DOKKEN – The lost songs: 1978-1981

USA, hard rock (Silver lining, 2020)

Dokken… ah, Dokken et les guerres incessantes entre Don Dokken, chanteur et fondateur du groupe et George Lynch, prodige de la six cordes. Ah, Dokken et son arrivée dans le monde discographique grâce au label français Carrère, séduit par le hard rock depuis qu’il a signé Saxon. Dokken et son indispensable triptique Tooth and nail (1984), Under lock and key (1985) et Back for the attack (1987)… Oui, mais Dokken a aussi eu une vie avant, même avant son premier album, Breaking the chains (1983). Le chanteur a remis la main sur de vieilles démos, les a finalisées tout en gardant le son d’époque, et nous les livre aujourd’hui pour que nous, ses fans, puissions aussi profiter des origines du combo grâce à ce The lost songs: 1978-1981. Euh, au fait, pas encore de Lynch ici, il s’agit vraiment d’enregistrements bruts, à l’exception des deux derniers titres, Liar et Prisoner, enregistrés en public. Alors voilà, au fil de mon écoute, je me pose une question simple: sachant que cette période m’a toujours fait vibrer, en me replongeant dans ces 80’s naissantes, aurai-je aimé Dokken? Cette version de Dokken, naturellement. Pas sûr. Le chant est encore timide et peu affirmé sur Step into the light, Day after day, les ballades trop nombreuses et sirupeuses (Day after day, Rainbows…). Les groupes de cette scène florissante se connaissaient, se croisaient, fréquentaient les mêmes clubs et se stimulaient, et l’on retrouve ici des traces de Mötley Crüe (certaines lignes de chant à la canard) ou Ratt (Juan Croucier a d’ailleurs co-écrit Hit and run) ou encore Great White (le son et le style de guitare sur le précité Hit and run) parmi d’autres. Si la fin propose un Dokken plus dur et rentre dedans (le rapide et furieux No answer ou le nerveux Back in the streets), l’en,semble reste assez classique. On se rend vite compte de ce que peu apporter une oreille extérieure, Felony en étant le meilleur exemple, seul titre que l’on retrouvera plus tard sur la première galette. Ne vous y trompez pas, le Prisoner ici présenté n’a rien de commun avec celui figurant sur Back for the attack. En résumé, ces « chansons perdues » ne marqueront pas vraiment l’histoire du metal ni celle du groupe. Un document qui ne s’adresse qu’aux fans ultimes, mais rien de plus.

Concerts from home: ANTHEM

Faire le tour du monde sans bouger de chez soi, sans passeport ni frontières, c’est l’invitation de Metal Eyes à travers la (re)découverte de ces albums live, mythiques ou moins connus, décortiqués en cette période sans concerts. Cette semaine, Concerts from home vous emmène au pays de Soleil Levant. On est partis?

ANTHEM – The show carries on ! 

Japon, Heavy metal (1987, Nexus)

1980 n’est pas que l’année de la renaissance du heavy metal en Angleterre. Un peu partout, le genre semble se refaire une santé, que ce soit aux USA ou en Europe qui voit naître nombre de nouvelles formations. Plus étonnant, sans doute parce que nos esprits n’y sont pas préparés, c’est l’extrême orient, le pays du Soleil levant qui entre dans la danse, donnant naissance à des Loudness, Earthshaker ou autre Anthem qui voit le jour en 1980, à Tokyo. La formation répète, se forge une identité sonore, visuelle, un caractère musical, et, là aussi, quelque chose se passe. Ce n’est cependant qu’en 1985 que Anthem, alors composé des fondateurs Naoto Shibata à la basse et Takamasa Ohuchi à la batterie, accompagnés du chanteur Eizo Sakamoto (arrivé fin 1984) et du guitariste Hiroya Fukuda, véritable arme secrète du quatuor, publie son premier album autonommé qui lui apporte une certaine exposition internationale. Deux ans plus tard, les nippons publient Bound to break, leur remarquable troisième album. Sans doute est-il temps d’aller faire du pied aux Américains ? Il y a peu de traces des concerts donnés par Anthem cette année là, mais voilà : le groupe pose ses flight cases au récent Country Club de Reseda – autant dire Los Angeles – le 5 juin 1987. Dans ses bagages se trouve le producteur Chris Tsangarides dont la renommée n’est plus à faire (il a notamment travaillé avec Thin Lizzy, Tygers of Pan Tang, Anvil et bien d’autres). A l’extérieur, le studio mobile Record Plant. L’enregistrement sera ce soir piloté par Bill Fresh. D’abord boite de nuit, la salle, d’une capacité de 1.000 personnes, fut inaugurée en 1980 et ses activités se diversifient jusqu’à sa fermeture en 2000. Et en ce 5 juin, Anthem joue en tête d’affiche, se faisant accompagner par Racer X, en vue, et les plus jeunes Commander. Et l’on serait tenté de croire que les deux groupes ont fait leur job de chauffeurs de salle tant l’accueil réservé à Anthem est explosif. Le quatuor ne se fait, au fil des 10 morceaux retenus, pas prier pour donner de la voix, de l’énergie et se mettre se public dans la main ! Et ce n’est pas que parce que le groupe sait charmer avec ses paroles mélangeant anglais et japonais, non… Si le son est brut, Tsangarides, qui mixe ce The show carries on !, le restitue comme il se doit : vrai, franc et direct. Fou de bout en bout, Anthem, dès l’explosif Machine made dog ne lâche rien. La voix surpuissante et enragée de Eizo dit clairement sa volonté d’en découdre, la guitare de Hiroya fait des merveilles. C’est remarquable sur son solo qui mixe Beethoven et Malmsteen (ok, néoplpasme…) sur Empty eyes. Les influences du groupe vont bien plus loin, Lay down – la rage vocale ne laisse aucun doute quant aux intentions du chanteur – lorgne volontiers du côté d’Accept. La puissance est telle que le pont calme sur Soldiers est bienvenu. C’est d’ailleurs le seul moment de repos du concert ! Clairement plus heavy que ses confrères, Anthem veut s’imposer dans le paysage musical mondial. D’abord paru sur le label Nexus en septembre 1987, la prestation fut amputée de quatre titres (Tightrope dancer, Headstrong, Night after night et Rock n roll stars) ainsi que du solo de batterie. Même la réédition en CD de King records, en 2001 les laisse de côté. Il faudra attendre 2005 pour retrouver le show dans son intégralité sur le double album The show carries on ! Complete version, toujours proposé par King records. Malgré ses productions d’un niveau remarquable, malgré la puissance de ce live dantesque, Anthem ne parviendra cependant jamais à percer internationalement et se séparera en 1992, avant de revenir en 2000 pour ne plus s’arrêter, devenant un des groupes japonais les plus productifs de l’histoire. Puisqu’on n’a que peu de chances de les retrouver, rattrapons-nous avec ce The show carries on ! dédié à « tous les heavy metal kids, passés, présents et à venir ». Imparable, une grosse claque, en tous les cas.

