Interview: SAXON

Entretien avec Biff Byford (chant). Propos recueillis à Paris le 11 janvier 2018

Interviewer un personnage comme Biff Byford est toujours un plaisir. L’homme est bien plus que l’incarnation de Saxon, il est l’image, l’une des dernières qui soient, d’un rocker dans l’âme. Il est, vit et respire le metal, tant son attitude et son verbe son ceux de la passion. Et aujourd’hui l’homme est plus que de bonne humeur: il est joyeux et jovial.

Biff Byford, Paris, 11 janvier 2018

Metal-Eyes : Biff, pour commencer, nous sommes en début d’année, que je te souhaite très bonne !

Biff : Merci, bonne année aussi, ou comme on dit en français ? Bon anniversaire ou peu importe…

Metal-Eyes : Non, anniversaire, c’est Birthday, ça viendra plus tard…

Biff : Oh, d’accord, le mien est bientôt…

Metal-Eyes : La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était rapidement au Download Paris…

Biff :  Ah oui ! Le Download ! Il a encore lieu ?

Metal-Eyes : Il y a eu la seconde édition l’an dernier, et une troisième arrive cette année, en juin, encore une semaine avant le Hellfest.

Biff : Tu veux parler de…Baby Metal ? Ils ont eu des problèmes… C’était assez marrant, en fait, que tout « plante » comme ça… A l’époque du digital, passe encore. Mais, non, ça n’a pas été vraiment frustrant. On n’a plus rien à prouver… Je pense que le concert du Hellfest, l’été dernier, nous a donné une place correcte, même si j’aurai préféré jouer plus tard. Mais c’était un bon concert, au Download, les gens ont aimé, et c’était un bon concert pour Saxon. Pas autant pour Baby Metal, mais c’est ça, le Rock n Roll. Ils doivent apprendre aussi…

Metal-Eyes : Et quels sont, justement, tes souvenirs de votre dernier Hellfest, l’été dernier ?

Biff : C’était super ! J’ai adoré. Il y a des vidéos de ce concert, il y avait une bonne ambiance, le public était en forme. Certains disent que nous étions le meilleur groupe du festival, et je en vais pas les contredire… (rires)

Metal-Eyes : Au moins dans mon Top 3. Je me souviens de ton étonnement quand tu as vu cette personne en chaise roulante portée par le public : tu t’es exclamé « those are wheels of steel ! » C’était la première fois que tu voyais ça ?

Biff : Oui ! Tu ne vois pas souvent de chaises roulantes voler au-dessus du public, faire du crowdsurfing !

Metal-Eyes : Tu devrais rester tout le Hellfest alors. Rien que la journée du samedi, j’en ai compté, devant les mains stages, pas moins de 9 ou 10. C’est impressionnant, surtout quand elles arrivent au niveau du pit…

Biff : Oui, impressionnant. On a donné un très bon concert, il y avait de belles lumières…

Metal-Eyes : Revenons à la musique. Battering ram est sorti il y a un peu plus de deux ans, vous avez beaucoup tourné depuis. Quels sont les moments les plus marquants de ces deux années ?

Biff : Tourner avec Motörhead, sans aucun doute. Ça a été douloureux, lorsque Lemmy est mort… J’ai eu la chance de passer du temps avec lui avant son départ. On a beaucoup tourné pour Battering ram, on a  tourné avec Fastway – Fast Eddie est mort la nuit dernière…

Metal-Eyes : Pardon ? Il est mort la nuit dernière ?

Biff : Oui… On a pu passer du temps avec lui, également…

Metal-Eyes : Attends… ça signifie qu’il n’y a plus un seul membre du Motörhead des grands jours encore en vie…

Biff : Oui, c’est triste… Dans l’ensemble ces deux ans ont été super pour nous. Saxon est très en vue en ce moment. Je crois que notre position à l’affiche du Hellfest était parfaite pour Saxon, nous avons joué à une heure parfaite…

Metal-Eyes : Et le bon jour, samedi était très orienté Heavy metal et Hard rock…

Biff : Oui, aussi.

