Interview: SIDILARSEN

Interview SIDILARSEN. Entretien avec Benjamin « Vyber » (guitare, chant) et David  « Didou » (chant) Propos recueillis à l’hôtel Alba Opéra à Paris, le 10 avril 2019

Metal-Eyes : Commençons par un saut en arrière puisque vous avez rencontré un franc succès avec votre précédent album, Dancefloor bastards, cycle qui s’est conclu par un album/DVD live qui a été enregistré chez vous, au Bikini de Toulouse. Quel regard portez-vous sur ces trois dernières années ?

Didou: Des années très riches…

Metal-Eyes : Elles vous ont vus voyager, aller en Russie, notamment.

Vyber: Elles nous ont permis de franchir des étapes importantes : le Hellfest, le DVD, comme tu disais qui célèbre nos 20 ans de carrière, et aussi la Russie, avec la découverte de la portée musicale… Une émotion particulière…

Metal-Eyes : Tu parles de « portée musicale » ; vous l’avez vécu comment ce voyage ?

Vyber: Il y avait vraiment un accueil chaleureux, extrêmement franc et direct, alors qu’on se demandait comment on allait être perçus parce qu’on chante en français… Et en fait ça a largement dépassé les barrières, c’était très fraternel avec le public.

Metal-Eyes : Comme quoi, un groupe français qui chante en français peut rencontrer le public à l’étranger… Je crois qu’il y a des Allemands qui l’ont prouvé dans leur langue mais je ne sais plus trop qui…

Didou: On se base beaucoup sur cet exemple…

Metal-Eyes : C’est aussi, je pense, une question de se donner les moyens, de prendre des risques (ils acquiescent tous les deux) plutôt que de se cantonner à jouer le week end, avec des boulots à côté parce qu’il faut aussi se nourrir. Vous allez y retourner ?

Didou: On espère, c’est même probable… C’est une belle histoire.

Metal-Eyes : Venons en au présent : On va tous crever – enfin, ça c’est l’avenir, c’est une évidence… Que s’est-il passé ? Vous êtes passés d’une certaine joie de vivre avec Dancefloor bastards à un côté beaucoup plus sombre et brutal sur ce nouvel album…

Vyber: En fait, il y avait déjà du sombre sur Dancefloor, et on avait envie d’exploiter cet aspect là. L’époque nous y a amenés, et c’est aussi ce qu’on sent autour de nous, la réflexion mondiale tourne autour de ça et on a été influencés par tout ça, c’est ce qu’on ressent. Et on avait aussi envie d’une couleur plus metal. Je pense, je suis sûr même que ça correspond à ce que dégageait notre live dans la sélection des morceaux. Il se dégage une vraie couleur metal et on avait envie d’enfoncer le clou là-dessus. Rebondir, donner de l’excitation dans un nouveau Sidi… On a bientôt 22 ans… Par le jeu, aussi, il y a plus de guitare basse batterie, un son plus massif te sombre. C’est aussi parce que le reste, on l’a déjà fait. Ca n’efface rien.

Didou: Et ça ne renie rien du tout, non plus. C’est un besoin actuel pour nous. Il y avait déjà cette face sombre dans un titre comme Guerres à vendre. Là, on avait envie d’aller dans une seule direction, un concept – enfin, concept… C’est un bien grand mot… Et une production homogène, droit au but. On voulait moins s’éparpiller. Une envie qu’on avait depuis un moment de faire un album compact… Après, c’est aussi nos vies personnelles, la confrontation avec la mort… On revient aux fondamentaux : on fait du metal et on se confronte à la mort.

