Séance de rattrapage: DIESEL DUST: Just another day…

France, Rock sudiste (Brennus, 2024)

Après avoir mis le pied sur le frein pendant de nombreuses années – le groupe formé à Lyon en 2008 a publié deux albums en 2009 et 2011 – Diesel Dust est revenu aux affaires en 2021 avec Just before… et plus récemment (en mai de cette année) Just another day… un album de 11 titres aux évidentes influences sudistes. On y retrouve tous les éléments qui font la chaleur de cette musique et Diesel Dust ne cache jamais ses influences. Celles-ci vont, oh, surprise!, de Lynyrd Skynyrd aux Allman Brothers en passant par Blackfoot et autres Molly Hatchet. Just another day… voit les musiciens se faire simplement plaisir. Après tout, de vieux briscards comme eux n’ont sans doute pas envie de perdre du temps à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, alors ils vont à l’essentiel. Ou presque, car les morceaux durent rarement moins de 5′ (seul Women est « expédié » en 4 petites minutes et 53 secondes) pour un total avoisinant les 70′ (le groupe conclue avec le morceau titre, véritable montée en puissance et en groove qui frôle les 10′), ce qui rend l’ensemble long, peut-être un peu trop. Si l’accent de Maxime Guichardant est correct, le chanteur est à mes oreilles souvent difficile à comprendre, mais la chaleur de l’ensemble, qu’on à plaisir à écouter en une ou plusieurs fois, est présente partout, des titres plus rock aux plus tendres moments. L’ajout de choristes ne surprend pas – elles sont 4. Si l’harmonica est un instrument (soufflé par Nicolas Ciolfi) partout présent, le groupe (les guitaristes David Benon et Raphaël Porcherot, également aux claviers), le bassiste Mickaël Duvernay et le batteur Denis Josserand), les titres sont naturellement orienté vers ces guitares qui remuent la poussière des routes américaines et ces rythmes qui donnent envie de jouer des poings. Sans révolutionner le genre, Just another day… remet le southern rock au goût du jour.

ODA: Bloodstained

France, Stoner/doom (Autoproduction, 2024)

La pochette de Bloodstained dit tout, ou presque: une nature morte qui évoque l’univers des frères Le Nain, décor éclairé à la bougie, on va invoquer je ne sais quoi. Lorsque résonnent les premières mesures de Children of the night, on se retrouve plongé dans un univers lent, sombre et froid. Le son, crissant et craquant, sonne et résonne comme si l’on se trouvait dans une crypte. Les guitares saturées et le chant trainant presque mélancolique de Thomas Féraud, la basse ronflante tenue par Emmanuel Brège, la batterie lourde frappée par Cyril Thommeret, tout évoque une sorte de rituel. Les participants ont consommé on ne sait quoi et parviennent à proposer des morceaux lourds proches du stoner et du doom. Une fois ce morceau d’ouverture passé – moins de 4′ – Oda nous entraine dans des décors plus étranges qu’oppressants. Avec ses 11′, Zombi suivi de Inquisitor (même lié à) dépeignent plusieurs tableaux, proposent diverses ambiances que ne renieraient pas les grands du genre. Rabid hole et sa basse ronflante, Succubus, hypnotique ou la (légère) montée en puissance de Mourning star parviennent à séduire même si Oda ne réinvente pas le genre. En revanche, le groupe nous offre un premier album prometteur qui mérite qu’on se penche sur son cas.

MUHURTA: Tamas

France, Prog indien (M&O, 2024)

Etrange album que ce Tamas, œuvre signée des Parisiens de Muhurta. L’originalité du projet réside dans l’utilisation d’un instrument peu commun dans l’univers du metal. Le groupe parie en effet sur l’omniprésence du sitar indien pour apporter une tonalité nouvelle au genre. Alors, soyons clairs: je n’ai jamais été amateur de cet instrument ni de musique indienne… Les ambiances nous font cependant voyager. Partout, de la pochette à l’utilisation de cet instrument typique en passant par les ambiances musicales dépaysantes, le groupe cherche à entrainer l’auditeur en d’autres terres. Et là, clairement, sur Les chemins de Katmandou*, on s’arrête, on est accueilli et on s’installe ensemble dans des pièces où ce ne sont pas que des bâtons d’encens qu’on allume… Les ambiances folks proposées par Muhurta, qui évoquent parfois Pink Floyd, à d’autres moments Gojira, sont cependant cassées par des riffs de guitare puissants, un chant torturé et des rythmiques explosives. Quelques blast, quelques hurlements – on peut regretter le manque de finesse du chant – évoque le death ou le thrash le plus rugueux. Mais voilà, tout comme le roman (*) de Barjavel mentionné plus haut (celui qui m’a le moins plu de son œuvre que j’ai pourtant dévorée), je ne parviens pas à plonger dans cet univers sonore qui ne me parle pas. D’autres y trouveront toutefois de quoi se réjouir car, oui, avec Tamas, Muhurta fait incontestablement preuve d’originalité et se démarque du reste de la scène nationale.

