THE T.A.W.S: From ashes

France, Metal (2022, autoproduction)

En 2017 paraissait le premier album de The T.A.W.S qui nous montrait un groupe dynamique, carré, proposant un metal moderne et mélodique. From ashes, la nouvelle offrande de la formation menée par la chanteuse Elodie Jouault, se veut-elle une résurrection comme le titre et l’illustration (un phénix) semblent le suggérer? Ou plus simplement l’affirmation de la puissance de la vie et des flammes? En tout cas, les 10 titres proposés ici savent se faire à la fois rugueux et directs, menés par une voix puissante et mélodique. L’ensemble est varié, avec des guitares ici quelque peu épileptiques, là plus fonceuses et une rythmique qui apporte une solidité à l’ensemble. S’il fallait résumer ce nouvel album, on pourrait le qualifier de gras et généreux. La production, limpide et puissante fini d’imposer un ensemble qui se révèle rapidement très efficace. avec From ashes, The T.A.W.S démontre fièrement qu’en France, aussi, on peut avoir un groupe original et efficace mené par une chanteuse. Reste la scène qu’on espère voir le groupe affronter autant que possible.

FLYING CIRCUS: Seasons 25

Allemagne, Prog (Fastball, 2022)

certains artistes et musiciens savent célébrer certains évènements de manière originale. En 1997, les Allemands de Flying Circus publiaient leur premier album, Seasons. 2022-1997= 25, pas la peine d’aller d’aller plus loin pour trouver un raison valable de faire quelque chose. Alors, ce quelque chose, c’est quoi? plutôt que de proposer une simple version augmentée de titres rares ou inédits, Flying Circus a simplement choisi de réenregistrer l’intégralité de son album et de le réintituler Seasons 25. Mais pas que, puisqu’une version originale remasterisée accompagne ce nouveau disque. Débutant avec un Footprints in the sand dont les claviers évoquent Jon Lord (Deep Purple), le groupe explore des horizons autant rock qu’hispano ou orientaux. Les influences sont variées, allant de Deep Purple à Cat Stevens ou encore Pink Floyd, Fleetwood Mac ou encore Grateful Dead tout en imposant son identité musicale. Les 12 titres du quintette sont aussi mélodiques – aux influences, force du violon, quelque peu symphonique – que dynamiques. la chaleureuse voix de Michael Dorp est accompagnée des guitares envoutantes de Michael Rick; Avec des chansons allant de 3’30 à 10′, Flying Circus ne vise pas les radios. Mais là où cet album est encore plus intéressant, c’est à l’écoute de la version d’origine remasterisée. On se rend compte – parce que rares sont les amateurs du groupe en France, reconnaissons-le – que Flying Circus ne s’est pas contenter de réenregistrer son album. Le groupe a vraiment retravaillé ses chansons, leur apportant de nouvelles couleurs, de nouvelles idées sans jamais les dénaturer. un album double en quelque sorte qui permet aussi de faire le constat de l’évolution du groupe; Une jolie découverte, un quart de siècle plus tard…

BUKOWSKI

France, Metal (At(h)ome, 2022)

Il aura fallu 4 ans à Bukowski pour donner un successeur à Strangers, son précédent album paru en 2018. certes, la pandémie est passée par là mais elle a su offrir plus de temps de réflexion et de composition à nombre de musiciens. Cette période de « pause forcée » aura surtout permis au groupe consolider son line-up avec l’intégration, en 2019, de Romain Sauvageon à la batterie. Mais le 16 octobre 2021, le petit monde du rock apprend la disparition brutale de Julien Dottel, bassiste et co-fondateur du groupe – avec son frère Matthieu (chant et guitare). Forcément, la sortie un an plus tard, le 23 septembre 2022 de ce nouvel album prend une autre tournure. Une pochette noire avec un crayonné représentant Julien les bras croisés (le tatouage « Buko » sur son cou ne laisse aucune place au doute), une couronne sur la tête, un album portant le seul nom du groupe lui donnant ainsi une tonalité tant d’hommage que de nouveau départ, ce qu’il est. Car Bukowski ne réinvente pas la musique du groupe, comme Crossroads, le premier extrait offert, le démontre. Ce titre est un hommage à Julien mais l’album ne sombre jamais dans la déprime. Au contraire, le rock de Bukowski est vivant et énergique, les 11 titres alternant entre rage et férocité, explorant parfois des horizons moins familiers, presque progressifs dans certaines constructions, et surprend même avec ce Arcus chanté dans la langue de Molière. Bukowski c’est l’album d’un nouveau départ tout en restant dans la continuité, et ça marche du tonnerre!

