HRAFNGRIMR: Niflheims auga

France, Pagan/Neo Nordic (Autoproduction, 2024)

La musique pagan ou le folk inspiré des cultures scandinaves a encore de beaux jours devant lui. Nouveau venu sur la scène hexagonale, Hrafngrimr (prononcez: Raven Grimer, c’est, somme toute, assez simple non?) est un projet monté par Mattjö, ex-membre de Skald féru de culture nordique. Après avoir envisagé Hrafngrimr comme un collectif où les musiciens pouvaient entrer et sortir en fonction de leurs disponibilités, il a finalement décidé de structurer un vrai groupe auquel, à la suite d’une jam, il a inclus sa conjointe, la chanteuse Christine Roche, tous deux formant ainsi un duo vocal aux tonalités radicalement différentes. Avec Niflheims auga, Hrafngrimr propose un album de ce qu’il nomme du neo nordic. Au travers de 9 titres, le groupe explore la culture musicale viking tout en abordant des thèmes d’actualité. La lenteur rythmée de chaque chanson est mise en lumière par la lourdeur et la gravité des instruments typiques du genre – c’est à dire souvent créés pour un usage spécifique – et le mélange, la complémentarité des voix, celle profonde et grave de Mattjö et l’autre plus chaleureuse, voire rassurante de Christine – se révèle efficace de bout en bout. Avec ce premier album, Hrafngrimr nous invite à un voyage initiatique dans un univers encore méconnu. Laissez-vous tenter…

Interview: HRAFNGRIMR

Interview HRAFNGRIMR. Entretien avec Christine (chant) le 14 juin 2024

Pour commencer, Christine, peux-tu me répéter la prononciation du nom du groupe ?

Christine : Bien sûr : ça se prononce Raven Grimer. Une fois qu’on le sait, ce n’est pas compliqué (rires) !

Ce qui signifie « celui qui porte le masque du corbeau ». De quel masque s’agit-il, celui porté pendant la grande épidémie de peste ou s’agit-il d’autre chose ?

Christine : Non, c’en est un autre. Il s’agit plus du folklore scandinave et de toute la symbolique du corbeau qui était plutôt un oiseau messager.

Peux-tu me parler de l’histoire de Hrafngrimr ?

Christine : Le groupe a commencé en 2020, juste avant le Covid, je crois… C’est Mattjö qui est à l’origine du projet – je n’en fait partie que depuis 2 ans.

Mattjö étant un ex-membre de Skald.

Christine : Tout à fait. Quand Skald a été fini pour lui, il a monté Hrafngrimr avec des personnes qu’il avait dans son cercle de connaissances musicales pour créer un collectif. A la base, il voulait ce collectif avec des musiciens qui puissent aller et venir en fonction de leurs disponibilités et proposer un projet neo-nordique. C’est ce qu’il voulait à la base, mais il s’est vite rendu compte que ce choix n’était pas le plus opportun parce que ces personnes qui étaient dans le collectif n’étaient pas toujours là pour les bonnes raisons. Je ne connais pas tout l’historique, mais ces gens-là étaient dans le collectif et la difficulté principale était que plus il y a de monde, plus il y a de difficultés. On ne connait pas vraiment les gens et on découvre au fur et à mesure les personnalités de chacun.

Et toi, tu es arrivée dans ce « chaudron » il y a 2 ans…

Christine : Oui. J’avais fait quelques jams avec eux. Mattjö et moi, nous sommes en couple depuis 3 ans. J’ai d’autres projets à côté, je ne suis pas issue du monde pagan, je viens plus du punk, du rock et du metal. Du coup, c’est un univers qui m’était inconnu, je regardais ça de loin. Un jour, on a eu l’occasion de faire une jam après un évènement, ils m’ont fait intervenir, et après ils ont décidé, tous, d’un commun accord, de m’intégrer au groupe. 0 partir de là, on a travaillé les chants de manière différente avec Mattjö pour que ça devienne un duo vocal, et à partir d’août 2023, le collectif s’est transformé en groupe. Ça m’était très mal à l’aise, ce collectif, parce que je ne conçois pas qu’on puisse être interchangeable, aller et venir… Pour moi, il était important qu’il y ait un engagement personnel et que chaque membre du groupe soit un ingrédient obligatoire pour que ça devienne un cockatail réussi…

Qu’il y ait une complémentarité entre chacun…

Christine : Tout à fait ! On a, depuis août 2023, un groupe vraiment soudé. On a travaillé une nouvelle esthétique, on a bossé sur l’album, et là, on a travaillé tous ensemble. Avant, c’est Mattjö qui composait tout, mais là le processus a été tout autre puisque chacun a donné un bout de soi, on a coconstruit ensemble cet album, et chacun a mis un peu de son émotion dans l’album. Mattjö et moi avons beaucoup travaillé sur l’album, mais on a aussi travaillé avec Mustapha Kebal (Arkan) pour la compo et l’écriture des textes.