INTERVIEW: Parallyx

Interview Parallyx. Entretien avec Lina (chant), Corentin (basse) et Adrien (guitare), le 16 septembre 2024.

Je vais commencer avec une question qu’on ne vous a certainement pas encore posée…

L : Ah ?

Vous pouvez me raconter l’histoire de Parallyx ?

L (rires) : Ah, c’est la première fois qu’on nous le demande ! Parallyx, c’est moi qui l’ai créé, je t’en avais certainement touché un mot l’année dernière au Hellfest. C’est venu de ma volonté de raconter des histoires et de créer une musique que j’aimerai moi-même écouter à la salle. Parce que j’écoute beaucoup de musique quand je suis à la salle de sports et que je cours. Pour une fois, j’avais envie de faire cette musique que j’aime beaucoup. De fil en aiguille, j’ai rencontré Robin qui a été le premier membre à rejoindre Parallyx et qui a ramené avec lui son copain Corentin avec qui ils avaient collaboré sur d’autres projets.

C : Quand j’ai rejoint Parallyx, on cherchait un guitariste et j’ai proposé Adrien avec qui j’avais déjà fait d’autres projet. Ensuite, Matthis (NdMp : j’imagine qu’il s’agit du guitariste…), on avait fait des plateaux ensemble.

La formation est née quand ?

L : Sous ce format, elle existe depuis janvier 2024. L’idée et l’identité officielle de Parallyx, c’était en aout 2023, donc à peine plus d’un an, mais la formation actuelle existe depuis plus d’un an.

Vous sortez un album, le processus de composition a été assez rapide, alors…

L : Oui. On a travaillé en résidence, en fait. On a travaillé pendant une semaine dans une grande maison en Suisse, on avait déjà deux morceaux et on a écrit les 7 restants pendant cette résidence. On est revenus et on a utilisé les deux mois suivants pour fignoler tout ça. On sortait les morceaux en même temps parce que ce qu’on voulait, c’était avoir des choses fraiches qui nous représentent sur l’instant… On n’avait pas envie de faire comme tant d’autres groupes en proposant un album 2 ans après l’avoir composé.

L’album s’intitule The cult – donc à ne pas confondre avec le groupe du même nom qui pourrait sortir un album intitulé Parallyx… Que pouvez-vous nous en dire ?

L : The cult s’adresse non seulement aux personnes qui s’intéressent à la musique mais aussi à celles qui s’intéressent aux paroles. Ce que je voulais, c’était raconter des histoires. Sur cet album, je raconte l’histoire d’une secte, la secte Magdalena Solice. Cette secte a une particularité : Magadalena Solice a été embrigadée par ses frères comme prostituée. Les frères sont arrivés au Mexique en se disant qu’ils allaient se faire de l’argent sur le dos des gens en faisant croire qu’ils avaient trouvé la réincarnation d’une déesse inca. Les gens de ce village sont très croyants et très crédules parce que peu éduqués. Ils ont donc mis en place ce système où les gens donnent de l’argent contre faveur sexuelle de Magdalena. Sauf que peu a peu, elle s’est mise à disjoncter et à croire à ces histoires, elle se pensait vraiment être la réincarnation d’une déesse inca. Dans The cult, je parle de cette descente aux enfers et de l’emprise qu’elle a eu sur les fanatiques de la secte, du moment où la secte a commencé à prendre forme jusqu’au jour où Magadalena a été emprisonnée. Il faut savoir qu’à ce jour, Magdalena a purgé sa peine mais elle a disparu… On ne sait pas où elle est !

Rassure-moi, ce n’est pas autobiographique quand même ? (Rire général)

L :  Non, non, pas du tout !

Ceci dit, il y a un côté qui résonne cruellement avec l’actualité puisqu’on parle énormément du procès des viols de Mazan… Il y a 9 titres sur l’album. Vous avez déjà testé cet album sur scène puisque vous avez pas mal tourné cet été. Il y a eu le festival 666 à Cercoux et le Furious Fest en aout. Quels ont été les retours de ces prestations ?

A : On les a très bien vécus. Le projet étant assez jeune, c’était notre première saison de concerts et de festivals et c’était un peu un challenge, techniquement… Il fallait composer les morceaux, les produire, finir de les enregistrer et en même temps préparer un show, ce qui est un travail complètement différent ! Il fallait faire tout ça en même temps et ça s’est plutôt bien passé…

C : On l’a très bien vécu parce que c’était nos premiers concerts, les retours de ces prestations on été très positifs, ce qui n’annonce que du bon pour la suitre, ce qui nous a donné envie de continuer à travailler notre live. 