Interview: BLACK BART

Interview BLACK BART : entretien avec Babass (chant, basse) Propos recueillis par téléphone, le 6 novembre 2020

Le bordel qu’il doit y avoir dans la tête des pirates ! Comment, au cours d’un entretien, on en arrive à parler de musique, d’élections américaines, de confinement, comparer le nombre d’attestations faite en une journée, de la légendaire planque où Barbe noire aurait caché son trésor sur les côtes américaines… Bon, j’y suis pour quelque chose, certes, et quand une interview se transforme en discussion, le job est plaisant. Impossible cependant de tout retranscrire, et cela dans un pur souci de compréhension lors de ta lecture…

 

Metal-Eyes : Tu viens en off de me dire comment tu te sens, alors, on ne va pas parler du confinement…

Babass : Non… La situation est suffisamment chiante comme ça, alors on va éviter…

 

Metal-Eyes : Tu veux qu’on parle des élections américaines ?

Babass : C’est une belle comédie qui mériterait qu’on écrive une chanson dessus, mais, non… Je le ferai peut être un jour, qui sait ?

 

Metal-Eyes : On ne sera pas dans le même univers…

Babass : Il y a une sorte de piraterie quand même… Ça peut être cohérent.

 

Metal-Eyes : On remplacera Barbe Noire par…

Babass : …  « Mèche folle », le sale môme qui ne veut pas rendre ses jouets !

 

Metal-Eyes : On n’est pas là pour parler de ça mais bien de Blackbart. Comme c’est notre premier entretien, laisse-moi te poser la question la plus originale qui soit : peux-tu me raconter l’histoire de Black Bart ?

Babass : Alors, je reprends mes petites notes parce que je ne me souviens plus très bien (rires). En fait, ça a commencé avec Les Tontons Flingués, un quatuor avec Marco, Zozio et un autre guitariste qui a décidé de prendre son envol. On a alors intégré le jeune Rudy et ça a été l’occasion pour remettre en question ce qu’on faisait dans ce groupe. C’est aux alentours de 2008, on a toujours le même line-up depuis. On en a profité pour revenir à nos sources, à ce qu’on aime : le gros heavy qui tâche ! Ça a évolué tout doucement, on est de plus en plus heavy, il y a plus de thrash et de heavy allemand dans ce qu’on fait.

 

Metal-Eyes : Quand tu parles de heavy allemeand…

Babass : … il n’y a pas forcément de liens avec Running Wild comme on pourrait le croire. Ils font partie des groupes que certains d’entre nous ont écouté, mais on écoute tous des choses différentes, ce qui fait l’amalgame de nos sources d’inspiration. Rudy et moi sommes sans doute les deux plus heavy du groupe, Marco a un panel beaucoup plus large qui peut aller de I Muvrini à Megadeth… Et c’est à peu près la même chose pour Zozio qui reste un peu plus rock’n’roll, et ça nous permet d’avoir un panel assez large.

 

Metal-Eyes : J’avais noté sur votre précédent album des influences qui vont de Metallica à Judas Priest, en passant par Iron Maiden, donc le gros metal des années 80.

Babass : C’est tout à fait ça, c’est vraiment notre période favorite. Après, tous ces groupes ont continué, ils ont évolué aussi. Je n’aime pas cette formule, mais c’est vrai que c’est un peu notre fonds de commerce. En plus, on veut que ça sonne assez brut et assez naturel, aussi bien au niveau de la production.

