Entretien avec Chris Robertson (chant, guitare) et Ben Wells (guitare). Propos recueillis le 10 février 2016 au Hard Rock Café de Paris.
www.metal-eyes.com : Quelles sont vos premières impressions concernant votre concert d’hier soir ?
Chris : C’était simplement incroyable, surtout après ce que cette ville a traversé en fin d’année. Nous ne savions si nous devions venir jouer ici ou pas, « est-ce qu’on leur laisse du temps, les gens vont-ils revenir ??? » Et nous avons décidé de venir et de jouer. C’était simplement incroyable devoir autant de gens venir assister à un concert de rock et s’éclater, vivre. C’est génial de voir les gens, résolus, envoyer un message « vous ne nous prendrez rien » et s’amuser.
Ben : Le public était génial, ça a toujours été le cas à Paris, en France. J’ai remarqué que ça grossit à Paris, et j’ai toujours ce sentiment que les gens viennent et se défoulent, laissent libre-court à leurs sentiments durant le concert. Ils sont sans doute simplement tout aussi excités que nous le sommes sur scène.
www.metal-eyes.com : C’est vrai que vous développez une belle énergie sur scène, malgré la présence de, quoi ? 500 personnes? La salle n’était pas complètement remplie hier soir. Cependant, c’est la seconde fois que vous venez au Cabaret Sauvage. La première fois c’était le 20 octobre 2014. Qu’est-ce qui vous a amenés à venir rejouer ici, car vous n’avez jamais joué deux fois au même endroit à Paris ?
Chris : Il y avait, je crois, 650 personnes.
Ben : C’est notre agent qui s’en est chargé, nous ne choisissons pas vraiment les salles. Il était là lors de notre précédent concert et il nous a entendus dire à quel point on appréciait cette salle. Mais c’est aussi une question de disponibilité. Je viens de finir une interview et la personne me disait qu’il y avait trois autres concerts hier soir. Ce qui limite le nombre de salles disponibles. Mais c’est un endroit particulier, avec une âme, c’est différent.
www.metal-eyes.com : Parlons un peu de Kentucky, votre nouvel album (chronique à retrouver ici). Il y a eu une belle évolution entre vos deux premiers albums, Folklore and superstition faisait preuve de plus de maturité et était plus compact. Comment expliqueriez-vous l’évolution de Black Stone Cherry entre Magic Mountain et Kentucky ?
Chris : Oh, c’est une bonne question… Je dirai, avant tout, que le nouvel album, Kentucky, est 100% auto produit, tandis que nous avons jusque là travaillé avec un producteur. Cette fois, c’était simplement nous quatre en studio, avec un ingé son, David Barrick, dans son studio. On avait enregistré notre premier album avec lui. Nous avons une grosse responsabilité dans Blow My Mind…
Ben : La plupart des chansons de Magic Mountain traitaient plus ou mois du même sujet. Cette fois, nous avons enfin pu finaliser des morceaux que nous avions en tête depuis des années. In our dreams et Darkest secret remontent toutes deux. In our dreams a six ans, Darkest secret, trois… Parce que nous avons pris le contrôle, nous avons décidé de les finaliser et nous pouvons les sortir. Tu sais, entre deux albums, tu tentes de nouvelles choses, tu composes de nouveaux titres.
www.metal-eyes.com : Donc, la différence principale c’est que vous êtes responsables de la production et des choix musicaux…
Chris : Si les gens n’aiment pas cet album, ils ne pourront s’en prendre qu’à nous ! (rires)
www.metal-eyes.com : Je n’ai pu écouter l’album qu’une fois, je n’ai donc pas encore une véritable opinion, mais j’ai le sentiment que vous avez testé pas mal de nouveaux sons, vous explorez certaines voies qu’on ne vous connait pas.
Chris : Merci, oui. Tu l’as peut-être noté, sur deux chansons, il y a une section de cuivres – du saxophone et de la trompette – et, sur certains titres, il y a du chant féminin.
www.metal-eyes.com : Oui, très soul. Qui est-elle ?
