DARCY: Tout est à nous

France, Punk (At(h)ome, 2024

C’est sans aucun doute possible l’époque qui le veut. Les Rennais de Darcy sont de retour avec Tout est à nous, un troisième album où la colère du quotidien cède le pas aux cris de la révolte qui gronde. Forgé dans le moule contestataire cher à leurs glorieux ainés que sont Lofofora ou, plus proches encore musicalement, Tagada Jones. Le fond est insoumis, revendicatif, rageur. La forme est rugueuse, directe et sans concession. L’esprit contestataire omniprésent a été mis en son par un autre révolté notoire, Fred Duquesne (à ses heures perdues également guitariste et producteur de Mass Hysteria), et l’ensemble est sévèrement burné. Les onze titres défilent brutalement comme une manif qui tourne mal. La colère d’Irvin – son chant enragé a pris de la puissance – et palpable tout au long des Poings en l’air, La bagarre, Ce soir, ça va chier et autre Plus rien à foutre. Clairement et ouvertement engagé, Darcy frappe fort avec ce nouvel album au titre oh combien contradictoire car totalement capitaliste: Tout est à nous résonne comme une envie de déposséder l’autre pour posséder soi-même… C’est pourtant le cri de toutes les manifs anti-capitaliste que l’on entendra encore, malheureusement, bien longtemps: « tout est à nous, rien n’est à eux ». Un album puissant, un message fort et engagé, une musique explosive… Tout est réuni pour mener Darcy aux sommets de la scène punk rock metal hexagonale.

SYNPHOBIA: Shades

France, Metal progressif (Autoproduction, 2024)

Il y a des surprises comme ça, qui t’interpellent. Synphobia (la phobie du pêcher? Non, ce serait avec un « i »!) débarque dans me paysage metallique français avec ce premier album, Shades, bourré d’influences metal et prog. La formation francilienne est composée de Sébastien Ducharlet (guitare et chant), Arnaud Koscianski (guitare), Paul-Emmanuel Bastit (basse), Jean-Christophe Guillard (batterie) et Marie Koscianski-Ducharlet (claviers – ça ressemble à une histoire de famille, un peu, non?) Au travers de 8 titres, Synphonia explore des univers clairement progressifs avec des compos à tiroirs. Le groupe cherche à créer des tableaux aux ambiances sonores variées où se mêlent tendresse et désespoir, ombre et lumière. Les influences semblent assez évidentes, allant de Dream Theater à Cradle Of Filth, en passant par Iron Maiden ou encore Rush. Après avoir lancé Sand avec une intro martiale qui évoque la SF de Dune, on retrouve comme bien souvent une forme de colère vocale. Le chant, d’ailleurs, se veut aussi varié et, malgré quelques faiblesses, voire faussetés en chant clair (sur, entre autres, Circus), parvient à reproduire cette palette musicale. Il y a, tout au long de Shades, de bonnes idées (les parties orientales de Orphan of the damed et son joli refrain, l’intro étouffante du bien nommé Breathe, la douceur du piano sur Through the bars, titre qui monte en puissance) mais l’ensemble, toutes ces bonnes idées qui se mélangent un peu trop, manque parfois de liant, transformant certains passages en fourre-tout. Il y a pourtant de la matière et du savoir faire chez Synphonia, et l’on ne peut que se dire qu’il va falloir garder une oreille attentive aux prochaines productions de cette jeune formation. A suivre…

TRANK: The maze

France, Heavy rock (M&O, 2024)

