INTERVIEW: RAGE

Rencontre avec Peavey Wagner (chant, basse) et Marcos Rodriguez (guitare). Entretien réalisé au Trianon  à Paris le 28 avril 2016.

C’est quelques heures avant de monter sur scène que Rage, l’un des plus anciens représentants de la scène métal allemande a reçu Metal Eyes. Peavey, le fondateur du trio, et son nouveau guitariste, Marcos, se sont livrés sans fard. Interview vérité à quelques heures du concert.

SONY DSC

Metal-Eyes : Peavey, si tu le permets, débarrassons-nous de ceci : j’ai lu récemment des interviews de Victor, ton ancien guitariste, pas sympa du tout. Que se passe-t-il entre vous deux ? Vous chercher à faire un remake de Metallica et Dave Mustaine dans les années 80?

Marcos : (il explose de rire) Excellent, c’est excellent, ça !

Peavey : De vilaines choses ? Que veux-tu dire ?

Metal-Eyes : Des propos à ton sujet que je n’aurais pas imaginé lire un jour. Ça ressemble à un divorce qui se passe au plus mal…

Peavey : Je peux comprendre, en fait: je l’ai viré. Sans doute clame-t-il partout qu’il est parti, mais c’est moi qui l’ai viré. Peut-être est-il en colère ? Je pense que c’est triste de laver son linge sale de cette manière… Mais tu sais, c’est assez simple, finalement : notre collaboration ne fonctionnait plus. Nous avons travaillé ensemble pendant 15 ans, nous composions ensemble, mais c’était plus une relation de travail que d’amitié. Nous allions au boulot ensemble, c’est tout (rires).

Metal-Eyes : Et qu’est-ce qui t’a fait choisir désormais de travailler avec Marcos ?

Peavey : La relation avec Victor était arrivée à un terme, vois-tu ? En 2014, je m’en suis rendu compte, et il fallait changer cela. Je n’étais plus satisfait. Victor est un bon gars, mais il n’a pas l’esprit d’équipe. Il veut être le boss. Il a toujours été habitué à travailler seul, à diriger, pas à être dirigé. Ça ne peut pas fonctionner, pas quand tu rejoins un groupe. En 1999, il a intégré MON groupe, et il n’est pas question qu’il me mette de côté pour décider du sien. C’est un peu ce qu’il se passait les dernières années, qui ont été assez merdiques, il n’y avait plus de plaisir à nous retrouver ensemble. Il était nécessaire de mettre un terme à cette situation, à nous séparer et travailler avec de nouveaux musiciens. C’est aujourd’hui le cas. Pourquoi Marcos ? Ce qui était très important pour moi était d’intégrer des gens qui ne soient pas seulement bons musiciens, mais des personnes avec lesquelles les relations puissent être bonnes, d’un point de vue privé. Je connais Marcos depuis des années, et nous avons toujours eu de bonnes relations musicales et simplement humaines. En fait, ça ne fait pas si longtemps que ça que nous jouons ensemble. Je savais qu’il était bon guitaristes, mais on a plus partagé de bons plats, de bons vins – il est très amateur de bon vins…

Marcos : Oui, et ce soir, je suis dans le pays du vin!

Peavey : C’est un picolo ! (rires) Les choses se sont simplement faites, nous avons tant en commun… Et Lucky, le batteur… Je le connais depuis 1988 ! Il prenait des cours de batterie avec mon ancien batteur, et est venu en tournée avec nous sur la tournée Motörhead, de beaux souvenirs

Marcos : Bande de bâtards chanceux (rires) !

Peavey : Le plus important était vraiment de travailler avec des gens avec de vraies qualités humaines. (S’adressant à Marcos)J’ai vraiment été surpris que vos relations à tous deux soient devenues ce qu’elles sont aussi rapidement. Ce n’est pas seulement un plaisir de travailler avec vous, mais aussi la qualité du travail d’écriture que vous fournissez. On écrit constamment…

Metal-Eyes : Parlons un peu de musique, justement. Rage est actif depuis les années 80, depuis 32 ans, ce qui fait un sacré bout de temps. Comment décrirais-tu l’évolution du groupe depuis ses débuts ?