Dans ce groupe il y a aussi une particularité : un groupe, habituellement, ce sont les musiciens, mais sur votre bio, vous présentez également Sam et Clara qui sont deux danseuses. Elles font partie intégrante du groupe ?

Christine : Oui, principalement pour les festivals, quand la scène s’y prête. Parce que ça prend beaucoup de place ! Elles ne sont pas musiciennes, mais quand on fait des résidences, elles nous accompagnent pour répéter et intégrer leur danse à la prestation.

Comment déifierais-tu la musique de Hrafngrimr ? Pourquoi cette dénomination de « ,eo-nordique » ?

Christine : Alors… on est tous issus du metal et à l’époque il y a eu le Nu metal, neo metal. Au regard de la recrudescence des groupes pagan, dark folk… on a décidé de mettre en avant un style spécifique. Dans cet album, il y a des influences diverses, et c’est un métissage de nous tous. On ne se donne aucune limite, aucun protocole.

Alors comment décrirais-tu votre musique à quelqu’un qui ne vous connais pas de manière à l’inciter à vous écouter ?

Christine : Je la décrirais comme une musique très onirique et immersive, qui nous fait voyager à travers de multiples cultures, un peu comme les vikings lorsqu’ils parcouraient le monde… C’est une musique qui invite à la découverte de multiples cultures et horizons, une musique qu’on souhaite moderne. On a aussi décidé d’écrire nos propres textes – la plupart des groupes pagan s’inspire d’un livre ancien, pas nous – des textes qui font le constat de notre monde actuel à travers la symbolique et le folklore scandinaves, mais aussi avec le prétextes que  « nous sommes des êtres venus de Niefelheim, nous observons ce qui se passe dans Midgard » – le monde de s hommes. Dans la mythologie scandinave, il y a 9 mondes, on a choisi de venir de Niefelheim parce qu’il y a très peu d’écrits dessus. On s’est dit que c’est un bon terrain de jeu pour pouvoir y créer des choses. C’est donc un bon prétexte pour pouvoir apporter notre regard sur le monde, sur notre civilisation et ce qu’elle est en train de devenir…

C’est d’actualité…

Christine : Oui, totalement ! On veut aussi pouvoir aborder des moments qui nous traversent dans la vie, comme des joies ou la mort…

Cette mythologie scandinave, vous vous l’êtes appropriée comment ?

Christine : Je ne suis pas forcément la bonne personne pour en parler parce que j’ai découvert cette culture il y a peu de temps, il y a deux ans (rires). Mattjö , lui, est baigné dedans depuis tout petit, c’était un intérêt qu’il a depuis le plus jeune âge, la culture scandinave, les vikings, la reconstitution historique, c’est vraiment une de ses passions. Il me l’a transmise quand on s’est connus. Il est féru de toute cette culture, il a beaucoup de bagage littéraire autour de ça, et ce qui était assez marrant, c’est que quand il m’en a parlé, c’est venu à moi parce que j’ai des origines scandinaves. Ma grand-mère m’a laissé, avant de mourir, une broche qu’on lui a léguée : un drakkar de viking. Elle faisait partie d’une longue lignée de vikings. Dans mon puzzle, il me maquait toute cette partie qu’elle n’a pas eu le temps de me raconter.

Ce qui est une justification supplémentaire de ta présence dans le groupe.

Christine : Oui, mais ce qui justifie également ma présence c’est ma signature vocale qui est aussi totalement différente de ce qu’on trouve habituellement dans le pagan. J’ai une voix bien plus grave et rocailleuse, plus rock, et cette touche-là apporte aussi une couleur différente.

Vous allez cette année participer au Hellfest. Comment on prépare une date comme celle-là qui est importante dans la vie d’un groupe ?

