Faire le tour du monde sans bouger de chez soi, sans passeport ni frontières, c’est l’invitation de Metal Eyes à travers la (re)découverte de ces albums live, mythiques ou moins connus, décortiqués en cette période sans concerts. Cette semaine, Concerts from home vous emmène au pays de sa Gracieuse Majesté, outre-manche. On est partis?
WHITESNAKE – Live… in the heart of the city (Universal, 1980)
Après avoir forgé ses armes au sein de Deep Purple avec qui il enregistra 3 albums (Burn, Stormbringer et Come taste the band), David Coverdale lance son projet solo à une époque où les géants du rock et du hard rock sont bousculés par le punk révolutionnaire, crade et irrévérencieux. Si deux albums paraissent sous le nom de David Coverdale’s White Snake – White Snake en 1977 et Northwinds en 1978 – c’est en 1978 que le chanteur fonde véritablement Whitesnake, le groupe. Coverdale est alors accompagné des guitaristes Micky Moody et Bernie Marsden, de Neil Murray à la basse, du batteur David Dowle et du clavieriste Brian Johnston. Le souhait de se faire un nom est naturellement entériné par la présentation d’un premier EP, Snakbite, en 1978, rapidement suivi d’un premier album, Trouble, la même année et produit par un certain Martin Birch. Rapidement après sa sortie, il se classe en 50ème place des charts, un score honorable pour un début. Si la machine est lancée, le groupe mue et accueille en son sein Jon Lord, ex-Deep Purple, avec qui Whitesnake publie le sublime Lovehunter (novembre 19798, et 29ème des charts). Deep Purple a décidé de stopper ses affaires et Coverdale intègre rapidement Ian Paice derrière les fûts. Whitesnake est désormais composé à 50% d’anciens membres de Deep Purple… Pour autant, il reste bien un groupe différent et, surtout, il reste celui de David Coverdale. C’est ce line up qui enregistre dans la foulée Ready’n’willing, de nouveau produit par le fidèle Martin Birch, et qui part défendre sa création sur les routes dès la fin de l’enregistrement. Un premier concert de chauffe est donné à l’Hammersmith de Londres le 3 mars 1980, puis un autre, cette fois-ci au Rainbow theater, toujours dans la capitale anglaise, le 2 avril, avant que le sextet s’envole pour le Japon – du 11 au 21 avril – où il donne une série de 8 concerts, majoritairement à Tokyo, dans différentes salles. Ce sont ensuite les Anglais, qui voient le reptile les séduire tout au long du mois de juin 1980, dont deux soirées, les 23 et 24 juin, seront enregistrées. Le succès de Whitesnake est grandissant et son dernier album studio atteint la 13ème place des charts. La tournée continue, Whitesnake cherchant, naturellement, à faire tomber les USA (une trentaine de dates jusqu’à fin novembre), mais qui délaisse un peu l’Europe – à l’exception de l’Allemagne qui profite d’une bonne vingtaine de dates, le Danemark, la Suède, la Suisse et la France (deux soirs à la Rotonde du Bourget les 29 et 30 novembre). C’est peu, mais… Le succès grandissant pousse naturellement Whitesnake à vouloir publier un album live, et c’est son désormais producteur attitré qui se charge de capter les deux dates londoniennes des 23 et 24 juin à l’aide du célèbre Rolling Stone mobile studio. Rappelez-vous : Birch a déjà travaillé sur un certain Made In Japan, d’un certain Deep Purple, il connait bien le travail du live en plus de bien connaitre le groupe. Et lorsque parait Live… in the heart of the city, la surprise est de taille : l’album est double et contient deux concerts : le premier relate ces deux soirées de juin, le second disque, lui, remonte à 1978 ! Il a été capté le 23 novembre 1978, en ce même temple du rock et également produit par Birch. Le résultat ? Un Whitesnake au sommet de son art, de sa forme et de sa puissance de feu. Rien n’est laissé au hasard, et chaque morceau fait mouche, que ce soit à l’époque où le metal renait – 1980 et sa NWOBHM qui sert également la cause Coverdale et certains anciens – ou en pleine période punk avec le second disque. Bien sûr, nombreux sont ceux qui se plaignent de la présence répétée de Come on, qui aurait, en effet, pu trouver un remplaçant assez aisément. Mais Whitesnake sait ici capter son public et le groupe se fait un devoir de se présenter sous toutes ses facettes musicales, des plus bluesy aux plus hard. Ses hits en live sont simplement imparables, à l’instar de Sweet talker, Walking in the shadow of the blues, des reprises Ain’t no love in the city (Michael Price et Dan Walsh) et Might just take your life (Deep Purple). Clairement, on sent un groupe uni et soudé, animé d’une même flamme, celle qui veut réchauffer les âmes. Tous les musiciens jouent à l’unisson et nous ne sommes pas encore à l’époque où Coverdale, ici très en voix, prononce un « fuck » tous les trois mots. Lorsque sort Live… in the heart of the city le 1er novembre 1980 chez United, le public lui fait un tel accueil que le disque se classe en 5ème position des charts, devenant, en à peine trois semaine, disque d’argent (il terminera, à domicile disque d’or en septembre 1981 avant d’être certifié, longtemps après, en 1987 – sans doute propulsé par le succès de son incontournable album éponyme – platine). Il trouve également son chemin dans le top 200 du Billboard US avec une agréable 146ème position. Naturellement, l’album sera réédité en format CD, tout d’abord par EMI en version CD simple, donc amputée du Come on de 1978, il est réhabilité dans son format double, en 2007, par Parlophone (qui a racheté EMI et tout son catalogue) dans une version remasterisée par Peter Mew et dotée d’un livret de 20 pages bourrées de photos et de commentaires de l’incontournable Geoff Barton. Notons enfin que parmi les nombreuses rééditions, ce live mythique a naturellement fait l’objet d’une ressortie en version double vinyle en 2011. La puissance de Live… in the heart of the city reste aujourd’hui encore intacte et ce disque fait incontestablement partie des œuvres majeures de l’univers « en public ». Une perle indémodable, tout simplement.