Entretien réalisé au Dr Feelgood à Paris le 15 avril 2016.
Quelque semaines après la sortie de son second album (au mois de janvier 2016), Metal Eyes a profité de la venue à Paris de la plupart des membres du groupe pour faire le point avec Lucas Lambert, fondateur en 2007, chanteur et guitariste du groupe rouennais. Interview découverte d’une formation à suivre dont vous avez découvert la chronique de Burning skyfalls la semaine dernière.
Metal-Eyes : Lucas, merci de recevoir Metal-Eyes. Vous êtes à Paris pour la promo de votre second album paru il y a quelques semaines (le 30 janvier 2016). Vous êtes un des rares groupes qui continuent dans la veine Heroic fantasy, donjons & dragons… Vous n’avez pas peur d’être un peu dépassés par rapport à ça ou est-ce votre marque de fabrique qui au contraire vous permet de vous démarquer ?
Lucas : J’ose espérer que c’est ce qui va nous démarquer, parce que, dès le début, on était dans quelque chose qui était très… cliché, puisqu’on parle de chevaliers, de dragons, de dieux méchants qui viennent conquérir l’humanité. Et une fois qu’on a assumé ça, la question était de savoir où se trouve la ligne pour ne pas tomber dans le cliché. Ce n’était pas de savoir si on était dans le cliché, on y est à fond… Les années 80, les solos harmonisés … ça a évolué avec des Rhapsody et des groupes un peu plus récents, mais on est là dedans, on sait qu’on peut tomber dans le cliché, qu’on est dans un style pas forcément en vogue mais c’est quelque chose d’assumé. Il y a encore des groupes qui font ça, mais de moins en moins
Metal-Eyes : Quelque part, tant mieux, car vous ne faites pas partie des « 400 groupes qui font la même chose »… 4 ans séparent votre album éponyme sorti en 2012 et Bunrning skyfall. Comment décrirais-tu votre évolution en tant que musiciens ?
Lucas : En tant que musiciens, je pense que nous avons avant tout essayé de mettre la barre plus haute, à tous les niveaux. On a pris toutes les phases de préparation, de production du premier album et on a tout fait monter d’une marche. Minimum. En tant que musicien, ça veut dire beaucoup plus de travail à titre personnel, de préparation avant l’enregistrement… Cette fois, on a fait un pré-enregistrement. Par exemple, pour préparer l’écriture des orchestrations, des chœurs, on a pré enregistré ce qui nous a permis de ne pas arriver en studio en se demandant ce que l’on va faire à ce moment là. Tout est déjà calibré, écrit. On a vraiment déjà fait un travail plus poussé, que ce soit personnellement ou en groupe.
Metal-Eyes : Et comment décrirais-tu l’évolution du groupe entre les deux albums?
Lucas : (pensif) …C’est compliqué… On a essayé, encore une fois, d’évoluer. On a vraiment la tête dans le guidon, c’est dur de se dire « on a fait plus ça, moins ça… » Par rapport à notre identité musicale, on a essayé de continuer ce qu’on a fait. Le mot d’ordre, en gros, c’était ça. Dès les débuts du groupe n a voulu développer cette identité power metal, mélanger tout le côté heavy metal, mélodique et un peu speed à des sonorités celtiques, que ce soit juste dans les compositions ou en rajoutant des instruments traditionnels, comme de la flûte ou de la cornemuse. On a vraiment cherché à continuer dans l’identité qu’on a développée avant. L’emmener encore plus loin.
Metal-Eyes : Que penses-tu, aujourd’hui, de votre premier album ?
Lucas : Je pense que les gens reçoivent et écoutent les albums comme des identités temporelles. Je vois le groupe tel qu’il est, à un certain moment, mais il n’y a pas de différences profondes, en fait. A ce moment-là, on a sorti un premier album, avec un certain niveau d’exigence, et plus on avance, plus ce niveau d’exigence est poussé. Le premier album nous a amenés à certain stade, la question, après, c’est « comment passer au stade suivant ? »Mais le groupe, en soi, a la même volonté.
Metal-Eyes : Parlons un peu de vos pochettes, très visuelles, toujours dans cet esprit heroic fantasy. Avez-vous l’intention de retranscrire ce visuel sur scène ?
Lucas : On s’est beaucoup posé cette question au début du groupe. Assez rapidement, l’identité folk metal / heroic fantasy est arrivée, et , très vite, s’est naturellement posée la question du live. On retrouve aussi cette fameuse ligne vers le cliché qu’on ne voulait pas franchir, on a pas mal réfléchi aux costumes et ce genre de choses, et on a décidé de ne pas amener ce côté en live. Tout notre visuel, pour les albums, les photos, vidéos, oui, mais on ne l’amène pas sur scène. Notre logo, oui, mais ça ne va pas plus loin. On ne veut pas amener ce côté fantaisiste sur scène ; c’est un concert. Avec nos morceaux, leur ambiance et ce qui va autour.