Mais comment se fait-il qu’une formation aussi talentueuse que Trank reste encore autant dans l’ombre? Après avoir découvert le groupe en 2021 avec The ropes, un premier album simplement époustouflant, les voilà qui reviennent avec The maze, tout aussi exceptionnel. Au travers de 11 titres, Trank explore divers horizons musicaux, tous aussi entraînants que variés. Car jamais le groupe ne se répète, démarrant avec le très électrique Adrenalin pour terminer avec l’envoûtant The morning after. Au passage, les musiciens s’offrent de petites escapades du côté du punk (Chameleon) dans lequel une vérité est énoncée (« I am what I am told » – « je suis ce qu’on me dit d’être » – qui semble dénoncer le manque de libre arbitre ou d’esprit critique de la société actuelle), explore des aspects qu’on pourrait étiqueter « heavy new wave » (Pray for rain) avec toujours ces fils conducteurs que sont la diversité musicale des sources d’inspirations (dont Pink Floyd dont le groupe reprend Hey you), l’originalité et l’excellence – tant dans l’interprétation que dans la production, irréprochable, grasse, gourmande et généreuse à la fois. Trank a cette capacité à composer des morceaux taillés pour les foules, ce rock fait pour retourner des stades tout entiers. Jamais vulgaire, toujours efficace – d’autant plus que Michel chante dans un anglais parfaitement maitrisé et compréhensible – classieux même, The maze a tout pour mener Trank vers les sommets internationaux . Si seulement on (les majors internationales) daigne lui accorder un peu plus qu’une oreille distraite… On tient peut-être ici un futur géant du stadium rock. Celui qui, comme ils l’écrivent dans leur bio, « fait sauter les foules ET réfléchir ».

FABULAE DRAMATIES: Violenta

Belgique, Metal (Autoproduction, 2024)

Violenta est le troisième album de nos voisins belges de Fabulae Dramatis. Formé au début des années 2010, le groupe a déjà publié deux albums, Om en 2012 et Solar time’s fable en 2017. Quelques changements de line-up expliquent sans doute, en partie tout du moins, le temps passé entre deux albums. Aujourd’hui composé de la chanteuse Isabel Restrepo, du guitariste Daniel Diaz, du bassiste Marco Felix et du batteur Teo Dimitrov, le groupe nous propose ce Violenta, qui parait donc après sept ans de réflexion et qui semble être un album conceptuel (traitant de la colonisation brutale de la Colombie?) De manière intéressante, le groupe propose des textes en espagnol et en anglais, ce qui permet de joliment scénariser son propos. Musicalement, les huit titres puisent dans une variété de styles parfois étonnante. Le plus doux côtoit le plus brutal à l’image du chant qui va du tribal à la rage, évoquant souvent la souffrance d’un peuple opprimé. Si certaines idées de riffs ou de mélodies font immédiatement mouche (le tribal The jungle of ego, le très entrainant River of despair), si le chant évoque une certaine Angela Grossow (Arch Enemy) dans ses colères enragées, Fabulae Dramatis se veut avant-gardiste dans ses compositions et fait, malheureusement, souvent preuve de trop de réflexion dans sa musique. Ainsi, en voulant proposer une musique complexe, la formation perd en efficacité là ou plus de simplicité pourrait offrir un propos direct. Violenta reste cependant mystérieux et évoque un pan de l’histoire de notre décidément éternelle inhumanité.

KRACK: Bakounine

France, Italie, Zombie metal (M&O, 2024)

La pochette parle d’elle même: le monde est livré à la sauvagerie d’êtres abominables et sans merci… Avec Bakounine, les Franco-italiens de Krack nous plongent dans un univers macabre et violent. Les 11 titres de ce disque sont construits comme la bande son d’une série de zombies. Après une intro enragée, l’appel à la révolte est entendu… Si la voix gutturale et grognée donne le ton, le tempo, lui, varie au gré des morceaux. Parfois hardcore direct et dans ta face, à d’autres moments plus électro et martial, ici plus foncièrement metal, toujours ultra énergique, le groupe raconte une histoire qui ferait sans doute une bonne BD ou une série. L’espoir souvent matinal cède cependant rapidement le pas à la réalité de ce monde en état de survie. Les morts-vivants marchent et saccagent dans pitié. La voix mise à part – une voix qui, reconnaissons le, colle parfaitement au propos – l’ensemble est plein de bonnes idées et de petites originalités qui transforment cette expérience qui pourrait être douloureuse en moment assez « fun ».