Chris : Elles sont deux, en réalité, deux sœurs, Tania et Sandra Dye. Elles chantent dans des églises, chez nous, mais elles adorent la soul musique, en effet. Elles ont été incroyables. La femme sur le titre War s’appelle Andrea Tenero, une super chanteuse de chez nous, et nous avons un accompagnement sur The Rambler. Eh ! On a même placé une boucle (« a loop » en anglais, pour les connaisseurs…) sur un titre ! Sur Cheaper to drink, il y a des sons qu’on trouverait plus sur du hip hop… Nous avons créé ce son, cette boucle, les claviers et tout… Tu sais, on a entendu si souvent des producteurs nous dire « vous ne pouvez-pas inclure de la soul, des chants féminins, des cuivres… », on ne pouvait rien faire de ce que nous voulions tenter… Finalement, nous avons pu inclure tout ce que nous avions en tête, et, mec, c’était simplement fabuleux. Fabuleux de pouvoir retranscrire ce que nous avions en tête, être libre de créer la musique que nous quatre entendions sans avoir quelqu’un pour nous dire « non, ça ne fonctionne pas, on ne le fait pas ! »
www.metal-eyes.com : Justement, comment fonctionnez-vous lorsqu’il faut composer de nouveaux titres ? Est-ce que tous les deux, en tant que guitaristes, proposez des riffs et mélodies avant que la section rythmique se mette au travail ou est-ce plus un travail d’équipe ?
Chris : C’est généralement facile. Souvent, c’est vrai, Ben et moi arrivons avec un riff de guitare. On travaille généralement la musique d’abord et ce qui est cool, c’est que nous proposons un riff et Jon suggère que nous le jouions plutôt de telle manière, John Fred propose sa version il sifflote une mélodie, … C’est vraiment l’effort collectif de quatre personnes que l’on retrouve sur chacune des chansons que nous composons. En plus, on a besoin d’être tous les quatre pour les interpréter chaque soir, alors pourquoi ne pas les écrire ensemble ? Nous sommes un groupe, avant tout, nous sommes ensemble depuis les débuts, il y a quinze ans.
www.metal-eyes.com : Vous êtes de nouveau en tournée, comment décidez-vous de votre setlist ? Vous devez inclure certains nouveaux titres, mais comment choisissez-vous les autres morceaux ?
Ben : Certaines chansons feront automatiquement partie de la setlist, celles que le public attend. On teste aussi deux nouveaux titres afin que les gens puissent se faire une idée du nouvel album, mais ce sera plus compliqué une fois l’album sorti parce que nous devrons en inclure plus. Il faut trouver un compromis entre ce que nous souhaitons jouer, ce qui nous fait plaisir et ce que le public veut, garder en tête que nos fans payent pour nous entendre certaines choses aussi. On essaie de faire au mieux, en gardant une ou deux chansons différente chaque soir. Pour le moment, nous n’avons qu’à choisir parmi cinq albums, je n’ose imaginer ce que c’est pour un groupe qui en a quinze !
www.metal-eyes.com : Vous pourriez donner un concert de trois heures !
Ben : (rires) On pourrait arriver à ça, pourquoi pas !
www.metal-eyes.com : Concernant votre matériel, comment sélectionnez-vous ce qui va vous accompagner en tournée ? J’ai cru voir du matos loué en Allemagne hier soir.
Chris : Non, c’est notre matériel, ce ne sont que les caisses qui viennent d’Allemagne. En fait, nous avons tout dupliqué. Nous avons, ici, en Europe, six guitares… et tout reste ici.
Ben : Tous nos amplis, batteries, pédales d’effets, guitares… tout est stocké en Allemagne, ce qui explique que tu aies vus ces caisses. Tout l’équipement est à nous, mais nous venons maintenant si souvent en Europe qu’il nous a paru cohérent de dupliquer ce que nous utilisons aux USA. C’est beaucoup plus simple.
www.metal-eyes.com : Donc vous devez vous contenter de ce que vous avez, vous n’avez pas vraiment le choix de tel ou tel instrument ou effet.
