La grande salle du Chato d’O de Blois affiche complet pour cette date blésoise du Au nom de la rage tour de Trust. Le mythique groupe français, une nouvelle fois réuni autour de Bernie et Nono, fête le quarantième anniversaire de sa formation avec cette tournée entamée en 2016 et qui se soldera par un double événement en fin d’année: la sortie d’un nouvel album chez Verycords, et une série de 5 concerts donnés dans différentes salles de la capitale entre le 6 et le 10 novembre prochains (dans l’ordre: Bus Palladium, Maroquinerie, Bataclan, Trianon et Elysée Montmartre avec, pour les plus assidus, un pass pour les 5 dates à moins de 180€). On peut imaginer que les différentes parties de la tournée actuelle servent à reconquérir le public et à se réapproprier un répertoire vaste afin de proposer des setlists différentes à Paris. Rendez-vous est pris pour la fin d’année, mais d’ici là, c’est fête ce soir!
Nono est le premier à monter sur scène pour présenter le groupe de première partie, David Sparte. « C’est mon fils, et c’est son premier concert » annonce-t-il, non peu fier avant d’ajouter un avertissement quant à la musique, différente, et que chacun pourra apprécier ou pas. Un homme averti en valant deux, l’attention est d’autant plus grande. Le chanteur et sa petite troupe proposent une musique qui emprunte à de nombreux styles. Le rap est bien présent, certes, symbole d’une génération, et l’on trouve également de belles traces de reggae, typé Jamaïque de Bob Marley ou Jimmy Cliff naturellement, ainsi que du rock. Le public écoute avec attention, et accueille le jeune homme d’une bonne trentaine d’années avec bienveillance. Une jolie prestation qui s’améliorera avec l’assurance de plus nombreux concerts. Ce soir, avec environ 40′ de temps de jeu, David est parvenu à séduire, se détendant au fil des minutes.
Après une pause, le public – plus proche des sexagénaires que d’autre chose – se rassemble devant la scène. Les roadies finissent d’installer le matériel, se charriant, occupant les quelques minutes de retard avant qu’enfin la salle soit plongée dans le noir.
On le sait, Trust, c’est avant tout la sulfureuse union qui lie depuis plus de 40 ans Bernie et Nono. On aurait bien voulu que le duo intègre de nouveau Vivi, et l’on est en droit de se demander qui sera derrière les fûts. Les batteurs, il y en a tant eu chez Trust qu’on ne les compte plus et, surtout, on ne s’offusque plus de voir une nouvelle tête. Sauf que la première surprise vient de celui qui pose ses fesses sur le tabouret. Un gamin à peine sorti de l’adolescence. Y aurait-il une seconde première partie? Eh bien, non! Les lumières s’éteignent, Nono balance les premiers accords d’un morceau qui m’est inconnu. Info prise, il s’agit de L’archange, un nouveau titre au riff aiguisé. Le public est attentif, mais explose dès la chanson suivante, un Au nom de la race qui ouvre les portes à une séries de classiques. Les musiciens sont précis, Bernie et Nono semblent très en forme, et complices. Clairement, à part quelques échappées, Iso Diop reste cantonné dans son espace côté cour et, en dehors de jouer, ne sert pas vraiment à grand chose. David Jacob, le bassiste revenant de la période Europe et haine et Ni dieu ni maître (album parfaitement oublié aujourd’hui, malheureusement), difficilement reconnaissable, est à peine moins discret. Trust est clairement le groupe de Bernie et Nono qui font le show. Le chanteur marque par son attitude désinvolte, sa gestuelle et son verbe rapés, une influence plus prégnante que jamais. Les classiques sont revisités, et, une fois la surprise passée, ce lifting étonnant s’avère intéressant.
Le vocaliste est aussi particulièrement affable, et ne rate pas une occasion de dire ce qu’il pense et remettre le public à sa place. Dès la fin de Marche ou crève, Bernie demande au public d’avoir la gentillesse d’éteindre les téléphones. « Ca fait des images de merde, ça a un son de merde. Et si vous venez ici, c’est pas pour regarder à travers un écran… » et l’on ne saurait que lui donner raison. A celui-ci qui le somme de jouer, il répond tranquillement « c’est moi qui suis sur scène et si j’ai envie de parler deux heures, je parlerais deux heures », à ceux qui manifestent leur désapprobation d’un faux départ, il rétorque que ça arrive à tout le monde, à celui-là qui, alors que Bernie demande au public de répéter une simple phrase du nouveau morceau F-Haine, lui dit « pas de politique dans le rock »… Je vous laisse imaginer la réponse! En tout cas, que penser de cette remarque d’un soit-disant fan? Trust sans engagement politique, c’est une blague… Ils sont loin d’être les seuls (en vrac: Tagada Jones, Lofofra, Mass Hysteria, Vulcain, No One Is Innocent, Noir Désir, Abinaya… combien sont-ils, rien qu’en France, à exprimer leurs idées? La politique a bien sa place dans le rock!) En tout cas, ce soir, Bernie aura eu tant de mal à faire chanter les Blésois « la haine est une blonde qui surfe sur une vague marine » qu’il sera intéressant de scruter les résultats locaux des prochaines élections!
Si les nouveautés présagent d’un nouvel album engagé, les classiques démontrent une nouvelle fois que la musique de Trust est intemporelle. Si l’on regrette de n’avoir pas eu droit à, allez, en vrac, L’élite, Bosser 8 heures, Idéal, Par compromission (de mémoire, d’ailleurs, aucun extrait du quatrième album n’était ce soir au programme. dommage, l’album mérite amplement d’être réhabilité), Ton dernier acte parmi d’autres, les Police milice, Le mitard (que certains « connaisseurs » ce soir – dont le journal local ! – appellent « Mesrine » font leur effet. Mais ce public a besoin d’être recentré alors que Trust revient rapidement pour le rappel; Bernie s’empare du micro avec une nouvelle super triste qu’on vient de lui annoncer: la mort de Chuck Berry. Interrompu par certains, il clame même être tellement dégoutté qu’il n’a qu’une envie: se barrer. Accompagné sur les premiers accords, reconnaissables entre mille, d’Antisocial. Besoin d’être coaché par deux roadies pour donner de la voix afin que cet hymne vienne clore le concert.
Même si l’on peut exprimer certains regrets, une chose est certaine: Trust, si Nono et Bernie parviennent à véritablement enterrer la hache de guerre, va nous offrir quelques belles prestations. C’est avec impatience que nous les retrouverons au Hellfest et à Paris sur au moins une des cinq dates annoncées!
Ah, au fait, le nouveau batteur de Trust. Nono présente les musiciens et annonce « on a adopté un bébé. Il a 21 ans, à la batterie, Christian Dupuy! » qui reçoit une salve d’applaudissement juste avant les rappels.
Merci à Veryshow – Sabrina, Mehdi, Maxime – d’avoir rendu ce report possible.