KRYPTOPORTIKUS: Dark rainbow

Allemagne, Heavy prog (Fastball, 2025)

Issu de leur rencontre en 2015, Kryptoportikus est le projet commun du producteur/guitariste Chris Techritz et du vocaliste Franz Herde, ex-membre de Sieges Seven. Si tous deux ont un passé certain, je suis ici quelque peu gêné car si, musicalement, le duo nous replonge sans hésiter dans le metal des années 80 et le prog plus proche des années 90/2000, avec des airs qui rentrent dans la tête, je trouve le chant souvent exagérément poussé, maladroitement haut perché, pas toujours en phase avec le propos musical. Résultat: un chant qui m’agresse bien plus qu’il ne me séduit. Ce n’est que mon ressenti et chacun se fera sa propre opinion. Musicalement, toutefois, Dark rainbow, l’album de cette collaboration, tient vraiment la route, les plans de guitares évoquant aussi bien le progressif susmentionné que certains aspects thrash old school. C’est précis, aussi véloce que souvent raffiné et toujours précis. La production, elle aussi, est au niveau exigé par le genre. Mais voilà: je ne parviens vraiment pas à adhérer à cette voix qui vient gâcher mon plaisir tout au long des 12 morceaux (exception faite de l’intermède Medusa’s speech narré par une femme) que renferme l’album. Dommage. Ou tant pis…

Séance de rattrapage: HELLOWEEN: Live at Budokan

Allemagne, Heavy Metal (RPM, 2024)

Si le précédent live (United alive in Madrid, 2019) de nos citrouilles marquait le retour dans la famille des membres historiques que sont le chanteur Mickael Kiske et le guitariste chanteur Kai Hansen, ce nouveau témoignage en public, Live at Budokan, paru le 13 décembre 2024, marque sans aucun doute possible le lancement des festivités annoncées pour célébrer les 40 ans de Helloween. Ce live n’est en effet que le point de départ d’une année chargée puisque 2025 verra également la publication d’un Best of, March of time, et d’un nouvel album studio des Citrouilles parallèlement à une nouvelle tournée européenne (le groupe sera de retour au Zénith de Paris le 22 octobre prochain) puis, sans aucun doute, mondiale. Donc, oui, Live at Budokan a tout du témoignage de moments plus grands encore à venir… Ce double album propose le set complet que les Allemands ont donné le 16 septembre 2024 au mythique Budokan de Tokyo – étonnamment, si le groupe a joué près d’une cinquantaine de fois dans la capitale nippone, c’est son premier passage dans ce lieu qui en a vu tant d’autres. Une setlist quasiment identique à celle proposée ailleurs (quelques villes, dont Paris avaient, en 2022, eu droit à Angels, disparu sur ce nouveau live). Peu importe, car on sent un groupe dans une forme éblouissante, soutenu par un public à fond derrière ses héros. Une ribambelle de classiques (Eagle fly free, Dr. Stein, Futur world…) accompagne quelques extraits du dernier album auto-nommé (outre l’intro Orbit, on retrouve Skyfall, Mass pollution et Best time). Ceux qui ont vu Helloween sur scène ces dernières années le savent, Kai Hansen a également son moment privilégié pendant lequel il offre un medley des titres emblématiques qu’il interprétait aux tout débuts du groupe et l’interprétation à rallonge du thème final de Keeper of the seven keys sert de prétexte à présenter chacun des musiciens qui s’éclipse tranquillement une fois son nom cité. Parfaitement mis en son, ce double live (il existe également son pendant visuel DVD/Blu-ray) s’écoute d’une traite et nous replonge avec bonheur dans l’univers des citrouilles dont on attend maintenant qu’elles confirment les promesses de 2025 !

THANATEROS: Tranceforming

Allemagne, Folk rock (Echozone, 2024)