A : De très bonnes expériences sur scène, avec le public au rendez-vous à chaque fois. C’est difficile parce que ce n’est pas parce qu’il s’agit de premières scènes d’un groupe qui sort un peu de nulle part que les gens n’applaudissent pas. Ça peut être risqué mais on s’est rendu compte que les gens on vraiment bien réagis au show. On a pu rencontrer les gens après les concerts. Ça a été de très belles opportunités, que ce soit le festival 666 ou le Furious fest, ou même les autres concerts qu’on adonnés…

L : En fait, notre nombre d’écoutes et de followers a doublé en moins de deux semaines. On le prend comme un bon indicateur.

Vous le dites tout les trois, un concert se prépare. Lina, on se connait déjà donc je ne te le demande pas, mais Adrien et Corentin, vous venez d’où ?

C : Moi, pour faire court, je viens du conservatoire classique. J’ai commencé très jeune et à l’adolescence, je suis passé de la contrebasse à la basse, j’ai monté mes premiers groupes de rock avec les copains et petit à petit, j’ai monté de plus en plus de projet tout en continuant le conservatoire. A un moment, je me suis dit que ce serait sympa d’en faire mon métier. J’ai monté plusieurs projets avec Robin, le batteur avec qui j’ai pu rencontrer Parallyx. J’ai donc pu travailler dans divers projets de types différents, du reggae, du ska punk, de la… Mais finalement, tous les chemins mènent au metal !

A : Moi, c’est un peu pareil : j’ai commencé au conservatoire où j’ai fait de la clarinette pendant quelques années. Ensuite j’ai fait de la trompette avant de découvrir la guitare vers 14 ans. J’ai continué tous ces instruments et j’en ai appris d’autres… Je suis multi instrumentiste ce qui me sert parce que je fais aussi de la composition pour d’autres dans d’autres styles. J’ai aussi la casquette d’ingé son en live et en studio. Toutes ces expériences me sont bine utiles pour monter le show de Parallyx, par exemple.

Vous avez déjà réalisé quelques clips, je crois…

A : Oui, je crois qu’on a déjà sortis 4 clips… Avec des esthétiques assez différentes. On voulait explorer des univers différents…

Il y a du feu, de la technologie pixélisée, des choses en effet différentes…

A : Oui, on voulait donner de l’importance à chacun de ces morceaux en leur donnant une esthétique particulière, ce qui va aussi bien avec le fait de sortir ces morceaux en singles plutôt qu’en album uniquement.

Comment décririez-vous chacun la musique de Parallyx pour quelqu’un qui ne vous connait pas ?

C : On va mettre en premier l’étiquette de « metal moderne », qui est en fait un mélange de metalcore, de djent sur certains aspects…

Quels aspects ? Dans ce que j’ai pu écouter, je ne le trouve pas…

C : Il y a quelques passages. Il n’ya pas de morceau purement djent, on retrouve des touches à quelques endroits dans Pandémonium, quelques lignes de basse…

A : C’est vrai que ce n’est pas ce qui ressort le plus de l’album… Il y a du metalcore, du hardcore aussi et tout un coté plus éthéré et pop avec les arrangements et les refrains un peu grandiloquents, de synthés et de couches de voix différentes.

L : On est entre énergie et mélodie, avec plein de choses dedans.

Le chant hurlé, c’est toi aussi, Lina ?

L : C’est moi ! Je fais toutes les voix et tous les bruits bizarres qui sortent par la voix…

Donc il y a une belle palette vocale aussi.

L : Merci !

A : Ce qui était très pratique pour la composition puisqu’on n’a pas eu à se mettre de barrières. Si on voulait un couplet très calme et un refrain qui screame, ou inversement, on pouvait tout faire… En fait, ce type de voix, c’est très pratique, très cool…

Varié et riche, mais ça ne doit pas être évident sur scène…

L : Non ! Je confirme ! C’est fatigant, et c’est très fun…

Si vous deviez, chacun, ne retenir qu’un seul titre de The cult qui soit le plus représentatif de ce qu’est Parallyx, ce serait lequel ?

A : Pour moi, ce sera Pandemonium…

L : Pour moi aussi !

C : Probablement moi aussi… Ou peut-être Matriochka… Est-ce que ça défini ce qu’est Parallyx ?

A : Non, il n’y a pas tous les éléments…

L : On adore le jouer sur scène, mais ce n’est pas celui qui regroupe tous les éléments. Pandemonium recouvre tout : le metalcore, le djent, l’aspect mélodique, un refrain super mélodique…

A : Ca screame sur certaines parties, il y a une petite partie en arabe, ça chante, il y a du gros riffing, des refrains qui font pleurer…

Justement, le côté arabisant vient d’où ?