Metal-Eyes : Ca répond en partie à ma question suivante qui est de savoir comment vous analysez l’évolution du groupe entre ces deux derniers albums. Vous retournez vers le metal avec des sujets sombres, même si vous avez toujours été engagés dans vos textes (ils approuvent) et que la situation du monde fait que ça entretien votre colère…

Vyber (il rit) : c’est ça…

Didou: On n’y est pour rien

Vyber: Ca ne l’a pas calmée… On voudrait bien être très apaisés, mais pour le coup, ça nous arrange, ça colle avec nos volontés musicales. Il y a de quoi être enragés, mettre de grosses guitares acvec de la colère véritable et sincère…

Metal-Eyes : Vous chantez tous les deux ; comment vous répartissez-vous le chant ?

Vyber: Complètement à l’arrache ! (rires)

Didou: C’est vrai, on le fait à l’arrache mais en fait, c’est une science, c’est notre propre science…

Vyber: C’est vraiment une alchimie particulière qui est devenue instinctive au fil du temps…

Didou: On se connait bien tous les deux, c’est assez naturel. Ca peut paraitre étonnant pour certaines personnes parce qu’on est deux à écrire. Mais il n’y a pas d’importance réelle de savoir qui a écrit quoi, parce qu’on s’aime, on s’apprécie suffisamment pour se donner ce beau cadeau qu’est la création, l’écriture. Qu’elle soit chantée par l’un où l’autre ne nous pose aucun problème. C’est même très intéressant d’interpréter un texte qui n’est pas le sien. Il n’y a pas de logique…

Vyber: A de rares exceptions près… Il y a un morceau qui s’appelle Dans tes bras qui a été écrit par David et qui est tellement personnel que ça n’aurait pas de sens que je chante.

Didou: J’en ai parlé avec Benjamin qui a entendu ma requête. C’est arrivé dans le passé qu’il y ait des choses un peu plus personnelles. Il y a eu un titre où je suis venu saupoudrer parce que je n’ai pas d’instrument, autre que vocal. J’étais juste là en appoint, et c’était une chanson très forte de Sidi. Ca pourra arriver dans un sens comme dans l’autre à l’avenir, mais ce n’est pas la priorité. La priorité , c’est un collectif, un ensemble, mais c’est important aussi d’avoir cette liberté, cet espace de liberté pour mettre un peu de piment et varier les plaisirs. Parce que si nous prenons du plaisir, a priori l’auditeur en aura aussi.Après c’est aussi l’insiration, on ne se force pas, il n’y a pas de règle. Ca s’est fait comme ça pour Dans tes bras, mais le reste de l’album est clairement marqué par cette entité Vyber/Didou qui est notre empreinte. Moi, j’adore ça, ça me rend plus fort d’avoir quelqu’un à qui donner le change. Tu peux soulever des montagnes comme ça.

Metal-Eyes : D’un autre côté, ça vous ôte la problématique de la question : « avec qui je vais chanter en duo ce soir » ! (Rires général)

Didou: Voilà ! Il y a un filtre permanent et ça donne beaucoup de force d’être deux. C’est puissant. C’est peut être parfois plus compliqué dans la compo parce qu’il faut créer des espaces, trouver une cohérence pour que ce soit agréable à l’écoute et pas « il a fallu caser le passage Didou, le passage Vyber »…

Metal-Eyes : Tu parles de compo ; vous avez eu deux années très occupées après Dancefloor bastards, ce qui signifie que ce nouvel album a été enregistré et composé assez vite. Est-ce que vous avez changé votre méthodologie de travail ?

Vyber: C’est pas vraiment la méthode entière, c’est surtout pour l’enregistrement où on avait une idée précise en tête. C’était vraiment un son de guitare, un son de batterie, on ne voulait pas partir dans tous les sens. Comme le disait David, on voulait quelque chose de compact. On a profité aussi du fait que Sylvain soit arrivé pour s’écouter jouer, jouer ensemble, mettre en perspective nos manières de faire. Trouver la juste place de chaque instrument, même des machines. La basse est beaucoup moins saturée que ce qu’on a pu faire dans le passé, ça s’approche plus d’un son naturel pour du metal, la batterie aussi prend plus de place… Faire un mixage complet pour créer de la largeur et de la puissance.