Ben : Oui.
www.metal-eyes.com : Le Kentucky est votre Etat d’origine. C’est un thème qui revient souvent : sur Magic Mountain il y avait Hollywood in Kentucky, cette fois-ci vous donnez e nom de cet Etat à un album entier. Au-delà du fait que le Kentucky se soit resté neutre pendant la guerre de Sécession, qu’est-ce qui en fait un lieu si particulier à vos yeux ?
Chris : C’est chez nous, tout simplement, c’est de là que nous venons… Tout le meilleur alcool du monde vient du Kentucky.
Ben : C’est un très bel Etat, et là d’où nous venons à beaucoup à voir avec qui nous sommes aujourd’hui en tant que personnes plus qu’en tant que groupe, d’ailleurs. Il n’y avait pas vraiment de scène dans notre style et nous avons dû créer notre son. On s’intéresse à tant de styles différents qu’il nous a fallu développer, créer notre propre son, note style. Nous serions originaires d’ailleurs, je ne sais pas à quoi ressemblerait notre musique. Et comme Chris le dit, nous sommes simplement fiers de venir de là. Intituler notre album Kentucky est un hommage à notre chez nous. Tous les musiciens que nous avons invités sont originaires de cet Etat.
www.metal-eyes.com : Si un jour j’ai l’opportunité d’aller dans le Kentucky, que me suggérez-vous de visiter ?
Chris : Une chose que je souhaite faire, c’est le Bourbon Trail. Les gens confondent souvent, on leur parle du Kentucky et ils disent « Ah, oui, Jack Daniel’s », mais non, ça vient du Tenesse. Le Bourbon trail a toutes ces distilleries qui donnent ce bourbon si spécial et que l’on peut visiter ! Il y a aussi Mammoth cave qui est une des merveilles du monde… Oh, mec, il y a tant à voir dans le Kentucky !
www.metal-eyes.com : Vous avez un succès important aux USA et en Europe, mais en France, il semble compliqué de trouver un public aussi important qu’ailleurs. Selon-vous, que manque-t-il en France pour permettre à Black Stone Cherry d’aller plus loin encore ?
Chris : Je ne sais pas s’il manque quelque chose… C’est juste que… Nous avons toujours construit notre carrière sur scène, et nous n’avons jamais vraiment ouvert pour d’autres groupes. On a ouvert pour Alter Bridge en 2011, mais plus que tout, je crois que le principal est de jouer. On est passés de clubs de 200 personnes à une salle de 650, environ, hier soir. On construit les choses doucement, sur scène, un peu dans l’esprit de Motörhead ou de Lynnyrd Skynyrd : démarrer petit et continuer. C’est ce que nous avons fait en Angleterre. Tu dois te rappeler que la première fois que nous y avons joué – on a enregistré un DVD live, à Birmingham, il y avait 9.000 personnes ce soir-là – mais le premier endroit où nous avons joué à Birmingham, c’était un petit bar avec 250 spectateurs. Les choses se construisent doucement, mais quand on voit où nous sommes arrivés, c’est assez incroyable, je trouve.
www.metal-eyes.com : L’Angleterre, justement : que peut-on ressentir lorsque l’on est sur scène et que le public s’empare d’une de vos chansons ? Je pense au Download où 50.000 personnes chantent Things my father said à ta place…
Chris : C’est simplement incroyable… Extraordinaire. Surtout lors d’un festival heavy metal. A chaque fois que nous avons joué au Download, nous avons interprété ce titre. Mais on aime faire ce genre de chose, dénoter quelque peu, parce que les autres groupes déballent du heavy tout au long de la journée.