Metal-Eyes : Puisque nous parlons de concerts, j’ai vu que vous allez bientôt ouvrir aux USA pour Judas Priest, ce qui est une autre belle affiche. Y a-t-il des chances pour que ce package vienne aussi en Europe ?

Biff : Euh… Je ne crois pas. Nous voudrions le faire, oui. Nous en avons parlé avec Judas Priest… Ce serait fantastique, pour les fans. Pas forcément pour l’équilibre financier (rires), mais pour les fans, oui ! Nous verrons bien ce que nous réserve l’avenir !

Metal-Eyes : J’ai également vu un coffret publié par BMG, centré sur les années 80. Saxon a-t-il eu son mot à dire dans ce projet ?

Biff : Un peu. Pas trop : BMG a voulu récupérer le vieux catalogue de EMI. J’ai supervisé la couverture, et un peu la sortie du produit. Ils vont sortir une bonne partie de notre back catalogue, repenser le packaging et d’autres choses. Je pense que c’est une bonne chose de ressortir ce matériel des années 80.

Metal-Eyes : Qui reste très puissant, aujourd’hui encore.

Biff : Absolument.

Metal-Eyes : Parlons un peu de votre nouvel album. Thunderbolt va paraitre dans quelques jours. Comment décrirais-tu l’évolution du groupe entre Battering ram et Thunderbolt. C’est toujours très heavy mais il y a, selon moi, plus de mélodie et de passages chantants, c’est moins foncièrement brut.

Biff : Tu as sans doute raison… On a voulu… En fait, on n’a pas cherché quoi que ce soit, tout s’est mis en place assez facilement pour Nibbs et moi, qui avons, une nouvelle fois, travaillé ensemble. Je cherche toujours à écrire des textes « intéressants » et des mélodies que les gens peuvent chanter, « anthémiques » si je puis dire. Je crois que c’est un des éléments qui crédibilisent Saxon. Je crois que, dans le ressenti, Thunderbolt est plus « British heavy metal » que Battering ram. Je ne peux pas vraiment te parler de l’évolution, tu le pourrais mieux que moi. On n’écoute pas nos anciens albums, on se concentre sur le nouvel album, ce que j’ai fait ces deux dernières années : écrire les textes, tester différentes idées. J’attends que l’inspiration vienne, je ne cherche pas à la forcer, à me forcer à écrire. Tout sonne, selon moi, naturel, rien ne sonne forcé. Ces textes, et ces mélodies, sont ce qui pouvait se faire de mieux pour cet album. Nous n’avons pas fait les choses à la va-vite, j’ai pris le temps d’écrire, Andy a pris le temps de le produire… J’ai travaillé de mon côté, chez moi, pour enregistrer les voix, le groupe s’est réuni pour taper le bœuf et répéter, Andy et moi avons passé du temps à tester les lignes de chant. Dès que nous avions un peu de temps libre, on travaillait. Entre 2016 et 2017, on a travaillé à l’album.

Metal-Eyes : Tu viens de mentionner le fait que tu cherches à écrire des paroles intéressantes. Tu abordes des thèemes différents, pas forcément habituels pour Saxon : la mythoilogie, voler, le fantastique… Qu’est-ce qui t’a inspiré dans cette écriture ?

Biff : Ce sont simplement, à mes yeux, des histoires intéressantes… Juste ce qui sort de mon esprit. Parfois la mélodie dicte ce que je dois écrire, parfois c’est l’inverse. Et ça devient une chanson. Ce qui me vient à l’esprit… Ca déconne là-dedans ! (rires) Je veux seulement que ce soit intéressant. J’ai passé du temps sur Nosferatu : cette chanson doit évoquer le roman de Bram Stocker, le film de la Hammer. Il mort toujours des femmes, jamais des hommes. En gros, ça traite de tous ces aspects sexuels entre Dracula et les femmes… Je voulais utiliser le concept de Dracula et je crois, je n’en suis pas sûr, que Nosferatu est le nom romain de Dracula, mais ça sonne mieux. Je voulais que ce titre soit très gothique, s’inspirant de ce film des années 20.

Metal-Eyes : L’horreur, le fantastique, ce ne sont pas des thèmes habituels pour toi.