Interview : MALEMORT

Interview Malemort, entretien avec Xavier Malemort (chant). Propos recueillis au téléphone le 9 septembre 2022

Metal-Eyes : Comment se passe cette journée de promo, le jour de la sortie du troisième album de Malemort ?

Xavier Malemort : Ça se passe très bien, c’est en effet aujourd’hui que sort Château-Chimères, et c’est le jour de la promo, comme quoi, les choses sont plutôt bien faites ! C’est un peu comme une libération, on arrive à ce moment où le disque arrive au stade pour lequel il a été fait, c’est-à-dire être écouté. En plus, ces dernières années ont été compliquées pour tout le monde et pouvoir faire parler la musique, oui, c’est assez libératoire.

Nous nous étions rencontrés la première fois au Glazart, à Paris, puis lors de votre passage remarqué au Hellfest en 2018. Il y a eu beaucoup de changements au sein du groupe depuis. Que s’est-il passé pour qu’il y ait une telle implosion ? L’impact du Hellfest ?

Je ne pense pas que ce soit le Hellfest, non. C’est surtout des histoires de groupe… Un groupe, c’est des musiciens, des caractères et quand on est mis à l’épreuve des difficultés, il y a des choses qui se font et se défont. Là, ça s’est plutôt défait, donc pour la santé du groupe et surtout pour pouvoir un jour créer un troisième album, il n’y avait pas d’autre solution que de se séparer d’un certain nombre de personnes du groupe. Il reste avec moi les deux Sébastien avec qui j’avais déjà écrit Ball Trap. La base des musiciens qui ont créé l’album précédent est là. Après, c’est comme dans les couples : un groupe, c’est parfois des moments difficiles à passer et là c’était devenu indispensable. Mais pour nous tous.

Peux-tu justement présenter tes nouveaux partenaires de jeu ?

Alors… C’est très particulier… Sur cet album-là, on a décidé de ne pas avoir à nous limiter en termes d’écriture du fait du choix de tel ou tel musicien. Donc on a travaillé avec des gens qu’on connait et dont on connait le talent depuis longtemps. On a donc travaillé avec des gens qui ont une histoire avec Malemort et qui étaient très bon sur ce qu’on voulait. Aurélien Ouzoulias, par exemple, était très intéressé par la tournure que prenait cet album et Shob à la basse nous avait été chaudement recommandé, notamment par Aurélien. On avait là des partenaires de jeu hyper solides, ce qui nous a laissé carte blanche pour penser l’écriture du disque et ne pas se limiter.

Est-ce eux qu’on aperçoit sur la vidéo de Je m’en irai ?

Non, pas du tout (rires) ! Ceux que tu aperçois, ce sont deux personnes qu’on aime beaucoup et qui pourraient… On verra bien, mais en tout cas, c’est une incarnation possible live de Malemort. Il y a Romain qui est le batteur de Bukowski et Joe qui joue aussi avec Romain dans un autre groupe. On est tous du Val d’Oise, c’est toute une bande de musiciens, on se connait, on se croise depuis des années. On savait qu’ils feraient super bien l’affaire, au-delà du côté humain.

Puisqu’on parle de clip, il y a aussi le premier, Quelle sorte d’homme, où on te voit marcher seul – ou presque puisqu’il y a des accessoiristes qui sont là pour t’aider. L’idée de ce clip c’était quoi ?

L’idée était d’illustrer la vie de Michel Magne, qui est celui qui a créé le studio dans ce château d’Hérouville assez mythique et qui est un immense compositeur de musique de films, notamment. J’ai illustré ça par des allusions à des titres de films dont il avait écrit la musique. C’est beaucoup de films des années 50, 60 et début des années 70. Il y a aussi beaucoup de musique de polar, et c’est un esprit que j’ai voulu illustrer, mais avec un côté second degré. Il y a ce type qui se voit en héros de polar et que tu retrouves à la fin en train de lire un OSS 117, à moitié à poil.