 

Metal-Eyes : Vous avez décidé de faire reparler de vous avec la ressortie, ou la rediffusion de Canewydd Bach, un album qui date de 2018. Pour quelle raison vous voulez qu’on en repale aujourd’hui ?

Babass : On voudrait bien que cet album intéresse des labels, des tourneurs, et le meilleur moyen d’en faire reparler, c’est de le ressortir. On n’a pas de distrib’, pas de tourneur, et on pense que cet album mérite mieux que l’anonymat. Et avec la sortie de Pièce de huit, l’idée c’est de relancer cet album. L’un et l’autre sont liés, Pièce de huit est la continuité de Casnewydd Bach, et les prémices de ce qui arrive. S’il n’y avait pas eu la Covid, l’album serait arrivé un peu plus vite, mais là, on est un peu bloqués. Pièce de huit est un intermédiaire entre le passé récent et le futur proche.

 

Metal-Eyes : Vous avez aussi fait le choix de faire ce lien entre ces deux albums avec un Ep. Pourquoi ne pas être allés jusqu’au bout et proposer l’album en entier ? Il y a une vraie différence avec le Ep ?

Babass : Oui, il y a une différence avec les morceaux qu’on est en train d’écrire. On met un pied de plus dans le heavy thrash. Il y a des prémices sur Pièce de huit. Un morceau comme Le maitre est très lourd, mais le refrain est aussi très rapide. Une sorte de mélange et d’opposition entre les deux parties. On ne se donne pas de limite. Pour l’album à venir, il y aura des morceaux très lourds, ou d’autre choses, comme Les filles de madame Henry, plus légères.

 

Metal-Eyes : Sur pièce de huit, j’ai aussi noté une approche à la Slayer, dans Panier de crabes…

Babass : Tu es le premier à faire ce genre de remarque, et ce n’est pas faux. Slayer fait partie des groupes qui nous ont marqués un moment, il y a des rythmiques super intéressantes, le jeu de double grosse caisses, des choses que j’aime bien. C’est sûr qu’à un moment, ça revient aussi…

 

Metal-Eyes : Sur Le maître, à mi-parcours, il y a des traces d’ADX, aussi…

Babass : On a eu l’opportunité de jouer avec eux, sur un festival, il y a trois ans, je crois. Il y avait ADX, Vulcain Drakkar… J’aime beaucoup le dernier album d’ADX, les deux derniers, même. Les autres sont bien, mais ceux-là m’ont bien claqué la figure !

 

Metal-Eyes : Tu m’as dit que votre fonds de commerce, c’est le gros heavy qui tâche. Mais pour quelqu’un qui ne vous connait pas du tout, comment décrirais-tu l’univers, l’esprit de Black Bart ?

Babass : Alors… On pourrait croire qu’on est totalement dans l’univers de la piraterie, qu’on pourrait ressembler à des groupes comme Alestorm, Running Wild, mais en fait, non. On est assez différents musicalement, on explore d’autres univers musicaux, on s’exprime en français et les thématiques ne sont pas forcément la fête, la beuverie, les filles et le rhum ! Comme je suis le maître de la plume, j’essaie d’élargir les sujets. 50% des textes sont tournés vers les légendes de la piraterie et de la mer, et le reste est tourné vers coups de gueule, les hérissements de poils et ce genre de choses. Il n’y a aucune chanson d’amour dans Black Bart, j’ai fait une croix dessus il y a 15 ans et j’ai dit que je n’en écrirais plus (rires) ! C’est un choix, complètement arbitraire. Sur le 4 titres, il y a Panier de crabes, qui parle du fait que, quand tu veux te sortir d’une situation, il y a toujours quelqu’un pour te tirer vers le bas. Chaloner Ogel, c’est une légende maritime, c’est l’ancien second de Black Bart, qui est aussi devenu celui qui l’a chassé, a arraisonné son bateau et a entrainé sa mort… Le maître a été inspiré par une émission de France Inter sur L’exorciste : il y avait le témoignage d’un prêtre qui a demandé, lors d’un exorcisme à ce qu’il y ait le silence dans la pièce et une voix caverneuse a répondu « non, non, plus jamais de silence ! J’ai inventé la télévision pour qu’il n’y ait plus de silence. » Ça m’a marqué et j’ai un peu détourné cette phrase parce que je crois, qu’aujourd’hui, le nouvel enfer, c’est internet, donc j’ai un peu dévié dessus. Et Mammon, qui parle de tous ces gens voués au diable de la finance qui est Mammon. Tu vois que le panel et large. Les thèmes abordés sont généralement à l’origine de la musique qui arrive derrière… Aussi bien musicalement qu’au niveau des textes, on essaie d’ouvrir le panel.

 

Metal-Eyes : Tu disais qu’il y a 15 ans tu as décidé d’arrêter de parler d’amour. Y a-t-il d’autres thèmes que tu refuses d’aborder parce qu’ils n’ont pas leur place dans Black Bart ?

Babass : A priori, je dis oui et non…

 

Metal-Eyes : Alors là, bravo ! Merci !

