poulains. Les morceaux précédemment écartés touchent le public, tout comme le désormais classique Victim of changes.

La légende est en marche. Judas Priest commence à intéresser des majors, parmi lesquelles CBS qui finit par héberger, et pour de nombreuses années la formation anglaise. Le label compte bien capitaliser sur ce groupe à la réputation grandissante et obtenir un retour sur investissements. Dès 1977, Judas Priest sort le premier fruit de cette nouvelle collaboration : Sin after sin, enregistré avec le batteur Simon Philips, produit par Roger Glover (Deep Purple), est enregistré au Ramport Studios de Londres. Le groupe y signe les futurs classiques que sont Sinner ou Dissident agressor et reprend ce qui deviendra un incontournable lors de ses concerts, Diamonds and rust, que Joan Baez, chanteuse folk, a rendu intemporel. Sin after sin voit également l’équipe s’agrandir avec la venue de Roslav Szabo, un membre du team CBS, qui s’occupe de la conception et du design des illustrations des albums de Judas Priest. L’album marque par son orientation plus foncièrement heavy et parvient ainsi à séduire le public anglais qui lui offre une jolie 23ème place dans ses charts.

Le groupe renforce alors sa présence scénique afin de battre le fer tant qu’il est chaud. L’Angleterre tombe petit à petit et Judas Priest se voit même invité aux USA pour participer au Day On The Green Festival au côté de Led Zeppelin. Ce voyage outre Atlantique se fait en compagnie du nouveau batteur, Les Binks, et permet aux Anglais de voir grandir leur réputation chez l’oncle Sam. Le groupe découvre un pays qu’il lui faut absolument conquérir pour s’installer durablement dans le paysage musical mondial.

De retour en studio, Judas Priest s’attèle à l’enregistrement d’un nouvel album. Gull profite de l’aubaine pour sortir un premier Best Of Judas Priest coiffant sur le poteau la sortie, en 1978,de Stained class. Ce dernier, avec des titres un peu plus aérés comme SavageSaints in hellExciterWhite heat red hot ou encore Beyond the realms of death, présente une facette un peu plus « soft » du Priest, ce qui semble perturber légèrement le public anglais qui ne le place qu’en 27ème position. Ce disque, pourtant, confirme la position de leader de Judas Priest alors que la scène heavy britannique, qui subit de plein fouet l’explosion de débauche du Punk, est donnée pour moribonde.

Seulement, Judas Priest a l’esprit conquérant et propose dans la même année un disque beaucoup plus dur, forgeant (enfin) le style qui fit sa légende. Killing machine, pourtant subit la censure américaine à cause de son titre, bien involontairement cependant. Les USA ont récemment été le théâtre d’un massacre dans une école de Cleveland et « estiment » que le groupe fait ouvertement référence au meurtrier. L’album y est publié sous le nom de Hell bent for leather (une des chansons du disque) et marque les esprits au point que la tournée qui suit verra le nombre de dates grossir semaine après semaine. Car non content d’élaborer les codes musicaux du heavy metal moderne, Judas Priest en redéfini également l’image. Alors que nombre de musiciens évoluent avec l’apparence de hippies, Rob Halford et ses compères adoptent un look bien plus en rapport avec la musique : les vêtements de cuir tout de chaines et de clous bardés deviennent la marque visuelle bientôt indissociable du groupe. Un esprit sado maso, imposé au fil du temps par Rob Halford, entre au service d’une musique virile et macho. Judas Priest peut enfin décoller, ayant trouvé à la fois un son et une image. Les Anglais accueillent l’album à bras ouverts bien que lui offrant un moins bon classement dans les charts (n°32) et les Américains commencent à prendre le groupe au sérieux (n°128 du Billboard).

Le Japon est choisi pour que soit enregistré le premier témoignage public de Judas Priest qui parait en 1979. Unleashed in the east cartonne partout, se classant des deux côtés de l’océan (n° 10 en Angleterre et 70 aux USA) et sera bientôt soupçonné d’avoir été plus que retravaillé en studio, au point que certains le surnommeront « Unleahed in the studio ». Il faudra bien des années pour que le groupe parvienne enfin à convaincre que seul Rob Halford a dû réenregistrer ses parties tellement les prises live étaient mauvaises. Peu importe au final, car Judas Priest démontre avec brio sa maitrise de la scène, et l’engouement du public est bien réel. Mais la tournée aura eu raison du batteur. Les Binks quitte le groupe qui le remplace par Dave Holland. Débute alors une longue et très fructueuse collaboration qui durera toute la décennie suivante.