Tu l’as dit, Château-Chimères est un album concept qui traite de la vie de Michel Magne qui a donc transformé ce château en studio. Qu’est-ce qui a inspiré ce concept ? Le château d’Hérouville est dans le même département que vous…

Tu ne crois pas si bien dire ! Il est à 3 km de chez moi. Quand je suis arrivé dans la région il y a une dizaine d’années, j’ai découvert l’histoire du château, ça m’a passionné et j’ai toujours senti qu’il y avait quelque chose à faire avec cette histoire. Mais en même temps, j’avais peur d’abimer les choses par une annotation maladroite, par exemple. A l’époque de Ball Trap je me posais la question de savoir si je tentais le coup, mais je ne le sentais pas. Je me suis donc laissé tenter par mon autre passion que sont les années folles.

Et là, tu t’es senti suffisamment adulte et mûr pour aborder l’histoire du château d’Hérouville…

Adulte et mûr, je ne sais pas (rires), en tout cas, artistiquement, j’ai trouvé quel angle prendre. Le problème c’est que c’est un studio dans lequel on a enregistré de la musique des années 70, qui n’est pas celle que joue Malemort. Il n’était pas questions qu’on fasse de la pale copie de la musique des années 70. J’ai donc trouvé l’idée de ces vignettes, 12 épisodes qui racontent en filigrane l’histoire du château à travers les personnalités fortes qui ont marqué son histoire, mais en fantasmant un peu tout ça, tout en faisant en sorte que l’auditeur qui n’aurait pas forcément envie de se plonger dans cette histoire – il aurait bien tort, même si ça peut se comprendre – ne soit pas obligé de le faire non plus. Tu peux très bien écouter le disque en interprétant les paroles différemment. Pour bien comprendre les paroles, il faut avoir le grimoire qui va avec.

Comment le décrirais-tu ce nouvel album ? On reconnait ta marque vocale, ton écriture. Mais comment vendrais-tu cet album à quelqu’un qui ne connait pas Malemort ?

Je lui dirais qu’on navigue entre le metal, le rock et la chanson. Pour quelqu’un qui connait déjà un peu Malemort, je lui dirais qu’on a voulu mettre dans ce disque plus de profondeur que dans le précédent. On en était très contents, mais on avait le sentiment de ne pas être totalement au bout. Là, je pense que c’est un album qui pourra résister à beaucoup d’écoutes et qui pourra distiller des saveurs pendant longtemps.

Il y a quand même de grosses différences entre Ball Trap et Château-Chimères. Comment décrirais-tu, en dehors des changements de musiciens, l’évolution de votre musique entre ces deux disques ?

Elles se lisent à plusieurs niveaux, et des choses assez paradoxales : il y a une place qui est faite à la guitare et aux soli qui est plus grande, mais on a veillé à ce que cela serve le propos. On a beaucoup plus arrangé l’ensemble, et on s’est interdit moins d’influences… Je crois qu’il y a plus d’influences variées que sur Ball Trap, on n’a pas le sentiment de se limiter. Même lorsqu’on va au-delà de ce que les gens peuvent imaginer, la production permet d’éviter un côté hétérogène. Du côté du chant, j’ai beaucoup travaillé le phrasé, des textes un peu plus concis et légers… Ça a l’air d’être une somme de détails, mais c’est un peu ça… Toi, comment tu l’as vu, comment tu l’as perçu ?

Vu… Je le vois en noir et blanc (il rit). Comment je l’ai perçu ? Comme un album très varié – encore une fois, on reconnait ton chant qui reste assez unique, et il y a une variété de morceaux comme Pyromane blues qui sont assez explosifs là où d’autres, Magnitude pop ou La garçonne, ont des airs plus funs et pop. Il y a une belle variété de styles tout en restant dans l’esprit de Malemort et cohérent.

Tu viens de le dire mieux que moi, en fait (rires) ! Tu sais, j’aime bien ces groupes qui sont capables d’avoir des propos variés sur un même disque, ça te permet de les écouter dans un état d’humeur différent. On peut parler des Beatles, de Queen. Dans les années 70, c’est fou ce qu’ils ont fait ! Les medias mainstream ont détesté Queen pendant sa carrière, mais les fans adoraient. Ils adoraient le fait que Queen puisse passer par tous ces styles, du hard rock au funk, et c’était Queen.

Revenons-en à Malemort. Pour quelle raison le château d’Hérouville est il nommé Château-Chimères sur cet album ?