Babass : (rires) oui, c’est vrai… Je me suis auto-censuré sur un texte, il n’y a pas longtemps, il s’appelait Les chasseurs de vermine, et je me suis dit que c’était beaucoup trop provocateur pour le mettre en ligne.

 

Metal-Eyes : C’est aussi le rôle du rocker, du metalleux de provoquer, parfois…

Babass : Mais là c’était un vrai mode d’emploi pour aller zigouiller quelques malfaisants qui sévissent dans notre monde. Après, mes textes sont soumis aux autres membres du groupe, et personne ne m’a encore dit « non, ça va pas bien ? Tu ne vas pas chanter ça tout de même ! »

 

Metal-Eyes : La question est alors : comprennent-ils le sens de tes textes ?

Babass : Je leur soumets à chaque fois, s’ils ne comprennent pas, ça donne lieu à une explication de texte ! Parfois il y a des sortes de chausse trappe, je dissimule parfois les choses

 

Metal-Eyes : Sur Pièce de huit qui, je le rappelle ne contient que 4 titres, si tu devais n’en retenir qu’un pour expliquer ce que vous êtes aujourd’hui, ce serait lequel ?

Babass : Ah, j’hésite… Je pense que Le maître est assez représentatif de ce qu’on peut faire. Il y a les différentes orientations du groupe, il est moins linéaire que Panier de crabes.

 

Metal-Eyes : Une dernière chose : si tu devais imaginer une devise pour Black Bart, ce serait quoi ?

Babass : Oh, celle de John Barthelemy Roberts : « nous trinquerons avec la mort » ! C’était aussi le titre du second lp, « Nous trinquerons avec… » points de suspension.

 

Metal-Eyes : Le prochain album est prévu pour quand ? Notre ami Covid…

Babass : Notre ami Covid a tout foutu en l’air ! Nous nous auto finançons, on fait tout nous-mêmes, on cherche nos dates de concerts, on essaie d’avoir des défraiements et on met tout ça de côté, pour l’album suivant. On maitrise toute la partie technique, le studio ne nous coute rien, mais on a à notre charge le mastering, le mixage, la pochette. Cette année, les fonds sont à zéro. 9a nous retarde le projet…

 

Metal-Eyes : Vous avez pensé au financement participatif ?

Babass : Ben, on en a parlé tout à l’heure dans une autre interview, on a vu que les amis d’ADX l’avaient fait pour leur dernier album, et ça fait partie des réflexions qu’on a pour l’instant. Il y a des titres qui sont déjà enregistrés et mixés, d’autres en cours de finition. Et avec la seconde vague, le local de répètes est fermé… On attend de pouvoir se retrouver pour finaliser les morceaux.

 

 

BON JOVI: 2020

Rock pop, USA (Island, 2020)

Un nouvel album de Bon Jovi est-il toujours une bonne nouvelle? Franchement, ce 2020 au titre peu inspiré risque de ne s’attirer que deux types de réactions: les fans ultimes qui vont encore partialement crier au chef d’oeuvre et les autres qui, comme moi, ne dirons rien de plus qu’un simple « oui, du Bon Jovi, sans surprises ». Car au bout de presque 40 ans de carrière, la recette continue de fonctionner: des ballades sirupeuses constituent une bonne moitié de l’album (American reckoning, au texte quelque peu engagé, Story of love, Lower the flag, Unbroken), l’autre se faisant plus « rock » mais typique de ce que le public attend. A une exception près,  cependant: Do what you can qui lorgne volontiers du côté du southern rock. Mais franchement, les choeurs qui  démarrent dès Limitless, et que l’on retrouve sur Beautiful drug (les deux ont la même base: une basse groovy mise en avant, un refrain facile et des « oh,oh, ooh » trop racoleurs) n’ont pour seul objectif que de faire participer le public en concert. Ok, Blood in the water se démarque mais rapidement se pose le sentiment que le titre se veut un nouveau Dry county. Et ce titre là, il est sacré… Mais aussi, cette voix, qu’en penser? J’ai dû rater quelques épisodes, mais Jon Bon Jovi semble vouloir prendre un accent bad guy, un peu vulgaire par instants et aussi, plus éraillée que jadis, sans doute le résultat de trop de clopes. Moins séduisante à mes oreilles, en vérité. 2020 est un album gentiment plaisant mais qui laisse l’auditeur que je suis sur sa faim. Trop facile, trop entendu, trop mou. Une aventure qui pour moi s’est arrêtée avec These days. Dommage… Vivement 2021 qu’on passe à autre chose.

Interview: BULLRUN

Interview BULLRUN : entretien avec Gaël (guitare). Propos recueillis par téléphone, le 20 novembre 2020

Photo promo by Audrey Ritzenthal

 

Metal-Eyes : Gaël, nous nous étions rencontrés il y a trois ans pour la sortie de votre précédent Ep, Dark Amber. C’était une époque où on avait encore le droit de rencontrer des gens pour leur parler (il rit). Quel regard portes-tu sur ce disque trois ans après, quand tu y repenses, y a-t-il des choses que tu aurais faites différemment ?