Biff : Non, C’est assez nouveau, en effet. Les choses de la nuit, les créatures de la nuit…

Metal-Eyes : Non, les créatures de la nuit (Creatures of the night, en anglais), c’était Kiss.

Biff : Oui… Oui (rires)! Mais ce titre se devait d’être gothique !

Metal-Eyes : Une chose qui n’a pas changé depuis quelques albums, c’est que vous débutez par une introduction, ce qui est parfait pour débuter les concerts, avant de lancer la machine metal.

Biff : Oui… cependant, l’intro est toujours un morceau à part. Il y a une raison à cela : les gens peuvent la zapper et passer directement aux chansons (rires) !

Metal-Eyes : Donc, aujourd’hui, Saxon enregistre des choses qui pourraient ne pas figurer du tout sur un album? Vous passez du temps à composer des choses en pensant que les auditeurs ne vont pas écouter…

Biff : Non (il sourit)… sérieusement, je pense que ça participe à l’atmosphère générale. Ça évite de commencer très fort… Thunderbolt est un gros sujet, un thème massif. Ce qui est inhabituel avec l’intro, c’est qu’elle est entièrement jouée à la guitare.

Metal-Eyes : Tu as aussi decide de traiter de mythologie. Quelle était ton idée avec Sons of Odin ?

Biff : En fait, l’histoire des Vikings est liée à la nôtre. Ils ont envahi la Bretagne et y ont régné longtemps. Les hommes du nord et nous avons toujuors été en guerre… Je crois que depuis une trentaine d’années, les gens découvrent plus de choses au sujet des vikings que le simple fait de piller et ravager. Les vikings ont les mêmes origines que les saxons, et j’ai trouvé que le parallèle était intéressant. Les échanges, la navigation autour du monde… Il y a quelques connotations religieuses, païennes. Tu sais, les mythologies nordiques et grecques sont assez proches. C’est du bon matériel à traiter et à chanter. On la voulait dans l’esprit de Crusader, un peu plus lente et lourde.

Metal-Eyes : Qu’en est-il de The secret of flight ?

Biff : Là encore: si tu penses au fait de voler, ça ne fait pas si longtemps que l’on a découvert comment voler. C’est à peine croyable de se dire qu’il y a à peine 100 ans des gens volaient dans une caisse de bois alors que maintenant on envoie des choses sur Mars, et au-delà. J’ai tenté de relater tout cela, en 4 strophes (rires).

Metal-Eyes : Pas évident, depuis les frères Wright

Biff : De Vinci, les frères Wright, Einstein…

Metal-Eyes : Ce n‘est d’ailleurs pas la première fois que tu abordes ce thème. Le titre de cette chanson en appelle d’autres : 747, Flying on the edge, Eyes of the storm, notamment qui traitent des dangers d’un vol en avion. As-tu peur de voler ou, au contraire, voudrais-tu, comme d’autres, devenir pilote ?

Biff : Je n’aime pas voler, je l’avoue. Non, je n’ai pas envie de devenir pilote ! Je pourrais être le chauffeur de mon groupe, mais pas son pilote, jamais ! Je n’ai pas peur voler, simplement, je n’aime pas le fait de voler.

Metal-Eyes : Pourtant, il le faut, lorsque tu vas partout dans le monde…

Biff : Oui, je dois prendre l’avion, mais je ne trouve pas ça intéressant.

Metal-Eyes : Qui est à l’origine de la pochette de Thunderbolt ?

Biff : Paul Gregory… C’est son interprétation de la mythologie, avec Zeus qui domine et l’aigle qui transporte cet éclair. C’est une pochette très old school, qui aurait très bien pu illustrer Power and the glory en 84. J’aime cette relation avec l’ancienne école.

Metal-Eyes : Il y a aussi un lien avec l’aigle qui apparaissait souvent à vos débuts…

Biff : L’aigle représente la puissance et la liberté, n’est-ce pas?

Metal-Eyes : Bien sûr. Ma question cependant est de savoir si on aura de nouveau l’occasion de voir votre « Fuckin’ pigeon » sur scène en France?

