Interview: WHEEL

Interview Wheel : entretien avec James Lascelles (chant). Propos recueillis par Skype le 18 février 2021

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Metal-Eyes : Simplement pour commencer de manière originale puisque c’est la première fois que nous parlons, quelle est l’histoire de Wheel ?

James : « Commencer de manière originale » ? Ah, ah ! Brillant, j’aime ça ! J’ai commencé la musique il y a longtemps, quand j’étais gamin, et j’ai commencé la guitare vers 18 ans. Je suis allé à l’université pour apprendre la musique, et j’ai joué dans plein de projets, dans des groupes de jazz, en solo, dans un projet Doo Wap avec un Finlandais. Notre premier Ep en tant que Wheel est d’ailleurs constitué de titres de cette époque, rien à voir avec ce que Wheel est aujourd’hui. Je suis arrivé au stade où j’ai failli tout arrêter, j’avais mon boulot, j’étais complètement fauché, l’avenir n’était pas radieux… Alors j’ai fini par me trouver ici, en Finlande, à jouer avec des potes locaux. On jouait de la pop. Ce n’est pas mon style, mais je me disais « si je joue de la musique, pourquoi pas ? ». Artistiquement, ce n’était pas très inspirant. Je l’ai fait jusqu’à ce que je sente qu’il était temps de partir et j’ai fondé Wheel. Nous avons trouvé une alchimie, la direction musicale que nous voulions suivre. Artistiquement, parfois, c’est compliqué, mais il y a tant de satisfaction à faire quelque chose que tu veux…

 

Metal-Eyes : Tu dates les débuts de Wheel à quand ?

James : Aux alentours de 2015. Mars 2015.

 

Metal-Eyes : Depuis, vous avez sorti un album, Moving backwards en 2019, c’est bien ça ?

James : Oui, et deux Ep auparavant.

 

Metal-Eyes : L’album, Resident human, débute avec Dissipating, un choix risqué puisque la chanson dure 12’. Elle démarre calmement avant de monter en puissance poru retrouver un certain calme. Avez-vous mis tout ce qui fait Wheel dans cette première chanson ?

James : Ce n’était pas vraiment volontaire, mais sans doute, oui… Il s’agit plus d’un voyage, si tu veux, l’exploration qui se produit lors de la création. Comme tu le dis, 12’, c’est long pour un morceau de musique. Mais il y a une vraie variété, ce calme, et ce riff énorme qui arrive au milieu… Mais, l’ambiance générale nous plaisait. Nous ne voulions pas faire quelque chose de trop complexe – la complexité, ça craint… Nous avons pensé aux harmonies, les changements de clé, même le refrain n’est pas vraiment un refrain puisqu’il n’est présent qu’une fois. Nous avons simplement trouvé intéressant de voir comment nous pouvions produire un tel titre, qui contraste avec le premier album.

 

Metal-Eyes : Je n’ai pas écouté le premier album, donc c’est ma découverte de Wheel. Quels sont les groupes qui vous influencent ? J’en ai un en tête…

James : Vraiment ? Personne n’avoue jamais ce genre de chose (rires). Avant tout, Alice In Chains, Radiohead, Messugah, pour cet album, sans doute Katatonia avec qui nous avons tourné en 2019… Je crois qu’ils ont influencé mon chant. Mais j’écoute tant de styles différents, du hip-hop, du rock, du jazz… Je crois qu’il faut savoir en prendre partout.

 

Metal-Eyes : En continuant l’écoute avec Movement et Ascend, les deux chansons suivantes, j’entends beaucoup Soen. Vous êtes familiers avec ce groupe ?

James : Oui, on a tourné deux fois avec eux, ce sont de bons amis, et, à ce sujet, leur nouvel album Imperial est très bon, si ça intéresse quelqu’un ! Honnêtement, je suis étonné que tu évoques Soen… Sur Movement, nous avons voulu mixer diverses choses, ce n’est pas un titre fondamentalement metal, mais il est bourré de rage…

 

Metal-Eyes : Votre musique reste très influencée par le prog…

James : Absolument… Sur Movement, il y a une batterie très jazzy, la formation de notre batteur, et je crois que, principalement sur les morceaux les plus courts, nous avons voulu répondre aux attentes des auditeurs. Mais nous aimons aussi nous éloigner de ça pour tenter de surprendre et voir où ça nous mène.

 

Metal-Eyes : Le titre de l’album, Resident human fait-il référence aux jeu et films Resident Evil ?