Christine : Absolument. C’est énormément de travail. Ça fait plusieurs mois qu’on travaille sur ce concert. Ça demande beaucoup de rigueur, une hygiène de vie particulière, du sport pour être dans la meilleure condition physique parce que on va jouer 40 minutes, mais ces 40minutes, on veut qu’elles soient les meilleures possible, on veut se donner à 300% ! On fait aussi des résidences pour travailler ce concert qui aura lieu dans deux semaines maintenant.

Vous travaillez aussi le visuel, j’imagine ?

Christine : Oui, on aura des costumes beaucoup plus modernes. Il y aura cette touche pagan avec des os et des plumes, des choses qui font référence à la nature, mais il y aura aussi un côté plus contemporain, plus moderne à l’image et à l’esthétique visuelle durant le concert. Donc nos costumes seront beaucoup plus… 2024 (rires) !

Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de votre album pour expliquer à quelqu’un ce qu’est l’esprit du groupe, ce serait lequel ?

Christine : Waow… C’est compliqué comme question, parce que chaque titre de l’album a une histoire différente, un tonalité émotionnelle différente…

Maintenant, tu n’as que 3’ pour convaincre, tu choisis quel titre ?

Christine : Euh… le premier, Niu bylgjur parce que c’est un mélange de tout ce qu’on va découvrir dans le reste de l’album.

Il y a un mystère sur votre dossier de presse que tu vas pouvoir m’expliquer : il y a, sur cette photo très sombre, une femme qui porte une sorte de masque métallique. De quoi s’agit-il ?

Christine : Alors, déjà, la femme c’est moi (rires)…

C’est un peu ce que je pensais…

Christine : Et il s’agit d’un masque, en effet. Un masque que j’ai commandé. On souhaitait que l’esthétique soit plus moderne, tout en gardant l’essence du folklore scandinave et ancestral. Ce que je remarquais dans les visuels des groupes pagan c’est que les femmes, ou les hommes, sont grimés de maquillage souvent du même type. Je ne souhaitais pas me maquiller de la sorte pour éviter d’ennuyer les gens et donner une touche un peu plus moderne. J’ai trouvé qu’il serait plus intéressant de porter ce masque, fait de métaux précieux. Il est orné de pierres. Il fait le lien entre l’ancien et le moderne, je trouve, tout en gardant les codes du passé. La photo de l’album, c’est mon costume de scène. J’ai une robe noire, très longue, mon masque et des dreads que je me fais poser et enlever pour les concerts… J’ai aussi des bijoux, des plumes, plein de petits trucs et gri-gris…

On sait qu’un groupe de rock, d’autant plus avec un premier album, ne vit pas de sa musique. Quelles sont vos autres activités dans vos autres vies ?

Christine : Mattjö est graphiste, Mus, aussi. Nicolas Derolin est intermittent du spectacle, donc il ne fait que ça. Hindrick est, je crois, programmateur en cybersécurité. Et moi, je suis psychologue clinicienne. Je suis vraiment dans l’humain, au quotidien. Je travaille avec des autistes, avec des enfants qui sont dans un autre monde, aussi (rires).

Quelle pourrait être la devise de Hrafngrimr ?

Christine : Je pense que… ça pourrait être la solidarité, la bienveillance, le respect et l’humanité…

C’est d’actualité aussi. En tout cas faisons en sorte que ce soit d’actualité.

Christine : Oh, oui ! C’est important.

WINTERFYLLETH: The hallowing of heirdom

Pagan/Folk, Royaume-Uni (Candlelight, 2018) – sortie le 18 avril 2018

Quelle grosse surprise que ce nouvel album des Anglais de Winterfylleth! A priori, je n’aurai pas chroniqué ce groupe qui nous a jusqu’ici habitués à des album rugueux, black et hurlés comme je n’aime pas… Seulement, comme d’autres, Winterfylleth sait surprendre et se remettre en question et propose aujourd’hui avec The hallowing of heirdom un album acoustique de folk pagan. Une introspection et une visitation de la nature. Pile au moment où je me dis « sortez les guitares et allumez un feu de joie », Embers débute avec ses crépitement de bûches qui se consument. La douceur de l’ensemble, des chants de The sheperd qui évoquent l’heroic fantasy du Seigneur des anneaux à la douceur des guitares de Frithgeard, Elder mother, A gleeman’s volt, jusqu’aux ambiances variées et jamais oppressantes du morceau titre, presque fleuve avec ses plus de 7 minutes, tout ici est une invitation au voyage, à l’introspection et à la communion avec la nature. Winterfylleth ne nous propose ni headbang ni excitation mais nous invite à la contemplation béate et pacifique. Une réussite.