BOWELS OF SUFFERING: [B.o.S]2.0

France, Metal (WormHoleDeath, 2024)

Recevoir un album de Matthieu Morand, guitariste connu et apprécié pour son travail avec Dusk Of Delusion, ou encore Symakya et avec sa boite de promotion Fantai’zic est toujours une agréable surprise. Le Lorrain – Nancéen, plus précisément – a toujours proposé un metal progressif de qualité, en tout cas, qui me plait, alors découvrir cet album de Bowels Of Suffering, [B.o.S]2.0, me tente bien. Clairement, le groupe a décidé de se lancer dans un projet ambitieux et de créer un univers sonore proche du metal extrême, mêlant sonorités industrielles, froides et martiales, et death au chant rugueux, et visuel qui invite l’amateur à plonger dans un univers fait de piraterie et aventures dignes de jeux vidéo. Seulement voilà… Rapidement, je décroche, je ne parviens pas à me plonger dans cet univers trop froid et trop rugueux et qui ne m’invite guère à foncer toutes oreilles ouvertes dans ce monde-là. Me voici même en train de penser avoir entendu Matthieu plus inspiré dans ses aventures guitaristiques. Alors, certes, BOS est un groupe composé de personnalités de la scène française (en vrac, La Horde, Elvaron, Benighted Soul, Akroma ou encore Symakya en plus du Dusk mentionné plus haut) mais la sauce ne prend pas… Ce n’est simplement pas pour moi, même si d’autres y trouveront certainement leur compte.

HARUN: Reboot

France, Rock (Autoproduction, 2024)

Les amateurs de sensations fortes made in par chez nous reconnaitront forcément Harun. Les autres se demanderont sans doute qui est ce guitariste qui pose sur une pochette sobre en noir et blanc, exception faite des nom, titre et une sorte de logo jaunes. Harun, de son nom Demiraslan, est notamment connu pour son implication avec feu Trepalium. Les Poitevins proposaient alors un metal extrême et sans concession. Depuis la disparition du groupe, Harun diversifie ses plaisirs. Après un premier album – In motion – paru en 2022, il revient aujourd’hui avec Reboot, un disque étonnant du fait d’une orientation musicale radicalement différente de ce à quoi nous étions habitués. Ici, pas de metal rugueux, non. On flirte plus du côté de sonorités électro et pop tout au long des huit titres qui, parfois, évoquent Tears For Fears. Pas surprenant de voir que le gaillard a même décidé d’en reprendre le gigantesque Shout qui clôt l’album. Harun teste différents styles et rapidement les Sleep, Get out, Lost in the light ou autre Release yourself se révèlent plus que séduisants. Mais Harun n’en oublie pas pour autant ses origines plus rock et le rappelle avec Almost dead. La variété de ce second essai apporte une touche de fraicheur bienvenue.

SAINTSOMBRE: Earth/dust

France, Doom/Sludge (Rotten Tree, 2024)

Fondé sur les cendres de Sacrarium, groupe de black metal français auteur de deux albums parus en 2009 et 2013, SaintSombre s’éloigne de son style originel pour évoluer vers des ambiances plus lourdes et oppressantes. Préférant mener son projet en solo de bout en bout, Steve Renard propose avec Earth/dust un premier album mystérieux. Au travers de 6 titres, SaintSombre explore des univers différents. Reflection débute avec une intro sombre et mystérieuse avant d’introduire des percussions tribales et des powerchords très heavy. Le doom est bien présent, lourd et oppressant. Près de 3 minutes s’écoulent avant l’arrivée d’un chant growlé qui pose encore plus ces ambiances inquiétante. L’album continue sur cette même veine lourde et lente parfois rythmée par une boite à rythme au ton grave et martial et enrobée de claviers robotisants et hypnotiques. Des riffs répétitifs et une rythmique presque pachidermique, un chant qui se fait souvent attendre, nous accompagnent tout au long de ce gouffre sans fin qu’est Earth/dust. Un album à ne pas mettre entre les oreilles des plus dépressifs, il va sans dire… Les autres pourront découvrir un univers qui, s’il ne révolutionne pas le genre, se révèle dangereusement attirant.