James : D’une certaine manière, oui…Il s’agit plus de faire ressortir l’humanité de chacun, que chacun participe enfin à la vie de tous. C’est quelque chose de particulièrement nécessaire, surtout depuis l’an dernier où chacun regardait par sa fenêtre pour voir ce qu’il se passait. Aussi bien logiquement que cosmiquement, nous n’avons pas le contrôle au-delà de ce que nous choisissons. C’est assez effrayant parce que nous ne pouvons rien y changer…

 

Metal-Eyes : Tu parles de l’an dernier – j’entends « pandémie ». Quel impact la pandémie a-t-elle eu sur l’enregistrement de l’album ?

James : Elle a eu un impact sur absolument tout, de l’enregistrement à l’écriture des textes. Je crois que tout est lié. Quelques temps après le confinement en Finlande, notre guitariste s’est retrouvé coincé chez lui, dans l’impossibilité de venir en studio. On a enregistré la basse et la batterie, on a dû prendre des décisions très rapidement pour gagner du temps. C’est assez thérapeutique d’enregistrer un album en cette période, mais il faut pouvoir le faire. En plus, il y a eu plein de frustration, nous devions tourner, avec Messugah et d’autres, tout a été annulé, Apocalyptica… Au moins, l’enregistrement m’a permis de décompresser. On se sent si désarmé par cette situation…

 

Metal-Eyes : J’ai prononcé le mot de Prog tout à l’heure, mais comment définirais-tu la musique de Wheel à quelqu’un qui ne vous connait pas du tout ?

James : Nous avons un spectre très large. Tu peux appeler ça du prog, ça me va, parce que, après tout, c’est la définition même du mot progressif, tenter des choses. C’est ce que nous faisons, mais j’ai le sentiment que le prog est devenu un genre à part entière avec ses sous-genres. Donc oui, nous sommes absolument un groupe progressif, mais tout réside vraiment dans l’humeur et les ambiances que nous construisons. Un groupe comme Karnivool cherche à travailler ses structures, les ambiances, et c’est ce que nous visons aussi.

 

Metal-Eyes : Et les ambiances que vous développez vont du calme à la tempête, un peu comme des montagnes russes. Elle se terminent même avec Old earth, qui clôt cet album avec un simple piano. Qu’est-ce qui vous a poussés à conclure de cette manière ?

James : Aki, le bassiste, et moi étions en studio et nous tentions divers track listings. Il y avait ce piano, et j’ai joué. Nous nous sommes alors dit que ce serait sympa d’amener le public vers cette fin plus calme. Le studio a ce plafond cathédrale, très haut, le bâtiment date des années 20, je crois. Je crois que c’est une belle suite au morceau précédent, Resident human.

 

Metal-Eyes : Le titre lui-même fait-il allusion au monde d’avant, celui d’il y a un peu plus d’un an, avant la pandémie ?

James : Je n’y avais pas songé… C’est une excellente façon de voir les choses aussi. C’est ce que j’aime avec la musique, nous avons tous nos interprétations de différentes choses, c’est très cool. En fait, la chanson parle d’une Terre qui n’existe plus, et, comme tu le dis, c’est une façon, romantique, de parler du passé.

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de cet album pour décrire ce qu’est Wheel aujourd’hui, ce serait laquelle ?

James : Oh, c’est une question vraiment très difficile…

 

Metal-Eyes : Merci !

James (rires) : Je préfère ça à des questions méchantes… C’est très difficile de n’en choisir qu’une, mais si je devais le faire, je retiendrai Dissipating, simplement parce qu’elle a toutes ces ambiances. Il y a tous ce que nous faisons. Elle est longue et propose beaucoup de choses.

 

Metal-Eyes : Quelle pourrait-être la devise de Wheel en 2021 ?

James : Attends… J’essaie de penser à quelque chose qui implique les autres membres, pas que moi… (il réfléchit très longuement)

 

Metal-Eyes : Je reviens dans 5 minutes…

James : Oui (rires)… Je tiens un truc : je crois que lorsque nous avons démarré ce groupe, les gens ne croyais pas en nous, en notre capacité à vivre de la musique. C’est incroyable ce que tu peux réaliser quand tu y crois, quand tu prends du plaisir. Je me sens si privilégié de pouvoir faire ce que nous faisons, que tant de monde s’intéresse à notre musique. Nous ne prenons rien pour acquis, alors, je pense que la meilleure devise serait « Merci » (rires).