Certes, Thanateros a une longue histoire derrière lui puisque le groupe s’est formé à Berlin au tournant du siècle, publiant son premier album, The first rite, en 2001. Depuis, le groupe a radicalement changé puisque du sextet d’origine il ne reste que le chanteur flûtiste Ben Richter. C’est désormais accompagné du guitariste Chris Lang, du violoniste Christophe Uhlmann (tous deux également présents sur le précédent opus, On fragile wings paru en 2022 et chroniqué ici même) et du bassiste Martin « MarT Moller » Müller que Thanateros publie aujourd’hui Tranceforming (sur lequel la batterie est assurée par Simon Rippin, également de nouveau producteur avec Richter de l’album). Ben Richter a toujours été intéressé par la magie, le shamanisme et la relation à la nature et ne déroge pas à la règle. Ses sources d’inspirations sont claires dès l’introduction de l’album, une sorte d’incantation démoniaque avant que le groupe ne se lance dans une pop folk aux intonations plus rock que metal. L’ensemble est à la fois chantant et dansant, une invitation à se laisser envoûter par mère Nature. Si l’on a envie de communier avec les éléments qui nous entourent, il manque cependant une réelle identité, que le groupe avait joliment ébauchée sur son précédent opus, pour que Thanateros se démarque de cette scène encombrée. Il y a pourtant de l’entrain tout au long de cet album de folk pagan villageois (l’effet du violon et de la flûte, sans doute) qui semble parfois lorgner du côté de la cold wave au chant clair qui se veut parfois parfois « evil ». Les sonorités varient, passant des rythmes tribaux à de l’électro hypnotique, une variété qui permet à Tranceforming de s’écouter aisément.

INADREAM: Strange words

Allemagne, Rock alternatif/Post new wave (Echozone, 2024

Avec une pochette qui évoque – « pompée sur » serait plus proche – un certain London calling de The Clash, on pourrait penser que les Allemands de Inadream propose un punk direct et engagé inspiré du groupe de Mick Jones et Joe Strummer. Formé en 2016, Inadream publie No songs for lovers, son premier album, en 2019 avant de revenir aujourd’hui avec Strange words. Bien que les guitares soient présentes, on est clairement loin du metal. Inadream nous offre 10 titres plus généralement inspirés par la new wave de Joy Division (dont le groupe reprend d’ailleurs Dead souls) ou The Cure tout en apportant sa touche personnelle. Composé du chanteur et guitariste Frank Bottke, des frères Wülner (Thorsten à la guitare et Dennis à la basse) et du batteur Achim Bockermann, Inadream nous replonge dans une époque sonore qu’on aurait pensée révolue, mais non… Les clins d’œil – et vocaux – à la mélancolie de Robert Smith (chanteur de The Cure) ou à l’optimisme réaliste de The Eurythmics sont partout présent faisant de cet album un moment hors du temps et, somme toute, attrayant. Alors, non, les amateurs de metal pur passeront leur chemin, mais ceux plus ouverts et nostalgiques trouveront du plaisir à écouter ces mots étranges sortis d’un rêve.

Séance de rattrapage: EXA: Left in shards

Allemagne, Thrash (Autoproduction, 2024)

Ils ne sont pas là pour rigoler, nos amis allemands de Exa! Dès les premières mesures de Return to madness, les Berlinois nous font entrer dans leur boucherie sanglante. Le riff est tranchant autant que rapide et précis, le chant rugueux et la rythmique martèle sans relâche. On pense immédiatement à une rencontre entre Slayer, Exodus et Testament pour les (une partie des) influences d’outre-Atlantique, et à Sodom ou Kreator, grands pourvoyeurs et défenseurs du thrash teuton. Exa sait cependant varier ses plaisirs – et le notre – en proposant des titres aux tempi variés, et cette alternance permet de ne pas fatiguer l’auditeur trop rapidement. Formé au lycée en 2016, le groupe sort Ignite en 2018, Ep leur valant d’être élu meilleur espoir par les lecteurs de Metal Hammer et lui donnant par la suite l’opportunité d’enregistrer un premier album, Cut the past. Aujourd’hui composé du guitariste chanteur Tom Tschering du guitariste rythmique Johannes Lortz, du bassiste Tamino Bosse et du batteur Leon Pester (aucun lien familial connu avec notre Lorie nationale !) Exa démontre, et avec quel brio, sa maitrise et son amour du thrash old school. La production sans faille est moderne tout en rendant hommage à l’esprit conquérant 80’s, Exa apportant sa personnalité (une basse slappée dans le thrash, pas si fréquent, hein?) Le sérieux du groupe lui a permis de signer avec un tourneur en 2023. Espérons que ce dernier permette au quatuor de franchir les frontières afin de nous rendre visite. Un espoir à prendre très au sérieux. EN tous cas, la relève est assurée!