De son côté, Gull continue de tirer profit de son ancien poulain en sortant une nouvelle compilation sous la forme d’un double album, Hero, Hero qui relate, de nouveau, les premières heures des Anglais.

LES ANNEES 80

La légende s’installe, et cela sans perdre de temps. Profitant de son image – miraculeusement demeurée intacte malgré le raz de marée punk – et de l’afflux de jeunes groupes aux dents longues (mouvement que le monde connaitra bientôt sous l’acronyme NWOBHM), Judas Priest propose bientôt un nouvel album, présentant ainsi au monde son nouveau batteur, Dave Holland, né le 5 avril 1948 à Northhampton. British steel, produit par Tom Allom, fait un carton immédiat – et durable –grâce à son modernisme et sa détermination. Les désormais classiques Living after midnight et Breaking the law sont tout de suite la proie des radios qui en font de véritables hymnes du heavy metal, plaçant l’album en 4ème et 34ème place des Top anglais et américain. L’Angleterre cède, suivie par le vieux continent, les USA sont conquis, et Judas Priest connait enfin le plaisir des certifications en recevant disques d’or puis de platine. Le groupe se lance une nouvelle fois dans une intensive tournée américaine et se trouve enfin propulsé au rang de valeur sûre mondiale. L’Europe fera également l’objet d’un pilonnage en règle. Les années passées entre galères et espoirs sont désormais mises à profit, d’autant que la formation ainsi constituée (producteur inclus) restera stable tout au long de la décennie, et donnera naissance aux plus grands albums de Judas Priest.

Succès, formation stable, label confiant… Il est naturel pour tous les acteurs de vouloir capitaliser sur le nom de Judas Priest. Une obligation reste cependant à remplir : il est impératif de renouveler le succès américain. Pour cela, les six travaillent le son du groupe, et lorsque sort, en 1981, Point of entry, la surprise est de taille : les chansons plus lisses semblent mieux convenir aux radios américaines, ce qui, en cette période de renouveau metallique sur le vieux continent, n’a pas l’heur de plaire à tous les Européens. Le public américain ne s’avoue cependant pas totalement convaincu non plus, ne transformant ce nouvel essai qu’en disque d’or et n’offrant à l’album que la 39ème position du Billboard (et N° 14 GB). Mais loin de se décourager, les Anglais repartent sur les routes et sillonnent les deux côtés de l’Atlantique. Si le succès commercial de l’album est mitigé, de nombreux concerts affichent complets. Et sur scène, les You say yesDesert plains ou autres Heading out to the highway prennent une autre dimension.

Rapidement, pourtant, Judas Priest remet les pendules à l’heure. On ne joue pas avec les humeurs de ses compatriotes… Le groupe retourne en studio, toujours sous la houlette de Tom Allom, et donne naissance à Screaming for vengeance en 1982. Clairement, la formation s’éloigne des sirènes radiophoniques en durcissant le ton. L’aigle qui illustre la pochette, œuvre de Doug Johnson (auteur d’une trilogie priestienne qui commence ici) a les serres affûtées et son piqué n’a rien de pacifique : la bête metallique est lâchée et vient pour vaincre. Les morceaux lourds sont parfaitement taillés pour la scène, et la tournée qui suit continuera de mettre les USA à genoux. Screaming terminera double platine. Les intensifs coups de boutoirs chez l’oncle Sam durent pas moins de six mois, le public reprenant en chœur You’ve got another thing comin’Electric eye ou Bloodstone. Puis, une nouvelle fois, l’Europe cède, reconnaissant ses héros qui, désormais, sont surnommés les Metal Gods. Comme pour British steel, la force de l’album réside dans la variété des sons de l’ensemble. Jamais Judas Priest ne se répète, alternant riff acérés et lourdeur oppressante, hymnes de concerts et hits potentiels. Le succès se confirme à domicile (n°11) et sur le nouveau continent (n°17).

