Interview: PRINCESSES LEYA

Entretien avec (de gauche à droite sur la photo) Dédo (chant), Cléo Bigontina (basse), Xavier Gauduel (Batterie) et Antoine Schoumsky (Guitare, chant),. Propos recueillis au Rock In Rebrech 13 le 25 juin 2024

On n’a pas tous les jours rendez-vous avec une altesse royale. Alors quand elles sont quatre d’un coup, on sait qu’on va passer un bon moment. Avant d’enflammer le public du Rock In Rebrech, les Princesses Leya nous ont accordé une audience à leur image : fun et décalée.  

On connait l’un (Dédo) en tant qu’humoriste, l’autre (Antoine Schoumsky) comme acteur et doubleur, mais quelles sont les activités hors Princesses Leya des deux autres ?

Cléo : Je suis bassiste, des Princesses Leya et d’autres projets aussi.

Xavier : Je suis producteur de spectacles vivants, plutôt dans l’humour.

Tu produits les deux messieurs ici présents ?

Xavier : Entre autres, oui.

Antoine : En fait, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés. Monsieur était mon tourneur quand je faisais mon seul en scène, je faisais le comique à une époque, et maintenant Xavier s’occupe du spectacle de Dédo. A un moment, on a tourné ensemble sous le nom des Insolents et c’est Xavier qui s’occupait de nous.

Les Insolents… Pourquoi les Princesses Leya, alors ?

Xavier : On cherchait un nom un peu féminin dans ce monde de metal, un peu trop masculin, et un soir, par hasard… enfin, « par hasard »… Quand Carrie Fisher est morte, j’ai envoyé un texto à Dédo en suggérant Princesses Leya…

Carrie Fisher est morte ???

Xavier : Ouais, je suis désolé. Fin de l’interview ! (Rire général)

Antoine : C’était il y a 7 ans en plus…

Dans l’univers des Princesses Leya… D’ailleurs, on dit Les Princesses Leya ou Princesses Leya ?

Antoine : C’est comme on veut. On est quatre princesses, quatre petites princesses…

Petites ?

Antoine : On fait pas 2m15, on n’est pas NBA non plus…

Xavier : Pas encore…

Antoine : On est des princesses de taille moyenne. Mais c’est long à dire. « Petites princesses » c’est mignon, « de taille moyenne », c’est chiant…

Cléo, comment es-tu arrivée dans ce groupe de trois mecs ?

Cléo : Ben… Parce que je suis bassiste et, du coup, ils cherchaient une bassiste, et j’ai passé une audition. Que j’ai a priori brillamment remportée puisque, en plus, je suis encore là, sept ans plus tard…

Xavier : Parce qu’il n’y avait que toi, aussi…

Cléo : C’est vrai.

Dédo : Elle aurait pu la louper en étant seule quand même…

Vous avez un peu d’actualité puisque, il y a quelques temps déjà, est sorti votre dernier album, The big bang therapy sur lequel on retrouve le côté décalé qu’on avait découvert sur le premier album. En revanche, c’est un album beaucoup plus musical, avec moins de sketches. Qu’est-ce qui vous a poussés à vous orienter plus sur la musique que sur les sketches ?

Antoine : Quand on a commencé avec le spectacle, on ne l’envisageait pas comme un groupe de musique mais vraiment comme un spectacle comme on a l’habitude de faire, un peu théâtral. Le premier album est arrivé un peu à cause du Covid, qui a mis un gros coup d’arrêt à nos activités, comme pour beaucoup de gens. Comme on est assez pro actifs, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire. On s’est dit qu’on pouvait sortir un album des chansons du spectacle parce que beaucoup de gens nous le demandait à la fin. C’est après ce premier album, L’histoire sans fond, qu’on s’est dit que finalement on pouvait se comporter comme un vrai groupe. On a eu la chance d’être assez rapidement repérés et mis en lumière par le milieu metal – on a fait le warm-up Hellfest et des trucs comme ça. Au début, on n’assumait pas trop ce positionnement d’être « un vrai groupe » parce qu’on est un groupe parodique…

Vous n’assumiez pas quoi ? le « vrai » ou le « groupe » ? (Rire général)

Antoine : Un peu des deux…

Dédo : Il a raison, c’est venu de ça principalement. Et on a aussi fait une synthèse de ce premier album et de cette première grosse tournée où on s’est dit qu’il y avait peut-être un autre équilibre à trouver entre les parties théâtralisées et les parties musicales. Du coup, on a mis un peu plus de musique sur le deuxième album, et, à force, on s’est dit qu’on pouvait « assumer » un peu plus de composer des vrais morceaux. On n’est pas là, on l’espère en tout cas, que pour les blagues, on est aussi là pour la musique.