Gaël : Sur Dark amber, non, je ne pense pas. C’était le fruit d’un état d’esprit. En fait, c’était 6 titres qu’on a extraits de ce qui devait être un album. On a préféré en faire un Ep, et c’est exactement ce qu’on voulait exprimer à ce moment-là. C’était un ton un peu punk rock, hard rock des années 80 et c’était notre état d’esprit à cette époque.

 

Metal-Eyes : Vous avez patienté 3 ans avant de proposer un autre Ep. Ça fait long pour un jeune groupe…

Gaël : On n’a pas particulièrement patienté… Ce qui s’est passé…

 

Metal-Eyes : Tu ne peux pas dire que c’est à cause du Covid, là !

Gaël (rires) : Bon, je vais essayer de trouver autre chose… On pensait effectivement sortir un CD un an plus tard, un album. Et, au final, ce n’est qu’un Ep 6 titres et, tu l’auras peut être remarqué, Wilderness est un peu différent. La direction musicale est un peu plus metal, un peu plus moderne, et c’est aussi un peu moins éclectique que Dark amber où tu passais d’un style à un autre, à des ambiances radialement opposé à quelque chose d’assez homogène, en tout cas c’est ce qu’on a essayé de faire. Ce changement de direction, il ne s’est pas fait tout seul, il découle beaucoup de notre collaboration avec Symhéris et JD Cardavelli qui nous ont aidés à trouver notre direction. Bullrun existe depuis 2011, mais ce n’est vraiment qu’à partir de 2016 qu’on a commencé à penser à la musique comme quelque chose de très professionnel, malgré notre statut. Dark amber, c’était notre premier jet et on continue encore à se chercher. Il a fallu écrire Wilderness, en axant notre propos vers quelque chose de plus metal, et on ne savait pas trop si on pouvait s’aventurer là- dessus, si c’était notre terrain… On a beaucoup réfléchi, et, à côté de ça, on s’est engagés dans un programme de coaching scénique, et musical, au Fog, à l’Empreinte de Savigny le Temple. Ils ont mis au point un programme de coaching scénique avec différents intervenants qui te donnent des pistes de réflexion et d’orientation différentes.

 

Metal-Eyes : La nouvelle star version metal…

Gaël : Ben, c’est un peu ça, parce qu’il y a quand même des élections. Et ça te permet de voir les choses différemment à la fin du programme. On a eu des avis, et on a eu une approche différente, et on a commencé à écrire en plein milieu, et on a enregistré vers aout 2019. On a défendu Dark amber sur scène pendant un an et demi, on a fait sa promo du mieux qu’on pouvait, et ensuite il y a eu ce programme. C’est vrai que ça peut faire long pour seulement 6 titres, mais ça nous correspond plus, je crois.

 

Metal-Eyes : Si on parle d’évolution, ce serait surtout d’un point de vue musical et maturité…

Gaël : C’est ça, même si le mot « maturité » me gêne un peu parce qu’on a toujours tendance à dire « c’est l’album de la maturité ». C’est une évolution qui était logique, on pouvait déjà prévoir ce qui allait se passer, il y avait déjà des passages assez metal dans Dark Amber. Là, naturellement, avec les thématiques du CD, on est partis sur quelque chose de beaucoup plus violent.

 

Metal-Eyes : Vous aviez trouvé résidences à Orléans à une certaine époque, si je me souviens bien…

Gaël : Exact, à une époque, la majorité de nos dates se passaient là-bas, on avait un début de fanbase à Orléans. C’était d’ailleurs assez bizarre de se dire qu’on n’avait jamais foutu les pieds de notre vie à Orléans et que c’est là-bas qu’on avait le plus de contact ! C’était génial. C’était cool, il y avait quand même une scène metal là-bas. On a perdu l’Infrared, qui était génial, qui a été remplacé par le Blue Devil’s. Qui a, lui aussi, je crois, fermé…

 

Metal-Eyes : Avec les derniers évènements, je ne sais pas. En tout cas, Hervé, parce que le public ne suivait pas, a décidé d’arrêter de produire les concerts, mais il mettait la salle à disposition des groupes qui la louait et se débrouillaient pour la logistique, la promo… Il produisait quelques noms, comme Blaze Bayley, par exemple…

Gaël : Cette date-là, elle nous a fait rêver, Bayley, quoi, merde, il fait venir Bailey !

 

Metal-Eyes : Deux fois, même, au Blue Devil’s d’Orléans… Revenons à Wilderness. Si le Covid n’a pas eu d’impact sur la conception de l’album qui, tu le disais a été enregistré en août 2019, la crise sanitaire a-t-elle retardé la réalisation du clip ?

Gaël : Oui à une certaine échelle, ; mais pas tant que ça parce qu’on était quand même sortis des clous. Déjà, on n’y croyait pas du tout au confinement, en mars. Pas du tout. Et on ne savait pas combien de temps ça allait durer. Vivre dans un pays où les gens ne peuvent pas sortir de chez eux, on ne l’imaginait pas. On ne l’avait pas anticipé et en janvier, début février, l’album, on l’avait. On s’est demandé quand il serait mieux de le sortir et on pensait début de l’été. Période des concerts, des festivals… et quand on a vu que tout s’annulait, onn s’est dit « autant le sortir maintenant » comme ça on pouvait prévoir le clip et le sortir en septembre. Sauf que… Alors on a d’abord sorti l’album en digital, et, heureusement, on avait prévu quelques vidéos teaser qu’on a pu mettre en avant. On avait quelque cartes d’avance mais le Covid nous empêche de faire la promotion correcte de notre CD, notamment en nous empêchant de pouvoir le défendre en concerts. Mais nous ne sommes pas les seuls.