Didou: On voulait que Sylvain puisse s’exprimer dans la compo, qu’il puisse mettre sa patte dans le cadre Sidilarsen avec tout le passif qui est lourd, puissant mais ça faisait aussi écho à nos envies. Sa façon d’écrire, ajoutée à la notre, a amené un petit vent frais qui correspondait à nos envies.

Vyber: Et pour la première fois, avec la sortir du DVD qui nous permet de nous arrêter et de regarder où on en est, on a pu se dire collectivement « voilà ce qu’on a fait : tel style, telles ambiances… On a déjà fait, faisons autre chose »

Metal-Eyes : « On n’est pas AC/DC »

Vyber: C’est ça.

Metal-Eyes : Que me diriez vous, l’un et l’autre, pour me convaincre d’aller acheter l’album dès sa sortie ?

Didou: Le problème, c’est que le 26 avril, on va tous crever… Donc il vaut mieux l’écouter très vite…

Vyber: (il rit) c’est ça… Après, je pense que ça va en surprendre quelques uns et ceux qui se sont endormis sur Sidi pensant que ça ne bougerait jamais, ben… Vous allez prendre une gifle ! Positive, la gifle. Ceux qui aiment ne seront pas choqués.

Metal-Eyes : Non, parce que depuis quelques albums il y a eut une évolution et, comme vous le disiez, vous retournez vers le metal, vers vos racines. Maintenant, si vous ne deviez, l’un et l’autre, ne retenir qu’un seul titre de On va tous crever pour expliquer ce qu’est aujourd’hui Sidilarsen, ce serait lequel, et pour quelle raison ?

Didou: Ah c’est chaud… Pour moi c’est chaud parce que j’ai toujours du mal à choisir un titre… Elle est vache comme question…

Vyber: J’aurais dit On va tous crever parce que c’est le titre éponyme, mais… Oui, il y a ces grosses rythmique très binaires dans le couplet mais ce n’est pas très dépaysant pour du Sidi, mais du gros refrain avec de la voix…

Didou: Assez frontal le refrain, et il est 100% français celui-là, il nous ressemble bien.

Vyber: Du bon gros metal français…

Metal-Eyes : Alors puisque vous parlez de metal français : vous n’êtes pas sans savoir que la Main 2 du Hellfest, le vendredi, sera 100% française

Les deux: Ouais, c’est chouette !

Metal-Eyes : Vous aviez posé votre candidature ?

Didou: Non, parce qu’on n’a pas cherché à arriver tout de suite sur un Hellfest alors qu’on l’a fait il y a deux ans

Metal-Eyes : Pourtant, il est marquant, ce Hellfest…

Didou: Oui, pourtout, il y a eut un avant et un après Hellfest 2017 pour Sidi. Avec ce public, ça a été énorme, fabuleux. Maintenant, deux ans après, en pleine sortie d’album, c’était un peu trop tôt pour revenir. On a tellement tourné sur Danceflor bastards qu’on a besoin de laisser vivre cet album et le premier clip, sachant qu’il va y en avoir un second, on laisse infusé. L’idée, c’est de revenir sur un Hellfest en 2020, on aura déjà bien commencé à écumer les clubs, les salles et les festivals, on sera bien en forme, et là, on voudra mettre une bonne rouste, ou comme on dit à Toulouse, « une bonne roustade »…

Metal-Eyes : En plus, ce serait pour le 15ème anniversaire, ce qui est un autre symbole…

Vyber: Ben voilà ! en plus !

Metal-Eyes : Tu dis qu’il y a un avant et un après Hellfest… Quel est votre souvenir le plus prégnant de ce Hellfest justement ?