Parce que je pense que « Château d’Hérouville » c’est un peu trop ciblé, ça nous éloigne du rêve…

Mais une chimère, c’est illusoire…

Oui, mais, même si les albums on les a toujours, le Château d’Hérouville, pour moi, représente cette décennie durnat laquelle on a cru que la musique allait révolutionner le monde, allait tout changer. Les musiciens étaient les premiers à le croire et les fans pensaient aussi que la musique allait changer leurs vies et la société. C’est une croyance fabuleuse qui a généré d’immenses albums et qui s’est écroulée avec l’arrivée des années 80 où finalement la réalité a repris le pas sur les illusions. Tu sais, c’est souvent les utopies qui finissent par foirer qui fascinent. Le château d’Hérouville, c’est ça. C’est un parc en pleine cambrousse où vont venir Pink Floyd, David Bowie, qui vont passer un temps à enregistrer des albums énormes et qui ont aussi eu une vie complètement folle là-dedans.

Si tu devais ne retenir qu’un titre de Château-Chimères pour dire à quelqu’un qui ne vous connait pas : « voilà ce qu’on fait. Malemort, c’est ça », ce serait lequel ?

Mmmhhh… C’est difficile, chacun des morceaux a été pensé et composé comme une entité différente… Non, franchement, je ne peux pas répondre à ça, c’est trop compliqué…Je suis désolé, je voulais faire l’effort mais finalement on induirait la personne sur une piste qui sera fausse. C’est pour ça aussi qu’on a sorti deux singles différents, pour représenter la variété de ce qu’on fait. Le troisième clip, si on arrive à trouver un peu de blé pour le faire, représentera une autre facette du disque.

« Un peu de blé »… Vous êtes passés par le financement participatif, est-ce que ça a répondu à vos attentes ?

On a eu beaucoup de chance, en plus c’était une période difficile pour tout le monde, mais il y a beaucoup de personnes qui nous ont fait confiance, qui nous ont soutenus. De notre côté, tout était prêt, je ne me voyais pas demander aux gens de participer si on n’avait rien, comme c’est parfois le cas dans ces trucs-là… Je savais qu’on avait un album de valeur, il était prêt, on avait tout enregistré, tout masterisé, on avait simplement ce problème de blé, qui est toujours un problème, d’ailleurs, parce que même si on peut dire que le crowdfunding a très bien marché, on est très loin des sommes qu’il aurait fallu récolter pour compenser ce qui a été dépensé. Mais je trouve ça magnifique ce qui s’est passé, ce rapport direct entre les artistes et leur public. On avait promis à ceux qui nous ont donné un coup de main de pouvoir découvrir le disque quelques jours avant sa sortie, et c’est le cas. On reçoit plein de messages, de témoignages de la façon dont les gens vivent leur découverte de ce nouveau disque. C’est ça qui est beau, là, tu te dis que c’est pour ça que tu fais ça, tu vois que tout ce que tu as créé contribue à apporter du plaisir à d’autres.

Et toi, quelle sorte d’homme voudrais-tu célébrer ?

Je dirai un homme qui croit encore un peu aux idéaux, qui pense encore que l’altruisme peut être une voie, qui pense qu’on peut encore faire des choses ensemble. Et puis, en tant qu’homme, un homme qui ont de l’allure, qui peuvent encore t’emporter quelque part, des Gabin, Ventura, Blier, quoi… Ca fait pas du tout 2022, mais personnellement, ce sont ces gens-là qui me font rêver.

J’ai le dernier Rock Hard en mains, je suis à la page 107, je vois Album du mois Megadeth avec 8,5/10. Je tourne 3 pages avant, page 104, je vois Malemort Album du mois avec 9/10. Deux choses : « album du mois », ça fait quoi ? Et avoir une note plus élevée que Megadeth, ça fait quoi ?