 

Metal-Eyes : Ce clip dont tu parles, c’est celui de Fire and hate. Vous avez dû bien vous marrer pour le tourner…

Gaël : On s’est marrés mais… ça a quand même été éprouvant. 17 à 19 heures de travail, avec une équipe de 20 personnes, des explosions, donc tout un système de sécurité pour que personne ne se blesse. C’était une journée de fous, mais tout était parfait ! L’équipe était géniale, aucune tension sur le plateau malgré quelques galères… L’équipe était vraiment mortelle, les acteurs étaient géniaux. Je les ai découverts le jour du tournage, et ils sont énormes, super investis. Julien (Metternich, le réalisateur du clip) a une excellente vision cinématographique. Quand on l’a rencontré, on a su au bout d’une demi-heure de conversation qu’on allait bien s’entendre. On a le même humour, les mêmes références cinématographiques, les mêmes codes, on savait que c’était ce gars-là ! On voyait ce qu’il faisait avant – il a notamment fait un live d’Alice Cooper à l’Olympia, qui n’a malheureusement jamais vu le jour, travaillé avec Trepallium, visuellement, c’est mortel, le dernier live d’Ultra Vomit à l’Olympia. Il a une vraie culture metal, c’est vraiment son domaine. Le jour du tournage, il était d’un professionnalisme extraordinaire. Bosser avec des gens comme ça, aussi impliqués, ça fait plaisir. Non seulement ça fait plaisir, mais en plus on en a besoin : toutes les personnes avec qui on travaille sont des gens avec qui on s’entend bien.

 

Metal-Eyes : Quand on voit le résultat, actif, explosif, sexy et fun, on s’en rend compte. Pour moi, c’est le genre de clip qu’on ne voit plus assez en France. Ou ailleurs… On voit des lyrics video, sans scénario, même si celui-ci me fait directement penser à Mr and Mrs Smith…

Gaël : C’est une référence ! As-tu vu la référence à Terminator avec les roses ? C’est un des clins d’œil que Julien voulait absolument mettre parce qu’il adore Terminator. Il voulait que ce soit une fille qui prenne le rôle du Terminator. On a tous grandi avec Sara Connor ou Helen Ripley et on voulait un clip avec une meuf bad-ass ! On l’avait, donc c’était mortel.

 

Metal-Eyes : Si aujourd’hui tu devais décrire votre musique pour quelqu’un qui ne vous connait pas, tu lui dirais quoi ?

Gaël : Je dirai que Bullrun c’est surtout une musique assez directe, sans compromis, qui cherche avant tout à aller à l’essentiel. On essaie d’éviter les détours. Il faut aussi se rappeler qu’au départ, Bullrun n’était pas censé être un groupe de metal. On était censé être un groupe de rock sudiste à la Molly Hatchet, ZZ Top, Lynyrd Skynnyrd, mais bon… on s’est rendus compte qu’on aime bien quand le grain est plus dur et que ça joue un peu plus vite !

 

Metal-Eyes : Le chant de Rémy me fait aussi penser à Headcharger…

Gaël : Headcharger, oui… C’est un groupe français, non ? Ils n’étaient pas d’Orléans ?

 

Metal-Eyes : Non, ils sont de Caen… Orléans, on avait Wild Dawn.

Gaël : Ouais, Wild Dawn, c’était bien… Dommage que ça n’existe plus… Maintenant, je sais que Rémy aime bien Headcharger, il m’en a parlé plusieurs fois, mais je ne pense pas que ce soit une influence. Quand il me parle de ce qu’il aime bien au chant, c’est James Hetfield, et un peu Lemmy pour l’écriture : des phrases courtes, avec tout un tas de sens que chacun peu interpréter.

 

Metal-Eyes : Pourquoi avoir choisi ce format de 6 titres ?

Gaël : D’abord, comme je le disais, parce qu’on se cherche encore, du moins, on se cherchait encore. Ensuite, ce n’est pas un manque de moyen, mais on a préféré avoir quelque chose pour le tester. Une belle pochette, un beau contenu, et je pense que Wilderness défini au mieux ce qu’on sait faire aujourd’hui. Je pense que le prochain CD s’en inspirera.

 

Metal-Eyes : Si tu devais n’en retenir qu’un titre pour définir justement ce que vous êtes aujorud’hui, ce serait lequel ?

Gaël : Je pense que ce serait Fire and hate. C’est un des titres les plus concis et efficace. Il y a des riffs qui vont droit au but, il n’y a pas de solo – on n’y a même pas pensé, et ce titre n’en a pas besoin. On a voulu aller à l’essentiel.