Ben : C’est un peu comme un souvenir que les gens auront en tête en repartant, parmi tout ce qui se passe dans la journée, un moment spécial. Nous cherchons à offrir un set spécial, que les gens ont envie de venir voir, qui nous distingue des autres.
www.metal-eyes.com : Vous êtes ensemble depuis 2001, 15 ans, donc, vous avez enregistré cinq albums, donné des centaines de concerts. Aujourd’hui, vous considérez-vous plus comme des artistes ou des entertainers, des amuseurs ?
Chris : On est juste une bande de petits malins qui s’éclatent avec la musique… Oh, attends, bouge pas une minute !
Chris sort brutalement de la pièce pour se poster devant un écran télé qui diffuse la vidéo de Lonely train (extrait du premier album éponyme.
Chris : Je n’ai pas vu cette vidéo depuis des années !
Après quelques minutes d’interruption, nous retrouvons nos places pour conclure cette entrevue.
www.metal-eyes.com : Revenons-à la question précédente, vous vous en souvenez ?
Chris : Non… (rires)
Ben : Oui… Je ne sais pas si nous nous considérons comme quoi que ce soit, honnêtement. On prend simplement du bon temps. Nous sommes simplement nous-mêmes et je crois que c’est ce qu’apprécient les gens. Nous sommes sur scène comme en ville, nous ne cherchons pas à avoir une certaine image, nous ne cherchons pas à réinventer la roue avec notre musique. Nous faisons ce que nous aimons, et je pense que c’est ce que les gens apprécient. Il n’y a pas de barrières…
www.metal-eyes.com : Chris, je peux te demander, ou devrais-je m’en tenir aux paroles ?, pour quelle raison ta mère t’a toujours dit de porter des manches longues (NdMP : référence à la chanson Long sleeves sur Folklore& superstition en 2008, dont le refrain dit : « Don’t ask why (…) my mother always said to wear long sleeves » – « ne demande pas pourquoi (…) ma mère m’ toujours dit de porter des manches longues »)
Chris : On me pose toujours cette question ! Ce n’est qu’une métaphore pour dire qu’il faut toujours se protéger. Quand il fait froid, ta mère te dit « couvre-toi », quand il pleut, pareil…
Ben : Quand nous avons écrit cette chanson, c’était du point de vue d’un soldat
Chris : On a plein d’amis qui sont militaires, et on souhaite simplement qu’ils se protègent…
www.metal-eyes.com : Une dernière chose, qui vous concerne tous les deux, Ben et Jon : qu’est-il arrivé à vos cheveux ?
Ben : (rires) On essaie encore de le comprendre !
Chris : Tu vois, moi on ne m’emmerde plus avec ça !
Ben : Pour moi, il était temps de changer un peu. Je ne peux parler pour Jon, mais il était temps…
Chris : Que les gens arrêtent aussi de te prendre pour une nana !
Ben : Oui, ça aussi ! (rires) Quand mon épouse et moi allions au restaurant, on nous prenait pour deux femmes, donc, il fallait que ça cesse !
www.metal-eyes.com : Une toute dernière chose pour finir : où avez-vous dégoté des canettes de Mountain Dew (NdMP : un soda américain introuvable en France, que je reluque avec envie depuis le début de l’interview et que chaque membre du groupe et technicien sirote tranquillement)
Chris : Nous avons un ami qui travaille sur une base aérienne en Angleterre et il peut en acheter et en faire venir des USA. Alors il nous en a acheté des caisses entières quand il a su que nous venions en Europe ! C’est de l’import direct ! Ça n’a rien à voir avec celui que tu peux trouver en Allemagne ou dans certains rares endroits en Europe, mais pas en France. Cette merde est vraiment mauvaise pour ta santé, mais elle a un goût unique !
www.metal-eyes.com : Un dernier mot pour vos fans français ?
Chris : Merci pour dix années de soutien, et on se retrouvera bientôt sur les routes !
Ben : On attend la sortie de l’album et nous prévoyons de revenir en début d’année prochaine (janvier ou février 2017, donc)