L : De moi (rires) ! Il vient du fait que je suis Marocaine et du fait que je me dise que c’est dommage : le metal, au Maroc, et dans la communauté maghrébine… Il commence à se développer mais au niveau des femmes, j’ose dire que je tire une certaine fierté d’être une des seules femmes marocaines à faire du metal, en tout cas à mon échelle. S’il y en a d’autres, je voudrais bien qu’on me les présente. Je suis sure qu’il y en a… Mais je voulais faire quelque chose pour mettre cet aspect-là en valeur…

En matière de groupe de metal maghrébin, tout le monde connait Myrath, mais ce n’est pas du tout le même style.

L : Exactement, mais ce sont des garçons !

Il y a donc le côté féministe (elle approuve) mais ce n’est pas une musique propagandiste…

L : Non, pas du tout ! On essaye de véhiculer… Rien du tout en fait, on ne parle pas de nos valeurs, on raconte seulement des histoires. On se tient loin de toute forme de propagande.

Et, à toi toute seule, tu représentes déjà 3 femmes du metal avec tous tes projets…

L (elle rit) : Oui, mais Parallyx reste quand même celui que j’ai fondé… Les autres existaient déjà avant que je n’arrive. Là, Parallyx, on peut dire que c’est moi qui gère la stratégie du groupe, même si on est tous au même niveau dedans. Mais je gère le groupe…

On sait très bien, d’autant plus pour un jeune groupe, qu’on ne vit pas des activités du groupe. Quelles sont vos activités à tous les 5 ?

A : En fait, on vit tous de la musique. On est tous intermittents ou très proche de le devenir. On est à 100% dans la musique, que ce soit avec nos projets annexes, de l’événementiel, des prestations un peu partout…

L : Moi, c’est un peu à part puisque je suis prof de chant – j’ouvre d’ailleurs une école de chant avec des collègues, je donne des cours depuis quelques années. J’enseigne à pas mal de gens qui sont dans des groupes de metal. C’est ma principale source de revenus.

Quelle pourrait être la devise de Parallyx ?

L : J’en ai une, je peux la proposer, les gars me diront s’ils sont d’accord.

Ils peuvent en proposer une autre…

L : Oui. Moi, ma devise c’est « de l’égo mais pour le projet ». On aime bien dire que pour être musicien, et pour avancer dans ce milieu, il faut avoir de l’égo. Notre but c’est avant tout de servir le projet, donc pas d’égo mal placé. Il faut des idées pour des compos, mais si au final on ne le retient pas, il ne faut pas le prendre mal, c’est que ça ne sert pas le projet. On ne se met pas de limites non plus.

On termine avec ceci, et là, c’est vraiment individuel : quels sont les 5 album que vous avez le plus écoutés dans votre vie ?

L : Je sais qu’il y en a d’Avenged Sevenfold – City of evil et Nightmare, ça en fait déjà 2 – le premier album de Bloodywood, Rakshak, Welcome to horrorwood de Ice Nine Kills et… Techno, de Electric Callboy.

A : The way of all flesh, de Gojira. Peut être un album de Whitechapel. Ensuite… We like it here de Snarky Puppy dans une veine jazz. Il y aura aussi un album de reggae… ça va être dur de choisir ! sans doute un album de Max Romeo, Words from the brave. Ensuite, une petite OST de Ori and the blind forest.

L: Oh oui!

C: C’est dur… Je vais commencer avec Meteora de Linkin Park. The second law de Muse, l’intégralité des albums de Against The Current – je dirais Fever. Il m’en reste 2, c’est ça ? Sans doute Misery de The Amity Affliction et pour terminer… un album de Insane The rainy Music qui s’appelle Sinovation (Lina se marre). C’est un album d’arrangements, c’est un peu perché mais j’adore ça

Avez-vous quelque chose à ajouter avant de terminer ?

A : Oui, abonnez-vous, dans un premier temps, et, surtout, venez nous voir le 8 novembre à Anthony pour notre release party. On a des invités super cool et on va jouer tous les titres de l’album. Ecoutez l’album, on y a mis beaucoup de tripes, de cœur…

L : D’argent aussi !

A : Et pour cet argent, achetez notre merch, ça aidera pour le prochain album. Ecoutez le et dites ce que vous en pensez, même si vous n’avez pas aimé. Ecrivez le, dites que vous avez trouvé ça nul !

L : Carrément, on prend toutes les critiques ! Maintenant, ce n’est que le début !