 

Metal-Eyes : Ce n’est pas un hasard si c’est celui que vous avez choisi pour le clip…

Gaël : Ce n’est pas un hasard, mais pour le coup, ce n’est pas nous qui l’avons choisi. C’’est Julien. Comme on travaille avec des gens très créatifs, on n’impose rien, on ne veut pas les freiner. On lui a demander lequel des 6 titres l’inspirait le plus, il a dit que c’est sur Fire and hate qu’il fallait faire quelque chose.

 

Metal-Eyes : Une dernière chose : quelle pourrait être la devise de Bullrun aujourd’hui ?

Gaël : Heu… « Toujours plus. Toujours plus, toujours plus loin ».

 

Metal-Eyes : Marrant, c’est exactement ce que tu m’as dit il y a trois ans…

Gaël : C’ets vrai ? Ben tu vois, on est fidèles à nous-mêmes. Tu vois, c’est notre philosophie : Dark amber est un super disque, mais on considère que Wilderness, quelque part, est mieux. Contrairement à Dark amber, on a sorti un clip. Donc, plus loin ! Peut-être qu’un jour on aura fait le tour, mais on est dans une phase systématique d’apprentissage.

 

Metal-Eyes : L’album est sorti, on peut se le procurer où ?

Gaël : Il est sorti en physique, on peut aussi se le procurer en digital sur toutes les plateformes. Il suffit d’aller sur notre site pour pouvoir le commander (https://www.bullrunofficial.com/)

 

Metal-Eyes : Gaël, je vous souhaite plein de bonnes choses, qu’on puisse bientôt vous voir sur scène

Gaël : Merci beaucoup, je l’espère aussi…

 

Metal-Eyes : Et on se reparle dans trois ans !

Gaël : (rires) Enfoiré ! A dans trois ans alors !

 

Allez aussi, surtout,  voir le making-of du clip :

https://www.youtube.com/watch?v=H2J4ncpRn9s

SKALD: Vikings memories

France, folk (Decca records, 2020)

Avec plus de 80.000 exemplaires de son premier album vendus – sans compter le nombre de vues sur le net – comment Skald pouvait-il ne pas envisager une suite? C’est aujourd’hui chose faite, le « groupe » – ou projet, fondé par Christophe Voisin-Bonnet et composé de Pierrick Valence et Justine Galmiche – revenant avec Viking memories. Skald reprend la recette si efficace et séduisante d’un folk viking et tribal. Qui aime cette époque, cet esprit et, aussi, la série Vikings sera séduit par cette musique folk, inspirée et – très – contemplative. C’est un véritable voyage initiatique auquel la formation nous convie mais… Mais, pour tout amateur de metal et de décibels, il manque, et c’est bien le seul défaut de ce disque par ailleurs impeccablement mis en son, un peu de noirceur dans le propos, un peu de puissance, aussi. Est-ce l’objectif de Skald que de démonter les nuques? Non, bien sûr. C’est simplement beau, ça s’écoute très facilement, plutôt en deux fois pour bien intégrer l’ensemble. De la belle ouvrage qui nous change un peu de la violence habituelle de Pierrick.

EMBRYONIC CELLS: Decline

France, Metal extrême (MusikOEye, 2020)

Après un Horizon percutant et engagé, Embryonic Cells refait surface. Avec Decline, le désormais trio (Max Beaulieu, chant et guitare, Fred Fantoni, basse, et Djo Lemay, batterie – exit donc les claviers de Pierre Le Pape occupé à divers projets) continue de tracer son chemin dans le monde du metal extrême. Avec 7 titres totalisant 39′, Embryonic Cells va à l’essentiel, et c’est tant mieux. Car non seulement la thématique est dure, mais la musique peut se faire – très – oppressante, bien que souvent groovy – superbe pont sur To pay our share – et puise autant dans le black (le trop redondant Thermageddon) que dans l’univers d’un Paradise Lost sombre et inspiré (Devoid of promise). On trouve même des traces de Maiden et d’Ozzy sur Alone I fall (ce passage à la Diary of a madman en plus inquiétant!). Le plus gros défaut de cet album? Sa pochette qui se rapproche beaucoup trop de celle de Desolation blue, dernière offrande en date des Anglais de Buffalo Summer (est-ce un hasard? La ligne créditant l’artwork est écrite en noir et illisible…) Embryonic Cells, malgré la dureté de ses sonorités et la lourdeur de son propos, réussit encore à varier les plaisirs et parvient à s’adresser à un public large. Avec, en plus, une production soignée, un son riche et moderne, que demander de plus?

Concerts from home: VULCAIN

La série Concerts from home continue et reviens en terres hexagonales avec l’un des plus puissants albums en public des 80’s, offert par les forgerons de l’enfer. Retour sur la naissance de Live force. 