Peavey : Il y a eu beaucoup de changements… Nous avons débuté en tant que fans de metal, en testant différentes orientations musicales. Pendant quelques années, nous nous sommes cherchés, sommes devenus meilleurs musiciens, testant différentes choses. Avec le second line up, je pense avoir développé le vrai style du groupe. D’autres groupes émergeaient de la scène allemande à cette période, comme Helloween. Nous étions l’un d’eux, mais Rage a toujours eu son identité au sein de ce mouvement. Nous avons composé certains des classiques du groupe, puis les guitaristes se sont succédé, apportant des éléments plus frais à la musique. Au milieu des 90’s, j’ai joué pendant longtemps avec Victor Smolski et d’excellents batteurs, Mike Terrana, par exemple. A cette époque nous avions intégré certains éléments plus progressifs à notre musique, c’est l’apport de Victor. Nous nous éloignions du style originel de Rage. Depuis que je me suis séparé de Victor, j’ai le sentiment que nous retrouvons le style de Rage. Celui du milieu des années 90, et c’est ce que je souhaite, ce que les fans attendent de Rage. Retrouver cette énergie qui nous caractérisait.

Metal-Eyes : Les années 90 ont été quelque peu chaotique pour nombre de groupes de metal traditionnel… Selon, toi, Rage, en 2016, c’est quoi ?

Peavey : Euh… En gros, c’est un bon groupe ! Nous travaillons bien ensemble, l’énergie est bonne, c’est un plaisir et un privilège de pouvoir continuer de jouer, dans des conditions que nous n’avions plus connues depuis longtemps ! Notre son, notre style sont uniques sur la scène metal. C’est ce qui nous distingue de la majeure partie des groupes allemands. Nous avons cette part supplémentaire de « dans ta face », tu vois ce que je veux dire ? Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de groupes qui nous ressemblent.

Marcos : Il y en avait un, qui vous copiait, il s’appelait Soundchaser. C’était mon groupe ! (rire général)

Metal-Eyes : Parlons de votre nouvel album, The devil strikes again. Il y a eu beaucoup de changements dans le groupe ce qui a sans doute approté du sang frais à l’ensemble. Tu as produit l’albu, Peavey, et Marcos l’a co-produit. Quelle a vraiment été, Marcos, ton implication en tant que co-producteur ?

Marcos : En réalité, ce fut l’idée de Peavey dès le départ de me confier une partie de la production. Il connait ma passion pour Rage, je suis fan depuis tout petit. Et je sais exactement comment le groupe doit sonner, pas comme le reste de la scène allemande, un peu plus sombre, heavy.

Peavey : Je pense qu’on pourrait le définir ainsi : je donnais la direction générale, j’avais l’image principale en tête et tu sais comment ajouter les détails. Marcos dispose de son propre studio, il connaît la technique et sais comment jouer avec ces détails, comment les ajouter. Je dis que nous devrions aller dans telle direction et lui pense « nous devons passer par ici, ajouter cela, inclure ci et ça ». Au final, je pense que nous avons vraiment fourni un excellent travail commun.

Marcos : Nous l’avons bien sûr produit tous les deux, mais j’ai vraiment eu les mains libres. Nos visions des objectifs étaient complémentaires. Le son, la manière de composer… Nous avons vraiment travaillé comme un seul homme pour créer le son de cet album. Je comprends très bien où veut aller Peavey, et il me fait suffisamment confiance pour nous y conduire. C’est un honneur pour moi d’avoir produit ce disque.

Metal-Eyes : Au-delà du fait d’avoir deux nouveaux musiciens, qu’est-ce qui rend cet album différent du reste de la discographie de Rage ? Vends moi ce disque !

Peavey : Ce qui le rend différent ? Euh…

Marcos : Je peux dire ce qui le rend différent des deux derniers albums… En tant que fan, pas que musicien : tu sens beaucoup d’amour et de bonne vibrations sur The devil strikes again. Tu peux ressentir ça dans les compositions, dans SA voix…. Screaming Peavey is back !