(Il rit) Alors là, tu vas toucher le point sensible… Tout le monde ne le lit pas forcément comme tu viens de le faire, mais… Depuis l’adolescence, j’ai toujours été un grand lecteur de la presse metal. C’est quel =que chose qui m’a forgé, qui a forgé ma culture, et les noms des journalistes, ceux qui écrivent ces articles, ça m’a toujours touché. J’ai un rapport très fort avec ça. Donc, pour moi, la presse papier – et Rock Hard a pris la suite de magazines qui ont disparu – je le lis tous les mois depuis le départ et pour moi, c’est une sorte d’accomplissement. Tu parlais « d’album du mois » … Je crois en la parole de ces gens-là, pour d’autres groupes que le mien, donc il n’y a pas de raison que je n’y crois pas lorsqu’il s’agt de Malemort. En plus, ce qui me fait plaisir, la chronique est co-signée par Phil Lageat et Arno Strobl alors qu’ils peuvent avoir des goûts très différents, à l’opposé l’un de l’autre… ce binôme là me parle beaucoup. Quant au 9/10, je suis suffisamment électeur de Rock Hard pour savoir que ce n’est pas une note attribuée en permanence. Donc, oui, j’en suis immensément fier, c’est le moment où je me suis dit « Allez, Xavier, savoure ce moment, pose toi 2 minutes et savoure l’instant … »

Un groupe de rock, c’est aussi la scène. Quels sont vos projets à venir ?

Les projets ? D’abord attendre que tout ce bordel se calme… On a un album qui, je le pense, est solide, qui va infuser et que les gens vont découvrir en profondeur. Je veux le défendre dans de bonnes conditions. Je n’exclus pas quelque chose d’un peu évènementiel, mais pour le reste, ce sera plutôt en 2023 avec quelque chose de solide sur printemps-été-automne. Il y a des choses envisagées, mais, aussi, la réception du disque aura un impact, ce ne sera pas anodin dans ce qui va se passer ensuite.

Une toute dernière chose : quelle pourrait être la devise de Malemort en 2022 ?

Euh… « Toujours plus libre ».

En 2018, tu disais « Liberté égalité fraternité et va te faire… » (rires) Tu concluais en disant « Metal libre ». Donc on rejoint aussi cette idée de liberté cette année encore.

Voilà, on y revient toujours !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HEMESATH: So schön

Metal indus, Allemagne (Echozone, 2022)

Hemesath est un groupe allemand déjà auteur d’un album, Für euch. Le quintette revient aujourd’hui avec ce So schön aux sonorités à la fois électro, indus, heavy et soft. Si l’on ajoute à la musique le chant allemand, il semble impossible d’éviter la comparaison avec Rammstein; C’est en effet compliqué mais Hemesath s’en distingue notamment par un chant et des ambiances moins foncièrement martiales que ses illustres ainés. Les 9 titres de cet album veulent entrainer l’auditeur dans des univers « gothiques lumineux », quelque peu décadent et chantant sans toutefois réussir à ou oser franchir un cap. L’ensemble est d’une écoute agréable, certes, mais quelque chose manque pour que So schön rentre véritablement en tête. La production répond pourtant aux codes du genre, et je me dis qu’un peu plus de hargne dans le chant ferait la différence. Il reste cependant un album agréable et passe partout.

 

 

SPHERES: Helios

France, metal progressif (M&O music, 2022)

Rappelez-vous: en 2019 Spheres publiait Iono, un premier album prometteur proposant un metal progressif et burné. Le groupe revient aujourd’hui avec Helios, tout aussi progressif et burné. Mais… Crevons l’abcès maintenant: je ne comprends rien ou presque au chant anglais de Jonathan Lino qui alterne entre voix gutturale et claire. Je repose la question: à moins de gueuler sa rage tout le temps, comment un groupe français peut-il séduire les marchés anglophones en n’étant pas compréhensible? C’est l’écueil principal de cet album par ailleurs fouillé et varié. Les tempi changent au gré des humeurs et besoins, les thèmes sont à la fois intemporels (Spiritual journey et sa video SF super soignée) ou plus actuels (Pandemia, et l’originalité de comparer la crise sanitaire au naufrage du Titanic, aux zombies et autres…, S.C.S et le rappel du Big brother de 1984 d’Orwell) allant jusqu’à la SF (Running man, issu du roman du même nom de King/Bachman, semble-t-il). Les morceaux ne se limitent pas au classique radiophonique de 3 ou 4′, allant du court instrumental éponyme (1’10) au très long et varié Pandemia et ses 11’13. Il y a de quoi en faire des breaks, de quoi placer des soli aériens et des rythmes speedés au possible, il y a de quoi hurler sa colère et clamer sa tendresse. En dehors du détail mentionné plus haut, avec Helios, Spheres propose un album riche, varié, intrigant parfois, étonnant souvent.