Biff (rires) : On l’utilise encore… On voulait l’utiliser au Hellfest. On l’avait partout ailleurs, mais je ne sais pas pourquoi ça ne s’est pas fait… Je crois que les équipes de production scénique ne voulaient pas de l’aigle, « trop de boulot »… C’est ce que je pense… Je crois que l’orga le voulait, mais les techniciens ont dit « non… ». Ils ont eu tort, car il était là, dans le camion. On aurait pu le mettre. Tu sais, les gens en ont peur, ils croient qu’il est plus grand qu’il n’est en réalité, plus lourd… Pourtant, il est auto suffisant : il a ses propres lumières, son propre générateur. Tout ce qu’il faut faire, c’est l’accrocher, il n’a même pas besoin de voler, on peut simplement le laisser pendre en fond de scène. Ce n’est pas comme le Bomber, qui doit bouger, voler, l’aigle non… Donc pas de pigeon au dernier Hellfest (rires)

Metal-Eyes : Quelles sont vos prévision de tournée ?

Biff : On commence avec 8 concerts en février, avant d’aller tourner aux USA avec Judas Priest. Ensuite, on fera quelques festivals, pas trop, avant de sillonner l’Europe en octobre. La France sera visitée en octobre, ce sera bientôt annoncé.

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’une chanson de Thunderbolt pour expliquer à quelqu’un qui ne vous connait pas ce qu’est Saxon aujourd’hui, laquelle serait-ce ?

Biff : Euh… c’est difficile comme question… Il faut que ce soit une chanson à la fois 8O’s et moderne. Probablement Sniper, une chanson avec différents mix. « Old school but new school » en somme.

Metal-Eyes : Saxon est sur les routes depuis 4 décennies. Je sais qu’il y a des chansons que vous ne pouvez pas ne pas jouer, mais y en a-t-il que tu souhaiterais pouvoir ne plus jouer parce que tu t’en lasses ?

Biff : Non… Les chansons ont un impact différent selon les pays : Strong arm est très puissante en France, mais pas vraiment aux USA. Différentes personnes réagissent différement et font de nous ce que nous sommes.

Metal-Eyes : Y a-t-il, au contraire, des chansons que vous ne jouez pas et que tu voudrais pouvoir interpréter ?

Biff : Oui, il y a toujours quelques chansons qu’on voudrait jouer, mais on n’a pas le temps. Parfois, en festival on le fait, parce qu’on n’est pas en  train de promouvoir un album. On tente de les inclure, puis on les retire… La setlist de Saxon évolue toujours. Il n’y a pas deux concerts de Saxon identiques, on change toujours deux ou trois titres.

Metal-Eyes : Et comment vous occupez-vous sur la route ?

Biff : Comment on s’occupe ? Putain, on est toujours occupés sur la route : on fait des VIP, on donne des interviews, on n’a pas le temps de s’ennuyer. Le seul moment de tranquillité, c’est quand on va se coucher. Après le concert, on boit un peu et on va dormir.

Metal-Eyes : Je sais que tu apprécies le vin rouge, quel est ton vin préféré ?

Biff : Hum… Un Saint Emilion. Mais c’est cher…

Metal-Eyes : Remontons dans le temps: quel fut ton premier choc musical?

Biff : Je suis allé voir les Small Faces et Canned Heat, ce fut mon premier concert et ce fut un vrai choc. C’est probablement Canned Heat qui m’a donné envie de faire ce métier. Quand j’étais ado, dans les années 60, il y avait les Kinks, aussi.

Metal-Eyes : Même si j’ai déjà mon idée, quelel pourrait être la devise Saxon ?

Biff : La devise? “Never surrender”, bien sûr !

Metal-Eyes : C’est ce que je pensais, je l’avais noté en français si jamais tu avais voulu regarder mes notes! Quelle a été la meilleure question qu’on t’ai posée aujourd’hui, ou la plus surprenante ?

Biff : Euh… « Quel est le dernier message que tu as enregistré sur ton téléphone ? » Et j’annonçais la triste nouvelle de la mort de Fast eddie.

Metal-Eyes : Je te verrais en fn d’année sur scène, en attendant, Biff, merci beaucoup.

Biff : oh, tu pourrais nous voir en festival avant, aussi, on continue d’en booker, alors, on verra. Nous ne sommes qu’en janvier !