Pour la première fois, une année passe sans qu’un nouvel album de Judas Priest ne voie le jour. Mais en 1983, le groupe n’a pas d’autre choix que de se concentrer sur la route. Et sur son avenir. Il serait tentant de chercher à séduire plus encore le public américain, mais KK Downing et sa bande optent pour l’option heavy metal pur et dur. Le contraire serait malvenu en nommant son nouvel album Defenders of the faith. L’efficacité de Some heads are gonna rollRock hard ride free, Eat me alive ou Freewheels burning, démontre que le groupe n’a rien perdu de son mordant, bien au contraire. Plus agressive que jamais, la formation améliore autant que possible les recettes utilisées sur Screaming for vengeance, tout en travaillant ses nouveaux morceaux pour la scène. Seulement, voilà, nous sommes en 1984. Les Américains ont les oreilles tournées vers les sons développés par Van Halen et son méga succès Jump. Résultat : Defenders of the faith ne récolte qu’une « maigre » récompense de platine, mais en Europe, on reste persuadés qu’il n’y a pas de plus efficace porte étendard de la cause metal que Judas Priest, accompagné, soyons honnêtes, des désormais imposés Iron Maiden, Saxon et Def Leppard. Cependant, en ces heures de rude concurrence (le hard US et glam metal commencent à faire fureur), l’album est moins plébiscité, n’atteignant que la 19ème position à domicile, et 18ème aux USA. Pourtant, où qu’il passe, le groupe remplit stade sur stade, proposant un spectacle visuel complet. L’année 1985 sera principalement consacrée à la route avec succès avant que les dieux du metal n’entrent de nouveau en studio.

En deux ans, le glam ou hair metal a pris ses quartiers : les cheveux permanentés sont de mise, et les diffusions en radio un passage obligatoire. Si la couverture de Turbo est une nouvelle fois marquée de la signature de Doug Johnson, Judas Priest fait mentir l’illustration (par ailleurs un peu trop douce, faite d’un métal trop poli et brillant), car plutôt que d’enfoncer le clou du metal et passer à la vitesse supérieure, Rob Halford and Co. préfèrent flirter avec les ondes et introduisent – sacrilège ultime – des claviers et synthétiseurs dès que possible… Clairement, Turbo loverPrivate property ou le très engagé Parental guidance visent à séduire les fans de ce hair metal qui voit chaque album se transformer plusieurs fois en récompense de platine. Le public européen est déconcerté, d’autant que si le groupe conserve le look cuir et clous, il adopte des tenues pour le moins saugrenues et à l’opposé de l’image SM jusque-là développée. Le public fait quelque peu payer au Priest cette offense, mais fi ! La tournée est une nouvelle fois un triomphe qui se traduit par un (double) album live, un Priest… Live, à la couverture hideuse, un témoignage de nouveau destiné au public américain. Car ce sont cinq morceaux issus de Turbo qui sont ici présents et le verdict est clair : si les Yankees lui réservent un accueil raisonnable en transformant ce disque en Or, les fans européens restent intransigeants, et même distants.

Priest semble entendre le message et décide de durcir de nouveau le ton afin de remettre les pendules à l’heure. Mark Wilkinson récupère les pinceaux et frappe un grand coup afin de faire passer visuellement le message que le groupe développe musicalement tout au long de Ram It Down, qui parait en 1988 : le heavy metal reste l’apanage de Judas Priest et de quelques rares héritiers. Mais le mal a été fait et malgré de féroces morceaux comme Come and get itRam it downBlood red skies, la profession de foi heavy metal ou la reprise explosive de Johnny B. Good de Chuck Berry, le public européen boude ses anciens héros, pensant sans doute qu’il y aura un autre retournement de veste. Les Américains, de leur côté, semblent ne pas comprendre ce revirement et n’offrent qu’une faible récompense en Or au groupe. Pourtant, comme souvent, le public continue de courir les salles de concerts où les prestations restent d’un haut niveau. Et même si la tournée est un succès, ce public est moins nombreux, de même que les dates. Dave Holland, le batteur qui a traversé la décennie avec Judas Priest profite de ce moment pour quitter le groupe (ou, plus exactement, se fait remercier ayant quelques démêlées avec la justice qui l’envoie faire un séjour à l’ombre. On apprendra plus tard que le batteur a été condamné pour pédophilie. Il est décédé à Lugo, en Espagne, le 16 janvier 2018)

Bientôt la suite…

QAMELTO: Scotoma

France, Rock (Autoproduction, 2024)

Qamelto nous avait interpelés avec son premier Ep, Sors, paru en 2020. Le groupe revient avec Scotoma, un album qui sonne et donne beaucoup. Démarrant avec L’hôte, le groupe semble vouloir régler des comptes et nous offre des textes qui sonnent comme une délivrance sur des mélodies qui, si elles paraissent simples, se glissent dans la tête. Qamelto varie par la suite ses plaisirs avec des morceaux plus lents, speed, s’oriente vers des atmosphère plus aériennes, lourdes ou sombres. Le chant déterminé et rugueux accompagne des guitares incisives et une rythmique directe. Qamelto nous offre un album dynamique et entrainant, rafraichissant même. Parfois, la « simplicité » reste ce qu’il y a de plus efficace.