TARAH WHO?: The last chase

France/USA, Heavy rock (M&O, 2024)

Après nous avoir présenté son nouveau groupe et, ensemble, parlé de son nouvel album lors du dernier Hellfest (cf. interview avec ce lien), penchons nous sur ce nouvel album de Tarah Who?, The last chase. Au travers de 10 titres (plus une intro nommée… Intro), la jeune femme livre sans détours ses aspirations Rock au sens le plus large. Tarah Carpenter nous avait montré une large palette musicale avec The collaboration project, et réitère aujourd’hui son propos tout en évoluant. Avec un nouveau logo à la Kiss, le message peut sembler évident: on va écouter du rock, heavy et entrainant. Certes, mais Tarah Who? va au-delà et, sans jamais tourner le dos à ses sources d’inspirations, sait varier ses plaisir en piochant tant du côté du rock groovy que du grunge plus énervé. Avec toutefois une ligne directrice: celle de mélodies entrainantes, presque dansantes, sans jamais tomber dans une sorte d’outrance gratuite et sans relief. Si, comme le dit la majeure partie des musiciens, Safe zone est une parfaite introduction à l’univers musical du groupe, les autres titres montrent l’ensemble des facettes d’un groupe au potentiel certain. Une formation qui mérite aujourd’hui plus que de simples premières parties. A ce titre, The last chase est un nom bien mal choisi tant on a envie de croire au départ d’une course de fond…

LOFOFORA: Coeur de cible

France, Rock énervé (At(o)me, 2024)

En ces temps troublés, l’arrivée d’un nouvel album de Lofofora est tout sauf une surprise. Notre monde offre un terrain idéal de thèmes d’inspirations autant littéraires pour le toujours très engagé chanteur Reuno et musicales pour Daniel Descieux (qui nous tricote des riffs bien plus fins que la brutalité du propos ne pourrait le laisser penser) ainsi que Phil Curty et Vincent Hernault qui, à la basse et à la batterie, nous concoctent des rythmiques aussi rentre-dedans et directes qu’entrainantes. Avec sa pochette rouge sang (frais, le sang… une pochette dont on avait eu un aperçu lors du dernier Hellfest) et son cœur percé de ces inventions de violence humaines, Coeur de cible nous entraine, au travers de 11 nouveautés en ces terres de fusion lofoforiennes énergiques et engagées, voire enragées. Si on a naturellement l’impression de naviguer en terrain bien connu, Lofo nous laisse parfois croire à des reprises retravailler de ses propres titres. Les paroles de Konstat 2024 (avec un K comme Kalash?), par exemple, m’évoquent par instants Les choses qui nous dérangent. Logique, me direz-vous, car comme évoqué plus haut, les temps se prêtent à ce type de réflexion depuis tellement longtemps que l’on ne peut que faire un constat qui se répète, à l’envi. Comme à son habitude, le groupe puise dans différents styles qu’il mélange et malaxe pour en faire sa propre mixture sur laquelle Reuno vient cracher sa colère. Avec le temps on aurait pu penser que Lofo perde en colère, mais non, bien au contraire. Engagé un jour, engagé toujours, c’est ce qui colle le mieux au Lofofora 2024. Coeur de cible est une réussite de bout en bout, rien moins.

KAMI NO IKARI: See you in hell

France, Deathcore (Dark Tunes, 2024)

Brutal de chez brutal, ce See you in hell, premier méfait des Français bien nommés de Kami No Ikari. « Bien nommés » parce que le nom du groupe signifie La colère des dieux. Et ils la traduisent avec force rage, cri et hargne. Clairement, le deathcore, qu’il soit mélodique ou direct, n’est pas du tout mon style de metal… Si je ne trouve aucun intérêt à cette brutalité malsaine et gratuite (ce que je préfère reste la pochette et son pendant intérieur que je trouve superbes), en tendant un peu l’oreille, on découvre une forme de volonté mélodique dans certains arrangements. Si le groupe formé à Paris en 2021 et déjà auteur l’année suivante d’un premier Ep (Hakai) se dit influencé par des formations comme Shadow Of Intent ou Fit For An Autopsy, le look et l’inspiration nippones ne peuvent qu’évoquer leurs compatriotes de Rise Of The Northstar mais, musicalement, dans un style beaucoup plus brutal. Pour cet album, le hurleur Amarino Barros et ses comparses (les guitaristes Rodolphe Brouat et Silvère Escandre, le bassiste Brice Baillache et le batteur Yohan Dieu) font appel aux conseil de Francesco Ferrini de Fleshgod Apocalypse, autre influence évoquée ainsi qu’à HK Krauss qui tient les manettes du studio. Si la rage est de mise tout au long de ces dix titres, on trouve ci-et-là une certaine forme d’apaisement, quelques moments d’accalmie au milieu de ce typhon sonore. On nous demande quel côté de la porte nous choisirions? Personnellement, ce sera la sortie, mais, encore une fois, je ne suis pas amateur de deathcore. Les connaisseurs et amateurs, eux, entreront sans nul doute par la grande porte.