Composer de la musique, c’est une chose, écrire des sketches, c’en est une autre. Lier les deux dans l’esprit de Princesses Leya, encore autre chose. Comment vous y prenez-vous dans votre process non pas de composition mais d’écriture pour pouvoir lier les deux ?

Antoine : Pour nous, c’est les deux. On écrit des histoires, à côté on est scénaristes aussi. Tu écris une histoire sauf qu’au lieu de placer un dialogue, tu passes en mode chanson. Mais c’est le même principe. On écrit pour avoir cette théatralité, une rupture de rythme avec les blagues… C’est un autre ton…

Dédo : Les morceaux ont une certaine thématique, et par moment, on l’installe avec des passages un peu plus scénarisés, mais c’est assez fluide. Là, dans le spectacle, on se balade de dimension en dimension pour essayer de metaliser le monde et on a trouvé un lien logique entre les chansons pour articuler ça autour d’une histoire.

Justement, il y a une histoire de base, comment envisagez vous vos délires spatiaux pour les adapter sur scène.

Antoine : On l’envisage en fait comme une comédie musicale, c’est le terme qu’on employait au début. C’est un terme, tu meux tout mettre dedans, on n’est pas Kamel Ouali (rire général)

Xavier : Là tu as ouvert la porte !

Antoine : Faut pas nous embarquer sur Kamel Ouali !

Pourquoi donc ?

Antoine : Non, non, on peut faire des jeux de mots qui nous embarquerons jusqu’à jeudi prochain ! On est plus sur les comédies anglo-saxonnes, à Londres où c’est joué en live. Ils ont une culture pop rock qui est très présente. Je suis très intéressé par ces spectacles-là, leur scénographie…

Dédo : C’est vraiment pensé comme une comédie musicale ou une pièce de théâtre, en tout cas pour la partie « sho ». On l’a fait assez naturellement. Parfois, on illustrait l’histoire avec un semblant de scénario qui se dessinait et le groupe se retrouve avec différents éléments qui nous arrivent au fur et à mesure, et il y a une résolution scénique.

Antoine : Et ça reste simple, on n’a pas besoin de mettre trop d’artifices sur scène, trop de jeux de lumières.

Cléo : Déjà, il y a zéro décor, on est vraiment dans une configuration concert.

Zéro décor, mais il y a des tenues, un peu de visuel…

Antoine : Oui, mais ça tient vraiment plus sur le propos et sur ce qui nous arrive.

Dédo : Le véritable changement sur ce second show, c’est qu’on a un personnage extérieur qui interagit avec nous par le biais d’une voix. C’est le vrai changement par rapport au premier spectacle.

Simplement pour vous faire comprendre, je préfère le préciser, que j’ai attentivement écouté votre album…

Antoine : Ah ! Ça fait plaisir…

Je repends une phrase : « Vous aurez du succès et vous pourrez jouer dans des endroits dont vous ne rêviez même pas ». Euh… Rebréchien ?

Antoine (très sérieux) : Mais c’est dans la liste.

Des endroits dont vous ne pouviez pas rêver… (rire général)

Dédo : C’était impossible d’en rêver, c’est au-delà de nos rêves ! Parce qu’on ne pouvait même pas l’imaginer !

Antoine : Non.

Cléo : Impossible…

Xavier : C’est trop beau pour être vrai, en fait.

Le beau, tu le mets entre guillemets ?

Xavier : Non, non : B.O.

Il y a d’autres endroits comme ça aux quels vous ne pensiez même pas et qui se trouvent sur la liste des lieux de vos concerts ?

Cléo : C’est vrai, il y en a…

Antoine : On va retourner à la Ferté sous Jouarre, au Fertois fest 2024. J’en avais déjà entendu parler, donc je l’avais dans ma tête, je me disais « j’espère qu’un jour… » (tous approuvent).

Dédo : 2024 !

Antoine : Et je leur ai apporté du bonheur quand je leur ai annoncé : « Vous savez quoi ? On va jouer… à la Ferté sous Jouarre ».

Quelle a été votre réaction à tous, en entendant ça ?

Dédo : Moi, j’ai pleuré deux jours… deux jours d’affilée de… de toutes les émotions possibles. Déjà, il a juste dit « on va jouer à la… » J’ai commencé à pleurer… Ca m’a pris aux gorges… Oui, j’ai plusieurs gorges… Deux jours. Il m’a fallu deux semaines pour reprendre mes esprits.

Je suis obligé de rebondir là-dessus…

Dédo : Ouais.

Tu as plusieurs gorges…

Dédo : Ouais.

Profondes ?

Dédo : Nan. Tu as un problème, toi, tu fais des allusions !