HUMAN ZOO: Echoes beyond

Hard rock, Allemagne (Fastball music, 2024)

Il en faut de la patience ! Les fans auront dû attendre pas moins de huit longues années pour que les Allemands de Human Zoo donnent un successeur à My own god. En même temps, le groupe de hard mélodique nous y a habitués depuis son second album… Le voici donc enfin, ce Echoes beyond tant attendu! Et on peut se rassurer dès les premières mesure du bien nommé (malgré un gentillet jeu de mots) Gun 4 a while qui démarre pied au plancher. Le chant puissant et très émotionnel de Thomas Seeburger évoque souvent un certain Andi Deris mais Human Zoo se distingue cependant de Helloween avec son heavy léché et soigné superbement mis en son. Toute la première moitié de l’album entraine l’auditeur dans des contrées sonores variées, le groupe proposant une palette de couleurs différentes, alliant rock, heavy, entrain et donne envie de reprendre les refrains de To the ground, Ghost in me ou Hello hello, et fait même frissonner avec la ballade, hommage à un père aimé et disparu, Daddy you’re a star. On ne leur fait pas l’article à ces anciens, les riffs concoctés par le guitariste Ingolf Engler plus que soutenus par une rythmique solide (le bassiste Ralf Grespan et le batteur Matthias Amann) et les claviers légers et discrets de Zarco Mestrovic. Ce qui fait également la différence avec d’autres groupes, c’est l’apport du saxophone de Boris Matakovic, pour des passages qui, souvent, évoquent un certain E Street Band (celui du Boss, Springsteen). Mais, voilà… un moment de faiblesse vient quelque peu casser le rythme de l’album avec deux titres moins marquants jusqu’au très westernien Waiting ’til the dawn qui refait taper du pied de bout en bout avec sa bottleneck. Ready to rock vient presque conclure ce disque avec une belle énergie retrouvée qui allie tous les ingrédients d’un bouquet final, l’album se terminant avec une version acoustique de Forget about the past. Malgré un moment moins inspiré, Echoes beyond regorge d’énergie positive, de petites trouvailles sonores et donne simplement envie de taper du pied. Un très joli retour!

DEAFCON 5: Exit to insight

Allemagne, Metal progressif (Fastball music, 2024)

Deafcon 5… En langage militaire, cela signifie que le monde est en paix, qu’il n’y a pas de mesure d’urgence. Sauf que celui qui nous concerne aujourd’hui s’écrit avec un A, transformant le « def » de « Defense » en « Deaf » qui signifie sourd. Sourds à la paix du monde les prog metalleux allemands? En tout cas, dès la pochette, on sait qu’on a à faire à des conteurs: le tracklisting au dos du CD apparait sous forme de narration. « Tout avait si bien commencé »… Exit to insight débute avec un Prologue, une explication de deux intervenants, un homme et une femme, avant que le propos musical ne débute sur les chapeaux de roue. La voix puissante et chaleureuse de Michael Gerstle entre dans le vif du sujet avec la guitare engagée et volontaire de Dennis Altmann qu’accompagnent les claviers aériens de Frank Feyerabend, tandis que Franck Schwaneberg et Sebastian Moschüring pose à la basse et à la batterie les fondements de cette architecture plus volontairement alambiquée que complexe. Car, en effet, si les musiciens sont parfaitement maitres de leurs instruments, et malgré la puissance de l’ensemble, il me semble que soit il manque une forme de liant à cet ensemble, soit il y a trop de tiroirs. On tape certes du pied, mais le passage régulier de temps puissants à moments plus légers me perd un peu. Oui, l’ensemble est bien fait, aussi personnel qu’inspiré par les grands du genre, mais je me retrouve, à mi parcours, au croisement des chemins, hésitants entre l’envie de continuer sans vraiment retenir un passage ou le désir de mettre sur pause pour mieux comprendre ce disque pourtant riche de trouvailles et plus que bien fait. Une forme d’opposition entre défense et surdité sans doute… En tout cas, Exit to insight est un album à découvrir au gré de plusieurs écoutes.