Interview: TARAH WHO?

Tarah Who? au Hellfest 2024

Interview Tarah Who ? Entretien avec Tarah (chant), Nico (batterie), Ash (basse) et Vincent (claviers, percussions). Propos recueillis au Hellfest le 29 juin 2024.

Ça a donné quoi votre concert d’hier sur la Hell stage ?

T : C’était bien fun…

Même si un peu en retard ?

T : Mais, c’est pas nous !

A : Il y a eu un peu de retard sur la journée, mais c’était bien cool d’être présents sur la Hell stage, vraiment !

Une question pour toi, Tarah, puisque la dernière fois qu’on s’est rencontrés, ici-même, le groupe n’était pas du tout le même. Alors que s’est-il passé et comme as-tu déniché ces quatre musiciens ?

T : En fait, on était toutes les deux à Los Angeles et Coralie est rentrée en France. Moi, j’avais écrit un nouvel album, The collaboration project, et quand on a eu la tournée avec Life Of Agony, je cherchais déjà quelqu’un à la batterie. J’ai demandé à Ash s’il voulait tenir la basse, le sortir un peu de son projet personnel… Explique lui, Ash…

A : Ça fait des années que je connais Tarah, on bossait ensemble, on s’est rencontrés, sur d’autres projets il y a plus de dix ans, moi à la basse et elle à la batterie. On a tout de suite accroché et on a continué de jammer ensemble avec des projets qui ont plus ou moins abouti. On est restés en contact et, quand elle est repartie aux Etats-Unis, elle m’aproposé de venir aussi et c’est comme ça que j’ai intégré la première fois Tarah Who ? Mais à ce moment, j’avais aussi mon projet et elle a trouvé un autre bassiste à ce moment. Et Nico…

Ben… Nico va parler de lui alors… (rires)

N : Ce qui est drôle, c’est que Tarah et moi on a joué ensemble il y a une dizaine d’années, mais on s’est un peu perdus de vue. On s’est recroisés au Hellfest – c’est pour ça aussi que c’est un festival un peu particulier pour nous – elle jouait au Off il y a deux ans, et je faisais des verres avec Kraken, entre autre au VIP et on s’est recroisés à ce moment-là et on a gardé contact. Dans l’évolution de nos projets, on a pu recommencer à jouer ensemble.

Et toi, Vincent ?

V : On s’est rencontrés il y a un peu plus d’un an, Tarah et moi. On est partis en tournée ensemble en mars 2023. Je suis batteur à la base et ils avaient besoin d’un batteur, donc j’ai été sorti de mon groupe du jour au lendemain et j’ai eu 7 morceaux à apprendre en un week-end. On a répété 3 jours et on est partis en tournée pendant deux semaines. Après ça, j’avais du travail à la rentrée et je n’ai pas pu assurer la tournée avec Life Of Agony et Prong. C’est Nico qui a absolument assuré…

T : Et L7 aussi…

V : Aussi… Après, j’ai toujours voulu pouvoir jouer des synthés, et Tarah aime bien ma présence, mon humour douteux et je ne sais pas quoi d’autre… (Tarah confirme) et elle m’a proposé de rejoindre le groupe sur des sets un peu plus longs. Il y a eu une tournée à la fin du mois d’avril 2024 et je suis venu en support avec des claviers, des textures pour les morceaux. Une tournée qui s’est terminée assez magnifiquement par un plateau Tarah Who ? Patron et Alain Johannes au Petit Bain à Paris (NdMP : le 30 avril 2024) et maintenant… I’m around s’il y a besoin !

L’actualité c’est aussi un album à venir, The last chase, qui sort le 20 septembre. Tarah, comment analyserais-tu l’évolution musicale de Tarah Who ? entre The collaboration project et The last chase ?

T : The collaboration project, je l’ai beaucoup plus fait toute seule, Coco étant partie. Même quand delle était encore là, je travaillais beaucoup plus en amont les démos parce qu’elle était à côté. Je lui présentais ce que je voulais à la batterie, et quand on arrivait en studio, tout était déjà prêt. Là, on a tout fait à distance : je leur envoyais les démos, Vince ou Ash me renvoyaient leurs versions avec des idées qu’ils avaient eues en plus. Ensuite, on les jouait pour la première fois en studio. La patte d’Alain a beaucoup joué aussi, Alain Johannes. Après The collaboration project, je voulais travailler avec une productrice, et finalement, avec l’écriture, je me suis rendue compte que ce que je voulais c’était plus un style que je savais qu’Alain allait comprendre. Quand je l’ai contacté pour demander quand on allait pouvoir le faire, c’était trop loin – il était en tournée, nous, on avait des dates en Europe… Donc on a fait quelques jours là et là, à Lisbonne et Barcelone. Le courant passe vraiment entre nous, c’est très naturel. Il a tout de suite compris ce que je voulais faire et rester fidèle aux démos. J’avais suffisamment confiance en lui pour le laisser faire, et c’est vraiment un poids en moins pour moi. Sur The collaboration project, quand Coco est partie, j’ai dû me mettre à la guitare, batterie et la basse, et c’était trop. En plus, il fallait que je sorte l’album à une certaine date… Là, le fait d’avoir Vince et Ash m’a vraiment permis de me décharger.