AHASVER: Causa sui

France, Metal (Lifeforce records, 2022)

Quand des membres de formations brutales comme Eryn Non Dae, Gorod, Zubrowska, Dimitree ou encore Drawers se retrouvent, on imagine aisément le résultat: un metal brutal et décalé. La rencontre de ces gaillards aboutit au projet Ahasver qui sort Causa Sui, son premier album. Les 8 titres – un seul mot pour chaque chanson, il y a une raison? – proposent un metal rapide et puissant qui fusionnent différents genres et tonalités. Ca va du doom au death, en passant par du sludge et des trucs un peu plus barrés (écoutez ces guitares sur Peace ou le passage de la folie à la « douceur » sur Dust) voire même quelque peu peu progressif. C’est certes souvent brutal, mais Ahasver sait varier son propos, s’adressant ainsi à un public plus large que le simple amateur de metal qui bourrine à tout va même si ça ne s’adresse pas forcément à tous les publics. Voilà simplement des musiciens qui se sont fait plaisir et le résultat, c’est ce Causa Sui très réussi. Pourront-ils se retrouver sur scène afin de défendre cet album? A suivre.

 

MALEMORT: Château-Chimères

France, Metal (Autoproduction, 2022)

Ceux qui suivent Malemort depuis ses débuts, d’autant plus depuis Ball-Trap, l’incontournable album précédent paru en 2016, le savent: un album de Malemort s’aborde comme une boite de chocolat (et ne voyez là aucune référence cinématographique, je n’y connais rien aux films de Zemeckis et encore moins à ceux avec Tom Hanks!): tu sais que tu vas avoir le choix, qu’il y en a pour tous les goûts et que tu devras y revenir à plus d’une reprise pour tout vraiment savourer comme il se doit. En ce sens, Malemort se rapproche de l’esprit prog tout en restant foncièrement metal. Quand en plus, au delà de la qualité des textes, travaillés avec le plus grand soin, on comprend que ce disque est un concept album, on a envie de se plonger entièrement dedans. Le concept? Le château d’Hérouville que Michel Magne avait transformé en studio d’enregistrement qui a vu défiler autant de vedettes du cinéma français que de musiciens pop de toutes nationalités. On parle ici aussi bien des Ventura, Gabin ou Belmondo que de David Bowie parmi tant d’autres. On remarquera d’abord, avec ce nouvel arrivage, Château-Chimères (non, ce n’est pas un Bordeaux, on est dans le Val d’Oise!), que le groupe a évolué (implosé pourrait-on dire) et changé de line-up: Aurélien Ouzoulias, de plus en plus incontournable a posé ses fesses derrière la batterie, un certain Shob étant mentionné à la basse. Oui, il y a eu du changement depuis le line-up tant remarqué au Hellfest en 2018… Si la pochette est en noir et blanc, le contenu musical n’a rien de sombre. Certes, il faut plus d’une écoute pour tout comprendre, Malemort ne proposant pas deux fois d’affilée le même tempo ou la même ambiance. On passe ainsi de titres enlevés au chant caractéristique de Xavier (Quelle sorte d’homme?) à des morceaux plus speedés (Pyromane blues – quel titre en cette fin d’été qui a vu le feu partout! -, Comme une balle) ou plus soft (Magnitude pop, L’eau des fossés) pour se terminer avec un instrumental très cinématique (Décembre), et de cinéma, de musique populaire, il y en a, notamment avec la participation de Dan Ar Braz sur Je m’en irai, de Matthieu Debordes (cuivres) et de Mathilde Buet (violon) un peu partout, apportant une palette de couleurs musicales très variée. La précision instrumentale est de mise, largement éclairée par une production soignée donnant à chaque instrument une juste place. Maintenant, après bientôt 6 ans d’absence – que s’est-il passé chez vous? dissensions internes??? on en reparlera en interview à suivre bientôt – le public va devoir être reconquis, et ça, volatile comme il sait se montrer, c’est une autre affaire. Il va falloir, d’autant plus maintenant qu’il semble vouloir retrouver le chemin des salles, investir les scène avec une détermination sans failles pour présenter et défendre cet album tout sauf illusoire. Une réussite totale, ce Château-Chimères, de bout en bout!