Peavey : En gros, c’est ça, et on va droit au but, sans détour.

Metal-Eyes : Cet album sort en trios versions différentes. Au regard des difficultés actuelles du marché du disque, c’est un choix assez risqué, non ?

Peavey : La décision en incombe au label. Nous leur avons fourni quelques titres bonus, nous avons enregistré plus que ce dont nous avions en réalité besoin pour l’album. 9 morceaux supplémentaires qui peuvent terminer sur My way, le premier Ep single, sur la version japonaise, comme la version acoustique de My way, sur un cd bonus… Quand nous avons commencé à tourner, nous avons eu de bons retours et on nous demandait si nous pouvions faire ceci, rajouter ça sur un album live… Nous avons fourni tout ça au label qui en édite ces versions. Mais je dois dire que, selon moi, tous ces bonus valent le détour. Le live a beaucoup d’énergie, c’est vraiment quelque chose entre le public et nous.

Marcos : Il est très bon, et je dois ajouter, c’est le fan qui parle, que certains fans hardcore veulent avoir toutes les versions possible du produit. Je suis un de ceux qui possèdent tout ou presque de Rage, les éditions japonaises, les vinyles…  Désolé, je dois vous quitter pour aller faire un sound check. A tout à l’heure et merci !

Metal-Eyes : Merci à toi, je te vois sur scène tout à l’heure! Peavey, y a-t-il un endroit en France où tu apprécies particulièrement de jouer ?

Peavey : J’apprécie de jouer partout en France, mais ici, à Paris, j’aimais bien l’Elysée Montmartre.

Metal-Eyes : Juste à côté d’ici, c’est la salle voisine.

Peavey : Oui, je m’en suis rendu compte en arrivant. Je me souviens qu’il avait brûlé, mais il existe encore ? Ils en ont fait un club, c’est toujours ouvert ?

Metal-Eyes : Pas encore, mais les travaux devraient être terminés bientôt. Ils prévoient de rouvrir en novembre, je crois. Que penses-tu de cette sale, le Trianon ?

Peavey : Cool. C’est la première fois que nous jouons ici, et ça me rappelle beaucoup l’Elysée Montmartre… Un peu plus luxueux sans doute, plus élégant, aussi.

Metal-Eyes : Si tu devais convaincre quelqu’un qui ne vous connais pas de la qualité de Rage, quel album me conseillerais-tu d’acheter ?

Peavey : Ouh… Pour quelqu’un qui ne connait pas le groupe ? C’est difficile, parce que le groupe a connu différentes périodes, et il n’est pas possible de nous résumer en un seul album. En réalité, je dirais quatre albums : Perfect man (1988), aux tout débuts, puis The missing link (1993), je citerai ausis XIII (1998), Unity (2002) avec Victor, e enfin The devil strikes again, le dernier album.

Metal-Eyes : Une dernière chose : après une si longue carrière, y a t-il des chansons que tu souhaites ne plus jouer même si les fans les réclame et y en a-t-il que tu ne peux plus, techniquement, jouer ou chanter ?

Peavey : Non, non. J’aime toujours jouer mes chansons. Tu sais, depuis 2014, je joue avec un groupe qu’on appelle Refuge avec d’anciens membres de Rage, et on reprend d’anciens titres. L’an dernier, nous avons participé à quelques festivals, en mars dernier, nous étions au Japon… C’est notre groupe pour le fun avec lequel nous reprenons d’anciens titres de Rage sur lesquels je chantais assez haut. Je me suis rendu compte que, même si je n’ai pas chanté ainsi depuis longtemps, j’en suis encore capable. On a essayé, et ça marche encore !

Metal-Eyes : Merci beaucoup pour cet échange et j’espère avoir bientôt l’occasion de vous revoir en tête d’affiche.

Peavey : Nous sommes en train de prévoir une tournée à partir de novembre. Je n’ai pas encore toutes les dates mais j’espère bien que nous passerons par la France !

Merci à Valérie Reux d’avoir organisé cette rencontre.