BLOOMING DISCORD: Memories from the future

France, Metalcore (mais pas que) (Autoproduction, 2024)

Il aura fallu 8 années aux Marseillais de Blooming Discord pour enfin offrir à son public son premier album, Memories from the future. Un premier album qui fait suite à 2 Ep qui ont permis à la petite bande de finaliser son line up, tester et se planter et vraiment trouver son identité musicale. Ce sont ici 10 titres qui nous sont livrés et la surprise est au rendez-vous. Si Blooming Discord évolue de prime abord dans un registre proche du metalcore, on se rend vite compte qu’il y a plus que ça dans ce qui motive le groupe. On reconnait aisément les sources d’inspirations de Blooming Discord qui puise dans les 90’s et le début des années 2000, et le son – superbement produit – est très américain. Le chant, à la fois clair et plus brutal de Karim fait des merveilles et l’on ne peut noter un accent qui pourrait, à juste titre, laisser croire qu’on n’a pas à faire à quelqu’un qui aurait grandit en France. Tout au long de ces dix titres, Blooming Discord nous entraine dans une furie auditive tout autant que dans des rythmes simplement entrainants ou dans un peu plus de douceur. Le groupe s’est donné les moyens de ses ambitions et nous propose un premier album d’une rare efficacité qui ratisse large et s’adresse à tout le monde. Une superbe carte de visite qui donne envie d’en découvrir plus.

HEAVY WEEK END: l’affiche complète

On avait déjà envie d’y être avec les premières annonces… Gérard Drouot Productions, l’organisateur de l’évènement nancéen, vient de dévoiler les nouveaux noms qui s’ajoutent à l’affiche du Heavy Week End. Ce festival se tiendra sur 3 jours au Zénith de Nancy les 21, 22 et 23 juin prochains.

A l’affiche initiale déjà annoncée (Extreme et Scorpions le vendredi, Megadeth et Deep Purple le samedi et Alice Cooper et Judas Priest le dimanche) Gérard Drouot Productions a annoncé que viennent de s’ajouter The Last international, le 21 juin, Sortilège et Pretty Maids le 22, Ayron Jones et Tom Morello le 23, soit un total de 11 groupes mythiques ou en passe de le devenir.

Quel meilleur endroit pour fêter l’arrivée de l’été que ce Zénith de Nancy dans à peine deux mois? Accédez à tous les renseignements et à la billetterie avec ce lien: Heavy Week End

TAGADA JONES: Trnt – best of 1993-2023

France, Rock/Hardcore (At(h)ome, 2024)

Que de chemin parcouru par les Bretons en trois décennies! De confidentiel, à force de tournées, d’albums toujours de meilleure qualité, d’un engagement clairement revendiqué doublé d’un esprit festif, de concerts explosifs et fédérateurs, Tagada Jones le quatuor punk/hardcore est devenu une des valeurs sûres du rock énervé français. pour fêter ça, nous en parlions il y a peu avec Fred Duquesne, producteur (et guitariste de Mass Hysteria), Tagada Jones a décidé de réenregistrer certains de ses titres les plus emblématiques. Ce Trnt – best of 1993-2023, est un rapide résumé de la carrière de Niko et ses comparses qui permettra aux plus anciens fans d’avoir une relecture de ces chansons et aux plus jeunes de mieux connaitre ce passé qui a mené les Rennais là où ils sont aujourd’hui. Si les albums les plus récents sont mis en avant (plusieurs extraits de La peste et le cholera et A feu et à sang), certains, sans doute plus « obscurs » et moins populaires, manquent à l’appel, mais peu importe. Car en revisitant, parfois accompagné des Bidons de l’An Fer (Le dernier baril, Vendredi 13, Nation to nation, Mort aux cons), chacun des 15 morceaux prend une autre dimension, dégageant tout autant de puissance et d’énergie. Si c’est la set-list qui nous attend lors de la tournée à venir, ça va dépoter et pogoter grave! Tagada Jones est aujourd’hui un des piliers incontournables du Rock français, et ce Trnt – best of 1993-2023 est là pour nous le rappeler. Superbe.