TONIC BREED: Fuel the fire

Norvège, Thrash (Ep, M&O, 2022)

Je n’ai trouvé de traces que d’un seul Tonic Breed, groupe de thrash formé en Norvège sous forme de quatuor, auteur de 2 albums avant de se séparer en 2019.Patrick K. Svedsen remonte son projet seul et publie aujourd’hui un Ep 4 titres, Fuel the fire, ultra pêchu et bourré d’invités. C’est simple, les amateurs de thrash old school – besoin de citer des noms? on va chercher du côté d’Exodus, Testament, OverKill, Slayer ou Metallica – trouveront leur dose de puissance et d’efficacité. C’est heureux d’ailleurs, car en s’adjoignant les services (passagers) de Dirk Verbeuren et Bernt Jansen (Megadeth et Wig Wam) sur le morceau titre, de Bjorn Strid (Soilwork) et, sans doute moins connu mais bigrement efficace, Martin Skriubakken (batteur de Endezzmai) sur No rocks on the scotch et Olivier Palotai de Kamelot sur H.E. Antagonist, il ne pouvait en être autrement. Ca speede et ça cartonne dans diverses tonalités d’une efficacité sans pareille. Blood Moon, qui clôt cet ensemble beaucoup trop court, est sans doute le titre le plus prog et le moins thrash de l’ensemble, montrant une facette moins agressive et quelque peu plus « passe partout » du projet. Fuel the fire est, espérons-le, un amuse gueule anonciateur d’un album qu’on attend avec impatience. Une vraie réussite!

MEGADETH: The sick, the dying… and the dead !

Thrash, USA (Universal, )

Si Megadeth nous a récemment montré le visage d’un Dave Mustaine vieillissant et amaigri, musicalement, les légendes du thrash US reviennent avec un album d’une puissance exemplaire. The sick, the dying… and the dead!, le nouvel album de la bande désormais plus internationale qu’américaine est une vraie cure de thrash direct, speedé et dans ta face. L’intro du morceau titre avec cette voie d’outre temps qui scande « Bring out your dead! » pose un cadre sombre et mortifère. Si le titre puise dans le heavy metal pur jus et rappelle les meilleures heures du combo, la suite ne fait pas de prisonniers. Ca tabasse sec et ça speede à tout va sur Life in hell et Night stalker avant de retrouver un semblant de calme avec Dogs of Chernobyl. Le chant de Mustaine sur Sacrifice peut parfois surprendre: si le timbre est là, il module comme s’il était en légère transe. Junkie retrouve cet esprit heavy old school tandis que Psychopathy et ses rythmiques tribales, le chant parlé, les guitares hurlantes, sombre dans une forme de folie sonore incontrôlée. C’est le titre le plus court et barré de l’album qui précède un Killing time qui aurait pu figurer sur Countdown ou Youthanasia, suivi d’un Soldier on! martial au refrain le plus chantant de l’album. Celebutante évoque le heavy anglais speedé des 80’s (ne ratez pas ce « Ouh la la » sexy au début du titre, mot qui désigne une débutante qui fait tout pour être – se croire – célèbre) qui bascule rapidement dans du Megadeth typique. Si The sick, the dying… and the dead! traite principalement, comme son titre l’indique, de maladie et de mort, Mission to mars fait figure de morceau à part. Mais autant le danger et l’isolement sont réels , autant une telle mission peut faire et fait rêver des milliers de personnes. Le break complètement syncopé et épileptique est admirable de précision. Clin d’œil évident à son public, Megadeth clôt ce nouvel album à la manière d’un Terminator: We’ll be back finit de convaincre et d’achever l’auditeur et l’on ne peut qu’être convaincu que 1/ Megadeth est loin, très loin d’avoir dit son dernier mot et 2/les anciens n’ont vraiment rien à craindre de la jeune génération qui a encore beaucoup à apprendre. The sick, the dying… and the dead! bénéficie de plus d’une production plus que soignée, d’une pochette dont on se délecte… Penser que les deux années de crise sanitaire ont pu enrager certains musiciens au point qu’ils puissent concevoir de tels bijoux n’a sans doute rien d’illusoire tant ce disque risque de devenir un incontournable de Megadeth. Et comme les meilleurs album de la bande à Mustaine, The sick, the dying… and the dead! nécessitera bien plus d’une écoute avant d’être assimilé tant il regorge de morceaux à tiroirs et de détails étonnants. Superbe de bout en bout!