THANATEROS: Tranceforming

Allemagne, Folk rock (Echozone, 2024)

Certes, Thanateros a une longue histoire derrière lui puisque le groupe s’est formé à Berlin au tournant du siècle, publiant son premier album, The first rite, en 2001. Depuis, le groupe a radicalement changé puisque du sextet d’origine il ne reste que le chanteur flûtiste Ben Richter. C’est désormais accompagné du guitariste Chris Lang, du violoniste Christophe Uhlmann (tous deux également présents sur le précédent opus, On fragile wings paru en 2022 et chroniqué ici même) et du bassiste Martin « MarT Moller » Müller que Thanateros publie aujourd’hui Tranceforming (sur lequel la batterie est assurée par Simon Rippin, également de nouveau producteur avec Richter de l’album). Ben Richter a toujours été intéressé par la magie, le shamanisme et la relation à la nature et ne déroge pas à la règle. Ses sources d’inspirations sont claires dès l’introduction de l’album, une sorte d’incantation démoniaque avant que le groupe ne se lance dans une pop folk aux intonations plus rock que metal. L’ensemble est à la fois chantant et dansant, une invitation à se laisser envoûter par mère Nature. Si l’on a envie de communier avec les éléments qui nous entourent, il manque cependant une réelle identité, que le groupe avait joliment ébauchée sur son précédent opus, pour que Thanateros se démarque de cette scène encombrée. Il y a pourtant de l’entrain tout au long de cet album de folk pagan villageois (l’effet du violon et de la flûte, sans doute) qui semble parfois lorgner du côté de la cold wave au chant clair qui se veut parfois parfois « evil ». Les sonorités varient, passant des rythmes tribaux à de l’électro hypnotique, une variété qui permet à Tranceforming de s’écouter aisément.

PAINTED SCARS: Kintsugi

Belgique, Heavy rock (Autoproduction, 2024)

Rock’n’roll! Formé en Belgique en avril 2023, Painted Scars déboule avec Kintsugi, un premier mini album de 6 titres qui rentrent dans le tas. Mené par la chanteuse Jassy « Hyacen » Blue, le combo propose un hard rock varié et puissant bien qu’encore marqué du sceau de la jeunesse. Au démarrage de Glow in the dark, on à l’impression de retrouver un Girlschool au top de sa forme doublé d’une hargne digne des sœurs Turner (Rock Goddess). Ne serait-ce l’anglais moyennement maitrisé, on s’y croirait. Won’t give up se fait plus moderne et langoureux tandis que Knock knock (ces deux titres sont mal indiqués sur le tracklisting du CD, respectivement en quatrième et seconde position…) revient à un propos direct et enlevé. Le guitariste Kevin de Brauwer, secondé par Yannick Rottiers, ajoute quelques grognements discrets. La rythmique assurée par Jens Van Geel (basse) et Bram Vermeir (batterie) est plutôt efficace. Il y a ci-et-là quelques indicateurs musicaux des sources d’inspirations du groupe, comme ces premières mesures de Liquid gold qui (me) rappellent un jeune Metallica. Freedom se veut franc et direct avant que ce premier essai ne se termine avec Life and alive, titre qui fut le premier single de la carrière du groupe. Kintsugi, est une jolie carte de visite d’un groupe qui, s’il manque encore de maturité et n’a pas encore trouvé son identité musicale, pourrait voir son nom prendre de l’ampleur. On attend donc la suite.