Xavier : J’ai même pas entendu, moi…

Dédo : Quand on était à table, tout à l’heure, il avait des propos équivoques…

Moi ?

Dédo : Oui, oui…

Mais ça n’a pas été enregistré ! (Rire général) Sur le dernier album, si vous deviez chacun ne retenir qu’un seul titre…

Cléo : Oh, non ! Trop dur !

(Rire général suivi d’un joyeux bordel) Attends, laisse-moi finir !

Cléo : Non, non…

Est-ce que je vous interromps, moi ?

Cléo : Non, c’est vrai. Je suis désolée…

Donc, si vous deviez chacun ne retenir qu’un titre pour expliquer ce qu’est l’esprit de Princesses Leya aujourd’hui, ce serait lequel ?

Antoine : Big bang. Parce que l’album est une exploration du pourquoi l’univers part en couilles et que dans chaque univers où on va on ne trouve que des gens fracassés ou débiles, on se dit  qu’il faut trouver la raison pour laquelle l’humanité évolue toujours merdiquement, et il faut aller à la source : au big bang.

Xavier : Moi ce sera… Je ne me souviens plus de la question

Je reformule : si tu devais choisir un titre de l’album pour expliquer à quelqu’un ce qu’est l’esprit du groupe, ce serait laquelle ?

Xavier : Ah ! Alors ma préférée…

Pas forcément ta préférée, celle qui vous représente le mieux.

Xavier : Alors, je vais laisser la parole à Cléo et à Dédo, je réfléchis pendant ce temps…

Cléo : Je dirai Analphabet, ça résume bien le délire du groupe…

Antoine : Il y a un peu de débilité là-dedans, aussi…

Vous vous rendez compte que, si on change l’orthographe du mot on en change tout le sens, étymologiquement ? Analphabète, il y a An – dépourvu de- alphabet. En remplaçant le ph par un f, on a « anal », pas besoin d’explication, la note fa et « bête », idiot. Donc, « un imbécile qui fait de la musique avec son cul »…

Antoine : Ah, c’est un point de vue…

Dédo : C’est d’ailleurs ce qu’on aime, que chacun se fasse son interprétation. Il n’y a pas d’explication dans tout ce qu’on fait, mais si les gens trouvent ça incroyablement malin et intelligent, avec plaisir !

Mais tout ce que vous faites est incroyablement malin et intelligent !

Xavier : Oh, c’est gentil…

Cléo : Mais il dit ça parce qu’on est là

Exactement ! Cléo, pourquoi Analphabète ?

Cléo : Parce que je pense que ça représente bien le côté second degré du projet, on ne se prend pas la tête. On sait qu’on est des gens intelligents et qu’on peut rigoler de ces choses-là…

Vous êtes intelligents.

Cléo : Ouais.

Et vous avez cette intelligence, celle de l’autodérision.

Cléo : Complètement…

Dédo : Je vais en choisir une autre alors… Kangourou Garou, je pense, pour les mêmes raisons : il y a une thématique décalée et c’est un peu metal, ça part aussi sur autre chose musicalement, d’autres influences. Ça mélange plusieurs genres, plusieurs thèmes…

Cléo : Eh, mais moi, là je suis d’accord, en fait !

Xavier…

Xavier : Alors, je dirais Boulimie cannibale pour la simple et bonne raison que c’est ma préférée de mon groupe préféré, Princesses Leya

Cléo : Oh, c’est mignon…

Tu ne serais pas un peu fayot, toi ?

Xavier : Ecoute… Je laisse en décider les superbes personnes qui vont lire ton superbe article.

Quels sont les projets à venir pour Princesses Leya ?

Antoine : Il y a une tournée avec Ultra Vomit en novembre…

Ultra Vomit/Princesses Leya… on n’est pas du tout sur le même registre d’humour.

Antoine : Quand on a commencé, c’est là où on peut un peu se prendre la tête, on cherche des sujets. Il y a beaucoup de choises qui ont déjà été explorées dans le scato , les gros nichons et compagnie. On s’est demandé si cet humour-là viellii bien, on n’est plus tellement adolescents même si jeunes dans la tête. On veut réussir à faire un mix de paroles qui parlent de faits de société mais de manière légère. On essaie de ne pas trop aller vers un humour qui est déjà très bien fait par d’autres personnes.

Comment travaillez-vous ces sujets ? Est-ce que chacun arrive avec une idée de thème à aborder ? On pense à l’analphabétisme, mais aussi à la misère sexuelle dans Baise tout seul…

Antoine : On n’en débat pas… Ça vient tout seul, même si, naturellement, ça nous est déjà arrivé de travailler des chansons qui ne rentre pas avec le reste…

Qu’est-ce qui fait que ça va passer ? C’est d’abord votre ressenti ?