VULCAIN – Live force (Musidisc, 1987)

Alors que la majeure partie des groupes français a plié bagages après, disons, le France Festival de Choisy le Roi, Vulcain, les forgerons du metal made in France, publie en 1986 son troisième album, Big brothers. Si le quatuor (Daniel Puzio au chant et à la guitare, son frère Daniel à la basse, Didier Lohézic – récemment disparu – à la seconde guitare et Marc Varez à la batterie), trop souvent comparé, souvent mais pas toujours à tort, à un Motörhead français, affine son son, il reste politiquement engagé, remplaçant quelque peu un Trust ayant jeté l’éponge au milieu de l’été 85. En récupérant la place de leader du heavy rock français, Vulcain a même l’honneur d’être le tout premier groupe hexagonal du genre à jouer au POPBercy en ouverture du Somewhere on tour d’Iron Maiden, devant un public chaud bouillant, le 29 novembre 1986. Une très belle fête pour célébrer la sortie de ce Big Brothers, non ? Battant le fer tant qu’il est chaud, Vulcain – et son manager / mentor d’alors, Elie Benalie, mettent en place une tournée digne de ce nom, selon les critères français d’alors… Une vingtaine de dates est ainsi planifiée entre le 13 mars 1987 au Palais des Sports de Joué les Tours (37) et le final des 2 et 3 mai 1987 à la Locomotive de Paris (ancêtre de la désormais Machine, mais configuration identique). Une tournée qui verra Vulcain sillonner l’Hexagone (Nantes, Montpellier, Nice, Orléans, Lyon, Besançon…) et s’offrir une petite escapade chez nos voisins suisses, belges et italiens. Et partout, les salles affichent complet. Autant dire que les dates parisiennes, dont seule la première, le 2 mai, est retenue pour l’enregistrement d’un album live, sont attendues de pied ferme par l’ensemble des musiciens, des techniciens et même Chariot, les Anglais invités en première partie, inclus, pour faire de ce final une fête mémorable. Et c’est le cas, la Loco, blindée comme jamais deux soirs de suite, accueille sans doute plus que les quelques 800 personnes que sa capacité autorise… Tant mieux, car le public est au taquet, transformant cette salle et son long couloir/bar en une étuve digne des chaleurs des enfers. Véritable cinquième homme de ce 2 mai 1987, ce public porte Vulcain aux nues de bout en bout du concert. L’ensemble des trois albums est passé en revue tout au long des 11 classiques que propose le groupe, au top de sa forme. Rock’n’roll secours, Fuck the police, La dame de fer, Comme des chiens côtoient le plus récent Khadafi. Étrangement, Vulcain propose même une reprise de Hell ain’t a bad place to be (AC/DC) pour un pré-final dantesque où le quatuor est accompagné de tout Chariot, Pete Franklin se chargeant – heureusement, quand on connaît l’accent de Daniel ! – du chant avant de conclure avec l’incontournable Digue du cul. Bien qu’un peu court (il aurait alors été risqué pour un groupe français, même le numéro un du metal, de sortir un double live), Live Force qui parait fin 1987, témoigne de la puissance de feu et de la popularité de Vulcain, alors au sommet de son art. Live force a été remasterisé par Marc Varez et réédité en 2004 chez XIII bis records sous format CD agrémentés de 4 titres complémentaires (Faire du rock, Les damnés, Le soviet suprême et Soldat) offrant ainsi une expérience un peu plus complète de ces concerts d’anthologie. Les choix futurs – départ de Didier remplacé par Franck Pilant pour un album déroutant, le bien nommé Transition, suivi de Marcos Arrieta sur le non moins étonnant Big Bang) – verront Vulcain se perdre et se noyer dans le doute avant sa dissolution à la fin du siècle dernier puis sa reformation de 2010 et un nouveau live explosif ( En revenant…,  2011) remettant quelque peu Vulcain sur les rails.

ARKAN: Lila H

France, metal (Autoproduction, 2020)

Petit à petit, Arkan se fait plus qu’un nom dans le paysage metal hexagonal. Les origines algériennes de ses membres fondateurs – le multi instrumentiste Mus El Kamal, le bassiste Samir Remila et le batteur Foued Moukid – y sont pour beaucoup car Arkan ne se contente pas, ne s’est même jamais contenté, de en proposer qu’un metal extrême rigide et fermé. Au contraire,  la part folklorique est capitale dans la démarche du groupe, d’autant plus avec ce cinquième opus, Lila H. Ce qui rend son propos encore plus passionnant ici est le thème de l’album: les années 1990 en Algérie. Samir (dont vous pouvez retrouver l’interview ici)et Mus entraient à peine dans l’adolescence, ou plutôt n’avaient pas encore quitté l’enfance, qu’ils vivaient sous un régime de terreur, de terrorisme aujourd’hui connu sous le terme explicite de « décennie noire ». La peur s’emparant du pays – souvenez-vous le GIA et ses fanatiques religieux – privait sa jeunesse de ce qui devrait être les plus belles années d’une vie. Si l’album démarre avec un Dusk to dawn explosif et radicalement death, la suite se fait varié, pleine de lumière, d’inquiétude et d’espoir. Le partage des voix – Manuel Munoz qui est arrivé dans le groupe avec l’album précédent et Florent Jannier – donne un résultat souvent émouvant, les influences hispaniques et orientales (Black decade, Crawl) apportent une touche de lumière, mais la gravité du propos n’est jamais loin (Broken existences, My son). Il y a dans cet album aux mille facettes autant de rage et de colère que d’envie d’espérer qu’un jour ce monde puisse retrouver la raison. Lila-H est un album majeur dans la carrière d’Arkan, un album témoin et exutoire d’une beauté tout autant fascinante que repoussante.