C’est sans doute la plus grosse évolution, ce travail partagé…

T : Oui, complètement. Parce que je n’ai pas eu à m’occuper des basses, de la batterie. Alain, je savais que je n’avais pas besoin d’être là…

Je n’ai pas pu écouter l’album dans son intégralité, mais ce que j’ai entendu est à la fois très rock et très varié. Comment décririez-vous la musique de The last chase ?

T : J’écris toujours au ressenti, je n’ai pas d’intention au départ. Si ça sort punk ou grunge… Par exemple, il y a une chanson que j’avais plus écrite en pensant à la tournée qu’on va faire avec The Exploited parce que je ne veux pas jouer que des anciennes chansons, il faut qu’on soit un peu plus punks dans notre approche pour cette tournée. Finalement, ce qui est sorti, c’est un album beaucoup plus rock que punk… J’aime beaucoup la direction que ça a pris naturellement…

Vous rejoignez ce que dit Tarah ? Vous aviez connaissance de ce qu’elle faisait précédemment, j’imagine…

A : Oui, et comme le dit Tarah, on ne se soucie pas vraiment du genre qu’on fait. Ce qui est important, c’est ce qu’elle a envie de sortir comme émotion sur ses chansons, de se fier à ça. Si c’est du punk qui se transforme en grunge ou un autre style de rock… Moi, je dis qu’on fait du rock, du rock énervé et ça, ça englobe beaucoup de choses. Je préfère que les autres jugent du style.

T : De toute façon, à la base je ne me suis jamais sentie punk dans le sens où on ne fait pas du poum-tchack poum-tchack… On a été catégorisés punk juste parce que quand on nous voit live, c’est beaucoup plus vénère, mias ce qui est enregistré, pour moi, ça n’a jamais été punk UK…

Ce n’est pas non plus le premier mot qui me serait venu à l’esprit…

T : Pourtant, les reports de nos concerts, ce n’est que ça.

A : Je pense qu’il n’y a jamais une voloté de jouer un style en particulier quand tu fais de la musique. Effectivement, ça s’inscrit dans une veine rock, parfois grunge, parfois punk…

N : Et sur scène, il y a une énergie différente. Tarah, effectivement, s’entoure de gens qui ont des expériences différentes, et quand ça fonctionne bien, ça délivre une énergie au-delà d’un message ou de ce qu’il se passe sur scène. Je pense qu’il n’y a jamais une volonté de vouloir correspondre à tel style ou rentrer dans telle case.

En tous cas, pas en ce qui vous concerne. Pour certains, c’est une marque de fabrique…

A : Oui, mais dans notre cas… Nous, on fait de la musique, si ça doit partir dans un autre sens, on ne va pas se freiner sous prétexte que ce n’est pas ce qu’on voulait…

Justement, est-ce que vous avez eu chacun votre mot à dire dans le processus d’enregistrement et de finalisation de ce disque ? La matière brute, c’est toi, Tarah, qui la crée et l’envoie (elle confirme). Est-ce qu’ensuite, pour les arrangements ou différentes choses, vous dites « ça, ça ne va pas passer, on pourrait le faire comme ça » ?

T : Juste avant, je peux dire un truc ? S’ils sont là, ce n’est pas par hasard, c’est parce que j’aime leur personnalité en tant qu’humains, mais aussi, quand ils jouent, j’entends vraiment la différence. Ils sont là, pour une raison…

Ecoutez-bien, hein ! C’est là qu’on cite La Fontaine : Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute (rire général, l’un d’eux ajoutant « du coup, on l’écoute ! »)

A : maintenant, on la connait, on sait à quoi s’attendre. Il n’y a pas d’égo de musicien en mode « si j’enregistre, il faut que j’ai mes lignes et ce sera comme ça ». En revanche, elle propose des démos, on les écoute, on essaie de reproduire et si on a des idées par rapport à ça on lui présente. Ensuite, c’est elle qui nous dit « oui », « non », « ça c’est cool », « ca, on verra », « peut-être pas » ou d’autres un non catégorique. L’idée, c’est qu’on échange, qu’on puisse proposer des trucs mais en tant que musicien, sur la partie studio, enregistrement, on est là pour reproduire ce qu’elle veut et ce qu’elle entend. On propose, il y a un échange, mais on ne cherche pas à imposer parce qu’on pense que c’est mieux ou que…

Sur The last chase, si vous ne deviez retenir qu’un titre pour expliquer à quelqu’un ce qu’est Tara Who ?, ce serait lequel ?