Didou: Pour moi, le fait de jouer en plein jour. Peu de groupes le disent, mais le monde, ces visages… J’aime bien l’exercice du plein jour parce qu’on a un show très visuel et on est habitués à jouer la nuit, dans des salles fermées, ou dans des festivals la nuit…Il est très rare qu’on joue en journée et c’est un exercice différent, très intéressant parce qu’il n’y a plus aucun filtre. Là, en plus, c’est complètement démesuré, tu pourrais te dire qu’on est loin du public, que c’est impalpable, mais au contraire : c’est une confrontation directe, en plein jour, et c’est… énorme !

Metal-Eyes : Vous étiez passés assez tôt, avec un temps de jeu limité…

Vyber: Oui, ça permet de te lâcher dès le départ

Didou: T’as pas le temps de passer par 4 chemins, il faut y aller tout de suite… Mais le public nous y  a particulièrement aidés, les gars étaient chauds, directs…

Vyber: Le public nous a transportés… Incroyable…

Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise de Sidilasrsen en 2019 ?

Didou: Elle est évidente : On va tous crever… (rire général)

Metal-Eyes : Donc on va pouvoir la placer sans cesse… Ca veut dire qu’il n’y aura pas d’autre album de Sidilarsen…

Didou: « L’ardeur du vivant »… On en a traversé des tempêtes, ensemble. Et à chaque fois, l’humain l’a emporté.

Vyber: On profite du présent. On se dit que maintenant, le temps passe, il serait temps de profiter de tout, pas seulement des aboutissements des projets, mais aussi profiter de la route, tout le temps

Metal-Eyes : Profiter de tout, ça veut dire aussi pouvoir profiter d’une journée promo à Paris pour aller visiter, mais non… Ça fait deux jours que vous êtes coincés ici … (ils explosent de rire)

Vyber: On profite des gens…

Didou: On profite de cet instant avec toi, et c’est bien. On est bien là et pas à moitié sur des smartphones…

Metal-Eyes : Vous avez encore une interview après, mais jusqu’à présent, quelle est la meilleure question qu’on vous ait posée, la plus étonnante, ou la plus surprenante, décalée ?

Vyber: Waow…

Didou: Il y en a eut quelques unes d’intéressantes… C’est peut-être celle que tu viens de poser…

Metal-Eyes : Ça c’est facile…

Didou: Oui, c’est facile… Alors… Il y a eu des débats intéressants, plus que des questions. Des débats où on est même sortis du cadre musical, on est partis assez loin…

Vyber: Les questions étaient « assez classiques », les gens ont cherché à vraiment parler de l’album…

Didou: On a trouvé qu’il y avait une belle qualité d’interviews par rapport à ce dont on se souvient pour les albums précédents. Il y a eu une constance, parfois il y a, sans jugements, sans se poser en juges, des interviews qualitatives, d’autres un peu moins, mais c’était aassez profond tout au long de ces deux journées. On ne s’attendait ps à ce que les médias prennent autant au sérieux cet album et son titre. On savait qu’il y aurait un peu de ricanement avec ce titre, et on provoque un peu. Mais chaque intervenant a bien saisi le sens et ne la pas pris comme si on était juste un groupe de punks anars. Peut-êttre que la pochette y est aussi pour beaucoup…

Vyber: Ca reste un objet artistique, ce n’est pas un manifeste politique. Il y a effectivement cette dimension d’entertainment, et quand tu achète un album de metal, c’est pour du gros son avant tout.

Didou: Il ya effectivement cette dimension de plaisir, et dans un second temps, chacun va creuser…

Metal-Eyes : Creuser, avec un « s » (rires général)

Vyber: Oui, en effet, dans un second temps on va tous crever… euh creuser !

Metal-Eyes : Merci à tout les deux, j’espère qu’on vous verra bientôt sur scène, et bonne route avec ce nouvel album !

Didou: Alors, déjà: une date, le 23 novembre, à la Maroquinerie. Il y en aura plein d’autre bientôt annoncées. Merci à toi !