BOWMEN: Mission IV

Allemagne, Hard rock (Fastball music, 2024)

Des guitares qui fusent, un chant clair et joyeux, des mélodies entrainantes… Tout est ici réuni pour que l’amateur de hard rock classieux et classique fasse un bond en arrière tout en restant les pieds ancrés dans son époque. C’est la recette que nous proposent les Allemands de Bowmen sur leur quatrième album, Mission IV. La mélodie est au cœur du propos musical, travaillée par des guitares aussi tendres qu’acérées. Bowmen, ce sont de vieux briscards (Markus Escher au chant et à la guitare, Jan Wendel à la guitare, Stefan Pfaffinger à la basse et Christian Tilly Klaus à la batterie) qui savent parfaitement concocter des chansons qui font mouche, quelque part entre hard rock et AOR, en y ajoutant une légère touche énervée façon grunge. Le groupe propose ainsi des titres riffus et énergiques (Demons, Said or done, Brocken man), d’autres plus foncièrement hard rock US (Fight the tide), de la tendresse (Hold me now, en version heavy ballad et repris dans une superbe version acoustique qui colle des frissons en fin d’album, Memories), lorgne parfois du côté de certains Australiens – on pense à ce riff répétitif et hypnotique sur Palace of the king qui évoque Thunderstuck. Les influences sont totalement assimilées, Bowmen ne cherchant jamais à imiter qui que ce soit et créant son propre univers sonore, d’une très belle efficacité, à l’instar de ce Rocket man enlevé et son irrésistible basse ultra groovy qui vient faire s’agiter les pieds sur le dance floor à mi parcours ou qui distribue des baffes en-veux-tu-en-voilà avec Black angel. Bowmen démontre une fois encore, si cela devait être nécessaire, que l’Allemagne du heavy rock ne se limite pas aux grands anciens qu’il est ici inutile de nommer. Aller, on en remet une couche pour énergiser la journée!

CHAKORA: Fractured fate

Allemagne, Stoner (M&O, 2024)

A l’image de la pochette, il n’est pas forcément nécessaire d’être totalement sobre pour plonger dans le propos de ce Fractured fate, album quelque peu allumé signé Chakora. Le quatuor allemand nous propose en effet un album totalement psyché, aux sonorités volontairement 70’s. On plonge dans un univers sonore qui évoque autant Hendrix que Hawnkwind ou encore un jeune Motörhead. Le chant, embrumé et rugueux se fait par instant plus « moderne » dans le sens hurlé et enragé du terme. Débuter avec une doublette composée de Jesus et de Muddy Waters n’a sans doute rien d’accidentel mais en tout cas, les jalons sont posés: du rock vintage, déjanté aux guitares aussi rugueuses que mélodieuses. Tout au long des 10 titres de cet album, Chakora nous entraine dans des univers datés -on a parfois l’impression que les musiciens se livrent à des joutes improvisées – tout en y incluant avec bonheur des touches exploratoires et contemporaines. La rage est telle qu’on peut aisément comprendre ce qui motive cette destinée fracturée… Une expérience hors du temps.

INNER AXIS: Midnight forces

Allemagne, Heavy metal (Fastball music, 2024)

Quelle surprise lorsque le facteur sonne chez moi pour me remettre, contre signature, ce pli carré et plat! Ca fait des années que je n’ai pas reçu un album vinyle… Inner Axis fut formé dans la ville de Kiel, en Allemagne, en 2008. Le groupe enregistre deux albums : Into the storm en 2011 et We live by the steel en 2017 et revient aujourd’hui avec un troisième album, Midnight forces. Tout au long des dix titres, le groupe évolue dans un registre heavy metal tendance power/epic metal. Si l’illustration de couverture évoque la SF de Blade Runner, le contenu musical est clairement inspiré de ce heavy metal épique allemand des années 90. Si je pense à Blind Guardian, la musique m’évoque également Iron Maiden ou, dans certains refrains fédérateurs, Night Ranger. Helloween également, dans une moindre mesure, me vient à l’esprit. Tout au long des 10 titres, les guitares fusent dans des riffs et des solis exemplaires, soutenus par une rythmique efficace. Seul le chant m’irite quelque peu, manquent de puissance et de détermination. Le reste, cependant, montre un groupe au top de son efficacité. Ok, on sourit parfois aux aspect totalement cliché du genre (le ton sur lequel est scandé « Cobra never dies » sur Strike of the cobra mais avec des « Cobra cobra cobra strike » hyper fédérateurs) et on se rend bientôt compte des thèmes qui ont inspiré Inner Axis: les grands classiques du cinéma d’aventure, de SF, d’épouvante et historique (Evil dead, Spartan war cry, Master and commander…) On remarque surtout ces solis d’une rare efficacité sur I am the storm, Midnight hunter heavy et enjoué, Burn with me… Inner Axis revient donc avec un album puissant et efficace et très bien produit. On peut espérer que le groupe trouve son public, mais faudra-t-il attendre encore 6 ans avant une suite?