Cléo : Ça joue aussi, oui…

Antoine : C’est d’abord les compos. Ce n’est pas tant les thèmes que ce qu’on en fait. Quand on arrive avec des thèmes, on développe les paroles, parce qu’on a tel scénario. Entre la V1 et la version qu’on a enregistrée, il y a un grand écart.

Dans votre type de délire, il y a aussi la scène. Y at-t-il des morceaux que vous avez retirés parce que, contrairement à ce que vous imaginiez, ils ne fonctionnent pas si bien que ça ? Le public n’est pas aussi réceptif.

Dédo : On a essayé de voir quelle serait notre setlist préférée, et on a articulé le spectacle autour de ça. Mais je ne pense pas qu’il y ait un morceau spécifique qui ne passe pas…

Antoine : Il y a ce nouvel album, donc il faut quand même faire un mix entre les deux albums : il y a un bon nombre de nouveau titres, mais il a fallu nous demander ce qu’on gardait de l’ancien album. On sait que ces trois chansons là fonctionnent très bien, donc on les garde… Maintenant, avec le nouveau spectacle, on est beaucoup plus proche du concert que d’un spectacle musical, et on prend ce tournant de mettre la musique plus en avant que le théâtre. C’est plus une question de rythme : un spectacle doit avoir des moments d’émotion, ça part fort, il y a des moments de pause, ça repart…

Dédo : Trouver une homogénéité dans la setlist. Il faut faire en sorte d’équilibrer les moments calmes et ceux qui bourinent un peu plus.

Y-a-t-il des thèmes qui n’ont pas leur place dans Princesses Leya ?

Antoine : Non… Comme je le disais, la blague pour la blague, empiler des blagues et des jeux de mots, ce n’est pas ce qui nous intéresse. On aime bien l’idée d’un concept. S’il y a un troisième album, il faut qu’il y ait une histoire derrière.

Dédo : Le but, ce n’est pas d’être moralisateurs. Si on arrive à avoir un second degré de lecture, on est très contents. Il y a des gens qui choperont le truc, d’autres, pas du tout.

Xavier : Ca se trouve, le troisième album sera totalement absurde, il parlera des fourmis ou d’autre chose…

Ah ! Ca plaira à Bernard Werber !

Xavier : Il y aura toujours des gens pour voir quelque chose.

Antoine : C’est ce qui est rassurant : même si dans une chanson on n’avait rien à dire, il y aura quelqu’un pour nous demander : « mais qu’avez-vous voulu dire ? »

Quelle pourrait être la devise de Princesses Leya aujourd’hui ?

Antoine : Oh, la devise… (désigannt Xavier) C’est lui le spécialiste des devises…

Xavier : Ben… moi, j’aurai dis que c’est l’euro. La devise avec laquelle on nous paye…

Antoine : Je vais laisser les intellectuels y réfléchir…

Dédo : J’ai pas de devise… J’en ai jamais eue…

Xavier : Quel mytho…

Dédo : Ah, bon ? C’est quoi ?

Xavier : « Si c’est noir, c’est beau »

Dédo : Ah bon ? C’est le proc non ?

En même temps, Xavier est habillé tout en noir…

Cléo : Parce qu’il est fan de Dédo… (rires) Mais c’est vrai : pourquoi on n’a pas de devise ?

Antoine : Parce qu’on n’est pas un pays, on n’est pas un hymne, on n’est pas un sport…

Mais vous êtes un groupe ! Alors, avant de monter sur scène, est-ce que vous avez un rituel entre vous ?

(un joyeux bordel de quelques seconde où tous parlent en même temps)

Antoine : Attends : si tu veux de la résilience, fais un groupe de metal !

Développe…

Cléo : Ouh, là ! Mais nous on sait !

Dédo : Moi, je traie une vache avant chaque concert.

On va aller en chercher une dans le champ d’à côté…

Dédo : Mais c’est prévu…

Xavier : Moi j’enquille et je fais du fromage. Un fromage à pâte dure. On ouvre la fromagerie dans pas longtemps…

Cléo : Ben moi, j’aime bien le fromage…

J’aurai pas dû poser cette question…

Xavier : Vite trayé, vite affiné…

Souhaitez-vous rajouter quelque chose pour terminer ?

Antoine : Pardon ?

Je reprends : do you want to add something before we end the interview?

Antoine: Oh, you mean “a last word”? (Avec l’accent canadien) Je voudrais parler au public français de Rebrechien… Extraordinaire…

Cléo : Amazing…

Dédo : We love Rebrechien… We deeply love « Reb the dog »…

Vous avez visité un peu Rebréchien ?

Antoine : Oui, on a fait le tour. J’ai fait 20 mètres ! Un dernier mot ? Vive le steak à Kidiland (rire général) !