T : Je dirai Safe zone, parce que c’est un message qui dit : « venez comme vous êtes et éclatez vous ». En fait, tous les messages de Tarah Who ? c’est plus ou moins pour expliquer qu’il faut arrêter de se cogner dessus, c’est débile…

A : Je suis d’accord, et c’est un titre qui représente bien la musique du groupe

V : j’aime bien Do you believe in Santa Claus parce qu’est c’est très fun. Mais c’est vrai que j’aime beaucoup Safe zone pour ce que ça veut dire… Live, Santa Claus va être très fun à jouer !

N : Je dirais aussi Safe zone, c’est un morceau très rock, avec des parties très énervées, mais au final, il y a des parties presque disco à la batterie, quelques éléments presque électroniques qu’il y avait déjà dans d’autres titres. Je pense que ça couvre très largement l’univers de Tarah Who ?

Avez-vous quelque chose à rajouter avant qu’on ne termine ?

A : Simplement, continuez à nous soutenir en venant nous voir en concert et en achetant nos albums. Dont The last chase

TWO TRAINS LEFT: Probably for nothing

France, Post punk (Autoproduction, 2024)

Elle est toujours bien présente, l’influence du punk US festif des années 90/2000! Normal, me direz-vous, les musiciens actuels ayant souvent été nourris par les Blink-182 ou autres Foo Fighters, sans doute bien plus que The Offspring. Quoique… Two Trains Left fait partie de ceux-là et se réapproprie le genre. Formé à Paris en 2016 par Dimitri Benhamou (chant et guitare) et Tom Bessah (basse), Two Trains Left (2TL pour les intimes) est complété par le guitariste Julien Debruyne et le batteur J-B Paon et publie en 2018 Sorry & pathetic, un premier Ep qui leur permet de tourner avec rien moins que Anti-Flag. Mais la crise sanitaire arrive avec son lot de freins et de frustration. Pourtant, 2TL parvient à maintenir la tête hors de l’eau en publiant quelques singles avant de revenir aujourd’hui avec ce premier album, Probably for nothing (bonjour l’optimisme du titre!) qui nous replonge dans ce rock festif des années 90. Retour direct sur nos canapés à écouter le générique de Beverly Hills ou de Friends! Les titres rock côtoient des morceaux plus tendres dans un ensemble entrainant et réussi. Le chant anglais est parfaitement maitrisé ouvrant ainsi des possibilités à l’international – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Huey Lewis himself a posté sur ses réseaux leur version de Stuck with you, titre de HL and The News paru sur Fore! en 1986. S’il manque encore un peu de maturité, et d’identité sonore propre à 2TL, Probably for nothing porte sans aucun doute mal son nom tant il y a d’envie et de soleil tout au long de ces 12 titres (dont une reprise de Chunk! No Captain Chunk) alors n’hésitez pas à les découvrir.

SEX SHOP MUSHROOMS: God doesnt exist

France, Grunge (Autoproduction, 2024)

Grunge’s not dead! Nirvana non plus! Enfin, pas dans l’esprit des Français de Sex Shop Mushrooms qui, avec leur premier album, God doesnt exist, cherchent sans jamais s’en cacher, à faire revivre cet esprit de révolte rock’n’roll que les trois de Seattle avaient insufflé. Oui, c’est toute une génération, et plus, qui fut marquée à vie par Cobain et consorts. Même la photo du livret évoque un concert de Nirvana! Mais non, c’est bien un quatuor de trublions parigots qui nous sert cet album sans fioriture, direct et dans ta face. C’est en 2022 que Timothée Leporini (chant / guitare), Giulia Vinciguerra (batterie), Victor Cresseaux (Guitare) et Cyprien Ortuno (basse) décident de former Sex Shop Mushrooms et rendent ainsi un véritable hommage à Nirvana. Car, oui, il s’agit clairement plus d’hommage que de plagiat même si le chant torturé, les titres titres simples et directs, les guitares saturées sont toujours plus qu’inspirés des grand frères. Aucun des onze titres de ce premier album ne peut laisser indifférent, et l’on se surprend à replonger dans ces années irrévérencieuses à souhaits. On imagine aisément que peu de scènes puissent résister à ces quatre là tant ça déboite sévère!