Metal-Eyes : Ce qui permet aussi au public de rester concentré sur votre musique.
Lucas : Complètement. On a un clip avec une partie live, sans costumes, et une histoire développée et un côté fantasy. Du coup, on mélange en vidéo les deux sans tomber dans « la peau de bête jouant de la guitare »…
Metal-Eyes : Ca me rappelle quelque chose, ça…
Lucas : Ce n’est même pas une attaque… C’est vraiment une question qu’on s’est posée aux débuts du groupe. On a pris le parti de laisser ce côté-là pour le studio et le visuel, mais pas la scène.
Metal-Eyes : Parlons scène. J’imagine que vous avez des envies de jouer, avez-vous des projets en cours pour aller explorer la France ou ailleurs ?
Lucas : On avait déjà travaillé, pour la sortie de l’album pour une période de 6 mois en Normandie, et on a des concerts prévus en région jusqu’en juillet. Après, on commence à travailler sur « l’exportation en France », essayer de sortir de Normandie. On a eu quelques concerts ailleurs, à Paris, en Bourgogne, mais on voudrait aller ailleurs.
Metal-Eyes : Que me dirais-tu aujourd’hui pour me convaincre d’acheter votre album ?
Lucas : (silence)… oh, punaise ! Euh… Je pense qu’on essaie vraiment d’avoir une immersion musicale, de travailler sur les chœurs, l’orchestre, qui amènent un côté fantasy, bien sûr, mais aussi un certain esprit « musique de films », un côté très narratif de l’histoire. Ce n’est pas que la musique mais tout un univers qu’on développe. Que quelqu’un qui écoute l’album puisse voyager pendant cette écoute, sans s’arrêter.
Metal-Eyes : Le sentiment que j’ai eu en écoutant votre disque, malgré un schéma qui ressemble au premier, c’est qu’on commence avec un décor de plaine, assez calme, puis tout devient très sombre avant un break un peu plus calme avant d’aller vers la victoire. Ce passage du côté sombre au plus lumineux se produit avec New dawn.
Lucas : C’est ça, ça correspond parfaitement à l’histoire. En fait, ce disque est le prequel du premier album, qui présentait l’histoire d’un homme qui s’émancipait d’un système tyrannique et qui était guidé par une voix mystérieuse qui l’emmenait sauver l’humanité des anciens dieux. Pour le second album, on voulait pousser l’histoire plus loin. Seulement, faire la suite, et la suite… ça a tété fait des dizaines de fois. On est donc partis sur autre chose, et l’album raconte l’histoire de cette fameuse voix du premier disque. Qui est cette voix ? D’où elle vient ? Pourquoi elle fait ce qu’elle fait, pourquoi elle aide l’humanité, pourquoi elle se bat contre les anciens dieux ? C’est donc son histoire, celle de ce fameux dieux qui était avec les anciens dieux, le moment où ceux-ci passent du côté obscur et celui où ce dieu se dit « reste du côté de la force, aide les humains ». C’est son histoire qui est racontée dans l’album. D’où tous ces styles musicaux, le fait de commencer par quelque chose de joyeux, et l’introduction d’éléments narratifs, la chose qui fait que ça ne se passe pas comme prévu, la bataille finale.. On est dans l’heroic fantasy et on a donc poussé la chose à fond.
Metal-Eyes :Il y a plusieurs ambiances sur cet album. Quel est le morceau que tu mettrais en avant ?
Lucas : J’ai une préférence pour Mother Firedrake. Le morceau le plus long, dans lequel il se passe plein de choses… Le but ce n’est pas de proposer un morceau long, c’est justement qu’il puisse se passer plein de choses. Il y a vraiment un récit, et on entend vraiment le déroulement de l’histoire, le dénouement… C’est ma préférence sur l’album.
Metal-Eyes : Revenons un peu sur l’histoire du groupe. Vous vous êtes formés en 2007, il y eu quelques changement mais pas entre les deux albums. Te souviens-tu du premier titre que vous ayez composé ensemble pour le premier album ?
Lucas : Avec cette équipe-là? C’est un peu compliqué parce que, en 2007, les autres n’étaient pas encore là mais il y avait déjà le premier morceau. Quand Thibault (Hennart, guitare) est arrivé début 2012, juste avant l’enregistrement, tout était déjà prêt. Maintenant, le premier morceau qu’on a terminé ensemble, ce serait New Dawn. Mais on a une méthode de composition différente : on compose chacun chez nous, l’un de nous va composer, de A & Z, les mélodies, lignes de chant – il n’y a pas encore les paroles – et à partir de là, chacun travaille sa partie et quand on a la première version complète du morceau, chacun apporte ses idées. C’est-à-dire qu’il n’y a aucun morceau qui naisse, aujourd’hui, ensemble.
Metal-Eyes : Donc un travail individuel ensuite ramené au collectif. Ce qui permet aussi d’avoir une variété liée à vos personnalités.
Lucas : C’est ça, maintenant, on fait toujours attention à rester dans notre identité.